Ville de Timmins

Ville de Timmins

janvier 23, 2017

23 janvier 2017

Le Conseil de la Ville de Timmins a enfreint la Loi sur les municipalités le 27 juin 2016 quand il s’est retiré à huis clos pour discuter du processus de recrutement visant à remplacer le DG qui prenait sa retraite. Cette discussion ne relevait pas de l’exception des renseignements privés, énoncée dans la Loi sur les municipalités, au sujet des exigences des réunions publiques. L’Ombudsman a aussi conclu que le Conseil n’aurait pas dû voter en séance à huis clos sur la formation d'un comité de recrutement et qu’il n'aurait pas dû voter par bulletin secret sur la participation des membres du Conseil à ce comité.

Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le Conseil de la Ville de Timmins le 27 juin 2016

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Janvier 2017

 

Plainte

1 En septembre 2016, mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le Conseil de la Ville de Timmins le 27 juin 2016.

2 Cette plainte alléguait que le Conseil de la Ville avait tenu une réunion à huis clos illégale pour discuter du départ à la retraite du directeur général de la Ville (DG) et du processus de recrutement en vue de le remplacer. Cette plainte alléguait aussi que le Conseil avait indûment voté durant ce huis clos pour créer un comité de recrutement.

 

Compétence de l’Ombudsman

3 En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions d'un ‎conseil municipal, d'un conseil local et des comités d'un conseil doivent se ‎tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.

4 ‎Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de ‎demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s'est ‎dûment retirée à huis clos en vertu de la Loi. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur. La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui ‎ne l'ont pas fait.

5 L'Ombudsman est chargé d'enquêter sur les réunions à huis clos pour la Ville de Timmins.

6 Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous ‎déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et les règles ‎de procédure de la Municipalité ont été respectées.
 

Procédures du Conseil

7 Le Règlement de procédure de la Ville (Règlement no 2007-6570) a été abrogé et remplacé par le Règlement 2016-7914 le 3 octobre 2016. Cette réunion à huis clos ayant eu lieu avant la promulgation du Règlement 2016-7914, le Règlement no 2007-6570 (le « Règlement de procédure ») était en vigueur lors de cette réunion.
 
8 Le Règlement de procédure stipule que toutes les réunions doivent se tenir en public, sous réserve des dispositions à l’article 239 de la Loi. Avant de se retirer à huis clos, le Conseil doit indiquer par voie de résolution le fait que la réunion doit se tenir à huis clos et la nature générale de la question devant y être étudiée.
 
De plus, le Règlement de procédure interdit de clore une réunion au public durant un vote, à moins que la réunion ne doive ou ne puisse se dérouler à huis clos en vertu du Règlement de procédure ou de la Loi, et que le vote ne porte sur une question de procédure ou ne vise à donner des directives ou des instructions au personnel municipal ou aux personnes dont la Municipalité a retenu les services.

 

Processus d’enquête

10 Le 12 octobre 2016, après avoir effectué un examen préliminaire, nous avons informé la Municipalité de notre intention d’enquêter sur cette plainte.
 
11 Les membres du personnel de mon Bureau ont examiné les extraits pertinents du Règlement de procédure et des politiques de la Ville, ainsi que de la Loi. Ils ont aussi étudié l'ordre du jour et le procès-verbal de la séance publique et de la séance à huis clos de la réunion tenue par le Conseil le 27 juin.

12 Le greffier, le directeur des ressources humaines (directeur des RH) et les membres du Conseil qui étaient présents lors de la réunion à huis clos ont été interviewés par mon Bureau.

13 Mon Bureau a obtenu une pleine collaboration dans ce dossier.

 

Contexte

Réunion à huis clos du Conseil le 27 juin 2016

14 Le 27 juin, après avoir tenu une réunion publique, le Conseil a rencontré le directeur des RH en séance à huis clos, en vertu de l’exception des renseignements privés à l’alinéa 239 (2) b) de la Loi. La résolution adoptée pour se retirer à huis clos a uniquement cité l’exception des renseignements privés, sans donner de renseignements sur la question à discuter à huis clos. Le but de la réunion était d’informer le Conseil du départ à la retraite du DG en janvier 2017.

15 Le greffier n’était pas présent lors de la séance à huis clos. Le directeur des RH a dressé le procès-verbal de la réunion.

16 Durant la réunion à huis clos, le directeur des RH a informé le Conseil que le DG avait décidé de prendre sa retraite. Ensuite, il a donné divers renseignements au Conseil sur le poste de DG (par exemple, salaire actuel du DG) et sur le processus de recrutement à suivre afin de pourvoir ce poste.

17  La discussion du Conseil sur le processus de recrutement visait à déterminer si ce processus devrait être géré par la Ville ou par un consultant externe. Le directeur des RH a donné des renseignements au Conseil sur ces deux options. Le Conseil a discuté des options et a posé des questions au directeur des RH.

18 Après la discussion, le Conseil est parvenu à un consensus verbal sur plusieurs points. Premièrement, le Conseil a décidé que le processus de recrutement serait géré par le personnel municipal, et non par un consultant externe, cette seconde option restant toutefois ouverte, le cas échéant. Deuxièmement, le Conseil a décidé de former un comité de recrutement composé de membres du Conseil, chargé d'effectuer des entrevues et d'établir une liste restreinte des candidats. Troisièmement, le Conseil a décidé que le comité de recrutement serait composé du maire, qui le présiderait, et de quatre membres du Conseil.

19 Le Conseil a eu recours à un processus de bulletin secret pour choisir les quatre membres du comité, car plus de quatre membres du Conseil souhaitaient en faire partie. Le Conseil a voté anonymement au sujet de la composition du comité pour ne pas embarrasser les membres du Conseil qui n'obtiendraient pas de vote de soutien. Le maire a demandé à chacun des membres du Conseil de lui remettre son vote en privé, puis il a fait le compte des votes en secret.

20 La séance à huis clos a pris fin à 23 h 20.

21 Le procès-verbal de la réunion publique indique qu’après sa séance à huis clos le Conseil a fait savoir qu’un comité de recrutement serait créé pour trouver un remplacement au DG, qui partait à la retraite.

 

Mesures d’action du Conseil, les 19 et 26 septembre 2016

22 Lors d’une réunion publique extraordinaire du Conseil le 19 septembre, le Conseil a adopté une résolution pour nommer le maire Steve Black, le conseiller André Grzela, le conseiller Pat Bamford, la conseillère Noella Rinaldo et le conseiller Walter Wawrzaszek au comité de recrutement.

23 Lors d’une réunion publique du Conseil le 26 septembre, le conseiller Joe Campbell a présenté une motion de réexamen de la résolution adoptée le 19 septembre nommant les membres du comité de recrutement. Le Conseil a discuté du processus utilisé pour sélectionner les membres du comité de recrutement en séance à huis clos le 27 juin. La motion de réexamen a échoué.
 

Analyse

24 La plainte à mon Bureau alléguait que la discussion à huis clos du Conseil ne relevait pas des exceptions des réunions à huis clos, et qu’elle était donc contraire à la Loi sur les municipalités. La plainte alléguait aussi que le Conseil avait enfreint la Loi sur les municipalités en votant durant la séance à huis clos.
 

Exception des « renseignements privés »

25 La réunion du 27 juin s’est déroulée à huis clos en vertu de l’exception des « renseignements privés » à l’alinéa 239 (2) b) de la Loi. Cette exception autorise le Conseil à discuter à huis clos de renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée.

26 Le greffier a expliqué à mon Bureau que l’exception des renseignements privés avait été citée car le départ à la retraite du DG n’avait pas encore été annoncé publiquement quand cette réunion a eu lieu, et car la discussion allait probablement inclure des détails relatifs au poste du DG, notamment son salaire.

27 Mon Bureau a conclu que les discussions sur un futur départ à la retraite de membres du personnel municipal relevaient de l’exception des renseignements privés[1]. Il a aussi conclu que le salaire d’une personne peut être considéré comme un renseignement privé concernant une personne qui peut être identifiée[2].

28 Les discussions du Conseil sur le départ à la retraite et le salaire du DG relevaient de l’exception citée. En revanche, les discussions ont dépassé ce futur départ à la retraite pour s'étendre au processus de recrutement d’un nouveau DG.

29 Dans une lettre au Canton de Leeds et les Mille-Îles, j’ai conclu que l’examen général du processus de recrutement d’un DG ne relève pas de l’exception des renseignements privés, à moins que la discussion de cette question ne soit brève et ne se rattache qu’incidemment à la discussion principale[3].

30 Dans ce cas, la discussion du Conseil sur le processus de recrutement n’a été ni brève, ni secondaire relativement à la discussion principale. Le Conseil a demandé à tout le personnel (sauf au directeur des RH) de sortir de la salle pour discuter du départ à la retraite du DG, qui n'avait pas encore été annoncé au public. La majorité des discussions à huis clos ont porté sur le processus de recrutement à suivre pour remplacer le DG. Après la séance à huis clos, le Conseil a fait savoir qu’il avait créé un comité de recrutement pour trouver un successeur au DG. Étant donné que le Conseil a annoncé publiquement le départ à la retraite du DG, après le huis clos, il n’avait aucune raison de discuter du processus de recrutement à huis clos.

31  Par conséquent, la discussion du Conseil sur le processus de recrutement ne relevait pas de l’exception des renseignements privés.
 

Vote durant la séance à huis clos

32 L’article 244 de la loi stipule ceci :

244. Sauf disposition contraire des articles 233 et 238, aucun vote ne doit être tenu à l’aide de bulletins de vote, ni par quelque autre méthode de vote secret. Tout vote tenu de cette façon est nul.


33 Le paragraphe 239 (6) de la Loi stipule ceci :

Exception
(6) Malgré l’article 244, une réunion peut se tenir à huis clos au moment du vote si :
a) d’une part, le paragraphe (2) ou (3) autorise ou exige la tenue à huis clos de la réunion;
b) d’autre part, le vote porte sur une question de procédure ou vise à donner des directives ou des instructions aux fonctionnaires, agents, employés ou mandataires de la municipalité, du conseil local ou d’un comité de l’un ou de l’autre, ou aux personnes dont la municipalité ou le conseil local a retenu les services, à contrat ou non.


34 Le procès-verbal de la réunion à huis clos ne fait état d’aucun vote du Conseil. Cependant, les personnes interviewées par mon Bureau ont déclaré que le Conseil était parvenu à un consensus verbal pour créer un comité de recrutement, durant la séance à huis clos.

35 Le Conseil a aussi voté à bulletin secret pour nommer des membres du Conseil au comité de recrutement. Mon Bureau a obtenu des renseignements contradictoires sur ce vote à bulletin secret, certains disant qu’il avait pour but de proposer des membres, et d’autres disant qu'il avait pour but de nommer officiellement des membres du Conseil au comité. Les nominations au comité ont été officialisées par voie de résolution lors de la réunion publique du Conseil le 19 septembre.

36  La Loi permet uniquement de voter à huis clos dans des circonstances restreintes durant une réunion qui se tient dûment à huis clos. J’ai déjà conclu que les discussions du Conseil sur le processus de recrutement ne relevaient d’aucune des exceptions des réunions à huis clos. Le Conseil n’aurait donc pas dû voter en séance à huis clos. De plus, l’article 244 interdit de tenir un vote à bulletin secret.

 

Questions de procédure

Compte rendu de la réunion à huis clos

37 Quand le Conseil vote à huis clos, il devrait clairement identifier le point sur lequel il vote, voter officiellement sur ce point, et consigner le résultat du vote dans le procès-verbal de la réunion à huis clos.

 

Résolution pour se retirer à huis clos

38 Le paragraphe 239 (4) de la Loi stipule que la résolution adoptée pour se retirer à huis clos doit indiquer la nature générale de la question à examiner. Le Règlement de procédure de la Ville comporte des exigences équivalentes.

39 Dans Farber v. Kingston (City)[4], la Cour d’appel a déclaré ceci :

La résolution de se retirer en séance à huis clos devrait comporter une description générale de la question à discuter, de sorte à maximiser les renseignements communiqués au public, sans toutefois porter atteinte à la raison d’exclure le public.


40 Mon Bureau a aussi recommandé que les conseils municipaux donnent des renseignements plus détaillés dans les résolutions adoptées pour se retirer à huis clos. Par exemple, dans un examen fait par notre Bureau en 2015 sur des réunions à huis clos dans la Municipalité de South Huron, nous avons souligné que la résolution du Conseil « devrait donner une brève description de la question à examiner à huis clos »[5].

41 Dans ce cas, la résolution adoptée par la Ville pour se retirer à huis clos le 27 juin n’a pas donné de renseignements significatifs au public sur les questions à discuter à huis clos.

 

Opinion

42 Le Conseil de la Ville de Timmins a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités et le Règlement de procédure de la Ville quand il a discuté à huis clos du processus de recrutement pour le poste de DG, le 27 juin 2016.

43 Il s’ensuit donc que le Conseil n’aurait pas dû voter à huis clos pour former un comité de recrutement, ni pour nommer des membres du Conseil à ce comité.

44 De plus, la Loi de 2001 sur les municipalités interdit de voter à bulletin secret à moins que le vote ne relève des exceptions énoncées à l’article 244 de la Loi.

 

Recommandations

45 Je fais les recommandations suivantes pour aider la Ville à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et pour renforcer la transparence de ses réunions.

 
Recommandation 1

Tous les membres du Conseil de la Ville de Timmins devraient se conformer avec vigilance à leurs obligations individuelles et collectives pour garantir que le Conseil s’acquitte de ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son propre Règlement de procédure.

 
Recommandation 2

La Ville de Timmins devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos, à moins qu'il ne relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques.

 
Recommandation 3

La Ville de Timmins devrait veiller à ce que ses votes à huis clos se déroulent conformément au paragraphe 239 (6) de la Loi de 2001 sur les municipalités. Pour voter en séance à huis clos, le Conseil doit respecter les exigences énoncées au paragraphe 239 (6) et la réunion doit se tenir dûment à huis clos.

 
Recommandation 4

Le Conseil de la Ville de Timmins devrait s’abstenir de voter à bulletin secret, à moins que les exceptions à l’article 244 de la Loi de 2001 sur les municipalités ne s’appliquent.

 
Recommandation 5

La Ville de Timmins devrait veiller à ce que ses résolutions pour se retirer à huis clos donnent une description générale de la question à discuter, de sorte à maximiser les renseignements communiqués au public, sans porter atteinte à la raison d’exclure le public.

 

 

Rapport

46 La Ville de Timmins a eu la possibilité d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter. Le greffier a informé mon Bureau que le Conseil se montrera plus diligent désormais quand il aura à déterminer s’il doit se retirer à huis clos ou non.

47 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil de la Ville de Timmins et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.


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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

 

[1] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Municipalité de Whitestone a tenu une réunion à huis clos illégale le 4 février 2014 (octobre 2014), en ligne.
[2] Ombudsman de l’Ontario, Dans la lumière – Enquête sur la réunion à huis clos du Conseil du Canton de Baldwin le 14 juillet 2008 (mars 2009), en ligne.
[3] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Canton de Leeds et les Mille-Îles (septembre 2016), en ligne.
[4] Farber v. Kingston (City), 2007 ONCA 173 au par. 21.
[5] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur les réunions à huis clos tenues par le Conseil de la Municipalité de South Huron (février 2015) au par. 58, en ligne.