Un coup monté de l’intérieur

Un coup monté de l’intérieur

novembre 29, 2019

29 novembre 2019

Enquête sur des questions relatives à l’embauche du directeur général et à l’administration de son contrat par la Municipalité régionale de Niagara

Enquête sur des questions relatives à l’embauche du directeur général et à l’administration de son contrat par la Municipalité régionale de Niagara

« Un coup monté de l’intérieur »

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

novembre 2019

 

 

Bureau de l'Ombudsman de l'Ontario

Nous sommes

Un bureau indépendant de l'Assemblée législative qui examine et règle les plaintes du public à propos des services fournis par les organismes du secteur public de l'Ontario. Ces organismes comprennent les ministères, les agences, les conseils, les commissions, les sociétés et les tribunaux du gouvernement provincial, ainsi que les municipalitiés, les universités, les conseils scolaires, les services de la protection de l'enfance et les services en français. L'Ombudsman recommande des solutions aux problèmes administratifs individuels et systémiques.
 

Nos valeurs

Traitement équitable
Administration responsable
Indépendence, impartialité
Résultats : accomplir de réels changements
 

Notre mission

Nous nous efforçons de jouer le rôle d’un agent de changement positif, en favorisant l’équité, la responsabilisation et la transparence du secteur public, et en promouvant le respect des droits aux services en français ainsi que des droits des enfants et des jeunes.
 

Notre vision

Un secteur public oeuvrant au service des citoyens, dans l’équité, la responsabilisation, la transparence et le respect des droits.
 

Contributeur(trice)s

Directeur, Équipe d'intervention spéciale de l'Ombudsman

  • Gareth Jones

Avocate principale

  • Joanna Bull

Enquêteur principal

  • Chris McCague

Enquêteur(euse)s

  • Yvonne Heggie
  • Patrick Martin

Agent de règlement préventif

  • Juan Miguel de Villa

Avocate générale

  • Laura Pettigrew

Avocat(e)s

  • Robin Bates
  • Cameron McKeich

Table des matières


 

Résumé analytique

1    Dans le secteur municipal, les directeurs généraux jouent un rôle clé de leadership. Ils sont à la tête de l’administration municipale et font la liaison entre le personnel et le conseil élu.

2    À la fin d’octobre 2016, la Municipalité régionale de Niagara a engagé un nouveau directeur général (DG) après un processus de recrutement de six mois. Presque 18 mois plus tard, un journal local a publié des allégations selon lesquelles le DG aurait indûment reçu des renseignements confidentiels sur le processus d’embauche durant le concours de recrutement. Les allégations laissaient entendre que le personnel du bureau du président régional avait divulgué les noms et les détails biographiques d’autres candidats à la personne qui a été sélectionnée par la suite comme DG, lui donnant ainsi un avantage injuste. Ces allégations ont miné la confiance du public dans l’intégrité et la transparence de l’administration de la région.

3    Le conseil a réagi rapidement à la situation et a nommé un ombudsman municipal chargé d’examiner la question. Dans son rapport de juillet 2018, cet ombudsman a conclu qu’aucun renseignement confidentiel n’avait été divulgué au DG avant son embauche. Cependant, cette enquête n’a pas permis de dissiper les doutes. Certains, incluant des médias locaux, ont remis en question la suffisance de l’enquête de l’ombudsman municipal.

4    Le rapport de l’ombudsman municipal ayant été rendu public, un journal local a rapporté que le futur DG avait non seulement reçu des renseignements sur les autres candidats avant d’être embauché, mais que des questions et des suggestions de réponses lui avaient été communiquées indûment pour se préparer aux entrevues. Le conseil a ordonné alors au personnel de faire des recherches dans les serveurs informatiques de la municipalité régionale pour détecter des preuves de fuites, et de demander accès aux serveurs de l’office local de protection de la nature, ancien employeur du DG. Des vérificateurs externes de la gouvernance ont été nommés pour superviser ce processus.

5    Lors de la réunion à laquelle les vérificateurs ont été nommés, le conseil a appris que le contrat du DG avait été prolongé de trois ans, sans que le conseil en ait été informé, sans aucun avis juridique et sans consultation de personnel professionnel. De plus, le contrat avait été modifié afin d’inclure des conditions exceptionnellement favorables pour le DG, dont une disposition prévoyant un préavis de 36 mois en cas de licenciement – même avec motif valable.

6    Quand les vérificateurs ont fait rapport au conseil à la fin d’août 2018, ils ont expliqué qu’ils n’avaient pas les connaissances spécialisées requises pour évaluer le logiciel ou la méthodologie utilisés par le personnel lors des recherches, et qu’ils n’étaient pas en mesure de faire des recherches dans les serveurs appartenant à l’ancien employeur du DG sans l’approbation de cet employeur. Le conseil a enjoint aux vérificateurs de cesser leur examen et m’a demandé d’enquêter sur les circonstances qui avaient entouré l’embauche du DG.

7    Mon Bureau a aussi reçu 113 plaintes de citoyens me demandant instamment d’examiner les problèmes liés à l’embauche du DG, la prolongation de son contrat et l’efficacité des enquêtes menées au nom de la région. J’ai ouvert une enquête sur toutes ces questions.

8    Mon enquête a confirmé que, durant le processus d’embauche de 2016, le personnel du bureau du président régional avait partagé des renseignements confidentiels avec le candidat qui est devenu le DG, notamment des questions pour les entrevues, des suggestions de réponses à un exercice écrit et des données biographiques sur les autres candidats. Nous avons découvert des preuves que les documents en question avaient été sauvegardés sur l’ordinateur de ce candidat, à l’office de protection de la nature.

9    Certains des témoins que nous avons interviewés ont laissé entendre que des preuves numériques auraient pu être falsifiées, fabriquées ou dissimulées insidieusement. Pour évaluer la fiabilité des preuves que nous avons recueillies, j’ai retenu les services d’experts en criminalistique informatique et je leur ai demandé d’examiner les fichiers. Ceux-ci ont recueilli des preuves numériques à leur source et les ont évaluées à l’aide de technologies d’appariement des données de hachage [1]. Les experts en criminalistique informatique n’ont trouvé aucune preuve de piratage ou de dissimulation des fichiers et ils ont été raisonnablement confiants de conclure qu’il n’y avait pas eu d’altération des preuves numériques dans ce cas.

10    En octobre 2018, alors que mon enquête était en cours, des élections municipales ont eu lieu partout en Ontario. Les résultats des élections ont entraîné des changements majeurs au Conseil régional de Niagara, car la majorité de ses membres, dont le président régional, ont quitté le conseil ou n’ont pas été réélus. Peu après, le DG et deux autres membres du personnel qui avaient participé à son embauche ont quitté leur poste à la municipalité régionale. En janvier 2019, les médias ont rapporté que le nouveau Conseil régional avait adopté une résolution confidentielle annulant le contrat du DG. La question de la prolongation du contrat du DG, et celle de son départ, sont actuellement devant les tribunaux. Par conséquent, je n’ai formulé aucune conclusion quant à la validité du contrat du DG, et j’ai restreint mon examen aux pratiques exemplaires en matière de contrats.

11    Bien que la municipalité régionale se soit efforcée de retenir les services d’examinateurs externes pour faire la lumière sur la situation, son approche comportait plusieurs lacunes. La municipalité n’a pas parlé d’avance aux vérificateurs et elle n’a pris aucune mesure pour déterminer si le travail à accomplir relevait de leurs connaissances ou de leurs compétences, ce qui n’était pas le cas. Mon enquête a aussi révélé que le conseil avait donné très peu de directives à l’ombudsman municipal sur la portée de son mandat ou sur les attentes du conseil quant au processus d’enquête. Nous avons relevé plusieurs problèmes dans l’approche suivie par l’ombudsman, notamment le fait qu’il avait négligé des pistes d’enquête pertinentes et n’avait pas respecté les exigences de la Loi sur les municipalités.

12    Le processus d’embauche du DG de la Municipalité régionale de Niagara, en 2016, était un coup monté de l’intérieur, entaché par la divulgation inappropriée de renseignements confidentiels à un candidat – candidat qui a finalement réussi à être sélectionné et qui est devenu l’administrateur le plus haut placé de la région. Des actes individuels ont mené à certains des faits répréhensibles que j’ai découverts durant mon enquête, mais il n’est pas de mon rôle, à titre d’Ombudsman, de sanctionner des individus pour leurs méfaits. En revanche, je me suis concentré sur les mesures d’action prises par la municipalité régionale pour mener son processus d’embauche, puis pour faire réexaminer ce processus indépendamment quand son intégrité a été remise en question.
 
13    J’ai conclu que les mesures d’action prises par la municipalité régionale pour mener son processus d’embauche du DG étaient déraisonnables, injustes et abusives, conformément aux alinéas 21 b) et 21 d) de la Loi sur l’ombudsman. J’ai aussi déterminé que ses mesures d’action concernant la prolongation du contrat du DG et les examens effectués par l’ombudsman municipal et les vérificateurs externes de la gouvernance étaient déraisonnables, conformément à l’alinéa 21 b) de la Loi.
 
14    J’ai fait des recommandations visant à garantir l’intégrité et la confidentialité du processus d’embauche d’un directeur général par la municipalité régionale, à encourager le comportement éthique du personnel régional, à instaurer un processus transparent de gestion du rendement du DG, de prolongation et de modification du contrat de DG, et à créer une procédure fondée sur les pratiques exemplaires pour les enquêteurs locaux.

15    J’espère qu’en appliquant mes recommandations, la municipalité régionale regagnera en partie la confiance du public qu’elle a perdue durant le processus d’embauche du DG, et que ses pratiques et ses politiques se traduiront à l’avenir par plus de responsabilisation, de transparence, d’intégrité et d’équité dans la gouvernance locale.

 

Plaintes

16    Le 6 avril 2018, le St. Catharines Standard a publié un article alléguant des irrégularités dans le processus d’embauche du directeur général (DG) de la Municipalité régionale de Niagara. L’article laissait notamment entendre que des renseignements confidentiels avaient été divulgués au candidat sélectionné pour le poste, avant son embauche. Dans les heures qui ont suivi la parution de cet article, mon Bureau a commencé à recevoir des plaintes du public. En une semaine, plus de 20 personnes m’ont demandé d’enquêter sur le processus d’embauche du DG en 2016.

17    Mon Bureau d’Ombudsman est destiné à servir de lieu de dernier recours. Dans toute la mesure du possible, les problèmes sont mieux traités et réglés au niveau local. J’encourage toutes les municipalités à adopter des processus officiels de plaintes et à nommer des agents locaux de responsabilisation, notamment un ombudsman municipal, pour traiter les plaintes. En général, je n’examine une plainte que si le problème n’a pas été réglé dans le cadre des processus locaux.

18    Dans ce cas, la Municipalité régionale de Niagara a réagi rapidement aux allégations soulevées dans les médias. Lors d’une réunion le 12 avril 2018, le Conseil régional a nommé un ombudsman municipal chargé d’enquêter sur le processus d’embauche du DG en 2016 [2]. Le conseil a enjoint à l’ombudsman municipal de lui faire rapport au plus tard à la fin de juin 2018.

19    L’ombudsman ainsi nommé a présenté son rapport au conseil le 5 juillet 2018. Il n’a constaté aucune irrégularité dans le processus d’embauche et n’a découvert aucune preuve de divulgation de renseignements confidentiels à un candidat [3]. Le conseil a voté afin d’accepter les conclusions de l’ombudsman, a présenté des excuses au DG et a déclaré que l’affaire était close [4].

20    Le 26 juillet 2018, le journal a signalé de nouvelles allégations sur le processus d’embauche, selon lesquelles des renseignements supplémentaires auraient été divulgués au candidat sélectionné pour le poste de DG, avant son embauche. Cet article mentionnait des documents précis qui avaient fait l’objet de fuites, selon lui. Au cours des trois jours suivants, mon Bureau a reçu huit autres plaintes concernant ce cas.

21    De nouveau, la municipalité régionale a réagi rapidement aux allégations. Ce jour-là, le conseil a enjoint au personnel de faire des recherches dans les serveurs informatiques de la municipalité pour trouver les documents mentionnés par les médias. Le conseil a aussi demandé au personnel de travailler de concert avec l’employeur précédent du DG, l’Office de protection de la nature de la péninsule du Niagara, pour rechercher les documents en question. De plus, le conseil avait déjà demandé à une tierce partie d’entreprendre une vérification de la gouvernance de la région, et il a enjoint aux vérificateurs externes de la gouvernance de superviser les efforts de recherches du personnel.

22    Le 10 août, les médias ont rapporté de nouvelles allégations selon lesquelles le contrat du DG aurait été prolongé de trois ans à cinq ans, sans que le conseil n’en ait connaissance ou n’ait donné son approbation.

23    Le 23 août, les vérificateurs ont présenté un rapport d’étape au conseil, indiquant que les recherches n’avaient fourni aucune preuve de divulgation des documents décrits dans les médias au DG, avant son embauche. Les vérificateurs ont expliqué qu’ils n’avaient pas les connaissances expertes nécessaires pour évaluer les techniques utilisées par le personnel pour rechercher des preuves numériques, et ils ont souligné d’autres limites à l’efficacité de leur examen.

24    À la lumière du rapport d’étape des vérificateurs, le conseil a adopté une motion à sa réunion du 23 août pour demander à mon Bureau d’entreprendre une enquête complète sur toutes les questions concernant l’embauche du directeur général. Le conseil a enjoint au président, au bureau du président et au DG de coopérer pleinement avec mon Bureau et il a demandé à la greffière, indépendamment du DG, de coordonner cette coopération et de faciliter mon enquête.

25    Le 30 août 2018, j’avais reçu 113 plaintes sur le processus d’embauche du DG de la municipalité régionale, la présumée prolongation non autorisée de son contrat et les efforts faits par la municipalité pour régler ces problèmes. Ce jour-là, j’ai avisé la Municipalité régionale de Niagara de mon intention d’enquêter sur trois questions :

  • processus suivi par elle dans l’embauche de son DG;

  • administration du contrat du DG, incluant toute prolongation et modification;

  • réponse apportée par la municipalité régionale aux préoccupations soulevées quant à l’embauche du DG, incluant l’enquête de l’ombudsman municipal et l’examen des vérificateurs externes de la gouvernance.

26    À la suite de l’annonce de mon enquête, j’ai reçu 58 autres plaintes, portant le nombre total des plaintes à 171.

 

Processus d’enquête

27    L’Ombudsman de l’Ontario est en droit d’examiner les plaintes sur le gouvernement provincial, et d’enquêter à leur sujet, depuis le 30 octobre 1975. À compter du 1er janvier 2016, son mandat a été élargi pour inclure les entités du secteur municipal, incluant la Municipalité régionale de Niagara.

28    Mon enquête a été menée par trois enquêteurs (incluant des membres de mon Équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman), un agent de règlement préventif et des membres de mes Services juridiques. Les enquêteurs ont obtenu et examiné des milliers de documents sur papier et numériques de la région, dont la documentation pertinente des réunions, des politiques et des courriels. L’Office de protection de la nature de la péninsule du Niagara a aussi coopéré à mon enquête, nous ouvrant l’accès à des documents, à des membres de son personnel et de sa direction.   

29    Mon équipe a effectué 46 entrevues, dont beaucoup ont été faites en personne et sous serment. Généralement, je n’ai nul besoin de mener des entrevues sous serment, mais la Loi sur l’ombudsman m’y autorise. Dans ce cas, j’ai décidé que faire certaines des entrevues sous serment garantirait l’intégrité de mon enquête et soulignerait l’importance que les témoins donnent des renseignements complets et francs à mon Bureau.

 

Identification des personnes dans ce rapport

30    Mon Bureau n’a pas pour habitude de nommer les personnes évoquées dans mes rapports, qu’il s’agisse de plaignants dont la confidentialité doit être protégée (leur identité est alors rendue anonyme), de fonctionnaires ou d’autres responsables dont les actes sont soumis à mes enquêtes. En effet, nous nous concentrons sur la conduite administrative et notre objectif n’est jamais de « nommer, blâmer et humilier » certaines personnes en particulier. Même si certains responsables sont très connus dans leur communauté, nous les identifions généralement par le titre de leur poste, par exemple le président régional ou la greffière régionale.

31    Dans ce cas, le personnage central est l’homme qui est devenu DG de la Municipalité régionale de Niagara en novembre 2016 : Carmen D’Angelo. Ce rapport fait référence à lui avant, pendant et après l’époque où il a occupé ce poste. Par souci de clarté, ce rapport fait donc mention de lui par son nom, tout au long du texte.

32    Le rapport fait mention de toutes les autres personnes par le titre de leur poste. Bien que plusieurs d’entre elles aient quitté leur poste avant la parution de ce rapport (dont le président régional, son directeur de politiques, son directeur des communications et certains membres du conseil), il faut comprendre que les titres de postes font référence aux personnes qui occupaient ces postes à l’époque sur laquelle porte notre enquête.

 

Témoins et coopération

33    Le personnel et les dirigeants de la municipalité régionale ont coopéré à mon enquête en nous fournissant les documents requis et en participant aux entrevues. Nous avons obtenu une excellente collaboration du personnel en réponse à nos demandes de documentation.

34    Nous avons aussi bénéficié d’une bonne coopération de l’Office de protection de la nature de la péninsule du Niagara, qui n’était pas visé par cette enquête. Une société tierce gère les services informatiques de l’Office de protection de la nature, notamment ses serveurs. En août 2018, le directeur général de cet Office de protection de la nature a enjoint à la société de coopérer avec mon équipe et de lui donner accès aux renseignements pertinents durant l’enquête. En janvier 2019, cette société nous a informés que le personnel de l’Office de protection de la nature lui avait ordonné de ne pas communiquer directement avec notre Bureau. Nous avons alors parlé au président du conseil d’administration de l’Office de protection de la nature, après quoi le personnel a précisé que notre Bureau continuerait d’avoir accès aux renseignements de l’Office de protection de la nature, dans la mesure où nos demandes seraient faites par l’entremise du personnel. L’Office de protection de la nature a continué de fournir les documents et les renseignements demandés, notamment en nous donnant directement accès à ses serveurs, et notre accès n’a jamais été entravé.

 

Portée de l’enquête

35    La portée de mon enquête s’est limitée aux trois questions indiquées dans l’avis que j’ai envoyé à la municipalité régionale le 30 août 2018. Tout au long de mon enquête, certains témoins ont laissé entendre que je ne devrais pas limiter mon examen au processus d’embauche du DG, mais que je devrais enquêter sur d’autres allégations de fuites de renseignements confidentiels au sein de la municipalité, y compris des fuites aux médias. M. D’Angelo en personne a demandé à plusieurs reprises que j’enquête sur les allégations de fuites [5].

36    Mon enquête s’est concentrée sur le processus d’embauche du DG en 2016, sur la prolongation de contrat du DG et sur les examens faits au sujet du processus par des tierces parties, à savoir l’ombudsman municipal et les vérificateurs externes de la gouvernance. Mon Bureau n’excuse aucunement les fuites de renseignements confidentiels, mais ces allégations sortaient du cadre de mon enquête. Comme je l’ai expliqué aux personnes qui ont soulevé cette question, les préoccupations sur les fuites de renseignements confidentiels peuvent être signalées dans une plainte à la municipalité régionale. Si les allégations visent un membre du Conseil régional ou d’un conseil local, les plaintes peuvent être adressées au Commissaire à l’intégrité de la région [6]. Les plaintes concernant la divulgation indue de renseignements privés peuvent aussi être présentées au Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario[7].

 

Preuves numériques et criminalistique informatique

37    Conformément à mon rôle d’Ombudsman en vertu de la Loi sur l’ombudsman, j’ai concentré mon enquête sur le processus administratif et la conduite de la municipalité régionale. Il ne m’appartient pas d’évaluer la culpabilité ou d’attribuer le blâme à des personnes. Toutefois, pour examiner les mesures d’action de la région et pour présenter des recommandations en vue d’améliorer ses processus, j’ai été contraint d’enquêter au sujet des allégations sur le processus d’embauche suivi par la région. Il s’agissait entre autres de déterminer si des renseignements confidentiels avaient été partagés avec M. D’Angelo alors qu’il était candidat au poste de DG.

38    Ces renseignements étaient stockés numériquement, sous forme de fichiers sauvegardés dans un serveur informatique. Après avoir retracé les fichiers en question, mon équipe a examiné le contenu de chacun d’eux, ainsi que le lieu où il avait été sauvegardé. Nous avons aussi examiné les métadonnées de chaque fichier. Les métadonnées constituent une source précieuse d’information sur un fichier numérique, car elles peuvent inclure l’auteur du fichier, toute autre personne qui a travaillé à ce fichier, la date et l’heure à laquelle le fichier a été créé, et quand il a été modifié pour la dernière fois.

39    Les documents en question ont été retrouvés dans le dossier de « téléchargements » de M. D’Angelo, dans le serveur de l’Office de protection de la nature. D’après la société qui gère les services d’informatique de l’Office de protection de la nature, M. D’Angelo pouvait sauvegarder des documents sur un disque local de son ordinateur de travail quand il était au service de l’Office de protection de la nature. Ce disque local comprenait un dossier de téléchargements, où tout document téléchargé par M. D’Angelo était automatiquement sauvegardé. Quand un fichier était ouvert par une source externe, il était automatiquement sauvegardé dans ce dossier; M. D’Angelo n’avait pas besoin de sauvegarder intentionnellement le fichier, et il ne savait peut-être pas qu’une copie était sauvegardée.

40    Le personnel de cette société a confirmé que, quand M. D’Angelo avait quitté son poste à l’Office de protection de la nature pour devenir DG de la Municipalité régionale de Niagara, une copie de son disque local, comprenant son dossier de téléchargements, avait été sauvegardée dans les serveurs de l’Office de protection de la nature. Les documents qui auraient été fournis indûment à M. D’Angelo durant le processus d’embauche ont été sauvegardés dans ce dossier. Le dossier comprenait aussi des fichiers personnels courants, ainsi que des documents envoyés à tous les candidats au poste de DG.

41    Certains des témoins que nous avons interviewés ont laissé entendre que les preuves numériques ne sont pas fiables. M. D’Angelo nous a dit que, durant le processus d’embauche en 2016, son ordinateur portable de travail et son téléphone cellulaire avaient été volés, et qu’une tierce partie inconnue avait eu accès indûment à son courriel. Il a laissé entendre que quelqu’un aurait pu fabriquer des documents et les insérer insidieusement sur ses appareils. D’autres témoins ont insinué que tout fichier trouvé sur les serveurs de l’Office de protection de la nature pourrait avoir été « inséré insidieusement », ou que les métadonnées de ces fichiers pourraient avoir été modifiées pour changer l’auteur du fichier, ou la date et l’heure de la création du fichier.

42    Pour garantir que mon enquête repose sur des preuves crédibles, et pour répondre aux allégations de falsification des fichiers par certains témoins, j’ai décidé de faire appel aux services d’une équipe de criminalistique informatique. J’ai demandé à une société renommée de vérification, ayant des compétences en criminalistique informatique, d’examiner les preuves numériques obtenues par mon équipe. Nous avons aussi demandé aux experts d’évaluer les fichiers pour trouver les preuves montrant d’où ils venaient et quand ils avaient été créés, téléchargés ou modifiés. De plus, nous avons demandé aux experts de déterminer si les fichiers avaient été insérés insidieusement ou falsifiés de quelque manière que ce soit.

43    À l’aide de logiciels et de techniques de criminalistique informatique, les experts ont examiné l’intégrité des fichiers pertinents pour mon enquête. Ils se sont rendus dans la région de Niagara pour obtenir directement des données à partir des serveurs informatiques de la Région et de ceux de l’Office de protection de la nature. Les experts ont appliqué un « algorithme de hachage » courant dans l’industrie, utilisé par les criminalistes en informatique pour déterminer si deux fichiers ont des chances d’être identiques. Leur rapport à mon Bureau a expliqué ceci :

En criminalistique informatique, le hachage est un moyen de représenter un ensemble de données numériques par une valeur numérique unique en leur appliquant un algorithme mathématique. Deux fichiers ayant exactement les mêmes modèles de bits seront hachés à la même valeur en utilisant le même algorithme de hachage. Le hachage est considéré comme une pratique exemplaire pour les spécialistes de la criminalistique informatique. Une analogie courante consiste à comparer le hachage à la prise d’empreintes digitales, en ce sens que chaque modèle distinct de données a sa propre valeur unique de hachage, un peu comme les empreintes digitales d’une personne [8].


44    Après un examen approfondi des fichiers obtenus par mon Bureau durant cette enquête, le rapport de criminalistique a conclu que la probabilité que les fichiers aient été fabriqués de toutes pièces était très faible. Les experts n’ont trouvé aucune preuve de piratage, ni de falsification ou d’altération des fichiers, et ils ont conclu avec une confiance raisonnable qu’il n’y avait pas eu de falsification.

45    D’après l’examen des experts en criminalistique informatique qui m’a été communiqué, l’étude faite par mon Bureau sur les métadonnées et l’emplacement des documents dans les serveurs de l’Office de protection de la nature, et selon les renseignements que nous avons obtenus en entrevues, je suis convaincu qu’il n’y a pas eu de falsification, ni de piratage, ni aucune manipulation des preuves examinées durant cette enquête.

 

Offre d’emploi : Embauche d’un nouveau DG

Agitation, rumeurs et machinations avant l’affichage du poste

46    Bien avant que le poste de directeur général de la Municipalité régionale de Niagara ne devienne libre en avril 2016, des rumeurs d’agitation circulaient au bureau principal de la région. Un employé du bureau du président régional a décrit les « difficultés » entre le président régional et le DG alors en poste [9]. Nous avons été informés que tous deux étaient en désaccord sur l’influence politique que le président et le conseil devraient exercer sur le fonctionnement de la municipalité régionale, qui relève de la responsabilité du DG [10]. Un membre du conseil s’est souvenu de disputes explosives dans les couloirs entre le président et le DG alors en poste, et il nous a dit qu’ils « se bagarraient tout le temps ».

47    Les rumeurs ont même circulé au-delà du bureau principal de la région. Dans les bureaux de l’Office de protection de la nature de la péninsule du Niagara, à Welland, M. D’Angelo a entendu parler des tensions entre le président régional et le DG alors en poste. M. D’Angelo, qui était alors DG de l’Office de protection de la nature, nous a dit qu’il avait même téléphoné à son homologue de la municipalité régionale pour l’encourager à « garder la tête haute ». Mais ce faisant, M. D’Angelo esquissait un échéancier de licenciement du DG alors en poste et un processus d’embauche pour le remplacer.

48    Le 13 décembre 2015, M. D’Angelo a sauvegardé une feuille de calcul nommée « CAO Critical Path » [Chemin critique du DG] sur son ordinateur à l’Office de protection de la nature. Cette feuille de calcul envisageait un vote du Conseil régional pour licencier le DG alors en poste le 14 janvier et donnait des dates pour toute une série d’étapes, incluant la formation d’un comité de sélection, la sélection d’une société de recrutement, l’affichage du poste de DG durant quatre semaines, le classement des candidats, deux séries d’entrevues, une recommandation du comité, et l’approbation de la recommandation par le conseil – le nouveau DG entrant en fonctions le 6 mai. La feuille de calcul indiquait aussi que le Commissaire à la santé publique de la région devrait être le DG intérimaire du 14 janvier au 14 mars, suivi du Commissaire de la planification. Selon les métadonnées examinées par mon Bureau, ce document a été sauvegardé pour la dernière fois sur l’ordinateur de M. D’Angelo et imprimé le 14 décembre 2015.

49    M. D’Angelo nous a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir créé ce plan pour remplacer le DG de la région, mais il a expliqué qu’il recevait souvent des renseignements confidentiels des conseillers régionaux, surtout de ceux qui étaient aussi membres du conseil d’administration de l’Office de protection de la nature. Il nous a déclaré que le personnel et les conseillers de la municipalité régionale le considéraient comme un confident et lui demandaient souvent son opinion sur des questions confidentielles.

50    Le 14 janvier 2016 – soit à la date indiquée dans la feuille de calcul sur l’ordinateur de M. D’Angelo pour une décision du conseil visant à licencier le DG alors en poste – le Conseil régional de Niagara a étudié une motion visant à enjoindre au président de congédier ce DG. Le procès-verbal indique que la réunion a duré plus de trois heures et demie et que la motion a été rejetée par seulement quatre voix.

51    Bien que la tentative de licencier le DG alors en poste ait échoué, nous avons été informés que les relations entre lui et le président sont restées tumultueuses. Le 6 avril 2016, les médias ont rapporté que le DG alors en poste avait accepté un autre emploi dans une autre municipalité. Deux jours plus tard, ce DG a officiellement donné sa démission, dans une lettre expliquant qu’il avait remarqué des actes et des comportements parmi le personnel de direction qui entravaient ses efforts pour s’acquitter de ses engagements envers la Municipalité régionale de Niagara.

52    Les rumeurs sur les discordes entre le DG alors en poste et le président ont bientôt fait place à des rumeurs sur la personne qui prendrait la relève à ce poste nouvellement libéré. Un ancien employé de direction de la municipalité régionale nous a dit que, peu après la démission du DG alors en poste, un conseiller l’avait contacté pour tenter d’organiser une réunion afin de discuter de M. D’Angelo en tant que « successeur ». Cet employé nous a dit qu’il lui était paru évident que M. D’Angelo était le choix du conseiller municipal pour ce poste; il a précisé que le conseiller lui avait garanti qu’il pourrait « obtenir les votes » requis pour conclure l’embauche.

53    Ce conseiller nous a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir parlé à cet employé au sujet de M. D’Angelo en tant que candidat au poste de DG. Toutefois, nous avons obtenu un courriel envoyé par le conseiller à cet employé, daté du 15 avril 2016, dans lequel le conseiller remercie l’employé de la réunion et suggère que l’employé mentionne le nom de M. D’Angelo comme bon candidat à d’autres membres du personnel. Le courriel indique que faire passer le message sans plus tarder « pourrait faciliter les choses à mesure que nous irons de l’avant et que toutes sortes de rumeurs parviendront au personnel régional ».

 

Débuts des plans de recrutement – et des fuites

54    Le personnel de la municipalité régionale a rapidement commencé à travailler à des plans pour recruter un nouveau DG. Le 18 avril, la directrice des services aux personnes et du développement organisationnel [11] a envoyé deux ébauches de rapport par courriel à la greffière, à la directrice des services juridiques et judiciaires, au président régional et à trois membres du personnel au bureau du président : le directeur des politiques, le directeur des communications et l’adjointe administrative du président. L’un de ces rapports, marqué confidentiel, recommandait que le conseil nomme un membre du personnel de direction au poste de DG intérimaire. L’autre proposait de créer un comité de recrutement et décrivait un processus que ce comité devrait suivre. Ce rapport indiquait ceci :

Un processus de recrutement transparent, compétitif et complet, conforme aux politiques d’emploi de la Région de Niagara, est essentiel afin de pourvoir le poste de DG rapidement.


55    Durant notre enquête, nous avons découvert que des copies de ces ébauches de notes de service avaient été sauvegardées dans le dossier de téléchargements sur l’ordinateur de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature. Les deux documents portaient l’appellation d’ébauches, et tous deux étaient des copies exactes des ébauches dans les serveurs de la municipalité régionale [12]. Les données que nous avons obtenues indiquent que l’ébauche de note de service proposant d’embaucher un DG intérimaire, qui était marquée confidentielle, a été ouverte ou sauvegardée pour la dernière fois sur l’ordinateur de M. D’Angelo à 12 h 29 le 19 avril 2016. L’ébauche de note de service décrivant le processus de recrutement pour un nouveau DG a été ouverte ou sauvegardée 10 minutes plus tard, à 12 h 39.

56    M. D’Angelo nous a dit tout d’abord qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu ces ébauches de rapports. Puis il nous a dit qu’il en connaissait le contenu et qu’il pourrait les avoir reçues. Aucune des personnes que nous avons interviewées ne nous a dit qu’elle avait envoyé ces documents à M. D’Angelo. Toutefois, vu le petit nombre de membres du personnel et du conseil qui avait accès à ces deux documents, et compte tenu de la correspondance technique exacte des propriétés des documents, je suis convaincu que les documents ont été communiqués à M. D’Angelo par quelqu’un à la municipalité régionale.

 

Composition du comité de recrutement

57    Lors d’une réunion le 28 avril 2016, le Conseil régional a examiné les versions finales des deux notes de service de la directrice des services aux personnes. Le procès-verbal de la réunion indique que le conseil a nommé un DG intérimaire et a créé un comité de recrutement du DG, composé de cinq membres du conseil, dont le président régional [13].

58    Le conseil a aussi approuvé le mandat du comité de recrutement lors de cette même réunion. Le comité devait retenir les services d’une société externe de recrutement des cadres pour qu’elle entreprenne une recherche de candidats à l’échelle nationale. La société de recherche devait consulter tous les membres du conseil et d’autres intervenants pour déterminer « les traits de caractère et les compétences fondamentaux requis du DG ». Le conseil devait approuver ces traits de caractère et ces compétences avant que le comité n’entreprenne la phase de recherche du processus.

59    Le mandat du comité indiquait que ses membres devraient participer activement à un processus de recrutement transparent, compétitif et complet, en protégeant tous les renseignements confidentiels examinés par le comité. Le mandat précisait que le comité « devra garder strictement confidentiels tous les renseignements confidentiels concernant les questions traitées par le Comité ». Le président devait régulièrement informer le conseil des progrès du comité. Une fois le processus terminé, le comité devait recommander le candidat préféré, ainsi que les modalités d’une offre d’emploi conditionnelle à présenter à l’examen du conseil.

60    Le mandat répertoriait les cinq membres du conseil qui formeraient le comité, incluant le président. Il indiquait que le comité et la société de recherche bénéficieraient de l’appui de la directrice des services aux personnes, de la directrice des services juridiques et judiciaires et de la greffière, à titre consultatif. Le mandat n’attribuait pas de rôle au personnel du président.

61    Le comité de recrutement s’est réuni pour la première fois le 10 mai 2016. Il a discuté de la possibilité de retenir les services d’une société de recherche externe et a demandé au personnel des ressources humaines de communiquer avec des sociétés potentielles afin de solliciter leur intérêt. En plus des membres du comité et du personnel identifiés dans le mandat, la liste des personnes présentes alors qui est donnée dans le procès-verbal inclut le directeur des politiques du président et son directeur des communications.

62    Le directeur des communications du président nous a dit qu’il se pourrait qu’il ait assisté à la réunion du 10 mai, mais pas aux autres réunions du comité. Le directeur des politiques du président a assisté à la plupart des réunions du comité. Il nous a dit que, bien qu’il n’ait pas été mentionné dans le mandat du comité, il considérait que son rôle était d’aider le président pour « toute question interne connexe ».

63    Le 26 mai, la directrice des services aux personnes a envoyé à la greffière des copies et des résumés des propositions provenant de six sociétés potentielles de recherche des cadres, en vue d’un examen lors de la prochaine réunion du comité. L’envoi a été transmis en copie au personnel, et notamment au directeur des politiques du président. Le lendemain, le directeur des politiques a fait suivre le courriel au président et à son directeur des communications, précisant qu’il examinerait les documents en fin de semaine et « ferait des vérifications des antécédents des personnes ». Durant nos entrevues, le président nous a dit qu’il était normal que son personnel effectue de telles vérifications des antécédents. Le directeur des politiques nous a dit que les vérifications consistaient à faire une recherche rapide sur Internet pour repérer toute controverse éventuelle, afin de s’acquitter de son devoir de « diligence raisonnable ».

64    Le comité de recrutement s’est réuni ensuite le 13 juin 2016. Selon le procès-verbal, une fois de plus, le directeur des politiques du président a assisté à la réunion, y compris à une séance à huis clos. Durant ce huis clos, le comité a demandé à la directrice des services aux personnes de négocier avec l’une des sociétés externes de recherche. En séance publique, le comité a délégué conjointement au président, à la directrice des services aux personnes et à la société externe de recherche, le pouvoir « de faire la liaison durant le processus d’embauche ». Bien que n’étant pas mentionné dans cette directive du comité, le directeur des politiques nous a dit qu’il croyait avoir lui aussi un rôle de liaison avec la société externe de recherche. Il a déclaré avoir eu l’impression d’être chargé de faciliter les échanges d’information entre le bureau de la greffière, la société externe de recherche et le comité.

 

« Traits de caractère et compétences » du DG

65    Le 17 juin 2016, le président a envoyé une note de service au conseil, l’informant que le comité avait sélectionné une société externe de recherche et que le conseil serait appelé à approuver un processus de consultation sur les traits de caractère et les compétences souhaités pour le nouveau DG.

66    Quatre jours plus tard, à 23 h 44, le 21 juin 2016, M. D’Angelo a créé un document sur son ordinateur à l’Office de protection de la nature, décrivant les caractéristiques et l’expérience requises pour un DG. Sauvegardé sous le titre de « CAO Criteria » [Critères pour le DG], ce document fait précisément référence à la Région de Niagara. À la rubrique « Connaissances », ce document indique ceci : « Connaissances approfondies des forces de la communauté de la Région de Niagara, de ses possibilités et de ses défis, et excellente compréhension de la culture de la région ».

67    M. D’Angelo nous a dit que quelqu’un l’avait contacté pour lui poser des questions sur les qualités d’un DG, car il était un « intervenant clé » – mais il ne se souvenait pas qui l’avait fait, ni quand. Il nous a déclaré qu’on lui avait aussi demandé des renseignements sur les sociétés externes de recherche et sur la façon de mener un processus de sélection d’un DG. Il nous a expliqué qu’avant de poser sa candidature à ce poste, il ne cachait pas son objectif de devenir un DG municipal. Il nous a dit qu’il parlait à des gens pour « recueillir des infos » sur le type de personne recherchée par la région, sur la culture de l’organisation, et sur la façon dont elle suivait les progrès, par exemple grâce à des outils d’évaluation du rendement.

68    Une fois de plus, M. D’Angelo avait une longueur d’avance sur la municipalité régionale quand il a préparé sa liste des caractéristiques du DG. Ce n’est que le lendemain, durant une réunion le 22 juin 2016, que le comité de recrutement a approuvé le processus de consultation sur les traits de caractère souhaités pour le DG. Ce jour-là, le comité a examiné un échéancier du processus d’embauche présenté par la société externe de recherche. Il a aussi approuvé un processus proposé par la directrice des services aux personnes, qui comprenait des consultations avec des intervenants sur les traits de caractère et les compétences du DG, notamment avec le conseil, le personnel de direction, d’autres municipalités et des représentants du monde des affaires, de l’éducation et de la santé.

69    Le 28 juin, la directrice des services aux personnes a fait parvenir une feuille de calcul dressant la liste des intervenants potentiels au personnel du président, ainsi qu’à d’autres cadres supérieurs et à la société externe de recherche. Cette liste incluait des personnes de divers secteurs, dont le Conseil régional et le personnel régional, des municipalités locales, les secteurs de la santé, de l’éducation et des affaires. La liste comprenait aussi diverses personnes d’organismes, de conseils et de commissions, et notamment de l’Office de protection de la nature de la péninsule du Niagara; le nom et les coordonnées de M. D’Angelo étaient sur cette liste.

70    Le 4 juillet, le directeur des politiques a envoyé par courriel une liste révisée des intervenants à la société externe de recherche. Sa liste incluait uniquement les membres du conseil, du personnel, de municipalités locales et des personnalités du monde des affaires et de la communauté. Il a écrit que les représentants des organismes, des conseils et des commissions avaient été éliminés de la liste, car ils étaient « hors du champ d’application » du processus de consultation approuvé par le conseil le 30 juin. Bien que M. D’Angelo nous ait dit qu’il avait été consulté à un moment donné sur les traits de caractère d’un DG, son nom n’était pas inscrit à la liste finale des intervenants.

71    Le 20 juillet 2016, après la consultation avec les intervenants, le comité de recrutement s’est réuni pour examiner les commentaires obtenus. Le comité a approuvé une liste des traits de caractère, de l’expérience et des qualifications recherchés par la Région de Niagara chez les candidats au poste de DG. Il a décidé que l’expérience et les qualifications requises devraient inclure une expérience de haute direction au sein d’une grande organisation, comme une municipalité, une expérience de travail dans le secteur municipal, le sens des affaires ou une expérience dans le secteur privé. Le comité a déterminé que le DG devrait être un penseur stratégique, doté d’une vive intelligence émotionnelle, ayant une compréhension du rôle du DG, du président et du conseil, ainsi qu’une « porte ouverte au président ». Le lendemain, le conseil a approuvé ces traits de caractère, mais après avoir changé « porte ouverte au président » par « porte ouverte entre le président, le conseil et le DG ».

 

Affichage du poste et préparation des entrevues

72    Le directeur des politiques a continué de mener le processus de recrutement. Le 28 juillet, la directrice des services aux personnes lui a envoyé un courriel pour s’informer des prochaines étapes et a souligné que le service des ressources humaines était entièrement à sa disposition pour appuyer le processus. Le directeur des politiques lui a répondu pour la remercier et il a suggéré qu’ils discutent des prochaines étapes avant la prochaine réunion du comité.

73    Cependant, alors que le directeur des politiques et le directeur des communications du président préparaient l’affichage d’une offre pour le poste de DG durant les deux semaines suivantes, ils n’ont fait appel ni au personnel des ressources humaines ni au comité. Le directeur des politiques a approuvé le poste, qui a été affiché en ligne le 9 août 2016. La directrice des services aux personnes ignorait que le poste avait été affiché et ne l’a appris que deux jours plus tard, quand un membre de son personnel a vu cette offre en ligne. Quand nous avons interrogé le directeur des politiques à ce sujet, il nous a dit qu’il n’aurait pas été commode de réunir le comité durant les vacances d’été, et que si les ressources humaines n’étaient pas au courant de cet affichage, c’était un simple oubli administratif.

74    Durant tout le mois d’août, la municipalité régionale a continué d’accepter des candidatures pour le poste de DG, mais un membre du personnel de direction nous a dit que, parmi les cadres supérieurs et intermédiaires, « tout le monde savait que [M. D’Angelo] venait en tête des candidats ». Ce membre du personnel a dit que lui-même avait envisagé de poser sa candidature au poste de DG, jusqu’au 25 août, date à laquelle il avait assisté à une réunion avec un membre du conseil et M. D’Angelo, durant laquelle ce membre du conseil avait laissé entendre qu’une telle candidature « compliquerait les choses » pour M. D’Angelo. L’employé s’est souvenu que M. D’Angelo avait esquissé un organigramme pour la région qui comprenait un nouveau poste de « DG adjoint »; il a vu dans ce message une incitation à renoncer à sa candidature au poste de DG, pour avoir en échange une chance de devenir DG adjoint.

75    Le conseiller nous a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir parlé de M. D’Angelo à l’employé et il a laissé entendre que l’employé avait avancé des hypothèses ou avait fait « un commentaire intempestif ». Cependant, un autre membre de la haute direction s’est souvenu que l’employé avait dit, en septembre 2016, qu’on l’avait encouragé à ne pas poser sa candidature, car un conseiller avait les votes requis pour embaucher M. D’Angelo. D’autres membres du personnel de direction nous ont dit que l’employé leur avait raconté qu’on lui offrirait le poste de DG adjoint s’il retirait sa candidature de DG.

76    M. D’Angelo nous a dit qu’il avait fort probablement parlé d’une restructuration du personnel à des gens, avant de poser sa candidature au poste de DG, car la restructuration des organisations est son point fort. Il nous a dit qu’à son avis, la structure de la municipalité régionale était « trop linéaire » et que, si on l’avait interrogé à ce sujet, il aurait suggéré de créer un poste de DG adjoint ou de gestionnaire général. En fait, le 14 septembre, M. D’Angelo a sauvegardé un document sur son ordinateur de bureau, montrant un organigramme modifié de la Région de Niagara, avec un poste de DG adjoint.

 

Note de service sur les « 5 candidats identifiés »

77    Le 16 septembre 2016, la société externe de recherche a envoyé par courriel une liste de tous les candidats DG au directeur des politiques, « à titre de référence pour le président ». Les métadonnées que nous avons examinées montrent que, trois jours plus tard, à 17 h 10 le 19 septembre, le directeur des politiques a créé un document portant le nom de fichier « CAORC 5 identified candidates msging » [Messagerie sur les 5 candidats identifiés - Comité de recrutement du DG]. C’était une note de service indiquant que la liste restreinte « devrait refléter une gamme diversifiée d’antécédents et de candidats qui correspondent aux caractéristiques décrites dans la motion adoptée par le conseil » et « devrait limiter les candidats n’ayant pas d’antécédents avec la Municipalité régionale de Niagara ». Cette note de service énumère quatre types de candidats : candidat municipal de l’Ontario; candidat provincial de l’Ontario; candidat hors de la province; et « expérience provinciale ». Elle ajoute qu’un candidat interne devrait aussi être considéré, portant le total des candidats à cinq.

78    Puis la note de service nomme cinq candidats qui semblent correspondre à ces descriptions. Chacun des cinq candidats figurait sur la liste préliminaire des candidats envoyée au directeur des politiques par la société externe de recherche un peu plus tôt cette semaine-là. Quatre personnes présentes sur la liste restreinte du comité de recrutement allaient finalement passer des entrevues. M. D’Angelo, qui était alors DG de l’Office de protection de la nature, est identifié dans la catégorie réservée à un candidat « municipal de l’Ontario » et il est décrit en ces termes : « expérience de travail avec un conseil élu de Niagara. Excellentes relations de travail avec le président [de l’Office de protection de la nature] ».

79    Le directeur des politiques nous a dit qu’il avait pour habitude de noter ses pensées puis d’en informer le président avant de supprimer ses notes (ou de les fermer sans les sauvegarder), et de déchiqueter tout exemplaire papier. Il a déclaré que ce document n’aurait pas été rédigé comme note de service écrite au président, mais simplement pour son propre usage comme aide-mémoire alors qu’il informait le président. Il nous a dit que, bien que ne pouvant pas confirmer qu’il avait écrit ce document, celui-ci était écrit dans son style et son format habituels, et « pourrait très bien » venir de lui.

80    Le directeur des politiques nous a dit qu’il ne se souvenait pas pourquoi il aurait écrit qu’il fallait limiter les candidats n’ayant pas d’antécédents avec la Municipalité régionale de Niagara. Ce n’était pas une exigence de la liste des caractéristiques approuvées par le Conseil régional. Un membre du comité de recrutement nous a dit que le comité n’avait jamais eu l’intention de limiter le recrutement aux candidats ayant une telle expérience, et que les membres du comité n’avaient jamais discuté de veiller à ce que la liste restreinte précise un ensemble de caractéristiques comme celles énumérées dans la note de service du directeur des politiques.

81    Le lendemain de la rédaction de la note de service du directeur des politiques, soit le 20 septembre à 11 h 48, une copie de cette note de service a été sauvegardée dans le dossier de téléchargements sur l’ordinateur de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature.

82    M. D’Angelo nous a dit tout d’abord qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu ce document, mais il nous a déclaré ensuite qu’il l’avait peut-être reçu et qu’en fait, le document « lui semblait vraiment familier ». Il nous a déclaré qu’il se souvenait « d’avoir pris connaissance de renseignements sur des candidats et de les avoir supprimés, pensant, c’est bien, non? » Il nous a expliqué que, même s’il avait vu cette note de service, il l’aurait supprimée car il savait déjà qui étaient certains des autres candidats, et le seul intérêt pour lui aurait été de confirmer qu’il était inscrit sur la liste restreinte et de satisfaire sa « curiosité sur ses concurrents ». Par la suite, M. D’Angelo a envoyé un courriel à mon personnel disant qu’il était possible qu’il ait reçu ce document durant le processus d’embauche et que « après plus ample réflexion, en l’absence de mes courriels durant cette période, et si je me souviens bien, je crois que la source première des renseignements aurait été le [directeur des politiques] ».

 

Le document « Messagerie »

83    Alors que M. D’Angelo téléchargeait la note de service sur les candidats identifiés, le directeur des politiques travaillait à une seconde note de service sur le processus de recrutement, sauvegardée sous le nom de « Messagerie ». Cette note de service identifie par leur nom quatre candidats au poste de DG et donne les raisons pour lesquelles chacun d’eux ne serait pas un bon choix pour la région. Chacun des quatre candidats identifiés dans cette note de service est inscrit sur la liste envoyée par la société externe de recherche au directeur des politiques. En fin de compte, aucun de ces quatre candidats n’a été inclus à la liste restreinte.

84    Les métadonnées montrent que le directeur des politiques a créé le document « Messagerie » à 10 h 38 le 20 septembre et l’a sauvegardé pour la dernière fois à 12 h 09 le même jour. À 19 h 39 ce soir-là, le document « Messagerie » a été sauvegardé dans le dossier de téléchargements de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature. Il a été sauvegardé de nouveau à deux reprises le 25 septembre 2016, à 10 h 09 [14].

85    Le directeur des politiques nous a dit qu’il se souvenait d’avoir discuté du contenu de cette note de service avec le président. Bien qu’il ne se rappelle pas s’il l’avait noté par écrit, il a déclaré qu’il l’avait probablement fait. Il a ajouté que, pour autant qu’il s’en souvienne, il n’avait pas envoyé ce document à M. D’Angelo.

86    M. D’Angelo nous a dit tout d’abord qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu ce document, mais il nous a dit par la suite : « Il se peut que je l’aie reçu. Je ne vais pas le nier. » Comme pour le document « 5 candidats identifiés », il nous a dit que, s’il avait reçu le document, celui-ci serait provenu du directeur des politiques. Il nous a déclaré qu’il ne voyait pas comment les renseignements donnés dans la note de service auraient pu l’aider en tant que candidat, et que s’il avait reçu le document, il n’aurait rien fait pour signaler la fuite ou pour informer quelqu’un de la divulgation de renseignements confidentiels.

 

Les questions des entrevues

87    Le 21 septembre, la société externe de recherche a envoyé un courriel à la greffière et au directeur des politiques leur donnant une copie de l’ébauche des questions pour les entrevues avec les candidats au poste de DG. Plus tard ce jour-là, le président a envoyé une note de service confidentielle aux membres du comité de recrutement, avec en pièce jointe l’ébauche des questions des entrevues.

88    Le comité s’est réuni le 23 septembre 2016 à 9 h 06 au bureau central de l’administration régionale. Il s’est retiré à huis clos pour discuter de l’ébauche des questions des entrevues et de la liste préliminaire des candidats fournie par la société de recherche. Le procès-verbal de la séance à huis clos indique que le comité a enjoint à la société de recherche d’intégrer les commentaires du comité aux questions des entrevues, et de communiquer avec certaines personnes en particulier pour les entrevues. Le comité a prévu que la première série d’entrevues se tiendrait le 4 octobre 2016, de 10 h à 18 h, et la seconde le 12 octobre, de 11 h à 15 h.

89    Le procès-verbal de la réunion fait état d’une décision prise par le comité pour que tous ses membres signent un accord de non-divulgation fourni par la société externe de recherche afin de protéger la confidentialité du processus d’embauche. On ignore si le personnel de la Région de Niagara qui a participé au recrutement a également été tenu de signer; la société de recherche n’a pas réussi à retrouver des copies des accords signés. Le directeur des politiques nous a dit qu’il ne se souvenait pas s’il avait signé un accord. Un associé de la société de recherche nous a déclaré que seuls les membres du comité auraient signé les accords, car habituellement les membres du personnel auraient été tenus par les obligations de confidentialité de leur emploi.

90    Le 29 septembre, le directeur des politiques a envoyé un courriel à la société externe de recherche pour lui demander si les questions révisées des entrevues seraient communiquées aux membres du comité. La société a répondu qu’elle avait élaboré les questions en fonction de ses notes résultant d’une réunion avec le comité et de discussions avec la greffière, et qu’elle comptait remettre ces questions au comité le premier jour des entrevues. Le directeur des politiques a répondu qu’il ne savait pas pourquoi la société communiquait avec la greffière, sans inclure le président, alors que le président était la personne-ressource désignée pour la société. Il a laissé entendre que le comité souhaitait que la société renvoie les questions pour qu’elles soient soumises à une approbation avant les entrevues. En réponse, la société de recherche a envoyé les questions révisées au directeur des politiques et à la greffière le 30 septembre. Le document envoyé énumérait 10 questions pour les entrevues et prévoyait du temps pour que les candidats puissent poser des questions et faire une déclaration finale.

91    En dépit de l’affirmation du directeur des politiques au sujet de l’approbation du comité, les questions révisées n’ont pas été communiquées aux membres du comité avant le 3 octobre 2016, soit le jour avant les entrevues. Mais ces questions ont été envoyées à M. D’Angelo.

92    À 21 h 22, le 2 octobre, le directeur des politiques a sauvegardé une version des questions intitulée « Revised Questions » [Questions révisées] après avoir fait quelques modifications mineures de format. Un peu plus d’une heure après, à 22 h 35, le document révisé, incluant les changements de format du directeur des politiques, a été sauvegardé dans le dossier de téléchargements de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature.

93    Le directeur des politiques nous a dit qu’à sa connaissance, il n’avait pas envoyé les questions à M. D’Angelo. Tout d’abord, M. D’Angelo nous a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu les questions avant sa première entrevue. Mais par la suite, il nous a dit qu’il était « bien possible » qu’il ait reçu ces questions, et qu’il était « plus probable qu’improbable » qu’il les ait reçues, mais il ne pouvait pas en être certain car c’étaient des questions tout à fait courantes pour un recrutement de DG, et il avait participé à d’autres processus de ce type. Il nous a dit que s’il avait reçu le document donnant ces questions, il serait provenu du directeur des politiques.

 

Des premières entrevues au dernier candidat restant

94    Des membres du personnel de la société externe de recherche nous ont dit qu’à la période des premières entrevues, ils ont entendu des rumeurs selon lesquelles M. D’Angelo avait été présélectionné et qu’une version d’un organigramme circulait, le nommant déjà en tant que DG. Ils nous ont dit que la société de recherche avait été suffisamment préoccupée pour signaler cette allégation au président durant un appel téléphonique. Ils ont décrit un président alors « agressif, sur la défensive » et « tout d’abord extrêmement hostile à la suggestion ». Le personnel de la société a précisé qu’à la fin de l’appel téléphonique, le président s’était engagé à suivre un processus équitable et ouvert. Le président nous a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir eu cette discussion, ni d’avoir entendu cette allégation.

 

Première entrevue

95    Le comité a tenu sa première série d’entrevues le 4 octobre 2016, dans un hôtel local. Après les entrevues, les membres ont discuté de la performance des candidats. Le président s’est souvenu qu’il n’avait pas été très impressionné par M. D’Angelo lors de la première entrevue, mais il nous a dit qu’il avait pensé que M. D’Angelo était « assez bon » pour mériter une deuxième chance. Un autre membre du comité nous a dit qu’après la première entrevue, il n’avait pas été impressionné par la performance de M. D’Angelo. Ce membre du comité avait aussi entendu les rumeurs qui étaient parvenues à la société de recherche, et il craignait que la décision d’embauche ait été déterminée d’avance. Il a soulevé ces problèmes auprès du comité, mais il nous a dit que les autres membres du comité avaient déclaré qu’il s’agissait d’allégations sans preuves et qu’elles faisaient partie d’une « chasse aux sorcières » contre M. D’Angelo. Malgré les préoccupations de ce membre, le comité à décidé de convoquer M. D’Angelo  à une seconde entrevue.

96    En plus de discuter des candidats, le comité a élaboré un processus à suivre pour la seconde série d’entrevues, prévoyant notamment de demander que les candidats répondent à cinq questions par écrit dans un total de 500 mots ou moins, au plus tard le 10 octobre, et qu’ils fassent une présentation de 10 à 12 minutes sur le développement économique lors de la seconde entrevue. Le procès-verbal de la réunion indique que le comité a demandé à la société de recherche de contacter trois des candidats pour une seconde entrevue, M. D’Angelo étant l’un des trois.

 

L’aide d’un « expert en communications »

97    Le 5 octobre 2016, la société de recherche a envoyé un document aux trois candidats sélectionnés, leur demandant de préparer une présentation écrite, ainsi qu’un exposé sur le thème du développement économique pour la seconde entrevue. L’exercice écrit à faire par les candidats leur demandait de répondre à cinq questions, expliquant comment ils créeraient des débouchés économiques dans la région, encourageraient le développement économique, mettraient en place le plan stratégique de la région, mesureraient le succès, et établiraient et entretiendraient des relations entre le président, le conseil, le personnel de direction et les municipalités de palier inférieur de la région. Cet exercice a été sauvegardé dans le dossier de téléchargements de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature le lendemain, soit le 6 octobre à 16 h 34. Par la suite ce jour-là, M. D’Angelo a créé un document sauvegardé sous le titre de « CAO Written Submission – 2nd Interview » [Présentation écrite du DG – 2e entrevue].

98    M. D’Angelo nous a dit que, pour préparer sa présentation à la seconde entrevue, il avait fait des entrevues au téléphone avec des agents locaux de développement économique. Il nous a déclaré qu’il avait envoyé ensuite l’ébauche de sa présentation au directeur des communications du président régional, pensant que celui-ci avait des « attributs de communications ». Il a demandé au directeur des communications du président de l’aider à peaufiner sa présentation, pour l’orthographe, la grammaire et l’expression. M. D’Angelo et le directeur des communications nous ont dit tous deux qu’ils se connaissaient professionnellement dans le cadre d’activités et d’événements locaux.

99    Vendredi 7 octobre 2016, à 12 h 51, le directeur des communications a créé un document sauvegardé sous le titre de « Q&A » [Q&R], qui semble donner réponse aux questions posées aux candidats au poste de DG. Une liste de suggestions, en haut de la page, se rapporte expressément à l’expérience de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature. Par exemple, cette liste indique : « Succès jusqu’à présent dans les relations du conseil avec l’OPNPN [Office de protection de la nature de la péninsule du Niagara] », et « 2-3 exemples concrets du travail fait à l’OPNPN avec certaines communautés de Niagara pour régler des problèmes ». Le reste du document est structuré en cinq rubriques ayant pour titres les cinq questions posées. Chaque rubrique indique des points propres à la région qui pourraient être utilisés pour répondre aux questions, par exemple encourager l’ouverture d’une succursale de la Banque de Chine à Niagara, travailler avec le secteur privé pour gagner en efficacité, et apporter des modifications à l’Office de protection de la nature pour en faire non plus un organisme d’application de la loi, mais un « partenaire en matière de conformité ».

100    Samedi 8 octobre 2016, à 7 h 20, le document Q&R a été sauvegardé dans le dossier de téléchargements de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature. À 7 h 27, il a été sauvegardé de nouveau, cette fois sous le nom de « [Director of Communications’ initials] Q&A Suggestions » [Suggestions de Q&R par (Initiales du directeur des communications)]. À 7 h 36, il a été sauvegardé une troisième fois, avec le titre de « Q&A (1) », ce qui indique que le document original a probablement été ouvert de nouveau [15].

101    Les métadonnées du disque de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature indiquent qu’il a ouvert le document des questions officielles envoyé par la société de recherche à 7 h 28, ce qui semble indiquer qu’il l’a ouvert alors qu’il passait en revue les réponses suggérées par le directeur des communications. Vingt-trois minutes plus tard, à 7 h 51, M. D’Angelo a sauvegardé une présentation sur son ordinateur appelée « Economic Development in Niagara » [Développement économique à Niagara] – première ébauche de la présentation qu’il allait faire durant sa seconde entrevue.

102    M. D’Angelo nous a dit qu’il se pourrait qu’il ait reçu le document de suggestions du directeur des communications alors qu’il consultait des gens pour obtenir de l’aide en vue de l’entrevue. Le directeur des communications nous a dit que M. D’Angelo avait son numéro de téléphone et qu’il se pourrait qu’il lui ait téléphoné pour discuter des questions de la société de recherche. Il nous a dit que M. D’Angelo lui avait communiqué des propositions de réponses, et que lui-même avait donné en retour « certains éclairages » sur ces réponses. Après nos entrevues, M. D’Angelo a confirmé dans un courriel à mon Bureau qu’il avait échangé ces deux documents avec le directeur des communications. Il a précisé qu’il avait cherché à obtenir l’avis expert du directeur, « pour ma préparation à la seconde entrevue ».

 

Encore plus de questions, et plus de réponses

103    Le 10 octobre 2016, à 7 h 58, le directeur des politiques du président a créé un document appelé « Questions ». La plus grande partie de ce document de deux pages est structuré en quatre rubriques : Transports en commun; Croissance/Planification; Étude de cas de croissance/planification; et Relation [sic]. Ce document énumère des questions à chaque rubrique, puis y répond.

104    L’une des réponses porte sur le rôle joué par l’Office de protection de la nature pour aider d’importantes sociétés à s’implanter dans la région. Elle laisse entendre qu’un nouveau DG de la Région de Niagara ferait un examen de la structure hiérarchique de la municipalité régionale dans les 30 premiers jours de la prise de ses fonctions. Ce document souligne l’importance de travailler avec le président et précise que le personnel devrait être remplacé, quand il y aurait lieu de le faire.

105    Le directeur des politiques a modifié pour la dernière fois le document « Questions » à 12 h 21. Plus tard ce jour-là, à 19 h 08, le document « Questions » a été sauvegardé dans le dossier de téléchargements de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature. Il a été sauvegardé de nouveau comme « Questions (1) » trois minutes plus tard, indiquant qu’il avait été ouvert une seconde fois.

106    Les fichiers indiquent qu’après avoir reçu le document « Questions », M. D’Angelo a commencé à travailler à sa seconde entrevue. Le document appelé « Présentation écrite du DG – 2e entrevue », qu’il avait créé le 6 octobre, a été ouvert, modifié et sauvegardé à plusieurs reprises durant les deux heures et demie qui ont suivi – à 20 h 17, 21 h 22 et 21 h 25. Finalement, à 21 h 31, il a été sauvegardé de nouveau sous le nom de « CD CAO Written Submission – 2nd Interview – Oct 12 2016 » [Présentation écrite du CD DG – 2e entrevue – 12 octobre 2016]. La présentation de M. D’Angelo, « Développement économique à Niagara » a elle aussi été ouverte ou modifiée ce soir-là, à 20 h 53.

107    Le directeur des politiques nous a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir créé ce document, ni de l’avoir communiqué à M. D’Angelo. M. D’Angelo nous a dit tout d’abord qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu le document « Questions », mais par la suite, il a déclaré « qu’il se pourrait qu’il l’ait reçu » et dans ce cas, la « source première » aurait été le directeur des politiques.

 

Seconde entrevue

108    La seconde série d’entrevues a eu lieu le 12 octobre. M. D’Angelo a ouvert sa présentation écrite une dernière fois ce matin-là à 10 h 02. Le comité de recrutement s’est rencontré dans un hôtel local à 11 h 05, et le procès-verbal de la réunion indique que les entrevues ont commencé à 11 h 15. Le comité a interviewé trois candidats ce jour-là, dont M. D’Angelo.

109    Après les entrevues, le comité a discuté des candidats et a décidé d’un commun accord de demander à la société de recherche de vérifier les références de M. D’Angelo. Le procès-verbal de la réunion indique que, si les références s’avéraient satisfaisantes, la société de recherche travaillerait avec le président pour négocier un contrat d’emploi conditionnel d’une durée de trois ans, avec l’option pour le conseil de le prolonger de deux ans.

110    La réunion a pris fin à 14 h 55. Le lendemain, après avoir appris sa sélection par le comité, M. D’Angelo a commencé à rassembler ses références pour la municipalité régionale.

 

Vous êtes embauché : Peaufiner un contrat et vérifier les références

111    Le 24 octobre 2016, la société de recherche a envoyé un courriel au directeur des politiques du président en proposant les modalités du contrat de M. D’Angelo, dont un salaire de 215 000 $, six semaines de vacances et une allocation-voiture de 800 $ par mois, pour un mandat de trois ans, avec une option de deux ans supplémentaires. La société a demandé si le président avait songé à une structure d’indemnité de départ en cas de licenciement sans motif valable.

112    Le directeur des politiques a envoyé un courriel à la directrice des services aux personnes le lendemain afin de demander un modèle d’offre d’emploi pour M. D’Angelo, en fonction de ce qui avait été offert au précédent DG. Il a précisé que l’offre devrait être conditionnée à l’approbation du conseil. La directrice des services aux personnes a répondu, avec copie à l’avocat interne de la municipalité, expliquant que l’offre conditionnelle servirait aussi de contrat d’emploi pour M. D’Angelo. Elle a obtenu des échantillons de contrat de personnel de direction auprès de l’avocat externe de la Région de Niagara spécialisé en droit du travail, pour préparer une ébauche de contrat afin que le bureau du président puisse « entrer les détails de l’emploi » en consultation avec le candidat.

113    Le 26 octobre 2016, la société de recherche, le président et le directeur des politiques ont discuté de l’offre avec M. D’Angelo en téléconférence à 11 h 45. Les courriels que nous avons obtenus montrent une activité intense durant tout l’après-midi, après cet appel, alors que le personnel du président comblait les blancs dans l’offre du nouveau DG. De 14 h 47 à 21 h 19, le directeur des politiques et l’adjointe administrative du président ont échangé de la correspondance avec les avocats externes de la région, ainsi qu’avec le personnel des ressources humaines et des services juridiques internes, au sujet du libellé de la lettre d’offre à M. D’Angelo.

114    Malgré une requête présentée par l’avocat interne de la région, demandant qu’une copie de l’offre détaillée soit communiquée à des fins d’examen, les modalités réelles du contrat n’ont jamais été communiquées au personnel des ressources humaines ou des services juridiques internes de la municipalité régionale. Les versions qu’ils ont examinées comportaient les blancs où seraient inscrits des renseignements. Le directeur des politiques nous a dit que l’avocat externe avait étudié les modalités de l’offre, mais qu’elles n’avaient pas été communiquées au personnel des services juridiques ou des ressources humaines par souci de confidentialité. Il nous a dit aussi que même le comité de recrutement n’avait jamais vu les modalités du contrat du nouveau DG, pour raison de confidentialité, et aussi parce qu’il n’avait pas demandé à les voir.

115    Dans les échanges entre le directeur des politiques et l’avocat externe, la longueur du contrat est de trois ans, avec une option de prolongation de deux ans sous réserve de deux évaluations de rendement positives. Les courriels ne font pas référence à la directive du comité de recrutement demandant que toute prolongation soit soumise à l’approbation du conseil [16].

116    Les ébauches qui ont circulé indiquaient que l’offre était conditionnée à l’acceptation des modalités du contrat par M. D’Angelo et à l’approbation de la recommandation du comité de recrutement par le conseil. Tout au long des révisions apportées cet après-midi-là, toutes les versions des ébauches de l’offre indiquaient : « Tout changement à votre salaire annuel est assujetti à… l’approbation du conseil… ». Cette clause reprenait une exigence du contrat de l’ancien DG.

117    À 19 h 31, le 26 octobre, l’adjointe du président a envoyé une ébauche à l’avocat externe, indiquant que la lettre avait été modifiée pour harmoniser les augmentations de salaire avec celles des autres employés non syndiqués de la région. Dans cette ébauche, l’obligation de faire approuver tout changement au salaire annuel par le conseil avait été supprimée. L’adjointe nous a dit qu’elle ne se souvenait pas d’avoir modifié la lettre d’offre. Elle a déclaré que quand elle travaillait avec le directeur des politiques, il « me disait tout simplement les mots et je les envoyais… ». Ce changement n’avait été apporté à aucune des versions du contrat examinées par le personnel des services juridiques ou des ressources humaines internes de la région. Le lendemain martin, à 11 h 51, l’adjointe a envoyé la lettre d’offre à M. D’Angelo.

 

Vérification des références

118    Alors que le personnel du président insérait les modalités dans la lettre d’offre à M. D’Angelo, il négociait aussi le contenu d’un résumé de ses références qui allait être remis au comité de recrutement.

119    D’après le personnel de la société de recherche, le processus habituel est de parler aux personnes nommées en référence, puis de regrouper tous les commentaires reçus en un seul document, pour qu’aucun commentaire ne puisse être attribué à une personne en particulier. Le 25 octobre, la société de recherche a envoyé un résumé de neuf des références de M. D’Angelo au directeur des politiques.

120    Le directeur des politiques a répondu par courriel à la société et lui a demandé d’inclure des renseignements de deux références fournies par M. D’Angelo – l’une étant un maire local et l’autre un ancien premier ministre du Canada. Le personnel de la société de recherche a expliqué que cette demande ne faisait pas partie de son processus habituel, car elle n’inclut pas normalement des renseignements provenant de lettres de recommandation fournies par un candidat. Quelques heures plus tard, le directeur des politiques a écrit de nouveau, demandant à communiquer une fois de plus avec le personnel de la société de recherche tôt le lendemain matin, car le président avait « d’autres commentaires » à propos du résumé des références.

121    La société de recherche a répondu à 6 h 45 le lendemain matin, proposant de faire de nouvelles modifications aux références. À 7 h 58, un employé de la société a sauvegardé une nouvelle version du résumé des références, avec le nom de fichier « [First name of the Policy Director]’s changes » ¬[Changements effectués par (Prénom du directeur des politiques)]. En plus de changements apportés à la grammaire et à la formulation, et de l’inclusion de renseignements de références fournies par le candidat, un énoncé a été éliminé complètement du document. La partie supprimée disait que le processus par lequel M. D’Angelo était devenu DG de l’Office de protection de la nature était suspect, et même si la personne en question ne pensait pas qu’il y ait de problème, « il y a une certaine impression d’entourloupe ».

122    Le personnel de la société de recherche nous a dit que le bureau du président voulait éliminer ce commentaire du rapport, car il considérait que c’était un « ouï-dire » et qu’il résultait d’une ancienne couverture de presse négative. Le directeur des politiques a envoyé un autre courriel à la société de recherche à 8 h 19 disant qu’il appréciait « la possibilité de s’assurer que tous les renseignements dans le rapport avaient trait au candidat ». Plus tard ce jour-là, il a écrit de nouveau pour remercier la société de recherche d’avoir « reconnu la validité des modifications ».

123    D’après le directeur des politiques, lors de conversations avec le personnel de la société de recherche, il a modifié le résumé des références pour mieux exprimer ce qu’à son avis les références données par M. D’Angelo « voulaient mettre en lumière » et « disaient réellement ». Il nous a déclaré qu’il n’avait apporté aucun changement non sanctionné par la société de recherche, et qu’en fin de compte, il appartenait à cette société d’assumer la responsabilité du contenu du résumé des références.

124    Le directeur des politiques nous a dit qu’il ne savait pas si le comité de recrutement avait été informé que les références avaient été modifiées, mais il « présumait que non ». Le président nous a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir lu le moindre commentaire négatif dans le résumé original des références. Un autre membre du comité nous a dit qu’il ne savait pas que des modifications avaient été faites, et qu’en réalité, les références élogieuses faisaient partie des raisons pour lesquelles il avait appuyé la décision d’engager M. D’Angelo. Ce membre du comité nous a dit que, d’après les références, « l’homme avait des qualités extraordinaires ».

 

La nomination

125    Bien que le bureau du président ait déjà envoyé l’offre à M. D’Angelo, le comité de recrutement s’est réuni à 16 h 15 le 27 octobre pour discuter de ses références et des modalités d’emploi proposées. Après la discussion, le comité a décidé de se réunir de nouveau le lendemain.

126    Le comité s’est réuni de nouveau un peu après midi le 28 octobre et a tenu une séance à huis clos d’une demi-heure, durant laquelle il a demandé au président de soumettre le nom de M. D’Angelo au conseil en tant que candidat recommandé, avec les modalités d’une offre conditionnelle.

127    Le président a écrit une note de service confidentielle au conseil, soumettant le nom de M. D’Angelo comme candidat choisi par le comité et résumant les modalités de son offre d’emploi, en vue d’un examen lors de la réunion extraordinaire du conseil le 31 octobre. La note de service décrit le processus de recrutement suivi par le comité et souligne qu’il a reçu 10 recommandations positives pour M. D’Angelo, dont l’une d’un ancien premier ministre.

128    Le directeur des politiques nous a dit qu’il avait ébauché la note de service, en se servant d’un modèle créé par le directeur des communications. Tous deux nous ont dit que le directeur des politiques avait envoyé l’ébauche de la note de service au directeur des communications, pour qu’il l’examine. Le 30 octobre, une copie de la note de service confidentielle a été sauvegardée dans le dossier de téléchargements de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature. M. D’Angelo nous a dit qu’il ne savait pas s’il avait vu ce document alors, mais il a ajouté qu’il était possible que ce document lui ait été envoyé dans le cadre des négociations de son contrat. Aucune des personnes à qui nous avons parlé ne s’est souvenue d’avoir envoyé ce document à M. D’Angelo.

129    Le conseil a tenu une réunion extraordinaire le 31 octobre 2016. Avant cette réunion, la note de service du président a circulé parmi les membres du conseil. Le conseil n’a pas reçu de copie intégrale de l’offre faite à M. D’Angelo, ni de copies de ses références.

130    La réunion du conseil a commencé à 13 h 41 dans la salle du conseil. Après avoir examiné la recommandation du comité de recrutement en séance à huis clos, le conseil a repris une séance publique à 15 h 35, et a voté afin de nommer le candidat recommandé par le comité au poste de DG de la région, avec les modalités et les conditions d’emploi décrites dans la note de service du président au conseil. M. D’Angelo nous a dit qu’il avait pris ses nouvelles fonctions le 14 novembre 2016.


 

Problèmes du processus d’embauche : Manque d’équité et de transparence

131    Les documents que nous avons trouvés sur les serveurs de l’Office de protection de la nature montrent une traînée d’information du personnel de la Région de Niagara jusqu’à M. D’Angelo.

132    Avant même la formation d’un comité de recrutement par la municipalité régionale, M. D’Angelo a reçu des copies de deux notes de service internes sur le processus d’embauche proposé. Le directeur des politiques du président a ébauché une note de service nommant cinq candidats au poste de DG. Environ 13 heures et demie plus tard, cette note de service a été sauvegardée sur l’ordinateur de M. D’Angelo à l’Office de protection de la nature. Une seconde note de service rédigée par le directeur des politiques, donnant les raisons de ne pas engager quatre candidats identifiés, a été sauvegardée par M. D’Angelo sept heures et demie après sa rédaction.

133    Le directeur des politiques a demandé à la société externe de recherche de lui envoyer une copie des questions de la première série d’entrevues; les questions ont été sauvegardées sur l’ordinateur de M. D’Angelo deux jours plus tard, avec les changements de format apportés par le directeur des politiques. M. D’Angelo nous a dit que, s’il avait reçu des renseignements sur les candidats et les questions des entrevues, ils provenaient du directeur des politiques.

134    D’autres renseignements sont provenus du directeur des politiques du président pour aider M. D’Angelo dans sa seconde entrevue et sa présentation écrite. Une liste de suggestions de réponses aux questions sur le développement économique – rédigées par le directeur des politiques – a été sauvegardée par M. D’Angelo plus tard ce jour-là.

135    Le directeur des communications du président a fourni des renseignements pour aider M. D’Angelo à rédiger sa soumission écrite et sa présentation. M. D’Angelo et le directeur des communications du président ont tous deux confirmé l’apport de cette aide, et les preuves numériques que j’ai examinées confirment le fait.

136    Les experts externes en criminalistique informatique dont j’ai retenu les services n’ont trouvé aucune preuve de manipulation, de piratage ou d’altération des preuves numériques.

137    Compte tenu de la force de ces preuves, je conclus que des renseignements qui auraient dû rester confidentiels parmi les dirigeants et le personnel de la région ont été communiqués à un candidat externe à un poste. Des renseignements confidentiels sur le processus d’embauche du DG en 2016 ont été communiqués indûment à M. D’Angelo durant ce processus, et M. D’Angelo a reçu des renseignements de personnes travaillant à la Municipalité régionale pour l’aider lors de ce concours.

138    M. D’Angelo a été le seul candidat à recevoir des renseignements confidentiels sur le processus d’embauche du DG de la Région de Niagara lors du concours. Nous avons parlé aux autres candidats qui ont été interviewés durant le processus de recrutement du DG. Tous ont confirmé qu’ils n’avaient reçu aucun renseignement confidentiel sur ce processus d’embauche. Je n’ai trouvé aucune autre preuve prêtant à conclure qu’un autre candidat aurait reçu des renseignements confidentiels durant ce processus, et aucune plainte à mon Bureau n’a suggéré qu’un autre candidat avait obtenu une telle aide.


 

Protection des renseignements municipaux confidentiels

139    La protection des renseignements confidentiels est une attente fondamentale auprès du personnel et des dirigeants qui travaillent dans le secteur public [17]. Les renseignements sur un processus d’embauche en cours s’avèrent particulièrement délicats. Ils peuvent comprendre des renseignements privés sur les candidats, par exemple leurs antécédents professionnels ou leur adresse domiciliaire [18]. Même le fait qu’une personne ait posé sa candidature peut être considéré comme un renseignement privé [19]. Les processus d’embauche reposent généralement sur la confidentialité de l’information pour garantir l’équité de leur déroulement, donnant à tous les candidats des chances égales de se faire concurrence pour un poste. Il est injuste de divulguer d’avance des questions pour les entrevues à un seul des candidats.

140    Les employés du secteur public ont pour devoir, en vertu de la common law, de ne pas divulguer des renseignements confidentiels [20]. Souvent, les organismes prennent des mesures pour souligner et renforcer ce devoir, par des codes de conduite, des politiques de confidentialité, des accords de confidentialité, et des clauses de confidentialité intégrées aux contrats d’emploi.

141    Beaucoup de municipalités soulignent les obligations de confidentialité en instaurant des codes de conduite pour les dirigeants et les employés. La protection des renseignements confidentiels est un aspect fondamental de la conduite. Quand le gouvernement provincial a édicté un règlement exigeant que les codes de conduite de tout conseil municipal et tout conseil local couvrent certains sujets, les renseignements confidentiels constituaient l’un des quatre points essentiels [21].

142    Les municipalités sont tenues d’avoir un code de conduite pour les membres du conseil municipal et des conseils locaux, mais les codes de conduite pour les employés sont facultatifs. La mise en place d’un tel code peut créer des attentes en matière de conduite et renforcer la responsabilisation. Comme le Code de conduite du personnel de la Ville d’Ottawa l’indique :

Un Code de conduite établit les valeurs fondamentales que nous appliquons à nos expériences quotidiennes. Lorsque nous mettons ces valeurs en pratique, nous bâtissons une administration municipale qui bénéficie de la confiance du public. Les employés de la Ville obéissent aux critères les plus stricts de comportement éthique et cela devrait se voir. Le moindre relâchement à cet égard vient miner notre intégrité, notre efficacité et, en fin de compte, notre réputation [22].

 

143    Beaucoup de codes de conduite interdisent au personnel de divulguer des renseignements confidentiels [23]. La Municipalité régionale de Niagara a un Code de conduite pour les membres du conseil municipal et des conseils locaux, qui leur interdit de divulguer des renseignements confidentiels [24]. La Région a un code d’éthique/une politique sur les conflits d’intérêts, mais ce document ne traite pas de la protection des renseignements confidentiels appartenant à la Municipalité régionale. Pour expliciter ses attentes quant à la conduite des employés, la Municipalité régionale devrait instaurer un code de conduite du personnel qui traite des renseignements confidentiels, ou modifier en ce sens son code d’éthique existant, et afficher ce code publiquement sur son site Web.
 

Recommandation 1

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à mettre en place un code de conduite ou d’éthique du personnel qui prévoit la protection des renseignements confidentiels.

 

144    Les municipalités peuvent aussi inclure des clauses de confidentialité aux contrats d’emploi et aux déclarations ou aux serments de confidentialité. Dans la Région de Niagara, la confidentialité fait partie de certains contrats d’emploi. Par exemple, le contrat conclu avec M. D’Angelo en 2016 stipulait qu’il devait s’engager à ne divulguer aucun renseignement confidentiel qui était propriété de la Région de Niagara, et à prendre toutes les précautions adéquates pour prévenir toute divulgation par inadvertance.

145    Le contrat conclu en 2015 avec le directeur des politiques ne disait rien de la confidentialité, mais ce directeur a été tenu de signer un « Engagement de confidentialité » après avoir commencé à travailler en janvier 2015. Ce document l’engageait à ne pas « divulguer, discuter ou communiquer à une tierce partie, sans autorisation en bonne et due forme, toute question qui ne serait pas divulguée normalement au public, sauf lorsque la loi l’exige ».

146    Il serait bon pour la municipalité régionale de suivre une approche cohérente en ce qui concerne les exigences de confidentialité pour les employés. La municipalité régionale devrait veiller à ce que tous ses contrats d’emploi incluent l’obligation de préserver la confidentialité.
 

Recommandation 2

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que la protection des renseignements confidentiels soit incluse à tous les contrats d’emploi.

 

147    Les municipalités peuvent prendre des mesures supplémentaires pour protéger les renseignements délicats au cours d’un processus particulier, en exigeant des participants qu’ils signent une entente de confidentialité. Dans le cas présent, la société externe de recherche a demandé à tous les membres du comité de recrutement de signer une entente de confidentialité, mais le personnel de la Région de Niagara n’a pas été tenu de signer une telle entente. Quand nous avons parlé à la société externe de recherche, elle nous a expliqué qu’à son avis, le personnel n’avait pas besoin de signer une telle entente car il était tenu de respecter la confidentialité en tant que condition d’emploi. Cependant, elle nous a dit que, depuis cet incident, elle considère que toute personne participant à un processus d’embauche devrait signer une entente de confidentialité.

148    À titre de pratique exemplaire, tous les dirigeants et tous les employés qui ont accès à des renseignements confidentiels sur un processus d’embauche devraient signer une entente de confidentialité avant d’obtenir tout renseignement confidentiel.
 

Recommandation 3

La Municipalité régionale de Niagara devrait exiger que tous les dirigeants et tous les membres du personnel qui ont accès à des renseignements confidentiels sur un processus d’embauche signent une entente de confidentialité précise au tout début du processus.

 

149    L’obligation de confidentialité lors d’un processus d’embauche particulier peut aussi être incluse au mandat d’un comité de recrutement. Dans ce cas, le mandat du comité exigeait qu’il garde strictement pour lui tout renseignement confidentiel. Le mandat du comité définissait le rôle des cinq membres du comité et de trois employés qui devaient conseiller le comité – la directrice des services aux personnes, la directrice des services juridiques et judiciaires, et la greffière. Le mandat ne précisait pas qu’aucun renseignement confidentiel ne devait être communiqué à quiconque, sinon aux personnes citées.

150    Tout au long du processus d’embauche du DG, des renseignements confidentiels ont été communiqués à des membres du personnel qui n’étaient pas cités dans le mandat du comité, et notamment au directeur des politiques du président. Si le comité avait eu pour intention de partager des renseignements confidentiels avec le directeur des politiques, il aurait dû le citer dans son mandat. Si le comité l’avait fait, il aurait pu étendre les exigences de confidentialité au directeur des politiques, afin de préserver l’intégrité du processus.
 

Recommandation 4

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que le mandat qu’elle accorde à un comité de recrutement dresse une liste complète des membres du personnel et des dirigeants autorisés à avoir accès aux renseignements confidentiels.

 

151    En plus de l’obligation générale de protéger les renseignements confidentiels, les municipalités ont des contraintes particulières de protéger les renseignements privés des particuliers. Dans ce cas, des employés de la Région de Niagara ont divulgué des renseignements à une partie externe, incluant les noms de candidats au poste de DG. Divulguer le fait qu’une personne a posé sa candidature pour un poste peut avoir une incidence négative sur elle.

152    La Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée interdit aux municipalités de divulguer les renseignements privés de particuliers, sous réserve de certaines exceptions [25]. Le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario examine les plaintes sur les divulgations indues de renseignements privés, et il a conclu que divulguer l’identité de candidats à un poste peut constituer une violation de la Loi [26]. La Région devrait veiller à ce que tous les dirigeants et tous les employés ayant accès à des renseignements privés comprennent leurs obligations de protéger ces renseignements, en vertu de la Loi.
 

Recommandation 5

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que tous ses dirigeants et tous ses employés qui ont accès à des renseignements privés comprennent leurs obligations en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée.


 

Aide interne

153    En plus des renseignements confidentiels qu’il a obtenus durant le processus d’embauche du DG, M. D’Angelo a aussi reçu de l’aide sous forme de suggestions de contenu pour son exercice écrit et sa présentation. Le directeur des communications du président a apporté son aide à M. D’Angelo alors que celui-ci préparait son dossier, comme tous deux nous l’ont confirmé. Un document sauvegardé sous le nom de « Questions » par le directeur des politiques a été envoyé à M. D’Angelo, incluant des renseignements sur le développement économique pertinents pour les travaux à faire. M. D’Angelo nous a dit que, s’il avait reçu ce document, la « source première » aurait été le directeur des politiques.  

154    M. D’Angelo nous a dit qu’à titre de DG de la Région de Niagara, il ne s’inquiéterait pas si un employé aidait un candidat à un emploi, à condition que cet employé ne participe pas à la décision d’embauche. Il a déclaré qu’il recevait « tout le temps » des appels de candidats, et qu’il parlait librement avec eux de leurs emplois éventuels. M. D’Angelo nous a dit que la municipalité régionale n’avait pas de politique interdisant à un employé d’apporter ce genre d’aide à un candidat.

155    Le directeur des communications du président nous a dit qu’il aidait souvent des personnes à rédiger leur curriculum vitae, mais uniquement s’il n’avait aucun pouvoir décisionnel dans le processus d’embauche. Il a confirmé qu’il n’avait vérifié auprès de personne de la Région de Niagara s’il avait ou non un conflit d’intérêts en apportant son aide à M. D’Angelo.

156    L’un des membres du comité de recrutement nous a dit que, quand il avait appris que le directeur des communications du président avait « conseillé » un candidat, il s’était dit que « le processus était corrompu ». Le conseiller a déclaré que ce n’était pas le genre de chose pour laquelle une municipalité devrait avoir une politique, étant donné que « c’est fondamentalement une affaire de bien et de mal », et que cela ne correspond à aucune définition d’un comportement convenable.

157    Il est courant pour des candidats à un emploi de contacter des membres du personnel de leur employeur potentiel [27]. Ces contacts, souvent appelés entrevues informationnelles, permettent généralement à un candidat de poser des questions sur la culture d’un organisme ou la nature d’un emploi. Mais les échanges qui ont eu lieu entre M. D’Angelo et le personnel du bureau du président régional durant le processus d’embauche en 2016 ont largement dépassé le cadre d’entrevues informationnelles. M. D’Angelo a reçu des renseignements de fond à utiliser dans sa demande de candidature, qui provenaient d’employés internes ayant accès à de l’information non accessible au grand public ou aux autres candidats [28]. Durant notre enquête, nous avons parlé à chacun des autres candidats qui ont été interviewés par la Région et qui ont confirmé qu’aucun autre candidat n’avait reçu d’aide d’un membre du personnel ou d’un responsable de la Région de Niagara. L’un des deux employés qui ont préparé ces renseignements pour M. D’Angelo a participé intégralement au processus d’embauche. Cette aide était inappropriée, elle a compromis l’intégrité du processus et elle a donné un avantage injuste et indu à M. D’Angelo par rapport aux autres candidats.
 

Recommandation 6

La Municipalité régionale de Niagara devrait adopter une politique pour préciser que les employés ne devraient avoir aucun comportement qui donne un avantage injuste à un candidat durant un processus d’embauche, et notamment ne devraient pas aider les candidats en leur procurant des renseignements internes comme des questions pour les entrevues et des suggestions de réponses.


 

Rôle du personnel dans le recrutement

158    À titre de responsable de l’ensemble du contrôle et de la gestion d’une municipalité, le DG en est le chef administratif [29]. Le DG exerce « un plein pouvoir de gestion des activités quotidiennes du gouvernement municipal ainsi que du personnel… » [30]. Contrainte de recruter un nouveau DG, la Municipalité régionale de Niagara a créé un comité de recrutement composé de membres du conseil et elle a retenu les services d’une société externe de recherche. Le processus devait être mené par le comité et la société externe de recherche, mais le comité a reconnu que l’appui du personnel de la Région de Niagara lui serait bénéfique. Il a adopté un mandat stipulant que la directrice des services aux personnes, la directrice des services juridiques et judiciaires et la greffière auraient une fonction consultative, à la fois pour le comité et pour la société externe de recherche.

159    En dépit de ce mandat, durant le processus d’embauche suivi par le comité, des membres du personnel nommés dans le mandat ont commencé à jouer un rôle de moins en moins important, tandis que d’autres non inclus au mandat ont pris la direction du processus. La directrice des services aux personnes, nommée dans le mandat, a reçu pour directive du comité de travailler avec le président pour faire la liaison avec la société de recherche. Mais elle nous a dit qu’en septembre 2016, le bureau du président lui avait ordonné de ne plus assister à des réunions à huis clos du comité, ni de prendre connaissance de renseignements sur les candidats. Cette décision n’a pas été prise par le comité, dont le mandat n’a aucunement été modifié.

160    Durant son entrevue, le président nous a expliqué qu’il pensait que le personnel interne des ressources humaines pouvait participer au début du processus, mais devait ensuite s’en écarter à mesure car ce personnel serait appelé à faire rapport au nouveau DG. Le directeur des politiques a fait écho à cette déclaration du président, soulignant qu’on voulait éviter de faire participer les membres du personnel « à l’embauche de [leur] patron », et c’est pourquoi on s’en était remis à la société externe de recherche, surtout pour les entrevues. Par la suite, il a dit que le comité était parvenu à « un large consensus » pour que le personnel des ressources humaines ne participe pas aux entrevues et n’ait pas connaissance des renseignements sur les candidats. Nous n’avons trouvé aucune preuve que le comité était parvenu à un consensus sur ce point.

161    La société externe de recherche a confirmé qu’il est normal pour le personnel interne des ressources humaines d’être exclu d’un processus d’embauche s’il doit être appelé ensuite à faire rapport à la personne engagée, mais elle nous a dit que, dans ce cas, le personnel des ressources humaines avait été exclu de « tout dialogue… plus tôt que d’habitude ».

162    Le mandat du comité indiquait aussi qu’une fois que le conseil aurait approuvé le candidat recommandé, les modalités d’emploi du DG devaient « être de forme satisfaisante pour la directrice des services juridiques et judiciaires, en consultation avec la directrice des services aux personnes et du développement organisationnel ». Bien qu’ayant été toutes deux consultées par le directeur des politiques sur les généralités du contrat de M. D’Angelo, ni l’une ni l’autre de ces deux directrices n’a été consultée sur ses modalités particulières, comme le salaire ou comme le préavis à donner en cas de licenciement. Malgré les exigences inscrites dans le mandat du comité, le directeur des politiques nous a dit qu’il n’avait pas communiqué ces renseignements par souci d’en préserver la confidentialité.

163    Cette décision de restreindre la participation de la directrice des services aux personnes dans le processus d’embauche n’était pas conforme aux directives du comité, ni à son mandat. De même, la décision de ne pas communiquer les modalités précises du contrat du DG au personnel interne a été prise sans faire appel au comité pour le consulter et avoir ses directives.
 

Recommandation 7

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que son personnel et ses dirigeants agissent conformément aux directives du conseil et des comités du conseil.

 

164    Il n’est pas inhabituel pour le personnel du bureau d’un conseiller municipal d’aider le conseiller dans son travail. Les experts du secteur municipal ont reconnu que les membres du personnel politique peuvent jouer un rôle important en tant qu’assistants de circonscription ou conseillers politiques, mais ils ont mis en garde que : « s’ils tentent d’usurper le rôle des gestionnaires et des professionnels, ou s’ils s’insèrent en intermédiaires entre les décideurs politiques et les conseillers de la fonction publique dont ces décideurs ont besoin, ils représentent une menace pour le bon fonctionnement du rôle de DG » [31].

165    Dans ce cas, un comité de représentants élus a adopté un mandat précisant comment le comité procéderait au recrutement et à la sélection du nouveau DG. Dans la mesure où des membres du personnel devaient aider le comité ou participer au processus d’embauche, le mandat les identifiait précisément par leur titre de poste. Le mandat n’a nommé ni le directeur des politiques ni aucun autre membre du personnel du président comme étant appelé à jouer un rôle dans le processus de sélection du DG, et pourtant le directeur des politiques a joué un rôle actif et central.

166    Le directeur des politiques nous a dit qu’il avait compris que son rôle au comité était d’appuyer le travail du président, y compris en assurant la liaison entre le bureau de la greffière, la société externe de recherche et le comité, et qu’il avait agi selon les directives du président tout au long du processus. Il avait assisté à la majorité des réunions du comité, incluant ses séances à huis clos. Il avait pris connaissance des renseignements confidentiels examinés par le comité. Il avait déterminé la liste finale des intervenants qui seraient consultés sur les caractéristiques et les qualités recherchées par la Région pour un DG. Il avait approuvé l’annonce du poste sans consulter le personnel des ressources humaines ou le comité de recrutement. Quatre des cinq candidats choisis par le directeur des politiques à partir de la liste préliminaire initiale ont été interviewés par la Région. Le directeur des politiques a décidé de restreindre les candidats à ceux qui avaient une expérience de la Région de Niagara sans que le comité ne soit consulté, et sans qu’il en ait connaissance.

167    Quand la société externe de recherche a suivi son processus habituel en regroupant les références de M. D’Angelo dans un document unique pour le comité, le directeur des politiques a insisté pour qu’elle y apporte des changements précis. Ces changements comprenaient l’élimination d’une référence négative, qui n’a jamais été communiquée au comité de recrutement. Quand le moment est venu de rédiger les modalités du contrat de M. D’Angelo, le directeur des politiques et l’adjointe administrative du président ont préparé une ébauche des détails, dont les avantages auxquels le DG aurait droit, après avoir consulté le conseiller juridique externe. Peu avant l’envoi de la lettre d’offre à M. D’Angelo, ils ont éliminé l’obligation de faire approuver tout changement à son salaire par le conseil.

168    Si le comité avait eu pour intention de faire jouer ce rôle central au directeur des politiques dans le processus d’embauche et dans la détermination des modalités du contrat du DG, cette participation aurait dû être définie en détail dans le mandat et approuvée par le comité. Ceci aurait permis aux membres du comité de se concentrer sur le rôle à jouer par le personnel du président et aurait garanti la reddition de comptes au comité quant aux mesures prises par ce personnel pour influencer le processus et la sélection du nouveau DG.
 

Recommandation 8

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que le personnel du bureau du président n’usurpe pas ou ne mine pas le rôle du personnel professionnel, surtout quand ce rôle a été déterminé par le conseil ou par un comité.

 

169    Le personnel et les dirigeants de la Région de Niagara auraient pu trouver fort utile une politique définissant le processus à suivre pour embaucher un DG. Les employés autres que le DG sont engagés conformément à une politique d’emploi et de dotation, et à des directives connexes. Cette politique définit le rôle des divers membres du personnel dans le processus d’embauche et précise que ce processus devrait être exempt de favoritisme et de discrimination. Cette politique n’était pas applicable à l’embauche du DG. Le Conseil régional a tout simplement créé un comité de recrutement et approuvé son mandat.

170    Bien que ce mandat ait conféré une certaine orientation au comité et au personnel de soutien, une politique autonome pourrait permettre de suivre un processus cohérent au fil du temps. Elle pourrait traiter du rôle du personnel dans le processus. Elle pourrait aussi préciser le rôle du conseil, et notamment indiquer quels renseignements partager avec le conseil et quels aspects du processus soumettre à l’approbation du conseil.

171    Pour refléter le rôle central du DG dans l’administration municipale et l’importance des relations entre le DG et le conseil, les gouvernements provinciaux de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba ont conçu des guides d’embauche du DG municipal [32]. Ces guides pourraient être utiles en tant que ressources à la Région de Niagara pour mettre en place une politique d’embauche du DG.
 

Recommandation 9

La Municipalité régionale de Niagara devrait adopter une politique définissant le processus à suivre pour embaucher un directeur général, et notamment les rôles du personnel et ses responsabilités envers le conseil ou un comité du conseil chargé de l’embauche.


 

Usage du courriel personnel

172    Mon enquête n’a pas pu déterminer de façon concluante comment des renseignements confidentiels ont été envoyés du personnel de la Région de Niagara à M. D’Angelo. Notre examen des comptes officiels de courriels de la municipalité ne nous a pas permis de retracer les courriels avec documents en pièces jointes. Il est possible que ces documents aient existé à une certaine époque, mais aient été supprimés par les utilisateurs. Il est possible aussi que les documents aient été partagés à l’aide d’un autre outil, comme un programme de partage des fichiers, ou qu’ils aient été partagés à partir de comptes de courriels personnels.

173    Le directeur des communications du président nous a dit qu’il aurait utilisé son courriel personnel pour apporter son aide à M. D’Angelo durant le processus d’embauche. Il nous a dit qu’à son avis, il ne serait pas convenable d’utiliser les ressources de la municipalité régionale, notamment en termes de temps ou de courriels, pour aider un candidat.

174    Notre examen des documents a montré que d’autres membres du personnel utilisaient leurs courriels personnels pour leur travail à l’administration régionale. Ainsi, j’ai reçu des copies de courriels envoyés de l’adresse personnelle du directeur des politiques aux membres du conseil, leur disant de proposer des motions spécifiques lors d’une prochaine réunion. Le directeur des politiques nous a dit qu’à son avis, il n’était pas question des affaires de la Région de Niagara, du point de vue des documents administratifs, car sa description de poste ne comprenait pas de « stratégie politique », et les courriels « auraient pu être écrits, pas si précisément, par tout membre du public qui se tenait informé des documents publics concernant le processus budgétaire et qui avait des relations personnelles avec chacun de ces conseillers ». Il nous a dit qu’il faisait ceci de façon « semi-régulière » et qu’il considérait que ces courriels étaient personnels car ils échappaient au « strict cadre » de sa description de poste. Il a ajouté qu’il n’avait jamais reçu de formation sur la distinction à faire entre les documents personnels et les documents régionaux.

175    L’utilisation appropriée du courriel par le personnel dans ses communications avec le conseil et les autres employés à propos des activités de la municipalité régionale garantit un niveau adéquat de responsabilisation, d’intégrité et de transparence, car ces courriels sont assujettis aux exigences légales et administratives de tenue des dossiers. Une telle transparence et une telle responsabilisation garantissent aussi que les communications entre le personnel et les élus sont appropriées, et arrêtent les communications et les tentatives indues d’influencer à tort des membres du conseil ou des comités.

176    Pour se conformer à toutes les exigences applicables de tenue des dossiers, et dans l’intérêt de bien gérer les dossiers administratifs importants, la Région de Niagara devrait veiller à ce que tout son personnel et tous ses responsables reçoivent une formation sur toutes les obligations concernant l’utilisation des courriels administratifs pour les activités de la Région de Niagara, dont les communications avec les comités ou les membres du conseil, et celles qui s’appliquent à la conservation des dossiers administratifs.
 

Recommandation 10

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que tout son personnel et tous ses dirigeants reçoivent une formation sur l’utilisation correcte des courriels administratifs et sur la conservation des documents administratifs.



 

Sécurité d’emploi : Prolongation du contrat du DG

Premier contrat « final », évaluation et renouvellement

177    Le 1er novembre 2016, soit le lendemain du vote du conseil pour engager M. D’Angelo comme nouveau DG, le président a envoyé une copie du contrat signé de M. D’Angelo à la directrice des services aux personnes. Ce contrat prévoyait six semaines de congés annuels, un salaire de 230 000 $ et une indemnité-véhicule de 800 $/mois. Il couvrait une période de trois ans (jusqu’en novembre 2019), mais indiquait qu’il serait prolongé si le DG obtenait des évaluations positives de rendement en octobre 2017 et 2018. Il prévoyait aussi un préavis de 18 mois pour un licenciement sans motif valable, passant à 24 mois si M. D’Angelo était licencié sans motif valable après novembre 2017. Il précisait aussi que la Région pourrait congédier le DG pour un « motif valable » – défini dans le document comme une « inconduite grave et délibérée » – en tout temps, sans préavis.

178    Le contrat prévoyait aussi qu’aucune modification ou renonciation de ces modalités ne serait contraignante à moins d’être signée par écrit par les parties en cause. Contrairement à la dernière ébauche examinée par l’avocat interne de la Région avant l’embauche, cette version finale n’exigeait pas que le conseil approuve des changements au salaire du DG. Elle indiquait simplement que les changements de salaire étaient assujettis à la participation de M. D’Angelo au programme de gestion du rendement de la Région.

179    M. D’Angelo a pris ses nouvelles fonctions le 14 novembre 2016. Il s’est rapidement mis au travail pour concrétiser certains des changements organisationnels qu’il avait planifiés, nous a-t-il dit, avant de se joindre à la municipalité régionale. Par exemple, un nouveau poste de gestionnaire général a été créé en mars 2017 et pourvu en mai, et un nouveau directeur des ressources humaines [33] a commencé en septembre 2017.


 

Le classeur fermé à clé

180    Le 2 octobre 2017, peu après son arrivée, le nouveau directeur des ressources humaines a demandé à son personnel de lui remettre les dossiers d’emploi de neuf hauts dirigeants, dont M. D’Angelo. Un courriel entre des membres du personnel a souligné que les dossiers devaient être remis au directeur au plus vite, « à la demande du DG ». Ce courriel indiquait que les neuf dossiers devaient être mis en sécurité dans un classeur fermé à clé dans le bureau du directeur. Nous avons été informés que tous les autres dossiers d’emplois régionaux étaient conservés dans des classeurs fermés à clé, au service des ressources humaines.

181    M. D’Angelo nous a dit qu’il voulait que ces dossiers sortent de « l’environnement ouvert », où presque « n’importe qui » pouvait y accéder. Il nous a déclaré qu’il y avait des fuites de renseignements à la municipalité régionale, et il pensait que seul le directeur des ressources humaines devrait avoir accès aux fichiers de la haute direction. Il n’a pas précisé quels renseignements avaient fait l’objet de fuites au service des ressources humaines, et les employés des ressources humaines que nous avons interviewés nous ont dit qu’ils n’avaient pas connaissance de telles fuites.

182    Le directeur des ressources humaines nous a dit qu’il n’avait été surpris par la requête de M. D’Angelo car, durant son processus d’embauche, on lui avait demandé s’il pourrait apporter un appui direct en ressources humaines au DG et au bureau du président. Il a ajouté qu’il n’avait pas trouvé la demande inhabituelle car il connaissait d’autres employeurs qui conservent séparément les renseignements d’emplois de la haute direction. Il nous a dit qu’il avait mis les fichiers en sécurité, sous clé, car ils comportaient des données d’emplois confidentielles, notamment des contrats et des évaluations de rendement.


 

Rendement « exceptionnel »

183    Le contrat de M. D’Angelo était d’une durée de trois ans, avec possibilité d’une prolongation de deux ans sous réserve d’évaluations positives du rendement de M. D’Angelo en 2017 et 2018. Ce contrat indiquait que les évaluations devaient être effectuées « sous la direction du président régional ». M. D’Angelo nous a dit qu’il avait rencontré le président le 5 octobre 2017, pour discuter de l’évaluation de son rendement. Une évaluation écrite datée du 10 octobre qualifiait le rendement de M. D’Angelo dans la Région d’« exceptionnel ».

184    Le directeur des ressources humaines nous a dit qu’il avait trouvé une copie de l’évaluation sur son bureau, dans une enveloppe en papier manille. Il avait joint cette évaluation au dossier de M. D’Angelo dans le classeur spécial fermé à clé, dans son bureau. Le président nous a dit qu’il avait effectué seul l’évaluation de M. D’Angelo, hormis un peu d’aide du personnel des ressources humaines pour les documents. Les membres du conseil nous ont dit qu’ils n’avaient pas été consultés sur le rendement du DG, et le conseil ignorait que cette évaluation avait été effectuée, ou quelles avaient été ses conclusions.

 

 

Renouvellement anticipé et protection « hors de l’ordinaire »

185    Le jour même où le président a signé la première évaluation de rendement de M. D’Angelo, il a aussi signé une lettre apportant d’importants changements aux modalités du contrat de M. D’Angelo. Cette lettre, marquée « Privée et confidentielle », et imprimée sur un papier à en-tête du service des ressources humaines de la Région de Niagara, indiquait que l’obligation pour M. D’Angelo d’obtenir deux évaluations positives consécutives de rendement avant toute prolongation de son contrat avait été « révisée ».

186    La lettre du président prolongeait ce contrat avec un an d’avance, sur la foi d’une seule évaluation du rendement de M. D’Angelo. Le président avait aussi ajouté une année de plus au contrat, portant sa durée totale de cinq à six ans. De plus, le contrat modifié comportait de nouveaux avantages et un changement important aux dispositions de licenciement du DG, prévoyant 36 mois de préavis en cas de licenciement – avec ou sans motif valable.

187    M. D’Angelo nous a dit qu’il avait demandé au président d’ajouter « une protection forte, hors de l’ordinaire » à son contrat car il pensait que les membres du conseil avaient créé un « milieu de travail empoisonné ». Il a dit que les conseillers se livraient à une « guerre par procuration » les uns avec les autres, et qu’il était pris au milieu. Le président nous a dit que « des groupes d’intérêts spéciaux » inventaient « des mensonges éhontés » pour discréditer le DG, si bien que quand M. D’Angelo avait soulevé des préoccupations quant à son contrat, le président avait reconnu qu’il fallait faire quelque chose.

188    Lors de sa première entrevue avec mon Bureau, le président nous a dit que, bien que n’étant « pas expert en RH », il ne se souvenait pas d’avoir sollicité des conseils juridiques ou d’avoir consulté le personnel des ressources humaines sur les modalités de renouvellement du contrat avant de signer la lettre. Dans une entrevue ultérieure, les souvenirs du président ont changé. Il nous a déclaré être « certain » d’avoir consulté le personnel des ressources humaines, et qu’ils avaient ébauché une lettre de renouvellement, mais il ne se rappelait pas qui il avait consulté.

189    Alors que son nom figurait dans la liste des destinataires de la lettre de renouvellement, le directeur des ressources humaines nous a dit qu’il n’avait appris les modifications au contrat qu’une semaine plus tard, le 18 octobre 2017, quand M. D’Angelo lui avait envoyé une copie de cette lettre et lui avait demandé de la discuter. Aucune des autres personnes que nous avons interviewées, notamment aux ressources humaines, ne nous a dit avoir joué le moindre rôle ou donné le moindre conseil lors de la rédaction de cette lettre de renouvellement.


 

Le nouveau contrat

190    La lettre du président prolongeait le contrat du DG jusqu’au 21 novembre 2022 – ajoutant ainsi trois ans à la durée du contrat d’origine. M. D’Angelo nous a dit qu’il avait choisi cette nouvelle date pour que son contrat ne se termine pas avant la fin du prochain mandat du conseil. Le président nous a déclaré qu’il avait été d’accord avec le raisonnement de M. D’Angelo, car cette prolongation permettrait au nouveau conseil, élu en octobre 2022, de déterminer s’il voulait garder ou remplacer M. D’Angelo en tant que DG. Le président a dit qu’à son avis, prolonger la durée globale du contrat de M. D’Angelo d’une année ne faisait pas grande différence dans sa longueur.

191    La lettre modifiait aussi radicalement les dispositions de licenciement du contrat de M. D’Angelo. Alors qu’à l’origine, le contrat prévoyait un préavis de 18 ou de 24 mois pour licenciement sans motif valable [34], la lettre de renouvellement signée par le président prévoyait un préavis de 36 mois. Chose plus importante encore, alors que le contrat d’origine stipulait qu’il n’y aurait ni préavis ni paiement si le licenciement était pour « motif valable », la lettre de renouvellement prévoyait ce même préavis de 36 mois « avec ou sans motif valable ». Durant la période de préavis, M. D’Angelo continuerait de bénéficier de son salaire et de tous ses avantages en vertu du contrat.

192    M. D’Angelo nous a dit que c’était lui qui avait rédigé la disposition du contrat sur le préavis de trois ans avec ou sans motif valable. Il s’est souvenu avoir expliqué au président qu’il s’agirait d’un « préavis de travail », si bien que s’il était licencié, même pour motif valable, il continuerait de travailler comme DG de la Région pendant trois ans encore. Ensuite, M. D’Angelo nous a dit, par l’entremise de son avocat, qu’il fallait mieux comprendre les trois années supplémentaires comme une « continuation de salaire ».

193    Le directeur des ressources humaines, qui a pris connaissance des dispositions de renouvellement une fois que la lettre a été signée, nous a dit qu’il avait trouvé le préavis de 36 mois « généreux », et qu’il l’avait mentionné à M. D’Angelo quand ils s’étaient rencontrés peu après la signature. Toutefois, il nous a précisé qu’il n’avait pas remis davantage la question en cause car le président avait déjà signé la lettre. Durant nos entrevues, M. D’Angelo, le président et le directeur des ressources humaines nous ont tous confirmé qu’à leur connaissance, même si M. D’Angelo était congédié pour un motif valable, il continuerait de travailler à son poste pendant trois ans encore. Le président nous a dit que la seule raison pour laquelle le préavis de travail pourrait être raccourci serait l’impossibilité pour M. D’Angelo de venir travailler. Le président a suggéré un exemple pour illustrer son propos, disant que M. D’Angelo ne pourrait pas continuer de travailler durant la période de préavis s’il était incarcéré. Bien que M. D’Angelo ait modifié son témoignage par la suite, je considère que sa description antérieure de cette disposition comme étant un avis d’emploi s’avère compatible avec le témoignage des autres témoins.

194    Le personnel des ressources humaines nous a dit qu’il n’avait jamais vu de telles clauses de préavis de travail dans un autre contrat de la Région de Niagara. Le personnel qui avait l’expérience de la gestion des licenciements nous a déclaré que, quand des employés de la Région de Niagara sont licenciés pour motif valable, ils doivent immédiatement quitter les lieux, et tout versement de salaire et toute prestation d’avantages sociaux cessent alors. Par le biais de son avocat, M. D’Angelo nous a fait savoir qu’il avait connaissance de dispositions similaires dans des contrats d’emploi.

195    La lettre du président accordait une nouvelle « allocation-retraite » de 12 mois à M. D’Angelo, incluant toutes les prestations et cotisations de retraite, si son contrat n’était pas prolongé après novembre 2022. Cette lettre prévoyait une assurance supplémentaire, un compte de dépenses de soins de santé et des augmentations annuelles d’indemnité-véhicule. M. D’Angelo nous a dit qu’il avait ajouté ces dispositions à son contrat, et le président nous a dit que ces changements ne l’avaient pas préoccupé, car ils étaient « de nature relativement mineure ».


 

Pas de participation du conseil

196    Le premier contrat de M. D’Angelo, datant d’octobre 2016, stipulait qu’il ne serait valide qu’une fois approuvé par le Conseil régional. En revanche, la lettre de renouvellement ne fait aucune référence au conseil sur ce point. Les membres du conseil nous ont dit qu’ils ignoraient que le contrat du DG avait été modifié alors, et qu’aucune résolution ni aucun règlement n’avait été adopté par le conseil pour autoriser une prolongation.


 

Augmentation de salaire

197    Ni la lettre de renouvellement ni la première évaluation de rendement n’ont eu d’effet immédiat sur le salaire de M. D’Angelo, qui est resté de 230 000 $, chiffre approuvé par le conseil en 2016.

198    Le 8 octobre 2017, trois jours après la réunion d’évaluation du rendement avec le président, une feuille de calcul comparant le salaire de M. D’Angelo à celui des DG de 23 autres municipalités a été sauvegardée sur son ordinateur à la Région de Niagara. Le document indique le salaire du DG, et ce qu’il serait s’il augmentait de 2 %, 3 %, 4 %, 5 % ou 10 %. Les propriétés du document indiquent que cette feuille de calcul a été modifiée pour la dernière fois le 18 octobre 2017.

199    Le directeur des ressources humaines nous a dit que M. D’Angelo lui avait fait parvenir une copie de la lettre de renouvellement de son contrat ce jour-là et que tous deux s’étaient rencontrés pour en discuter. Le directeur nous a dit qu’il avait soulevé la question de l’augmentation de salaire avec M. D’Angelo car, d’après son expérience, une augmentation salariale va souvent de pair avec une évaluation positive du rendement. Il s’est souvenu que le DG lui avait dit qu’il pensait qu’il y aurait une augmentation, mais que le directeur devrait en parler au président. Le 6 novembre 2017, M. D’Angelo a envoyé au directeur une copie de la feuille de calcul montrant les comparaisons de salaires des DG.

200    Le directeur des ressources humaines nous a dit qu’il avait soulevé la question auprès du président et qu’il avait recommandé une hausse du salaire de M. D’Angelo, le portant à 250 000 $, car c’était un chiffre rond, qui laissait encore une certaine marge par rapport au salaire maximum prescrit par la municipalité pour son DG [35]. Un message envoyé à partir du compte courriel du président le 9 janvier 2018 a approuvé cette augmentation, disant :

À la suite de notre conversation sur l’évaluation du rendement du DG, et de votre conseil recommandant de faire passer le DG à une rémunération comparable à celle de ses pairs, veuillez faire le nécessaire pour une augmentation du salaire du DG à 250 000 $ par an, à compter de la prochaine période de paye.


201    Le directeur a fait suivre ce courriel à son personnel pour effectuer ce changement.

202    Quand nous avons montré une copie de ce courriel au président durant notre première entrevue, il nous a dit que ce document n’était pas de lui et qu’il ne se souvenait pas de l’avoir écrit. Il nous a dit qu’il ignorait que le salaire du DG avait été augmenté. Une semaine après cet entretien avec lui, le président nous a envoyé un courriel pour nous dire qu’après réflexion, il se souvenait d’avoir vu une feuille de calcul comparant des salaires de DG et d’avoir discuté du salaire de M. D’Angelo avec le personnel des ressources humaines. Il nous a dit que quelqu’un d’autre de son bureau avait envoyé le courriel autorisant l’augmentation de salaire, en se servant de son compte courriel avec sa permission.

 

Problèmes du processus relatif au contrat : Pratiques exemplaires

203    Les circonstances qui ont entouré la prolongation du contrat de M. D’Angelo font actuellement l’objet d’un examen devant les tribunaux de l’Ontario. Par conséquent, je ne fais aucune observation dans mon rapport sur sa validité, ou sur le pouvoir légal qu’avait ou non le président de l’approuver. En revanche, à partir des renseignements recueillis durant mon enquête, je recommande des pratiques exemplaires à la Municipalité régionale de Niagara, pour qu’elle les applique à l’avenir.
 

 

Respect de l’autorité du conseil

204    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, tous les pouvoirs d’une municipalité sont exercés par son conseil [36]. Les pouvoirs d’une municipalité peuvent être délégués à son personnel et à ses dirigeants, sous réserve de certaines exceptions citées dans la Loi. Quand le conseil a formé le comité de recrutement du DG, il lui a délégué le pouvoir de mener les tâches énumérées dans le mandat du comité, et notamment de faciliter le processus de recrutement du DG et de recommander un candidat au conseil.

205    Le président nous a dit qu’il croyait avoir le pouvoir de prolonger le contrat du DG sans faire appel au conseil en 2017, car plus d’un an auparavant, le comité de recrutement avait délégué son pouvoir de négocier le contrat à une société externe de recherche et au président. Il nous a dit qu’il avait compris que cette mesure s’appliquait à « toutes les négociations en cours durant la gestion du contrat ». En d’autres termes, le président régional avait compris qu’être chargé de faciliter les négociations du contrat de 2016 lui permettait de négocier et de gérer, de lui-même, tout changement ultérieur à ce contrat, même plus d’un an après sa signature.

206    M. D’Angelo nous a dit qu’il était certain que le président était en droit de modifier son contrat d’emploi car c’est lui qui avait négocié les modalités de son premier contrat. Il nous a expliqué qu’il croyait que l’obligation figurant dans le contrat d’origine de le faire approuver par le Conseil régional résultait d’une « erreur de copier-coller », et que la gestion de son contrat relevait entièrement du pouvoir du président. Il n’a pas été en mesure de préciser de quelle source le président aurait tiré ce pouvoir, mais il a suggéré que c’était le règlement adopté par le conseil quand il l’avait nommé au poste de DG [37]. Ce règlement nomme le DG régional, doté de tous les pouvoirs et les devoirs conférés au DG en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et par le conseil. Il ne fait aucune mention de modifications au contrat du DG et ne délègue aucun pouvoir au président.

207    Comme la validité du contrat de M. D’Angelo est devant les tribunaux alors que nous rédigeons ce rapport, je ne fais aucune observation sur le pouvoir qu’avait ou non le président de le modifier ou de le prolonger. Toutefois, pour éviter la confusion à l’avenir, la Région devrait préciser le rôle du conseil en ce qui concerne la négociation et l’approbation d’un contrat de DG.

208    L’Association canadienne des administrateurs municipaux a créé une « Trousse d’outils de gestion et d’évaluation du directeur général » pour aider les municipalités dans le cadre des relations entre le conseil et le DG [38]. Cette trousse inclut un modèle de « règlement ou arrêté relatif au directeur municipal » qui précise les pouvoirs et les devoirs du DG [39]. Le modèle de règlement stipule que le conseil doit énoncer les modalités de la nomination du DG, et notamment celles de la durée de son mandat, de son salaire et de ses avantages. Il précise que tout changement au salaire et aux avantages du DG doit être fait par le conseil.
 

Recommandation 11

La Municipalité régionale de Niagara devrait adopter un règlement définissant les paramètres des relations entre le conseil et le DG, notamment le rôle du conseil dans la modification du contrat et du salaire du DG.

 

209    Le président a accepté les changements proposés pour le contrat de M. D’Angelo sans prendre aucune mesure pour consulter le personnel ou solliciter des conseils juridiques. Rien n’a été fait pour veiller à ce que les dispositions ajoutées au contrat soient conformes aux normes du langage contractuel de la Région de Niagara, ni pour veiller à ce qu’elles reflètent ses intérêts. Bien que la municipalité régionale n’ait pas de politique ou de guide spécifique de la gestion d’un contrat de DG, elle dispose d’un personnel de ressources humaines qui a l’habitude de gérer les contrats du personnel. De plus, elle a un service juridique interne et des avocats externes spécialisés dans le secteur de l’emploi, qu’elle aurait pu consulter avant l’approbation des changements au contrat.
 

Recommandation 12

Avant d’apporter à un contrat des changements qui ont une incidence sur ses intérêts juridiques, la Municipalité régionale de Niagara devrait exiger que le personnel consulte les services juridiques et les ressources humaines pour garantir que les modalités du contrat sont légales et conformes aux intérêts de la municipalité.



 

Gestion du rendement

210    Bien que le DG soit appelé à jouer un rôle central dans la gestion de la municipalité régionale, nous avons été informés qu’il n’existe ni règlement, ni politique, ni procédure pour définir clairement comment et quand il faudrait effectuer un examen de son rendement, et qui devrait le faire. Ce manque de précision a mené à des incohérences d’approche dans la Région de Niagara.

211    Quand le Conseil régional alors en place a engagé le prédécesseur de M. D’Angelo comme DG, en 2013, il a examiné son offre d’emploi, incluant les modalités de son contrat, et il a demandé au personnel d’y inclure l’exigence que le conseil approuve des évaluations annuelles de rendement ainsi que les augmentations de salaire.

212    Nous avons été informés que, conformément à cette exigence, le président régional avait sollicité les commentaires de tout le conseil sur le rendement du DG d’alors. Plusieurs des conseillers régionaux à qui nous avons parlé se sont souvenus que le conseil avait été consulté sur le rendement du DG d’alors, avant de conclure son évaluation. Les courriels communiqués à mon Bureau montrent aussi que le conseil avait participé à ces évaluations. Dans un courriel envoyé au conseil au début de 2015, avec en pièce jointe un sondage où les conseillers pouvaient commenter le rendement du DG d’alors, le président déclarait : « À titre de conseiller régional, votre rôle est notamment de faire des commentaires sur l’évaluation du rendement du directeur général (DG) ».

213    En 2016, ce même président a suivi une approche très différente pour l’évaluation du rendement de M. D’Angelo en tant que nouveau DG. Il a signé un contrat stipulant que les évaluations de M. D’Angelo seraient effectuées sous sa direction. Le conseil n’a pas vu ce contrat; une note de service communiquée au conseil au sujet du contrat ne disait pas un mot sur la manière d’effectuer les évaluations. Le président a ensuite fait seul les évaluations du rendement de M. D’Angelo, sans consulter ou informer le conseil.

214    Cette situation aurait pu être évitée. En 2015, le personnel de la Région de Niagara a communiqué avec d’autres municipalités et a recherché comment effectuer au mieux les évaluations du rendement du DG d’alors. À la suite de cette recherche, la directrice des services aux personnes a écrit au président, recommandant que le conseil participe au processus d'évaluation du rendement du DG. Toutefois, cette question n’a jamais été présentée au conseil.

215    Par souci de cohérence et de clarté, la Région de Niagara devrait adopter une politique décrivant le processus à suivre pour les évaluations du rendement du DG. Cette politique devrait donner des directives sur la manière d’effectuer une évaluation et préciser qui devrait y participer. Comme indiqué dans le paragraphe 209 ci-avant, l’Association canadienne des administrateurs municipaux a créé une trousse d’outils qui comprend des modèles et des pratiques exemplaires pour évaluer et commenter le rendement d’un DG [40]. La Région voudra peut-être aussi rechercher des politiques similaires d’autres municipalités, à l’aide de l’outil de recherche municipal Google créé par l’Association des directeurs généraux, secrétaires et trésoriers municipaux [41].
 

Recommandation 13

La Municipalité régionale de Niagara devrait adopter une politique régissant le processus d’évaluation du rendement d’un DG.



 

Enquêtes locales : Que s’est-il passé ?

Enquête de l’ombudsman municipal

216    Le 6 avril 2018, le journal local a rapporté que le processus d’embauche du DG de la Région de Niagara était « entaché » car des renseignements confidentiels avaient été divulgués indûment à M. D’Angelo durant ce processus. La semaine suivante, lors d’une réunion le 12 avril, le Conseil régional a nommé une société indépendante de règlement des différends pour entreprendre « une enquête menée sans entraves par une tierce partie ayant tous les pouvoirs d’un ombudsman municipal, conformément aux articles 223.13 à 223.18 de la Loi sur les municipalités [42] ». Le conseil a enjoint à cette tierce partie d’enquêter sur « le processus d’embauche du directeur général en 2016 » et de faire rapport à un quorum du conseil d’ici la fin de juin 2018. La greffière régionale intérimaire devait faciliter l’enquête, avec la coopération de tous les services.

217    La résolution du conseil a été transmise à cette société, qui a sélectionné l’un de ses enquêteurs et lui a confié le rôle d’ombudsman municipal. La société a préparé une ébauche d’accord de services déterminant les honoraires de l’ombudsman et l’estimation de ses heures de travail. L’enquêteur sélectionné était avocat, médiateur et arbitre. Il nous a dit qu’il avait effectué de nombreuses enquêtes en milieu de travail, mais n’avait jamais joué le rôle d’ombudsman municipal avant cette nomination.

218    La municipalité régionale n’a pas défini de mandat pour cet ombudsman municipal. L’accord de services ne décrivait pas son rôle, si ce n’est en faisant référence aux pouvoirs d’un ombudsman en vertu de la Loi sur les municipalités. Les seules instructions données à l’ombudsman municipal étaient celles énoncées dans la résolution adoptée par le conseil le 12 avril. Durant notre enquête, l’ombudsman municipal nous a dit qu’il avait complètement fondé sa compréhension de son mandat sur cette motion.

219    Le 13 avril, le personnel juridique de la Région de Niagara a informé tous les membres du conseil qu’il leur était désormais interdit de supprimer ou de détruire tout document en raison d’une « mise en suspens juridique », en préparation à l’enquête de l’ombudsman municipal. Cette mise en suspens s’appliquait aussi aux employés dont on croyait qu’ils possédaient des documents pertinents en raison de leur rôle dans la municipalité, y compris au personnel du bureau du président.

 

Demandes de preuves

220    Le 19 avril, l’ombudsman municipal a parlé au personnel de la Région de Niagara pour discuter des renseignements dont il avait besoin pour son enquête. Des notes prises par le personnel durant cette discussion indiquent qu’il a demandé à obtenir des listes des membres du conseil et des membres du comité de recrutement, des liens à toutes les réunions du comité de recrutement et des liens à la couverture médiatique sur les allégations de fuites. Lors d’une réunion de suivi le 26 avril, l’ombudsman municipal a demandé à obtenir tous les courriels envoyés ou reçus par tous les membres du conseil et quatre membres du personnel, du 28 avril 2016 au 12 avril 2018. Il a aussi demandé des copies papier de documents et de notes de service, et il a dit que sa requête devait s’étendre à la société externe de recherche, ainsi qu’à tout autre employé de la municipalité régionale qui pourrait avoir des renseignements pertinents.

221    Le 30 avril, le personnel a parlé à l’ombudsman municipal de l’envergure de sa demande. Des notes prises lors des appels indiquent que le personnel a expliqué à l’ombudsman municipal que, comme sa requête était de si vaste portée et visait beaucoup d’employés et de dirigeants durant une longue période, le nombre de documents recueillis serait grand. Les membres du personnel ont dit à l’ombudsman qu’ils ne pouvaient pas prendre la responsabilité de déterminer si un document était « pertinent » pour son enquête, et ils lui ont demandé de leur donner des critères de recherche à appliquer. Par exemple, au lieu de demander au personnel d’identifier quels employés pourraient avoir des documents pertinents, le personnel a suggéré à l’ombudsman de limiter les recherches aux employés selon leur rôle dans la région, par exemple à ceux déjà sous le coup de la mise en suspens juridique.

222    Durant cette discussion, l’ombudsman municipal a aussi demandé à obtenir des renseignements auprès de l’Office de protection de la nature, ancien employeur de M. D’Angelo. Le personnel de la municipalité régionale a expliqué qu’il n’avait pas accès à ces dossiers et que l’ombudsman devrait présenter une requête directement à l’Office de protection de la nature.

223    Le 8 mai, l’ombudsman municipal a écrit au personnel de la Région de Niagara pour préciser la portée de sa demande de documents. Voici ce qu’il a demandé :

Copies de tous les dossiers, les courriels, les textes, les notes de service, les lettres, les notes écrites à la main, les calendriers, les messages de médias sociaux et les autres documents, y compris les documents sur papier et les documents électroniques, de quelque format que ce soit, et quel que soit leur lieu de stockage, ainsi que les documents sonores (p. ex., messages vocaux), vidéos et enregistrements numériques, pour la période allant du 28 avril 2016 au 31 octobre 2016, qui pourraient être pertinents pour l’enquête, qui se trouvent en la possession ou sous le contrôle de tous les membres du conseil et du personnel régional, et d’autres à qui l’Avis de mise en suspens juridique, daté du 13 avril 2018, a été remis, qui ont participé au processus d’embauche.

 

224    Il a confirmé qu’il voulait les documents de tous les membres du conseil, de tous les membres du personnel ayant participé au processus d’embauche du DG, et de tous les employés sous le coup de la mise en suspens juridique.

225    La greffière a averti l’ombudsman que le personnel n’était pas en mesure de déterminer la pertinence d’un document, et qu’il lui communiquerait tous les documents de cette période, à moins qu’il ne donne des critères pour restreindre la recherche. Au lieu de prendre des mesures pour envoyer une requête ciblée à la Région, l’ombudsman municipal a répondu que la pertinence était un « critère critique », mais que les membres du personnel devraient lui fournir tous les documents qu’ils jugeaient nécessaires.

226    La greffière a écrit à tous les membres du personnel et à tous les conseillers pour leur demander de fournir tous les documents pertinents dans le cadre de l’enquête de l’ombudsman municipal au plus tard le 6 juin 2018. Le personnel des TI de la Région a récupéré les courriels qui répondaient aux critères de recherche, dans le serveur. Le personnel a aussi communiqué 424 704 documents à l’ombudsman municipal, soit 3,7 téraoctets de données.

227    Le 4 juin, le personnel de la société de l’ombudsman municipal a signé un accord de confidentialité fourni par la Région de Niagara. Cet accord exigeait que la société protège la confidentialité de toute la documentation remise par la Région et qu’elle s’engage à « supprimer, détruire ou renvoyer » tous les renseignements à la fin de l’enquête.

 

Sources anonymes

228    L’ombudsman municipal nous a dit qu’il avait décidé de ne pas accepter de preuve des témoins qui souhaitaient rester anonymes. Le 17 juin, un membre du conseil a envoyé un courriel à l’ombudsman municipal lui disant qu’il avait entendu dire que l’ombudsman avait refusé de communiquer avec une source qui voulait rester anonyme. Cette source était apparemment la personne qui avait communiqué les détails des fuites de renseignements concernant l’embauche au journal local. L’ombudsman municipal a répondu que cette source devrait solliciter des conseils juridiques sur ses droits et ses obligations. Il a confirmé à notre Bureau qu’il n’avait pas parlé à la source ou aux sources de renseignements des médias durant son enquête.

229    L’ombudsman municipal a fait 16 entrevues. Il a notamment interviewé six membres du Conseil régional (dont les cinq membres du comité de recrutement du DG), sept membres du personnel de la Région de Niagara et trois représentants de la société externe de recherche. Les entrevues ont eu lieu dans un hôtel local. L’ombudsman municipal nous a dit qu’il n’avait pas effectué ses entrevues sous serment, car il croyait qu’il serait plus productif de procéder ainsi, et toutes les personnes qu’il avait interviewées s’étaient montrées « coopératives ».

230    Le 25 juin, l’ombudsman municipal a informé la greffière qu’il remettrait son rapport au plus tard le 30 juin. Il lui a enjoint de ne communiquer ce rapport à personne avant qu’il ne soit remis au conseil, lors d’une réunion. La municipalité régionale n’a pas reçu de version préliminaire du rapport, pour examen, avant que le rapport final ne soit rendu public.

 

Le conseil reçoit le rapport

231    Dans son rapport, l’ombudsman municipal a énuméré neuf « préoccupations » qui, selon lui, méritaient une enquête à la lumière de la couverture médiatique, dont les suivantes :

  • le processus d’embauche du DG était « entaché par des transactions d’arrière-boutique »;

  • des documents confidentiels avaient indûment été divulgués à M. D’Angelo par le bureau du président;

  • le directeur des politiques avait eu accès à des renseignements confidentiels qu’il n’aurait pas dû obtenir, car il n’était pas membre du comité de recrutement;

  • la décision d’embauche était prédéterminée;

  • des membres du comité de recrutement faisaient aussi partie du conseil d’administration de l’Office de protection de la nature, si bien qu’ils étaient employeurs de M. D’Angelo;

  • le personnel des ressources humaines de la Région de Niagara avait été exclu du processus d’embauche, alors qu’il était inclus au mandat du comité de recrutement.


232    Le rapport indiquait que l’ombudsman municipal avait cerné huit préoccupations supplémentaires après ses discussions avec les conseillers, le personnel et des membres du public. Les inquiétudes étaient entre autres les suivantes : la procédure établie n’avait pas été respectée, les conseillers avaient enfreint le code de conduite de la Région et la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux, les conseillers avaient utilisé leur courriel personnel pour des travaux de la Région de Niagara, et le moral était bas. L’ombudsman municipal a écrit qu’il avait examiné les preuves selon la prépondérance des probabilités, et qu’il avait axé son approche sur des évaluations de crédibilité.

233    Le rapport détaillait le processus d’embauche du DG, allant de la formation et des réunions du comité de recrutement et de l’engagement de la société externe de recherche jusqu’à l’établissement d’une liste des traits de caractère et des compétences souhaités pour le DG, puis les entrevues, et la décision prise par le conseil d’engager M. D’Angelo.

234    L’ombudsman municipal a conclu que certaines des préoccupations soulevées par les médias et les témoins quant au processus d’embauche du DG étaient fondées sur « des rumeurs, des commérages, des insinuations ou des ouï-dire de véracité ou d’exactitude douteuse », de fausses informations, des hypothèses, des suppositions ou un non-respect regrettable des preuves claires et convaincantes. Il a estimé que ces allégations ne faisaient pas le poids.

235    Il a conclu que le processus d’embauche du DG n’était ni contraire à la loi, ni déraisonnable, injuste, abusif ou indûment discriminatoire, ni tout ou en partie fondé sur une erreur de droit ou de fait, ni répréhensible. Son rapport présentait des conclusions spécifiques sur les divers problèmes cernés par lui en tant qu’ombudsman municipal. Par exemple, il a conclu que le comité de recrutement s’était acquitté de son mandat en engageant une société externe de recherche et en participant à un « processus transparent, concurrentiel et complet de recrutement, et avait gardé strictement pour lui tout renseignement confidentiel ».

236    Le rapport déclarait que les membres du comité avaient gardé « strictement pour eux » tout renseignement confidentiel concernant le comité. Il indiquait que les allégations selon lesquelles des renseignements confidentiels auraient été divulgués indûment, dont les noms et les biographies des candidats au poste de DG « n’étaient pas suffisamment étayées par des preuves ». Il concluait que le directeur des politiques du président était en droit d’assister aux réunions du comité de recrutement, dans le cadre de ses fonctions professionnelles, et que des renseignements confidentiels « n’avaient pas été divulgués indûment dans une note de service créée à la fin de septembre 2016 par [le directeur des politiques], et envoyée à Carmen D’Angelo – alors qu’il était candidat à ce poste… ».

237    Pour en arriver à cette conclusion, l’ombudsman municipal s’est appuyé sur le fait qu’en tant que membre du personnel régional, le directeur des politiques s’était engagé à ne pas divulguer de renseignements confidentiels, et que le directeur des politiques lui avait dit qu’il n’avait divulgué aucun renseignement confidentiel. L’ombudsman municipal a écrit que le directeur des politiques avait confirmé qu’il avait rédigé une note de service énumérant les candidats identifiés et leurs biographies, mais avait affirmé qu’il n’avait communiqué cette note de service à personne d’autre [43]. L’ombudsman municipal s’est aussi appuyé sur la déclaration du président disant qu’il n’avait envoyé le document à personne, et sur l’affirmation faite par M. D’Angelo qu’il n’avait pas reçu ce document. L’ombudsman municipal nous a dit qu’il s’était fondé aussi sur le manque de toute preuve contraire aux documents qu’il avait examinés et aux entrevues qu’il avait faites.

238    Quant à savoir si des membres du comité de recrutement avaient enfreint le code de conduite de la Région de Niagara, le rapport de l’ombudsman municipal indiquait que, durant son enquête, certaines allégations avaient avancé que des membres du comité avaient un conflit d’intérêts car ils étaient aussi membres du conseil d’administration de l’Office de protection de la nature, et par conséquent employeurs de M. D’Angelo [44]. L’ombudsman a cherché à déterminer si des membres du comité avaient enfreint la disposition du code de conduite stipulant que les membres devaient « éviter tout conflit d’intérêts » et il a conclu qu’il n’y avait pas eu de conflit d’intérêts. Il a aussi conclu que le comité de recrutement « s’était conformé à toutes les dispositions des réunions publiques ».

239    L’ombudsman municipal a conclu que certaines allégations étaient étayées par des preuves, notamment les suivantes :

  • des renseignements confidentiels sur les candidats au poste de DG avaient été indûment divulgués au public et aux médias;

  • le conseil n’avait pas œuvré dans la transparence;

  • certains membres du conseil avaient traité le public, le personnel régional et d’autres membres du conseil de manière inappropriée, avec un « manque de respect, de soutien mutuel et de compréhension, et avec abus ou intimidation ».

Le rapport ne faisait pas état de preuves ou d’analyses menant à ces conclusions.

240    L’ombudsman municipal a fait trois recommandations à la municipalité régionale. Il a recommandé que :

  • les membres du conseil respectent avec vigilance leurs obligations en vertu de la Loi sur les municipalités, du code de conduite de la Région et de son règlement de procédure;

  • le conseil fasse appel à un vérificateur externe et indépendant de gouvernance pour évaluer son cadre de gouvernance;

  • le conseil prépare une documentation d’éducation, formation et référence sur les rôles et les responsabilités des membres du conseil, du personnel, des municipalités de palier inférieur et du public.


241    Le rapport a été remis au Conseil régional lors d’une réunion publique le 5 juillet 2018. L’ombudsman municipal a présenté ses conclusions au conseil durant un peu plus de 30 minutes, puis il a répondu aux questions des membres du conseil. Ensuite, le conseil a voté pour considérer que la question était close, adopter les recommandations du rapport au plus tard en décembre 2018, et présenter des excuses au DG et au directeur des politiques du président « pour une atteinte perçue personnellement à leur réputation causée par le rapport ».

242    À la suite de la décision du conseil, le personnel de la Région de Niagara a demandé à une équipe externe de consultation de proposer un plan de travail pour une vérification externe de la gouvernance, comme l’avait recommandé le rapport de l’ombudsman municipal.
 

 

Encore des nouvelles sensationnelles

243    Le 26 juillet 2018, le journal local a publié un autre article sur le processus d’embauche du DG, alléguant cette fois que M. D’Angelo avait reçu les questions et les réponses avant sa seconde entrevue pour le poste de DG régional. Lors d’une réunion ce soir-là, le conseil s’est retiré à huis clos pour discuter de ces allégations. Par la suite, le journal a écrit que durant cette séance le personnel avait dit aux membres du conseil que, si la municipalité régionale licenciait le DG, elle aurait à lui payer 1 million $ en raison de son nouveau contrat. Certains des membres du conseil que nous avons interviewés nous ont dit qu’ils avaient entendu parler pour la toute première fois d’un nouveau contrat lors de cette réunion.
 

 

La vérification externe de la gouvernance

244    En séance publique, le conseil a nommé des vérificateurs externes de la gouvernance pour qu’ils entreprennent les activités proposées dans leur plan de travail. Il a aussi enjoint à l’avocat et au directeur de l’information de faciliter une recherche dans les serveurs de la municipalité régionale, les téléphones du DG,  du directeur des politiques et du directeur des communications, en travaillant sous la direction des vérificateurs externes de la gouvernance. Le conseil a aussi dit au personnel de demander la permission à l’Office de protection de la nature de faire des recherches dans ses dossiers.

245    Tout au long d’août 2018, les vérificateurs externes de la gouvernance sont restés en pourparlers avec le personnel de la Région de Niagara qui procédait aux recherches, pour discuter de la logistique avec lui. Le personnel a communiqué avec l’Office de protection de la nature en vue d’avoir accès à ses dossiers, mais cet Office a répondu qu’il devrait obtenir la permission de son conseil d’administration pour coopérer à cette recherche et que celui-ci ne se rencontrerait pas avant le 19 septembre 2018.

246    Lors d’une réunion extraordinaire le 23 août 2018, le conseil s’est penché sur un rapport d’étape des vérificateurs externes de la gouvernance [45]. Ce rapport précisait que le conseil avait demandé aux vérificateurs de superviser la recherche des documents, ce qui ne faisait pas partie de leur plan de travail proposé à l’origine. Les vérificateurs ont reconnu qu’ils auraient pu refuser la tâche qui leur avait été ainsi assignée « peut-être en raison du fait que nous n’avions pas de connaissances expertes dans les enquêtes informatiques ». Ils ont expliqué qu’ils avaient accepté ce projet car, à leur connaissance, leur rôle devait se limiter à superviser le personnel de la Région de Niagara chargé des recherches et, au cas où il trouverait des documents pouvant être pertinents, à en évaluer le bien-fondé.

247    Dans leur rapport d’étape, les vérificateurs ont écrit : « Nous ne prétendons pas que nos connaissances nous permettent de juger si les logiciels et la méthodologie utilisés par [le personnel] constituaient les moyens les plus efficaces d’effectuer la recherche. » Ils ont souligné qu’ils n’avaient trouvé aucune preuve que les documents mentionnés dans les rapports des médias avaient été envoyés à M. D’Angelo durant le processus d’embauche. Ils ont aussi précisé qu’ils n’avaient pas été en mesure de faire des recherches dans les serveurs de l’Office de protection de la nature en raison du délai requis pour obtenir l’approbation du conseil d’administration de cet organisme.

248    Ils ont ajouté qu’ils n’avaient pas été en mesure non plus de faire des recherches dans le téléphone de M. D’Angelo car la municipalité régionale n’avait pas de logiciel capable d’effectuer de telles recherches. Ils ont souligné que de telles recherches exigeraient une autorisation légale ou le consentement officiel de M. D’Angelo, et qu’elles seraient inutiles étant donné que M. D’Angelo n’utilisait plus le téléphone qu’il utilisait durant le processus d’embauche. Ils ont fait une mise en garde, disant que des renseignements auraient pu être envoyés à M. D’Angelo par de nombreux autres moyens, par exemple par son courriel personnel ou par des programmes de partage des fichiers. Le directeur de l’information de la Région a aussi fait rapport au conseil des détails techniques de la recherche entreprise jusqu’alors dans les serveurs de la municipalité.

249    Après avoir examiné ces rapports, le conseil a résolu que les vérificateurs « n’avaient pas un champ d’action suffisamment large pour mener adéquatement une enquête complète sur l’embauche du directeur général ». Il a demandé aux vérificateurs de continuer uniquement l’examen de la gouvernance, et a choisi de faire appel à mon Bureau pour enquêter.


 

Problèmes posés par le processus de l’ombudsman municipal

250    La Loi de 2001 sur les municipalités stipule que les municipalités peuvent nommer un ombudsman municipal. L’ombudsman municipal fait rapport au conseil. Son rôle est d’enquêter, de façon indépendante, sur les décisions prises, les recommandations formulées, les actes accomplis ou les omissions faites, dans le cadre de l’administration de la municipalité, de ses conseils locaux et des sociétés contrôlées par la municipalité. La décision, la recommandation, l’acte ou l’omission doit toucher un particulier ou un groupe de particuliers, à ce titre [46].

251    Quand une municipalité nomme un ombudsman municipal, elle lui confère des devoirs et des pouvoirs, en gardant à l’esprit l’indépendance et l’impartialité de l’ombudsman, et la confidentialité et la crédibilité de son processus d’enquête. Un ombudsman municipal peut être nommé à plein temps, ou pour une fonction précise que lui assigne le conseil. Dans ce cas, la Municipalité régionale de Niagara a nommé un ombudsman municipal dans un objectif bien précis : enquêter sur le processus d’embauche du DG en 2016.

252    Mon Bureau est un lieu de dernier recours. Dans la plupart des cas, le mieux est de régler les problèmes de gouvernance municipale au palier local. Quand un ombudsman municipal a été nommé, je n’ai pas le droit d’enquêter sur les problèmes qui relèvent de son mandat tant qu’il n’a pas achevé son examen ou refusé d’examiner la question, ou encore tant que le délai prévu pour porter plainte n’est pas écoulé [47]. Dans ce cas, je n’ai commencé mon enquête que quand l’ombudsman municipal avait fini son examen. Comme mon Bureau est un lieu de dernier recours, j’ai aussi attendu que les vérificateurs externes de la gouvernance aient terminé leur examen de cette affaire.

253    Quand j’étudie une plainte sur un agent de responsabilisation, y compris un ombudsman municipal, je ne fais pas fonction d’organisme d’appel. Je cherche à déterminer, par exemple, s’il a agi dans le cadre de ses pouvoirs conformément à la législation pertinente, à son mandat et aux politiques; s’il a examiné les questions dont il était saisi; s’il a suivi une méthode équitable; s’il a obtenu et examiné les preuves pertinentes; et s’il a donné suffisamment de raisons pour appuyer sa décision à partir des preuves disponibles.

254    En me fondant sur les conclusions de mon enquête, j’ai cerné des pratiques exemplaires qui pourraient aider la Région de Niagara – et toutes les municipalités – à l’avenir quand elles auront à nommer des agents de responsabilisation.


 

Établissement du mandat

255    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, un conseil peut nommer un ombudsman municipal pour effectuer une tâche précise, ou pour un rôle plus vaste. Dans un cas comme dans l’autre, le conseil détermine l’étendue des pouvoirs et des responsabilités de l’ombudsman municipal. Il appartient au conseil de préciser autant que possible les modalités de la nomination pour que le conseil, l’ombudsman nommé et le public comprennent le mandat de ce responsable, ses pouvoirs et le processus d’enquête à suivre.

256    Quand le conseil de la Région de Niagara a nommé un ombudsman municipal en avril 2018, il n’a pas défini de mandat ni aucune procédure établissant les modalités de la nomination ou régissant le processus. Il a simplement communiqué à l’ombudsman les renseignements inscrits dans la résolution du conseil, qui ne donnait aucun détail ni aucune instruction hormis le sujet de l’enquête et la date de remise de ses conclusions. L’entente de service signée par la municipalité régionale avec la société retenue ne donnait pas de renseignements supplémentaires quant au rôle que l’ombudsman municipal devrait jouer, ou quant à l’objectif central de son enquête.
 

 

Identification des problèmes

257    Cerner et définir les problèmes constitue l’un des enjeux majeurs de toute enquête. Les problèmes orientent le cours de l’enquête; ils mènent aux questions auxquelles il faut répondre pour les régler, questions qui mènent à leur tour aux conclusions. La première étape d’une enquête devrait être de dresser un plan d’enquête qui inclut les allégations ou les problèmes sur lesquels porte l’enquête. Faute de bien comprendre les problèmes dès le début, un enquêteur risque de tendre trop grands ses filets pour voir ce qu’il va attraper. Le résultat est une enquête vague et inefficace.

258    Comme la Région a omis de clarifier le mandat de l’ombudsman, l’objectif de l’enquête est resté peu précis dès le départ. Dans son rapport, l’ombudsman municipal a déclaré que la première question sur laquelle il s’était penché visait à déterminer si le processus d’embauche du DG en 2016 était contraire à la loi, déraisonnable, injuste, abusif, indûment discriminatoire, fondé sur une erreur de droit ou de fait, ou était erroné [48]. Le second problème qu’il a défini constituait à savoir s’il y avait des recommandations qu’il pourrait faire pour répondre aux préoccupations.

259    L’ombudsman municipal était en droit de conclure que tout aspect de conduite administrative soumis à son examen était déraisonnable, contraire à la loi ou abusif. Cependant, ces résultats ne devraient pas être confondus avec les problèmes en question.

260    L’ombudsman municipal énumère 17 « préoccupations » dans son rapport, qui ressemblent à des questions d’enquête. Toutefois, il nous a dit qu’il n’avait défini les préoccupations sur lesquelles devait porter son enquête qu’après avoir conclu cette enquête. Il a déclaré qu’il avait traité chacune des allégations soulevées par les médias, puis qu’il avait ajouté les autres en fonction des renseignements qu’il avait recueillis. Il a confirmé qu’il avait identifié ces préoccupations uniquement après avoir fini de recueillir les preuves et de faire les entrevues avec les témoins.


 

Dépassement du mandat

261    Quand nous avons interrogé l’ombudsman municipal au sujet de son mandat, il nous a dit qu’à sa connaissance, celui-ci couvrait le processus d’embauche du DG de mai à octobre 2016. Il nous a dit qu’il avait examiné le processus au complet, en incluant tous les aspects, du respect des règlements de la municipalité régionale sur les approvisionnements et les procédures, jusqu’à savoir s’il y avait eu infraction aux obligations de confidentialité, de transparence et de responsabilisation. Il a décrit son examen des textes de loi et de la jurisprudence, disant qu’il avait lu entre autres « probablement 200 décisions » prises par mon Bureau. Il a ajouté qu’il avait recueilli « des tonnes et des tonnes de documents », qu’il « avait regardé tout ça » et qu’il « avait sauté d’un témoin à un autre » en commençant par les membres du comité de recherche et en allant de plus en plus loin en « cercles concentriques ».

262    Comme l’ombudsman municipal n’avait pas cerné précisément dès le début les problèmes à examiner durant son enquête, il s’est égaré ici et là dans son enquête, notamment dans des secteurs qui ne relevaient pas de son mandat. Il est crucial, pour les enquêteurs, de restreindre leur examen aux questions qui relèvent légalement de leurs pouvoirs. Cependant, dans ce cas, l’ombudsman municipal ne s’est pas contenté d’exercer ses pouvoirs d’ombudsman municipal, mais il a cherché à déterminer si le comité de recrutement s’était conformé aux dispositions des réunions publiques énoncées dans les articles 238 et 239 de la Loi sur les municipalités – question qui relève en fait de mon Bureau, étant donné que je suis chargé d’examiner les réunions à huis clos pour la Région de Niagara. Il a aussi fait des constatations en vertu du code de conduite de la Région, alors que ceci relève du rôle d’un commissaire à l’intégrité (en vertu des articles 223.3 à 223.8 de la Loi sur les municipalités), et non d’un ombudsman municipal. Il nous a dit qu’il avait pensé que toutes ces pistes d’enquête relevaient de son mandat car on lui avait demandé de déterminer s’il y avait des illégalités.

263    L’ombudsman municipal a aussi conclu que certains membres du conseil s’étaient livrés à une conduite inappropriée, notamment à de l’intimidation et des abus, et que la Région n’avait pas œuvré dans la transparence. On ne sait pas très bien sur quels éléments de preuve il a fondé ces constatations, ni quels liens elles pouvaient avoir avec l’embauche du DG.


 

Informateurs secrets

264    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, un ombudsman municipal a de vastes pouvoirs pour obtenir les renseignements requis par son enquête. L’ombudsman nommé « peut entendre qui que ce soit ou en obtenir des renseignements » [49]. En raison des vastes pouvoirs dont un ombudsman municipal dispose pour obtenir des renseignements, ses enquêtes sont assujetties à de strictes dispositions de confidentialité. Toute enquête d’un ombudsman municipal doit être menée « en privé ». La Loi exige que l’ombudsman municipal garde le secret sur toutes les questions dont il prend connaissance dans l’exercice de ses fonctions [50]. Tout renseignement obtenu durant une enquête est protégé par le secret professionnel et l’ombudsman municipal ne peut pas être appelé à témoigner devant un tribunal ou dans une instance de nature judiciaire sur un fait dont il a pris connaissance dans l’exercice des fonctions que lui attribue la Loi [51]. L’ombudsman municipal peut uniquement divulguer dans un rapport ce qu’il juge « nécessaire pour fonder ses conclusions et ses recommandations »[52].

265    D’après les courriels que nous avons examinés et notre entrevue avec l’ombudsman municipal, celui-ci a été contacté directement par une à trois personnes qui voulaient lui donner des renseignements à condition qu’il garde leur identité secrète. Ces personnes incluaient la source ou les sources qui avaient divulgué les documents aux médias, selon les allégations. Les courriels que nous avons examinés indiquaient que la source ou les sources demandaient l’assurance du maintien de la confidentialité de leur identité, avant d’accepter de s’identifier elles-mêmes ou de parler à l’ombudsman municipal. L’ombudsman municipal nous a dit qu’il avait cru ne pas pouvoir garantir à un témoin qu’il ne révélerait pas son identité publiquement. Ces témoins ont donc décidé de ne pas lui parler. L’ombudsman nous a dit qu’il avait pensé que la crédibilité de son processus serait menacée s’il acceptait des renseignements d’une source sans en connaître l’identité, ou de sources qu’il ne pouvait pas identifier dans son rapport.

266    Bien qu’il faille se montrer prudent quand on accepte des renseignements de sources anonymes ou confidentielles, il peut y avoir bien des raisons pour lesquelles un témoin souhaite rester anonyme dans un rapport public, dont sa conviction que donner des preuves mènerait à des représailles au travail. Il n’est pas judicieux de rejeter ou de refuser d’examiner de tels renseignements lors d’une enquête [53]. Le processus d’enquête d’un ombudsman municipal est confidentiel et l’ombudsman peut accepter des renseignements de sources dont il ne divulgue pas l’identité. Accepter des preuves d’une source confidentielle ne voulait pas dire que l’ombudsman ne pouvait pas évaluer ces preuves et parvenir à des observations crédibles. Ceci voulait tout simplement dire qu’il n’avait pas à nommer la personne ou les personnes en question dans son rapport. En refusant de tels renseignements, l’ombudsman municipal a écarté des preuves potentiellement pertinentes et il a compromis la validité de son enquête. Dans le contexte d’enquêtes d’un commissaire à l’intégrité, les tribunaux ont conclu que le pouvoir discrétionnaire conféré par la loi à l’enquêteur de divulguer, dans un rapport au conseil, des questions qu’il juge nécessaires aux objectifs de son rapport inclut le pouvoir de protéger l’identité des informateurs [54].
 

 

Recherche de toutes les preuves disponibles pertinentes

267    Les allégations dans les médias qui ont mené à la nomination de l’ombudsman municipal reposaient sur des documents confidentiels envoyés de la municipalité régionale à M. D’Angelo alors qu’il était employé à l’Office de protection de la nature. La première demande de documents faite par l’ombudsman municipal à la Région de Niagara incluait des renseignements de l’Office de protection de la nature. Quand les membres du personnel de la Région de Niagara lui ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas avoir accès aux documents de l’Office de protection de la nature, ils lui ont suggéré d’en faire la requête directement. Cependant, l’ombudsman municipal nous a dit qu’il n’avait pris aucune mesure pour obtenir des documents ou des renseignements auprès de l’Office de protection de la nature.

268    Certains des témoins à qui nous avons parlé nous ont dit avoir été surpris et préoccupés du fait que l’ombudsman municipal n’avait ni sollicité ni examiné de preuves numériques de l’Office de protection de la nature. Un membre du conseil nous a déclaré que c’était un peu « comme s’il s’était assis au milieu de la route et s’était arrêté ».

269    L’ombudsman municipal a confirmé que beaucoup de témoins l’avaient encouragé à faire des recherches dans les serveurs de l’Office de protection de la nature pour tenter de trouver les documents indûment divulgués, et qu’il aurait pu le faire. Il nous a dit qu’il n’avait pris aucune mesure pour obtenir ces documents car personne ne lui avait fait valoir de façon convaincante que les preuves étaient à l’Office de protection de la nature. Il nous a expliqué que la plupart des allégations laissaient entendre que M. D’Angelo avait reçu les documents sur son courriel personnel, et c’est pourquoi il avait présumé que ces documents ne seraient pas dans les serveurs de l’Office de protection de la nature. Il nous a dit aussi que la plupart des personnes qui lui avaient fait cette suggestion étaient motivées par des raisons émotionnelles ou politiques, et il avait eu l’impression qu’il y aurait toujours plus d’endroits où faire des recherches, si bien que les recherches deviendraient « sans fin ».

270    Il incombe à un enquêteur de prendre des mesures pour obtenir les preuves requises par son enquête. Ceci est particulièrement vrai quand les preuves, si elles étaient obtenues, pourraient déterminer les résultats de l’enquête. Alors que l’ombudsman municipal menait son enquête, des allégations lui ont été présentées, publiquement et directement, laissant entendre qu’il pourrait exister des preuves pertinentes dans les serveurs de l’Office de protection de la nature. Mais au lieu de demander à l’Office de protection de la nature d’avoir accès à ces renseignements, l’ombudsman municipal a décidé de se fier aux témoignages des personnes accusées d’avoir participé aux fuites, et au manque de preuves de fuites dans les preuves qu’il avait déjà recueillies. Il a donc omis de recueillir des preuves pertinentes et il en est arrivé à des conclusions erronées dans son rapport.

271    Les enquêteurs qui recueillent des preuves lors d’entrevues avec des témoins obtiennent parfois des déclarations contradictoires ou douteuses. Ils sont tenus d’évaluer la crédibilité des preuves des témoins. Pour évaluer la crédibilité d’un témoin, un enquêteur doit à la fois déterminer s’il croit que ce témoin se montre honnête, et si la version des faits donnée par le témoin est fiable. Il est crucial alors de chercher d’autres sources de preuves pour corroborer ou réfuter la version donnée par un témoin.

272    L’ombudsman municipal a déclaré que M. D’Angelo ne se souvenait pas d’avoir reçu les documents contenant les noms et les biographies des autres candidats durant le processus de recrutement du DG. Il a dit que M. D’Angelo avait souligné deux éléments qui avaient influencé ses souvenirs du processus. Premièrement, M. D’Angelo a déclaré qu’il « était engagé alors dans un processus de recrutement pour un DG à Niagara-on-the-Lake, et recevait beaucoup de documents, dont des documents d’information et des trousses d’information, avec les noms et les biographies de candidats pour ce poste ». Deuxièmement, comme son téléphone cellulaire avait été volé durant ce processus de recrutement, M. D’Angelo avait affirmé qu’il ne pouvait pas vérifier son courriel pour voir quels renseignements il avait reçus de la Région.

273    L’ombudsman municipal a écrit qu’il avait jugé « improbables » les réponses de M. D’Angelo, mais il « n’avait pas pu conclure que ses déclarations n’étaient pas crédibles ou fiables », car elles ne contredisaient aucune autre déclaration ni aucun autre document examiné lors de l’enquête. Il nous a dit qu’en l’absence de preuves contraires, il ne pouvait pas remettre en cause la valeur des preuves de M. D’Angelo, même s’il les trouvait douteuses. Il nous a dit aussi qu’il s’était appuyé sur deux décisions de justice, citées dans son rapport, pour ce principe [55]. Or il s’agit de décisions au criminel, qui ne semblent pas particulièrement pertinentes pour les questions examinées par l’ombudsman municipal [56].

274    Le manque de preuves contradictoires n’est pas un fondement solide pour conclure d’un fait [57]. Dans ce cas, il existait des preuves contredisant la version donnée par M. D’Angelo, que l’ombudsman municipal n’a pas cherché à obtenir. Ces preuves avaient trait à des commentaires sur le processus d’embauche d’un autre DG à Niagara-on-the-Lake. Le 31 août 2018, après avoir examiné le rapport de l’ombudsman municipal, la Ville de Niagara-on-the-Lake a adopté une résolution déclarant :

La Ville souhaite apporter une clarification factuelle à ce rapport, plus précisément au point 74, et faire savoir que jamais aucun candidat au poste de DG pour Niagara-on-the-Lake n’a reçu les noms et les biographies des autres candidats à ce poste, et que la Ville a fait des dépenses et des efforts considérables pour garantir l’intégrité du processus d’embauche…[58]

Cette résolution enjoignait aussi à l’ombudsman municipal de rectifier l’erreur factuelle dans son rapport.

275    Le 6 septembre 2018, l’ombudsman municipal a écrit à Niagara-on-the-Lake pour dire qu’il n’avait pas enquêté sur le processus d’embauche de la Ville, ni fait de conclusions à ce sujet dans son rapport. Il a dit que sa déclaration au sujet du processus suivi par la Ville s’appuyait sur un commentaire de M. D’Angelo, qu’il avait jugé « improbable ». Il a souligné qu’après la parution de son rapport, M. D’Angelo avait publiquement précisé qu’il n’avait pas reçu de documents contenant les noms d’autres candidats durant le processus d’embauche de Niagara-on-the-Lake. Cette précision apportée après la parution du rapport aurait été inutile à faire si l’ombudsman municipal avait communiqué avec Niagara-on-the-Lake durant son enquête.

276    De même, l’ombudsman municipal nous a dit qu’il n’avait pris aucune mesure pour vérifier la déclaration faite par M. D’Angelo disant qu’il n’avait pas accès à ses courriels de 2016 car on lui avait volé son téléphone cellulaire. Il nous a dit qu’il aurait ouvert une « boîte de Pandore » s’il avait commencé à faire des recherches de renseignements sur des téléphones et dans des serveurs. Cependant, notre enquête a confirmé que, même en cas de perte d’un téléphone, il est généralement possible de récupérer les courriels, car ils ne sont pas seulement stockés localement sur un appareil, mais ils peuvent être consultés par d’autres moyens.

277    L’ombudsman municipal nous a dit qu’il avait conclu que les documents confidentiels n’avaient pas été envoyés à M. D’Angelo durant le processus d’embauche parce que le président, le directeur des politiques et M. D’Angelo avaient tous nié les allégations, et lui-même n’avait découvert aucune preuve de tels envois. Il nous a dit que, dans ce cas, il avait jugé important d’en arriver à une conclusion directe que les documents n’avaient pas été divulgués indûment, plutôt qu’à une observation « passive » qu’il n’existait pas de preuve de fuites, car les allégations avaient une incidence sur des réputations personnelles, et car c’était une année d’élections.

278    Il arrive qu’il n’existe pas suffisamment de preuves pour appuyer une conclusion lors d’une enquête. Comme l’a montré mon enquête, le fait que l’ombudsman municipal n’ait pas recueilli de preuves que les documents avaient été divulgués indûment ne veut pas dire qu’il n’y avait pas eu de fuites. Il appartenait à l’ombudsman municipal de déclarer qu’il n’avait pas été en mesure de faire une observation ou de parvenir à une certaine conclusion. Dans pareils cas, la pratique exemplaire à suivre par l’enquêteur est de déclarer dans son rapport qu’il n’a pas pu parvenir à une conclusion particulière à partir des preuves, et d’expliquer pourquoi.
 

 

Pas de processus de rapport préliminaire

279    En vertu de la Loi sur les municipalités, personne ne peut exiger une audience devant un ombudsman municipal [59]. En revanche, avant de publier un rapport ou des recommandations « susceptibles de nuire » à la municipalité ou à toute personne, la Loi de 2001 sur les municipalités stipule qu’un ombudsman municipal doit donner à la municipalité ou à la personne concernée l’occasion de faire valoir son point de vue à cet égard [60]. Ceci protège l’équité procédurale du processus de l’ombudsman en donnant à la partie touchée la possibilité de connaître les accusations portées contre elle, et de s’exprimer [61].

280    Malgré cette exigence, le Conseil régional a vu pour la première fois les conclusions de l’ombudsman municipal quand son rapport final a été rendu public lors d’une réunion du conseil le 5 juillet 2018. L’ombudsman municipal n’a pas donné à la municipalité régionale l’occasion d’examiner et de commenter ses conclusions, avant de finaliser son rapport et de le rendre public.

281    L’ombudsman municipal nous a dit tout d’abord qu’il n’avait pas communiqué de version préliminaire de son rapport parce qu’il n’avait fait aucune conclusion défavorable contre des particuliers. Cependant, il a ensuite confirmé qu’il avait établi des conclusions défavorables contre la Région de Niagara, en faisant référence à « son manque de transparence et de responsabilisation, etc. et etc. ». Malgré ces conclusions défavorables, et en dépit des exigences de la Loi sur les municipalités, l’ombudsman municipal nous a dit qu’il n’avait vu aucune raison de fournir un rapport préliminaire car il « ne pensait pas que cela changerait la moindre chose ». En revanche, il nous a dit qu’il avait cru avoir respecté les exigences de la Loi en mentionnant ses préoccupations quant à la transparence et à la responsabilisation aux conseillers qu’il avait interviewés. Il a confirmé qu’il n’avait parlé qu’aux six conseillers qu’il avait interviewés; à aucun moment les 25 autres conseillers n’ont été informés de ses conclusions défavorables, et l’ensemble du conseil n’a jamais eu l’occasion d’examiner le rapport et de le commenter.

282    Durant notre entrevue, l’ombudsman municipal a dit qu’il n’avait pas pu communiquer une version préliminaire du rapport au conseil en vue d’un examen car il devait remettre ce rapport « à un quorum du conseil », et ceci n’était possible qu’en séance publique. Cependant, la Loi sur les municipalités prévoit un processus permettant à un ombudsman nommé de fournir un rapport préliminaire au conseil en séance à huis clos, tout en préservant la confidentialité de son enquête [62]. En fait, si un conseil discute d’une enquête en cours menée par un ombudsman municipal, y compris d’un rapport préliminaire, il doit le faire à huis clos. Le fait que le conseil ait donné pour directive à l’ombudsman municipal de faire rapport à un quorum du conseil n’annulait en aucun cas l’exigence légale de communication d’un rapport préliminaire.

283    Avant de nommer un ombudsman municipal, et pour garantir que cet ombudsman mène des enquêtes ciblées, justes, approfondies, légales et efficaces à l’avenir, la Région de Niagara devrait veiller à adopter un mandat ou des procédures régissant tous les aspects du processus d’enquête.
 

Recommandation 14

Quand la Municipalité régionale de Niagara nomme un ombudsman municipal, elle devrait veiller à lui donner un mandat complet, faisant notamment référence aux exigences pour :

- l’étendue des questions sur lesquelles enquêter;

- le recueil des preuves;

- la confidentialité, y compris celle des témoins;

- les rapports préliminaires.



 

Problèmes de l’examen fait par les vérificateurs externes de la gouvernance

284    Comme le rapport de l’ombudsman municipal l’avait recommandé, le conseil a nommé des spécialistes externes de la gouvernance pour examiner les pratiques de la Région de Niagara. Avant de faire cette nomination, le personnel a communiqué avec des examinateurs éventuels pour obtenir une proposition de plan de travail. Le plan de travail décrivait les activités que les vérificateurs croyaient pouvoir entreprendre et la façon dont ils comptaient faire ce travail.

285    Quand les nouvelles ont annoncé d’autres fuites de documents confidentiels juste avant la réunion du conseil le 26 juillet 2018, le conseil a enjoint à ces mêmes vérificateurs de superviser une recherche de preuves des fuites dans les serveurs régionaux. Le conseil n’a pas demandé au personnel de communiquer avec les vérificateurs, ni de faire d’autres recherches avant la réunion, pour déterminer si ces vérificateurs étaient disponibles et qualifiés pour mener la tâche à bien. Si les vérificateurs avaient été contactés d’avance, ils auraient pu expliquer qu’ils n’avaient pas les connaissances techniques nécessaires pour superviser une recherche dans des serveurs.

286    Quand des enquêteurs externes sont retenus à forfait, ils sont rémunérés par la municipalité. Leurs conclusions peuvent être rendues publiques. Une enquête mal effectuée peut coûter plus cher, à la longue, si elle doit être suivie d’autres enquêtes sur les mêmes problèmes ou si la municipalité doit obtenir des conseils juridiques pour répondre au travail des enquêteurs.

287    Avant de nommer un enquêteur externe, notamment un agent de responsabilisation, un enquêteur en milieu de travail ou un vérificateur, une pratique exemplaire consiste pour les municipalités à s’informer des services et de l’expérience des professionnels qu’elles envisagent d’engager et à confirmer ces renseignements avec l’enquêteur.
 

Recommandation 15

Avant de nommer des enquêteurs externes ou de retenir leurs services, la Municipalité régionale de Niagara devrait s’informer de leurs compétences, de leur expérience et de leur disponibilité, pour que le conseil puisse prendre une décision éclairée sur leurs qualifications pour le travail à effectuer.

 

Opinion

288    Mon enquête a conclu que le processus d’embauche suivi en 2016 par la Municipalité régionale de Niagara pour sélectionner un nouveau directeur général a été compromis, car des renseignements confidentiels sur les autres candidats et sur le processus d’entrevues ont été divulgués illicitement par des membres du personnel au candidat qui a été sélectionné en fin de compte pour le poste. L’importance de la violation de la confidentialité est ressortie quand les médias ont découvert des preuves concernant la conduite de l’administrateur le plus haut placé de la municipalité, deux années plus tard. Le manque d’équité et de transparence dans le processus d’embauche a suscité la controverse et la méfiance au sein de la Région et a miné la confiance du public envers le gouvernement local. Je conclus que l’échec de la Région de Niagara à préserver l’intégrité et l’équité du processus d’embauche était déraisonnable, injuste et erroné, conformément aux alinéas 21 (1) b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.

289    Le contrat du directeur général a été modifié ensuite par le président régional, à l’insu du conseil, du personnel ou de l’avocat externe, et sans leur participation. Je ne fais aucune observation quant à la validité de ce contrat, car l’affaire est actuellement devant les tribunaux. Cependant, le processus suivi n’était pas transparent et manquait des mécanismes de contrôle nécessaires pour protéger les intérêts du public. Je conclus que l’absence d’un règlement sur les relations entre le conseil et le directeur général de la Région de Niagara – y compris pour les évaluations de rendement, les augmentations de salaire et les modifications de contrat – était déraisonnable, conformément à l’alinéa 21 (1) b) de la Loi sur l’ombudsman.

290    Quand la municipalité régionale a décidé de répondre aux préoccupations sur le processus d’embauche du DG en 2016 en retenant les services d’un ombudsman municipal, elle a omis de lui donner des modalités ou des procédures d’enquête définissant son mandat, l’étendue de ses pouvoirs et les éléments de son processus d’enquête. Par la suite, elle a nommé des vérificateurs externes de la gouvernance pour superviser une recherche dans des serveurs, sans vérifier auparavant que les vérificateurs externes sélectionnés avaient les connaissances ou les capacités nécessaires pour mener à bien la tâche qui leur était confiée. Je conclus que les mesures prises par la Région de Niagara pour répondre aux préoccupations sur le processus d’embauche du DG étaient déraisonnables, conformément à l’alinéa 21 (1) b) de la Loi sur l’ombudsman.

291    Le coup monté de l’intérieur, décrit dans ce rapport, a été effectué par quelques personnes et leurs actes ne devraient pas remettre en question la conduite des autres employés de la Région de Niagara. La plupart des employés régionaux à qui nous avons parlé nous ont dit qu’ils n’avaient pas eu connaissance des problèmes du processus d’embauche du DG, ou qu’ils n’avaient entendu que des rumeurs. En très grande majorité, ils ont été désemparés par ce qui s’est passé dans cette affaire.

292    Pour promouvoir la transparence et la bonne gouvernance, la Municipalité régionale de Niagara devrait faire rapport au public et à mon Bureau, tous les six mois, de ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations, jusqu’à ce que je sois convaincu qu’elle a pris des mesures adéquates à leur égard.

 

Recommandations

293    Pour répondre aux préoccupations que j’ai cernées dans cette enquête, je fais les recommandations suivantes à la Municipalité régionale de Niagara :
 

Recommandation 1

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à mettre en place un code de conduite ou d’éthique du personnel qui prévoit la protection des renseignements confidentiels.

 
Recommandation 2

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que la protection des renseignements confidentiels soit incluse à tous les contrats d’emploi.

 
Recommandation 3

La Municipalité régionale de Niagara devrait exiger que tous les dirigeants et tous les membres du personnel qui ont accès à des renseignements confidentiels sur un processus d’embauche signent une entente de confidentialité précise au tout début du processus.

 
Recommandation 4

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que le mandat qu’elle accorde à un comité de recrutement dresse une liste complète des membres du personnel et des dirigeants autorisés à avoir accès aux renseignements confidentiels.

 
Recommandation 5

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que tous ses dirigeants et tous ses employés qui ont accès à des renseignements privés comprennent leurs obligations en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée.

 
Recommandation 6

La Municipalité régionale de Niagara devrait adopter une politique pour préciser que les employés ne devraient avoir aucun comportement qui donne un avantage injuste à un candidat durant un processus d’embauche, et notamment ne devraient pas aider les candidats en leur procurant des renseignements internes comme des questions pour les entrevues et des suggestions de réponses.

 
Recommandation 7

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que son personnel et ses dirigeants agissent conformément aux directives du conseil et des comités du conseil.

 
Recommandation 8

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que le personnel du bureau du président n’usurpe pas ou ne mine pas le rôle du personnel professionnel, surtout quand ce rôle a été déterminé par le conseil ou par un comité.

 
Recommandation 9

La Municipalité régionale de Niagara devrait adopter une politique définissant le processus à suivre pour embaucher un directeur général, et notamment les rôles du personnel et ses responsabilités envers le conseil ou un comité du conseil chargé de l’embauche.

 
Recommandation 10

La Municipalité régionale de Niagara devrait veiller à ce que tout son personnel et tous ses dirigeants reçoivent une formation sur l’utilisation correcte des courriels administratifs et sur la conservation des documents administratifs.

 
Recommandation 11

La Municipalité régionale de Niagara devrait adopter un règlement définissant les paramètres des relations entre le conseil et le DG, notamment le rôle du conseil dans la modification du contrat et du salaire du DG.

 
Recommandation 12

Avant d’apporter à un contrat des changements qui ont une incidence sur ses intérêts juridiques, la Municipalité régionale de Niagara devrait exiger que le personnel consulte les services juridiques et les ressources humaines pour garantir que les modalités du contrat sont légales et conformes aux intérêts de la municipalité.

 
Recommandation 13

La Municipalité régionale de Niagara devrait adopter une politique régissant le processus d’évaluation du rendement d’un DG.

 
Recommandation 14

Quand la Municipalité régionale de Niagara nomme un ombudsman municipal, elle devrait veiller à lui donner un mandat complet, faisant notamment référence aux exigences pour :

- l’étendue des questions sur lesquelles enquêter;

- le recueil des preuves;

- la confidentialité, y compris celle des témoins;

- les rapports préliminaires.

 
Recommandation 15

Avant de nommer des enquêteurs externes ou de retenir leurs services, la Municipalité régionale de Niagara devrait s’informer de leurs compétences, de leur expérience et de leur disponibilité, pour que le conseil puisse prendre une décision éclairée sur leurs qualifications pour le travail à effectuer.

 
Recommandation 16

La Municipalité régionale de Niagara devrait faire rapport à mon public et à mon Bureau dans six mois sur ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations, puis tous les six mois par la suite, jusqu’à ce que je sois convaincu que des mesures adéquates ont été prises à leur égard.



 

Réponse

294    La Loi sur l’ombudsman (par. 18 (3) exige que je donne aux personnes et aux organismes du secteur public touchés de manière adverse par mes enquêtes « l’occasion de faire valoir [leur] point de vue » sur mes rapports et recommandations. Comme mon Bureau a l’habitude de le faire lors de toutes ses enquêtes officielles, j’ai donné à la Municipalité régionale de Niagara et aux personnes concernées l’occasion de commenter une version préliminaire de ce rapport et de ces recommandations, avant d’y mettre le point final.

 

Municipalité régionale de Niagara

295    Le conseil de la Municipalité régionale de Niagara a accepté mes recommandations et les a appuyées unanimement. Il a demandé des éclaircissements supplémentaires sur la portée visée des Recommandations 7, 8 et 12, dans la mesure où elles ont trait à ma recommandation de faire rapport sur les progrès de la Région (Recommandation 16).

296    Les recommandations en question s’appuyaient sur les pratiques exemplaires concernant la conformité du personnel et des dirigeants aux directives des comités et du conseil, garantissant que le personnel du bureau du président ne nuise pas aux fonctions du personnel professionnel, et que le personnel des services juridiques et des ressources humaines soit consulté pour les contrats ayant une incidence sur les intérêts légaux de la Municipalité régionale. Ces recommandations se veulent générales et s’appliquent à diverses situations factuelles qui pourraient se présenter à l’avenir. Elles ne se limitent pas aux circonstances du processus d’embauche d’un DG. Tout rapport que la Région de Niagara fait à mon Bureau sur ses progrès peut refléter son engagement à appliquer désormais ces pratiques exemplaires, chaque fois qu’il est approprié de le faire.

 

Carmen D’Angelo

297    M. D’Angelo a fait plusieurs commentaires en réponse à ce rapport préliminaire, par l’entremise de son avocat. Il a aussi déclaré qu’il avait une attente raisonnable de confidentialité quant à l’ordinateur qu’il avait utilisé alors qu’il était employé à l’Office de protection de la nature de Niagara, et il a remis en question mon pouvoir légal d’obtenir sans son consentement l’information sur laquelle se fonde ce rapport. Je suis en désaccord avec lui. M. D’Angelo n’avait aucune attente raisonnable de confidentialité concernant l’information examinée dans ce rapport, qui n’était pas son information personnelle. De plus, l’Ombudsman n’est pas assujetti à la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privéeLAIMPVP »). Nos requêtes de documents auprès de l’Office de protection de la nature n’ont pas été faites en vertu de cette Loi, mais conformément à l’article 19 de la Loi sur l’ombudsman. Le paragraphe 19 (3.1) stipule que la LAIMPVP n’empêche aucunement la communication de renseignements personnels à l’Ombudsman.

298    M. D’Angelo a aussi demandé que son nom soit supprimé de ce rapport, car il est la seule personne ainsi identifiée. Comme je l’ai expliqué, faire référence à M. D’Angelo par ses titres, qui ont changé durant tous les événements examinés dans ce rapport, serait extrêmement déroutant. Les événements décrits ont fait l’objet de nombreux reportages dans les médias. Je n’ai nulle intention de traiter M. D’Angelo différemment, mais ne pas le nommer ne protégerait pas son anonymat à ce stade.

299    De plus, M. D’Angelo a soutenu qu’il n’était pas approprié de laisser entendre qu’on lui avait donné un avantage injuste, car il n’avait pas été établi qu’il n’aurait pas été sélectionné sans cette information. La divulgation de renseignements confidentiels à un seul candidat lors d’un concours est intrinsèquement injuste. Il n’existe pas de méthode pour quantifier la mesure dans laquelle M. D’Angelo a profité de la divulgation illicite de connaissances d’initiés. Toutefois, ceci ne veut pas dire qu’il n’a pas obtenu d’avantage injuste. C’en est la définition même.

300    M. D’Angelo a aussi maintenu que je « devrais indiquer que, bien que le processus soit perçu comme étant injuste, le résultat n’a causé aucun préjudice démontrable à la Région ». Je suis en désaccord avec l’affirmation selon laquelle la Région de Niagara n’a subi aucun préjudice. Les événements décrits dans ce rapport ont mené à une vive controverse et à des atteintes à la réputation, comme en ont témoigné de nombreuses personnes que nous avons interviewées. En outre, la Région de Niagara a dépensé beaucoup de fonds pour tenter de répondre aux préoccupations du public sur l’embauche de M. D’Angelo.


 

Ombudsman municipal

301    L’ombudsman municipal a communiqué des commentaires sur le rapport préliminaire. Il a notamment déclaré que, contrairement à mes conclusions, il s’était conformé aux exigences légales de donner à la Municipalité régionale l’occasion d’examiner et de commenter tout rapport ou recommandation adverse avant un rapport final. Il nous a déclaré qu’il s’était acquitté de cette obligation en remettant une copie du rapport à la directrice des Services juridiques et judiciaires avant de le présenter publiquement au conseil.

302    Je n’ai trouvé aucune preuve que l’occasion avait été donnée à la municipalité d’examiner et de commenter le rapport conformément à la Loi sur les municipalités. L’ombudsman municipal a simplement remis un exemplaire du rapport à la greffière pour faciliter sa distribution au conseil. Il a ordonné explicitement que personne d’autre n’examine le rapport d’avance. Toutefois, il a expliqué dans un courriel à la greffière qu’elle pourrait demander à l’avocat de la Région d’examiner le rapport pour vérifier s’il était conforme aux dispositions des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités.

303    Lors de notre entrevue avec la directrice des Services juridiques et judiciaires, celle-ci a confirmé que son examen du rapport s’était limité à évaluer s’il se prêtait à une séance publique de réunion du conseil. À aucun moment, l’ombudsman municipal n’a indiqué qu’il communiquait le rapport pour permettre à la Région de Niagara de le commenter, conformément à la Loi sur les municipalités.

304    L’ombudsman municipal a dit explicitement au personnel qu’il ne devait pas communiquer ce rapport au conseil. Il serait fallacieux de suggérer que le personnel municipal aurait dû interpréter la remise du rapport, dans ces circonstances, comme l’occasion donnée à la Région de commenter les constatations et les conclusions du rapport de manière préliminaire.


 

Autres commentaires

305    D’autres commentaires de la municipalité régionale et de particuliers ont été pris en compte et ont été intégrés, le cas échéant, au présent rapport.

306    Je trouve encourageant que la Région de Niagara ait accepté unanimement mes recommandations et se soit engagée à mettre en œuvre les changements pour préserver la responsabilisation, la transparence, l’intégrité et l’équité de son administration, dans l’intérêt de ses citoyens.

 

______________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] Les experts en criminalistique informatique utilisent cette technique d’appariement des données de hachage pour déterminer si deux fichiers numériques sont identiques. Elle est souvent comparée à la prise d’empreintes digitales, car la probabilité que deux fichiers différents aient la même valeur de hachage est extrêmement faible.
[2] La Loi de 2001 sur les municipalités permet à une municipalité de nommer un ombudsman local pour enquêter, de manière indépendante, sur toute décision prise ou toute recommandation faite, sur tout acte fait ou omis, dans le cadre de l’administration de la municipalité, de ses conseils locaux et des sociétés contrôlées par la municipalité, comme précisé par la municipalité. (Loi de 2001 sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, par. 223.13-223.18.)
[3] L’ombudsman municipal a conclu que des renseignements confidentiels sur les candidats avaient été indûment divulgués au public, y compris aux médias.
[4] Le conseil a aussi voté afin de présenter des excuses à un membre du personnel de la Région de Niagara mis en cause dans cette affaire.
[5] Bien que se disant préoccupé par les fuites de renseignements signalées dans les médias, M. D’Angelo nous a dit qu’il recevait couramment des renseignements confidentiels du personnel et des responsables de la région, avant son embauche en tant que DG régional. Il nous a dit qu’il n’avait signalé ces fuites à personne, et qu’il ne nous avait pas demandé d’enquêter sur les incidents au cours desquels il avait été le destinataire des renseignements divulgués.
[6] Région de Niagara : Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletComplaint Process for Council Code of Conduct, en ligne.
[7] CIPVP – Protection de la vie privée – particuliers, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletDéposer une plainte concernant la protection de la vie privée, en ligne : Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario.
[8] D’après les experts en criminalistique informatique retenus par mon Bureau, si les valeurs de hachage de deux fichiers correspondent, il y a une chance sur 3,4 x 1038 que les fichiers ne soient pas identiques – en d’autres termes, il est extrêmement improbable que les deux fichiers ne soient pas identiques.
[9] Le président régional est chef du conseil de la municipalité régionale, comme un maire, un président de conseil de comté ou un préfet.
[10] L’article 229 de la Loi de 2001 sur les municipalités stipule qu’un DG est chargé « [d’]assurer la gestion et le contrôle généraux des affaires de la municipalité afin d’en garantir le fonctionnement efficace et efficient », et d’effectuer toutes les autres tâches assignées par la municipalité. (Loi de 2001 sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, art. 229.)
[11] À cette époque, c’était le titre donné par la Région de Niagara au directeur responsable des ressources humaines.
[12] Ce fait a été confirmé par les experts en criminalistique informatique à l’aide de la méthode d’appariement des données de hachage. Des copies identiques de ces ébauches ont également été découvertes en pièces jointes sur des ordinateurs portables remis par la municipalité régionale au directeur des politiques du président et à son directeur des communications, ce qui correspond au courriel qu’ils ont reçu le 18 avril avec les ébauches de notes de service en pièces jointes.
[13] Lors de la réunion, le conseil a décidé de suspendre les règles de son règlement de procédure pour permettre au président régional d’agir en tant que président du comité. Le règlement stipule que le président doit être membre de tous les comités, mais ne peut pas siéger en tant que président, co-président ou vice-président de comité.
[14] Les experts en criminalistique informatique consultés par mon Bureau ont expliqué que, quand un document est ouvert à plusieurs reprises, il est sauvegardé dans le dossier de téléchargements et l’ordinateur ajoute automatiquement un nombre entre parenthèses après le nom du fichier pour indiquer chaque ouverture suivante. Dans ce cas, le document « Messagerie » a été sauvegardé à trois reprises; premièrement avec le nom de « Messagerie » le 20 septembre à 19 h 39, puis avec le nom de « Messagerie(1) » et de nouveau « Messagerie(2) » à 10 h 09 le 25 septembre 2016.
[15] Il n’y a pas de différence entre ces trois copies du document, autre que le nom.
[16] Les modalités du contrat n’ont jamais été examinées par le conseil, et l’écart entre la directive du comité et l’énoncé final du contrat n’a jamais été traité.
[17] Kenneth Kernaghan et John Langford, The Responsible Public Servant, 2e éd. (Toronto : Institute of Research on Public Policy, 2014).
[18] Markham (City) (Re) (30 mars 2015), Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletMO-3177-I, en ligne.
[19] A Public Board of Education (Re) (28 octobre 1994), Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletI94-031M, en ligne.
[20] Les tribunaux peuvent conclure à un abus de confiance si les renseignements étaient confidentiels, s’ils ont été communiqués confidentiellement, et s’ils ont été utilisés à tort par la partie à laquelle ils ont été communiqués. Le critère d’abus de confiance a été confirmé par la Cour suprême du Canada dans Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 RCS 574, par. 10, [1989] CLD 1140. Voir aussi Stenada Marketing Ltd. v. Nazareno, 1990 CarswellBC 1655, [1990] BCWLD 2493.
[21] Règl. de l’Ont. 55/18.
[22] Ville d’Ottawa, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletCode de conduite du personnel, en ligne.
[23] Ville de Brampton, politique/procédure no 2.1.0, Employee Code of Conduct (1er octobre 2013), par. 2(b); Comté de Renfrew, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletEmployee Code of Conduct: Security of County Information, en ligne.
[24] Municipalité régionale de Niagara, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletCode of Conduct for Members of Council, en ligne.
[25] LRO 1990, chap. M56, art. 32.
[26] Markham (City) (Re) (30 mars 2015), Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletMO-3177-I, en ligne : Ont CIPVP OM. Voir aussi : Temiskaming Shores (City) (Re) (23 mars 2012), Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletMO-2705, en ligne.
[27] Student Services – Career & Experience, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletInformational Interviews, en ligne : Université de la Colombie-Britannique; Susan Adams, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel onglet30 Questions To Ask In An Informational Interview », Forbes (4 mars 2015) en ligne.
[28] Durant son examen de notre rapport préliminaire, le directeur des communications du président a déclaré que les renseignements qu’il avait communiqués à M. D’Angelo étaient tous du domaine public, comme dans les rapports et les plans stratégiques du Conseil régional. Bien que le contenu ait pu être accessible au public, mais réparti dans diverses sources, le personnel du président avait connaissance des priorités et des valeurs internes de ce bureau. Le directeur des communications aurait été particulièrement bien informé des objectifs du président et des préférences de messagerie à leur égard. Ce point de vue d’initié sur les renseignements a été communiqué à M. D’Angelo, et n’était pas disponible publiquement, ni pour les autres candidats.
[29] Loi de 2001 sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, art. 229. Voir généralement, ministère des Affaires municipales, Guide de la conseillère ou du conseiller municipal 2018, en ligne.
[30] Michael Fenn et David Siegel, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletThe Evolving Role of City Managers and Chief Administrative Officers, IMFG Papers on Municipal Finance and Governance, (Munk School of Global Affairs, Université de Toronto, 2017) à 3, en ligne.
[31] Michael Fenn et David Siegel, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletThe Evolving Role of City Managers and Chief Administrative Officers, IMFG Papers on Municipal Finance and Governance, (Munk School of Global Affairs, Université de Toronto, 2017) à 24, en ligne.
[32] Alberta Municipal Affairs, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletMunicipal Affairs – Hiring a Chief Administrative Officer, en ligne; Nouvelle-Écosse, Services Nouvelle-Écosse et Relations avec les municipalités, Local Government Resource Handbook, partie 4.5; Gouvernement municipal du Manitoba, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletA Guide to Hiring Your Chief Administrative Officer, en ligne.
[33] Ce poste était appelé directeur des services aux personnes et du développement organisationnel.
[34] Le préavis serait de 18 mois si le contrat se terminait durant la première année d’emploi, ou de 24 mois s’il se terminait après cette date.
[35] Conformément à sa « Non-Union Compensation Policy » (politique de rémunération du personnel non syndiqué), la municipalité régionale nous a fait parvenir un tableau de la structure salariale du personnel non syndiqué pour 2018, la fourchette salariale d’un DG se situant entre 204 640 $ et 255 800 $. Le personnel a confirmé que le poste de DG est rétribué selon cette fourchette salariale.
[36] Loi de 2001 sur les municipalités, art. 5. Les pouvoirs d’une municipalité sont exercés par son conseil, par voie de règlement municipal, sauf si la municipalité est expressément autorisée à les exercer d’une autre façon.
[37] Municipalité régionale de Niagara, A By-law to appoint Carmen D’Angelo as Chief Administrative Officer for the Regional Municipality of Niagara. (By-law 67-2016) (31 octobre 2016).
[38] Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletTrousse d’outils d’évaluation du DG, en ligne : Association canadienne des administrateurs municipaux. Cette trousse inclut des exemples de modèles d’évaluation du rendement provenant de municipalités partout au Canada.
[39] Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletTrousse d’outils d’évaluation du DG, en ligne : Association canadienne des administrateurs municipaux.
[40] Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletTrousse d’outils d’évaluation du DG, en ligne : Association canadienne des administrateurs municipaux.
[41] En ligne : Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletAssociation des directeurs généraux, secrétaires et trésoriers municipaux de l’Ontario.
[42] Municipalité régionale de Niagara, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletréunion du Conseil régional, 12 avril 2018, à 6, en ligne.
[43] La note de service à laquelle le rapport de l’ombudsman municipal fait référence correspond à la description de la note de service des « 5 candidats identifiés ».
[44] Deux des cinq membres du comité de recrutement étaient aussi membres du conseil d’administration de l’Office de protection de la nature.
[45] Réunion extraordinaire du conseil de la Région municipale de Niagara, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletInterim Report : « Facilitation of Documents Search », 21 août 2018, CL-C 56-2018; en ligne.
[46] Loi sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, art. 223.13.
[47] Exception faite des enquêtes entreprises de ma propre initiative, conformément à la Loi sur l’ombudsman, par. 14 (4.5).
[48] L’ombudsman municipal a emprunté cette terminologie à la Loi sur l’ombudsman pour caractériser la conduite administrative sur laquelle il enquêtait. Bien que la terminologie de l’article 21 de la Loi sur l’ombudsman ne s’applique pas à un ombudsman municipal, il a décidé d’intégrer ces concepts à son analyse.
[49] Loi sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, art. 223.14.
[50] Loi sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, par. 223.14 (1) et 223.15 (1).
[51] Loi sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, art. 223.17.
[52] Loi sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, par. 223.15 (2).
[53] Voir : Kelly J. Harbridge, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletWorkplace Investigations: A Management Perspective », présenté à l’Association du Barreau canadien, Conférence nationale en droit administratif, droit du travail et de l’emploi, 25 et 26 novembre 2011; Ottawa, p. 24.
[54] Michael Di Biase v. City of Vaughan; Integrity Commissioner of the City of Vaughan, 2019 ONSC 5620, par. 120-121.
[55] Le rapport de l’ombudsman municipal cite R. v. A.F., 2010 ONSC 5824, et R. c. Tran, 1994 CanLII 56 (C.S.C.).  
[56] Dans les affaires criminelles, la preuve des allégations doit être établie hors de tout doute raisonnable, alors que dans les affaires civiles, la preuve doit être établie selon la prépondérance des probabilités. Voir F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, 2008 CSC 53 (CanLII).
[57] Faryna v. Chorny, 1951 CarswellBC 133 (Cour d’appel de la Colombie-Britannique), par. 8-10.
[58] Niagara-on-the-Lake, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletréunion du comité plénier, 13 août 2018, en ligne.
[59] Loi sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, par. 223.14 (2).
[60] Loi sur les municipalités, LO 2001, chap. 25, par. 223.14 (2).
[61] Gregory J. Levine, Ombudsman Legislation in Canada: An Annotation and Appraisal, (Toronto : Carswell, 2012) à 90-91.
[62] L’alinéa 239 (3) b) de la Loi sur les municipalités stipule que les rapports préliminaires d’un ombudsman municipal doivent être examinés par le conseil en séance à huis clos.