Ville de Mattawa

Ville de Mattawa

janvier 11, 2011

11 janvier 2011

L’Ombudsman a déterminé que le Comité spécial du patrimoine de la Ville de Mattawa a tenu une série de huis clos irréguliers.

Enquête visant à déterminer si le Conseil municipal de Mattawa et son Comité spécial du patrimoine ont tenu indûment des réunions à huis clos

André Marin
Ombudsman de l’Ontario

décembre 2010

 

Plaintes

1     Le 4 février 2010, notre Bureau a reçu une plainte alléguant que le Comité spécial du patrimoine de la Ville de Mattawa avait indûment tenu des réunions à huis clos les 4 novembre, 12 novembre et 20 novembre 2009. Ce Comité avait été formé pour considérer les questions liées à la désignation éventuelle d’un ancien hôpital en tant que site du patrimoine.

2     Le même jour, nous avons reçu des plaintes disant que le Conseil avait indûment tenu une réunion à huis clos au musée local le 23 novembre 2009 pour discuter une motion sur l’ancien hôpital, motion qui avait été présentée plus tard dans la soirée lors d’une réunion publique ordinaire inscrite au calendrier du Conseil.

3     Le 5 février 2010, nous avons reçu une plainte alléguant que les membres du Conseil s’étaient indûment réunis à huis clos immédiatement après la réunion du Conseil le 25 janvier 2010. Et le 9 février 2010, une plainte nous est parvenue disant que le Conseil avait indûment tenu un huis clos lors de sa réunion du 8 février 2010.

 

Juridiction de l’Ombudsman

4     En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, les municipalités sont tenues d’adopter des règlements municipaux définissant les règles de procédure de leurs réunions. Conformément à la Loi, le public doit être informé de toutes les réunions, qui doivent toutes être ouvertes au public, sauf exceptions prescrites.

5     Depuis le 1er janvier 2008, des modifications à la Loi de 2001 sur les municipalités autorisent les citoyens à demander une enquête pour déterminer si une municipalité a dûment tenu une réunion à huis clos. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l’Ombudsman de l’Ontario. En vertu de la Loi, l’Ombudsman est l’enquêteur par défaut dans les municipalités qui n’ont pas désigné leur propre enquêteur.

6     La Ville de Mattawa n’ayant pas désigné d’enquêteur, l’Ombudsman est responsable d’enquêter sur ses réunions à huis clos en vertu de l’article 239.1 de la Loi de 2001 sur les municipalités.

7     Quand notre Bureau enquête sur les plaintes concernant des réunions à huis clos, il considère si une réunion a été fermée au public conformément aux dispositions de la Loi et au règlement municipal de procédure applicable.

 

Procédures de réunions du Conseil

8     Le règlement municipal de procédure (84-15) a été créé il y a plus de deux décennies. Il stipule que les réunions ordinaires du Conseil se tiennent généralement le deuxième et le quatrième lundi de chaque mois dans la salle du Conseil, à 19 h 00, et que les membres du Conseil doivent être avisés au moins 24 h à l’avance de toute « réunion spéciale ». Mais ce règlement ne prévoit pas que le public doit être avisé de toutes les réunions, comme l’exige maintenant l’article 238(2.1) de la Loi de 2001 sur les municipalités.    

9     Le règlement de procédure n’indique pas précisément les procédures à suivre pour les réunions à huis clos.

10     Le besoin de mettre à jour les procédures de réunions du Conseil explique peut-être en partie certaines des pratiques qui ont suscité les plaintes que nous avons reçues.

 

Processus d’enquête

11     Après avoir procédé à un examen préliminaire des plaintes que nous avions reçues, le 17 mars 2010, notre Bureau a avisé le Conseil que nous mènerions une enquête officielle sur les allégations disant que le Conseil et son Comité spécial du patrimoine avaient indûment tenu des réunions à huis clos.

12     Au cours de notre enquête, nous avons obtenu et étudié divers documents municipaux pertinents, dont des procès-verbaux, des ordres du jour, des courriels et d’autres dossiers. Nous avons aussi considéré le règlement municipal de procédure et les textes de loi applicables.

13     Dans le cadre de notre enquête, une équipe de deux enquêteuses a fait des entrevues téléphoniques avec six des sept membres du Conseil ainsi qu’avec le secrétaire municipal. Nous avons parlé au septième membre du Conseil lors de notre examen préliminaire. Nous n’avons pas pu obtenir d’entrevue officielle avec cette personne, bien qu’ayant essayé de communiquer avec elle au téléphone et par écrit. Cependant, nous avons obtenu suffisamment de renseignements pour conclure notre enquête.

 

Conclusions de l’enquête

Réunions du Comité spécial du patrimoine du Conseil municipal de Mattawa les 4, 12, 18 et 20 novembre 2009

14     À l’automne 2009, une controverse a éclaté à propos de l’utilisation future de l’ancien Hôpital général de Mattawa. Le Conseil scolaire catholique Franco-Nord, qui procédait alors à l’achat de cette propriété appartenant aux Soeurs de la Charité d’Ottawa, comptait démolir le bâtiment pour construire une nouvelle école. Mais un groupe local de citoyens a commencé à promouvoir publiquement la désignation du bâtiment comme site du patrimoine. Un groupe Facebook et des pétitions en ligne ont cherché à « sauver le vieil hôpital ». Les médias locaux se sont emparés de la question.

15     Le 13 octobre 2009, en réaction au débat qui couvait, le Conseil de Mattawa a adopté une résolution d’avis d’intention pour désigner éventuellement « l’ancien bâtiment de l’hôpital » comme propriété ayant valeur de patrimoine culturel, en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario, enjoignant à son personnel d’émettre un avis conformément à cette Loi.

16     Alors que les pressions se renforçaient pour protéger l’ancien hôpital, le 26 octobre 2009, le Conseil a résolu d’autoriser un groupe de cinq membres, soit trois membres du Conseil et deux membres du public, à étudier les questions liées au patrimoine culturel « du site de l’ancien hôpital » et à travailler avec les représentants du Conseil scolaire francophone afin de « résoudre les questions relevant des aspects du patrimoine du site de l’hôpital ».

17     Apparemment, aucun nom officiel n’a été donné au groupe formé par le Conseil. Tour à tour, ce groupe a été appelé Comité consultatif, Comité spécial, Comité spécial du patrimoine, Comité de désignation de l’ancien hôpital comme site du patrimoine et Comité consultatif spécial du patrimoine[1]. Aucun mandat officiel n’a été confié à ce groupe et rien n’indique clairement s’il constituait ou non un « comité formé à des fins spéciales » relevant du règlement municipal de procédure. Dans le cas des comités formés à des fins spéciales, le règlement stipule par exemple que le quorum requis pour gérer les affaires municipales est une majorité des membres, à l’exclusion du maire. Le règlement indique aussi que ces comités doivent rendre des comptes au Conseil (art. 11.00 Règles générales pour les comités formés à des fins spéciales).

18     Le secrétaire municipal a expliqué que le groupe n’avait rien d’officiel et qu’il avait été uniquement créé afin de contribuer à inciter la communauté à accepter les plans du Conseil scolaire pour le bâtiment et afin d’amener le Conseil scolaire à reconnaître la valeur du patrimoine de l’ancien hôpital. Le maire et deux conseillers, qui faisaient partie du Comité, ont confirmé que son rôle était consultatif et qu’il devait faire des recommandations au Conseil sur l’avenir de l’ancien hôpital. Les membres du Comité que nous avons interviewés nous ont expliqué qu’ils n’avaient jamais considéré si les dispositions sur les réunions ouvertes au public devaient s’appliquer aux procédures du Comité.

19     Le Comité spécial du patrimoine s’est réuni pour la première fois le 4 novembre 2009, à 19 h 00, à l’Hôtel de ville de Mattawa. Lors de cette réunion, le Comité a rencontré les dirigeants du Conseil scolaire ainsi que les représentants d’une société d’ingénierie /d’architecture retenue comme consultant par le Conseil scolaire. Le consultant avait préparé un ordre du jour de la réunion, qui avait été remis aux membres du Comité, mais aucun avis public de cette réunion n’avait été donné et aucun compte rendu officiel n’a été conservé. L’ordre du jour indiquait que le Comité discuterait son mandat ainsi que les idées du consultant sur l’intégration de l’ancien hôpital à la nouvelle structure proposée pour l’école.

20     Le Comité s’est ensuite réuni le 12 novembre 2009 à 19 h 00 à l’Hôtel de ville et il a discuté le vieil hôpital pendant 40 minutes environ. Tout de suite après cette réunion, le Comité et le secrétaire ont rencontré les dirigeants du Conseil scolaire pour considérer un rapport préparé par le consultant du Conseil scolaire. Ce rapport concluait qu’il faudrait faire d’importantes rénovations structurelles pour que l’ancien bâtiment respecte l’actuel Code du bâtiment de l’Ontario. Il précisait que toutes les portes et les fenêtres devraient être remplacées et qu’il faudrait installer un nouveau système d’enveloppe du bâtiment, de nouveaux systèmes mécanique, électrique et de sécurité, de nouvelles cages d’escaliers et un nouvel ascenseur. Selon les estimations, ces rénovations surpasseraient de loin le budget de construction de la nouvelle école. La municipalité n’a pas été en mesure de nous soumettre le moindre ordre du jour pour ces réunions et là encore aucun avis public n’a été émis, aucun relevé officiel n’a été conservé.

21     Le 17 novembre 2009, le maire a avisé les membres du Comité qu’une réunion aurait lieu en principe le lendemain à 18 h 00 à l’Hôtel de ville. Il a précisé alors qu’il « aimerait obtenir une décision-recommandation pour le Conseil au sujet du projet avant la prochaine réunion du Conseil prévue pour le lundi 23 novembre ». Aucun avis public n’a été émis au sujet de cette réunion. En fin de compte, ladite réunion n’a pas eu lieu car trois membres du Comité n’ont pas pu y assister. Le maire et l’un des conseillers siégeant au Comité ont donc rencontré les dirigeants du Conseil scolaire et le consultant au bureau du Conseil scolaire à Thunder Bay, à 16 h 30, le 18 novembre 2009. Aucun compte rendu officiel de ce qui s’est passé durant cette réunion n’a été fait.

22     L’ordre du jour d’une réunion spéciale du Conseil convoquée pour le 19 novembre 2009 comprenait le « Rapport du Comité de désignation de l’ancien hôpital comme site du patrimoine » parmi les questions à discuter. Mais ce point a été différé. Ce soir-là, l’un des deux membres du public qui siégeaient au Comité a officiellement démissionné, exprimant son insatisfaction quant à la manière dont le Comité s’était acquitté de son mandat.

23     Le 20 novembre 2009, le maire a rencontré les autres membres du public siégeant au Comité pour obtenir des renseignements sur la réunion du 18 novembre 2009 qui s’était tenue avec le Conseil scolaire et son consultant. Le secrétaire municipal était lui aussi présent lors de cette discussion.

24     Le Comité ne s’est plus réuni par la suite. Durant notre enquête, la Ville de Mattawa recrutait un Comité municipal permanent du patrimoine.

25     Le maire nous a fait savoir qu’après avoir considéré la question, et surtout les problèmes de sécurité soulevés par le consultant du Conseil scolaire, le Comité en était arrivé à une recommandation préconisant que l’ancien hôpital ne soit pas désigné comme site du patrimoine. Le maire a précisé que le Comité s’était prononcé à l’unanimité sur ce point, exception faite d’un conseiller qui était arrivé en retard à la réunion de discussion et de la personne qui avait donné sa démission. Le 23 novembre 2009, le maire a demandé au secrétaire de préparer une résolution à soumettre au Conseil au sujet de la recommandation du Comité.

26     Nous n’avons pas pu confirmer quand le Comité a vraiment discuté cette recommandation et il n’existe aucun rapport officiel de vote ou de résolution sur la question. Un conseiller qui siégeait au Comité ne s’est pas souvenu comment cette résolution avait été prise (alors qu’il l’avait soutenue) et un autre conseiller a fait savoir qu’il avait pris connaissance de la recommandation quand le maire en avait parlé aux membres du Conseil, à la fin de la visite du musée local le 23 novembre 2009.

 

Analyse

27     En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, les comités des conseils municipaux sont tenus de se conformer aux dispositions de la Loi relativement aux réunions ouvertes au public. Ces dispositions stipulent qu’un comité est « tout comité ou sous-comité consultatif ou autre, ou une entité similaire, dont au moins 50 pour cent des membres sont également membres d’un ou de plusieurs conseils municipaux ou conseils locaux » (art. 238(1)).

28     De par sa constitution et ses objectifs, le Comité spécial du patrimoine répondait à la définition d’un comité donnée dans la Loi de 2001 sur les municipalités et devait respecter les méthodes prescrites pour les réunions.

29     Malheureusement, le Comité a montré un mépris complet et une ignorance apparente des dispositions sur les réunions ouvertes au public. Il a omis d’émettre tout avis public de ses réunions, qu’il n’a pas ouvertes au public contrairement à ce qu’impose la Loi de 2001 sur les municipalités (art. 239). Le Comité a aussi négligé de conserver un compte rendu de ses réunions, comme le requiert la Loi (art. 239(7)).

30     Le manquement du Comité à suivre un processus transparent a été aggravé par le manque de formalité de ses procédures. Le Comité n’a pas semblé se soucier des questions de quorum, soit du nombre de membres requis à une réunion pour exercer légalement son autorité, et apparemment ses procédures et délibérations n’ont suivi aucune structure. Il n’a tenu aucun vote officiel sur sa « recommandation » finale de ne pas désigner l’ancien hôpital comme site du patrimoine. En outre, on ne sait pas clairement quand et comment cette recommandation est survenue, ou même si elle a découlé d’une réunion à laquelle suffisamment de membres assistaient pour l’approuver légalement. Le même manque de formalité a caractérisé les comptes rendus du Comité au Conseil. Le maire s’est tout simplement contenté de rencontrer le Conseil de manière impromptue, sans préavis, ce qui a donné lieu à une autre plainte déposée à mon Bureau.

31     L’avenir de l’ancien hôpital a suscité un vif intérêt au sein de la communauté. En s’abstenant de suivre un processus transparent et structuré, conforme à la Loi, le Comité n’a pas permis au public de comprendre ses démarches dans le cadre de son mandat, ni les fondements de sa recommandation au Conseil. Ce comportement a aussi contribué à créer le doute sur la légitimité et la crédibilité de ses procédures.

 

Réunion du Conseil au musée le 23 novembre 2009

32     Le musée de Mattawa avait fait l’objet d’importantes rénovations quelque temps auparavant. À l’invitation du président du musée, qui siégeait au Comité spécial du patrimoine, tous les membres du Conseil ainsi que le secrétaire ont visité le musée le 23 novembre 2009 à 18 h.
 
33     Après cette visite, le secrétaire est retourné à l’Hôtel de ville pour préparer la réunion ordinaire du Conseil prévue pour 19 h 00. Mais le reste du Conseil est resté sur les lieux, tandis que le maire informait tout le monde des conclusions du Comité spécial du patrimoine et « glissait un mot » qu’une motion serait présentée à la réunion du Conseil ce soir-là pour annuler la proposition de désigner l’ancien hôpital comme site du patrimoine. Certains conseillers nous ont dit que le maire avait demandé aux membres du public alors présents de quitter les lieux, avant cette séance d’information, et l’un des conseillers nous a indiqué que deux membres du Conseil d’administration du musée étaient restés lors de la discussion. La réunion a été brève apparemment, ne durant guère que d’une à 15 minutes selon les estimations.

34     Le secrétaire avait déjà rédigé un ordre du jour pour la réunion du Conseil du 23 novembre 2009, qu’il avait remis aux membres du Conseil et affiché à la poste, à la bibliothèque et à l’Hôtel de ville le vendredi précédent. Cet ordre du jour ne faisait aucune référence à l’ancien hôpital parmi les sujets à discuter. Le règlement municipal de procédure n’indique pas comment les sujets sont inclus à l’ordre du jour, par plus qu’il ne dit comment l’ordre du jour est distribué. Toutefois, une modification au règlement datant du 26 avril 1993 précise que la présentation de tout nouveau sujet doit se faire par un « processus aux 2/3 en cas d’urgence ». Les règlements municipaux de procédure permettent souvent d’inclure en toute dernière minute des sujets de discussion urgents, sous réserve que certains protocoles soient respectés. Le règlement de procédure de Mattawa est quelque peu énigmatique en ce sens qu’il n’explique pas ce qu’est un processus « aux 2/3 », mais il semble autoriser l’ajout de sujets urgents à l’ordre du jour d’une réunion avec l’approbation d’une majorité aux deux tiers du Conseil.

35     Durant la partie de la réunion réservée à la considération des questions « aux 2/3 », la motion suivante a été ajoutée à l’ordre du jour de la soirée :

ET ATTENDU QUE le Conseil a formé un Comité consultatif pour étudier les options relativement à l’ancien bâtiment, ce qui a mené à une recommandation du Comité préconisant le retrait de la désignation.


36     Mais aucun document n’indique que le Conseil ait voté pour ajouter cette question à l’ordre du jour, ou qu’il ait jugé qu’il s’agissait d’une question urgente. Le Conseil n’a aucunement discuté pour déterminer si le sujet proposé constituait une urgence, bien que le maire ait suggéré qu’il y avait urgence étant donné que le Conseil scolaire avait une échéance pour l’obtention des permis de démolition de l’ancien hôpital.

37     D’après les personnes que nous avons interviewées, de nombreux membres du public ont assisté à la réunion du Conseil le 23 novembre 2009 et il y a eu de vifs débats et discussions sur la motion relative à l’ancien hôpital, adoptée par six voix contre 1.

 

Analyse

38     Tous les rassemblements des membres du Conseil ne constituent pas des « réunions » soumises aux dispositions des réunions ouvertes au public en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités. La Loi définit ainsi « une réunion » : « toute réunion ordinaire, extraordinaire ou autre d’un conseil municipal, d’un conseil local ou d’un comité de l’un ou de l’autre » (art. 238(1)).

39     Après avoir considéré les principes qui sous-tendent la loi sur les réunions ouvertes au public, ainsi que la jurisprudence applicable, j’ai élaboré la définition de travail suivante de « réunion » pour mieux déterminer quand les dispositions sur les réunions ouvertes au public s’appliquent à un rassemblement. Pour relever des exigences de la Loi de 2001 sur les municipalités :

Les membres du conseil (ou d’un comité) doivent se rassembler dans le but d’exercer le pouvoir ou l’autorité du conseil (ou d’un comité), ou de faire le travail de préparation nécessaire à l’exercice de ce pouvoir ou de cette autorité.


40     Les rassemblements informels, à caractère social, ne sont généralement pas considérés comme des réunions. Mais quand un rassemblement a pour but de discuter les activités du Conseil et/ou de prendre des décisions, ce rassemblement peut probablement davantage être considéré comme « une réunion » soumise aux dispositions des réunions ouvertes au public.

41     Après la visite du musée le 23 novembre 2009, le maire a rencontré le Conseil pour l’informer des conclusions du Comité spécial du patrimoine et pour lui faire savoir qu’une motion serait présentée au Conseil ce soir-là, en fonction de la recommandation du Comité. Certes, le rassemblement a été bref et aucune décision n’a été prise alors, mais le Conseil a obtenu des renseignements qui ont contribué au travail préparatoire de l’exercice de son pouvoir ce soir-là, quand il a considéré la recommandation. Ce rassemblement a eu lieu sans préavis, en l’absence du public. Dans ces circonstances, je considère que ce rassemblement constituait une réunion à huis clos du Conseil, dont la tenue a contrevenu à la Loi sur les municipalités.

42     Cette violation de la Loi sur les municipalités par le Conseil a été aggravée par l’ajout de la recommandation du Comité à l’ordre du jour de la réunion publique du Conseil un peu plus tard ce soir-là, sans préavis au public et contrairement aux obligations du règlement de procédure quant à l’ajout de questions urgentes à l’ordre du jour.

43     En se réunissant indûment pour discuter la recommandation du Comité et en suivant une procédure irrégulière pour ajouter une question à l’ordre du jour de la réunion, le Conseil a encore érodé davantage la confiance du public. Après les réunions du 23 novembre 2009, nous avons continué de recevoir des plaintes à propos des modalités de réunion du Conseil.

 

Réunions du Conseil le 25 janvier et le 8 février 2010

44     Un avis de la réunion du Conseil du 25 janvier 2010 a été émis, mais rien n’indiquait qu’une séance à huis clos se tiendrait après la partie de la réunion ouverte au public. Durant la partie de la réunion ouverte au public, le Conseil a adopté une résolution de tenir un huis clos pour étudier « des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du conseil local ».

45     Le secrétaire n’a pas dressé de procès-verbal de la réunion à huis clos. Mais les personnes présentes ont confirmé que cette réunion avait comporté la discussion de la prolongation éventuelle d’un contrat conclu entre un particulier et la municipalité, ce qui s’était fait à huis clos car il était notamment question du salaire de ce particulier.

46     Une fois cette séance du Conseil terminée, certains membres sont restés dans la salle pour se parler. On ne sait pas clairement quel sujet ils ont discuté alors, car les personnes présentes ne se souvenaient pas des détails. L’un des conseillers a cru se souvenir qu’il y avait peut-être eu une mise à jour informelle sur le Comité de développement économique du district, mais les preuves sur ce point ne concordaient pas et les autres membres du Conseil ont déclaré que les discussions avaient gardé un caractère social, portant sur des sujets comme le hockey et le temps.

47     Nous avons également reçu une plainte à propos d’un huis clos tenu dans le cadre d’une réunion ordinaire du Conseil le 8 février 2010. Un avis de cette réunion avait été donné, mais là encore le huis clos n’avait pas été mentionné. Les discussions avaient alors porté sur une question relative à un employé particulier. Ce sujet n’était pas inscrit à l’ordre du jour affiché publiquement, et pourtant une résolution a été adoptée en séance ouverte au public pour tenir un huis clos afin d’étudier « des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du Conseil local ». Aucun procès-verbal de cette séance n’a été dressé.

 

Analyse

Avis

48     Comme indiqué précédemment, le règlement municipal de procédure est incomplet en ce sens qu’il ne prévoit pas d’avis public des réunions, contrairement à ce que veut la Loi sur les municipalités (art. 238(2.1)). Certes, la Ville a émis un avis pour ses réunions du 25 janvier et du 8 février 2010, et elle a affiché publiquement son ordre du jour, mais elle n’a pas indiqué qu’un huis clos se tiendrait, pas plus qu’elle n’a fait savoir ce qui serait discuté alors en privé.

49     La Loi sur les municipalités ne précise pas le contenu que doit avoir l’avis au public. Mais à titre de pratique exemplaire, les municipalités sont encouragées à inclure dans leur ordre du jour tous les sujets à discuter à huis clos, avec une description générale de ces sujets. Les questions qui n’ont pas été incluses à l’avis préalable ne devraient être considérées que dans de rares circonstances, quand l’urgence de la situation ne permet pas de respecter les exigences normales quant aux avis à donner.

 

Résolutions autorisant un huis clos

50     La Loi sur les municipalités exige qu’avant de tenir un huis clos une résolution soit adoptée en séance ouverte au public, indiquant qu’une réunion se tiendra à huis clos et donnant la nature générale de la question à examiner (art. 239(4)).

51     Certes, le 25 janvier 2010 et le 8 février 2010, le Conseil a adopté une résolution avant de tenir un huis clos, comme l’exige la Loi de 2001 sur les municipalités. Mais pour décrire la question à considérer, il a simplement répété les mots employés pour décrire l’exclusion de la Loi sur les municipalités sur laquelle le Conseil s’appuyait pour tenir un huis clos. En général, de telles résolutions doivent inclure des renseignements pertinents sur le sujet à discuter, sous réserve des exigences de confidentialité. Comme l’a déclaré la Cour d’appel de l’Ontario dans Farber v. Kingston City[2], « la résolution d’entrer en séance à huis clos devrait comporter une description générale de la question à discuter, de sorte à maximiser les renseignements communiqués au public sans toutefois porter atteinte à la raison d’exclure le public ». Je considère que la Loi sur les municipalités exige que la résolution comprenne au moins une brève description de la question à discuter. Simplement reprendre les mots de la Loi ne satisfait pas normalement à cette exigence.

 

Questions considérées à huis clos

52     Pour la réunion du 25 janvier 2010, le Conseil a justifié la tenue d’un huis clos en disant qu’il allait considérer le salaire d’un particulier, et pour celle du 8 février 2010 sa justification du huis clos a été qu’il allait discuter un employé particulier. L’une des exceptions aux exigences générales d’ouvrir les réunions au public permet au Conseil de tenir un huis clos si le sujet à considérer porte sur « des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du Conseil local » (art. 239(2)(b)).

53     À mon avis, le salaire d’un particulier, contrairement à l’échelle salariale d’un poste, peut être considéré comme relevant de renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée. Mon avis va dans le sens de décisions prises par le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, déterminant si des renseignements sur le salaire d’un particulier constituaient des renseignements privés protégés de toute divulgation en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée et de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. (Voir par exemple : Ordre M-5, Ordre 61, Ordre 183 et Ordre P-273). Dans le cas de la question considérée à huis clos le 8 février 2010, le Conseil a étudié les circonstances personnelles d’un employé particulier, ce qui cadrait avec l’intention de l’exception prescrite.

54     Par conséquent, le Conseil était en droit de considérer ces points à huis clos, après avoir observé les exigences pertinentes de procédure.

 

Comptes rendus d’une réunion à huis clos

55     Conformément à l’article 239(7) de la Loi de 2001 sur les municipalités, une municipalité doit consigner, sans remarques ni commentaires, toutes les résolutions, décisions et autres délibérations de ses réunions.

56     L’article 3.03 du règlement municipal de procédure stipule que le secrétaire doit consigner le procès-verbal sans remarques ni commentaires, conformément à la Loi sur les municipalités. Aucun compte rendu officiel n’a été conservé des réunions à huis clos du 25 janvier 2010 et du 8 février 2010. Selon le secrétaire, la raison de cette absence de comptes rendus était que seules les résolutions étaient consignées dans les procès-verbaux de réunions étant donné que le secrétaire doit tout consigner « sans remarques ni commentaires ». Je crois que cette pratique repose sur une interprétation trop étroite et inexacte des exigences de la Loi sur les municipalités.

57     Certes, la Loi interdit toute remarque ou tout commentaire dans les comptes rendus officiels, mais ceci n’exclut aucunement les références aux sujets discutés lors d’une réunion. En général, le secrétaire est chargé de consigner les éléments matériels et procéduraux discutés à huis clos. Comme je l’ai mentionné dans mon rapport d’enquête sur une réunion spéciale du Comité des services de développement de la Ville d’Oshawa, intitulé L’ABC de l’éducation et de la formation :

L’admonestation de ne pas inclure de remarques ou commentaires ne signifie pas qu’aucun renseignement ne devrait être consigné à propos des sujets discutés en réunion. L’obligation de dresser un procès-verbal devrait être interprétée dans l’esprit des dispositions sur les réunions ouvertes au public, dont l’objectif est d’accentuer l’ouverture, la transparence et la responsabilisation des gouvernements municipaux. Bien qu’il faille exclure les remarques et commentaires superflus qui ne se rapportent pas aux délibérations d’un comité, le procès-verbal devrait refléter ce qui est réellement ressorti de la réunion, en indiquant entre autres la nature générale des sujets discutés[3].


58     Idéalement, le compte rendu d’une réunion à huis clos devrait faire référence aux points suivants :

  • lieu de la réunion;

  • moment où la réunion a commencé, a été ajournée;

  • personne qui a présidé la réunion;

  • personnes présentes à la réunion, avec référence particulière au secrétaire ou à tout autre responsable chargé du compte rendu;

  • indication de tout participant qui est parti ou arrivé durant la réunion, avec mention de l’heure du départ ou de l’arrivée;

  • description détaillée des questions de fond et de procédure qui ont été discutées, avec référence à tout document considéré;

  • toute motion, avec référence à la personne qui a présenté la motion et à celles qui l’ont appuyée;

  • tous les votes et toutes les directives données.


 

Délibérations après un huis clos

59     Bien souvent, après un huis clos, le Conseil reprend ses discussions en public avant de clore sa réunion et généralement c’est alors qu’il vote sur les points considérés à huis clos. Le public devrait être avisé qu’il est en droit de revenir après le huis clos, à la reprise de la réunion ouverte. D’après les renseignements que nous avons obtenus au cours de notre enquête, on ne sait pas clairement si le Conseil informe régulièrement le public de son droit à revenir dans la salle du Conseil une fois le huis clos terminé.

60     À titre de pratique exemplaire, le Conseil est encouragé à rendre compte au public de ce qui s’est passé à huis clos, une fois tout huis clos terminé. Les renseignements donnés alors devraient être plus substantiels que ceux présentés dans le rapport actuel du maire au début de chaque réunion du Conseil, qui ne donne généralement que les faits saillants des décisions importantes prises.

 

Rencontres sociales après les réunions du Conseil

61     Quant aux discussions qui ont suivi la réunion du 25 janvier 2010, les preuves sont insuffisantes pour conclure que les membres du Conseil ont fait plus que s’attarder et échanger de simples propos à caractère social. Bien sûr, il est inévitable que certains échanges de ce genre aient lieu avant et après les réunions du Conseil. Mais de tels échanges risquent de provoquer des spéculations adverses, surtout quand ils sont aussi rapprochés des réunions officielles. Les membres du Conseil devraient prendre garde que leurs conversations informelles ne glissent pas vers des sujets inopportuns et que le public ne soit pas exclu de telles discussions.

 

Opinion

62     Notre enquête a conclu que le Comité spécial du patrimoine de la Ville de Mattawa a contrevenu à de multiples reprises aux dispositions des réunions ouvertes au public énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités, notamment en tenant une série de huis clos irréguliers. Alors que le Conseil avait créé ce Comité pour apaiser la discorde publique face au sort de l’ancien hôpital, la manière dont le Comité s’est acquitté de son mandat n’a fait que saper davantage la confiance du public dans le processus. À l’avenir, le Conseil devrait soigneusement considérer si les entités qu’il crée sont tenues de se conformer aux dispositions des réunions ouvertes au public et il devrait s’assurer que les entités relevant de la Loi sont avisées de leurs responsabilités. Pour faciliter cet objectif, les comités devraient avoir des mandats clairs et ils devraient être soumis aux règlements de procédure, qui encouragent la conformité aux dispositions des réunions ouvertes au public et qui intègrent les principes d’ouverture, de responsabilisation et de transparence.

63     Le Conseil de Mattawa a aussi tenu un huis clos irrégulier au musée le 23 novembre 2009, érodant encore davantage la confiance du public. J’ai conclu que le Conseil était en droit de considérer à huis clos des questions portant sur des renseignements personnels, lors de ses réunions du 25 janvier 2010 et du 8 février 2010. J’ai aussi conclu qu’il n’y avait pas eu de huis clos irréguliers après la réunion du 25 janvier 2010. Mais il serait dans l’intérêt du Conseil d’améliorer ses pratiques sur bien des plans relativement à ses réunions. Tout d’abord, le règlement municipal de procédure du Conseil devrait être mis à jour et modifié pour se conformer aux exigences de la Loi de 2001 sur les municipalités et pour intégrer les pratiques exemplaires.

64     Par conséquent, je fais les recommandations suivantes.
 
 

Recommandations

Recommandation 1

Le Conseil municipal de Mattawa devrait revoir et modifier son règlement de procédure pour qu’il reflète les exigences de la Loi de 2001 sur les municipalités ainsi que les pratiques exemplaires. Ce règlement devrait inclure les points suivants :

- obligation d’émettre un avis public pour toutes les réunions, y compris les huis clos tenus dans le cadre des réunions ordinaires du Conseil;

- dispositions stipulant que les ordres du jour doivent inclure tous les éléments à discuter durant les séances ouvertes et fermées des réunions;

- procédure régissant comment les avis de réunion et les ordres du jour doivent être communiqués au public ainsi qu’aux membres du Conseil;

- interdiction de discuter d’éléments sans préavis lors des réunions, à moins que la question ne soit urgente et que les règles normales de préavis ne soient suspendues à la suite d’un vote officiel consigné;

- dispositions régissant le déroulement des huis clos, avec notamment référence aux circonstances dans lesquelles ces huis clos peuvent être tenus, conformément à la Loi de 2001 sur les municipalités, et obligation de consigner les délibérations.

 
Recommandation 2

Le Conseil municipal de Mattawa devrait s’assurer qu’aucun sujet n’est discuté à huis clos à moins que :

a) le sujet a été dûment ajouté à l’ordre du jour conformément au règlement municipal de procédure;

b) le sujet relève clairement d’une des exceptions légales aux exigences sur les réunions ouvertes au public;

c) une résolution est adoptée à l’avance, en réunion ouverte au public, autorisant la discussion du sujet à huis clos;

d) le sujet est généralement décrit aussi précisément que possible, pour maximiser les renseignements communiqués au public sans porter atteinte à la raison pour laquelle il est discuté à huis clos.

 
Recommandation 3

Le Conseil municipal de Mattawa devrait soigneusement considérer si les entités qu’il crée sont tenues de se conformer aux dispositions des réunions ouvertes au public en vertu de la Loi sur les municipalités et il devrait s’assurer que les entités relevant de ces dispositions sont avisées de leurs responsabilités. Le Conseil devrait aussi s’assurer que ces entités ont des mandats clairs et suivent les règlements de procédure, couvrant entre autres les questions de quorum, de vote, de documents à conserver et de comptes rendus à faire au Conseil.

 
Recommandation 4

Le Conseil municipal de Mattawa devrait prendre l’habitude d’informer les membres du public qu’ils sont en droit de revenir après le huis clos d’une réunion ordinaire du Conseil, pour assister à la partie ouverte en fin de réunion.

 
Recommandation 5

Le Conseil municipal de Mattawa devrait prendre l’habitude de rendre publiquement compte des questions discutées à huis clos, une fois le huis clos terminé.

 
Recommandation 6

Le Conseil municipal de Mattawa devrait prendre l’habitude de dûment consigner le déroulement des huis clos, conformément aux exigences de la Loi de 2001 sur les municipalités.

 
Recommandation 7

Tous les membres du Conseil municipal de Mattawa devraient respecter avec vigilance leurs obligations personnelles pour s’assurer que le Conseil s’acquitte de ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son propre règlement de procédure.



 

Réponse

65     Le 9 novembre 2010, les enquêteuses de mon Bureau ont parlé au secrétaire municipal et lui ont fait un résumé de mes conclusions préliminaires et de mes recommandations, pour que le Conseil en soit informé et puisse y répondre avant la parution de ce rapport.

66     Le 10 décembre 2010, le secrétaire a confirmé qu’il avait transmis mes conclusions préliminaires au Conseil lors de sa réunion publique du 22 novembre 2010 et il a déclaré, qu’à sa connaissance personne n’avait fait le moindre commentaire, ni posé la moindre question à propos de ces conclusions.

67     Je n’ai reçu aucune autre réponse, aucun autre commentaire, du Conseil à propos de mes conclusions préliminaires et de mes recommandations. Par conséquent, j’ai parachevé la rédaction de mon rapport. J’encourage la municipalité à appliquer mes recommandations.
 
 

Rapport

68     Le Conseil municipal de Mattawa doit rendre public ce rapport, conformément à l’article 14(2.6) de la Loi sur l’Ombudsman.

______________________
André Marin
Ombudsman de l’Ontario



[1] Pour faciliter la lecture, ce groupe est appelé Comité spécial du patrimoine dans ce rapport.
[2] [2007] O.J. No 919, page 151.
[3] Le rapport complet se trouve sur notre site Web.