Canton de Russell

Canton de Russell

janvier 5, 2016

5 janvier 2016

Nous avons reçu des plaintes à propos de deux réunions à huis clos du Conseil du Canton de Russell qui s'étaient déroulées durant l’après-midi et la soirée du 10 août 2015. Notre examen a conclu que le Conseil n’avait pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités l’après-midi du 10 août quand il s’était retiré à huis clos pour obtenir une formation de planification stratégique, car les discussions relevaient de l’exception des séances d’éducation ou de formation. Nous avons aussi déterminé que l’une des questions discutées durant la soirée du 10 août relevait de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée. En revanche, notre examen a montré que trois des sujets examinés à huis clos le soir du 10 août ne relevaient d’aucune des exceptions de la Loi aux exigences des réunions publiques.

Enquête sur des réunions à huis clos du Conseil du Canton de Russell le 10 août 2015

Barbara Finlay
Ombudsman intérimaire de l’Ontario

Janvier 2016

 

Plainte

1    En août 2015, notre Bureau a reçu deux plaintes à propos de réunions à huis clos tenues par le Conseil du Canton de Russell le 10 août 2015.
 
   L’une des plaintes alléguait que le Conseil avait discuté du plan stratégique du Canton à huis clos lors d’une réunion extraordinaire l’après-midi du 10 août 2015. La seconde alléguait que le Conseil avait discuté de quatre questions à huis clos lors d’une réunion ordinaire le soir du 10 août 2015. Chacune de ces plaintes alléguait que ces réunions avaient eu lieu à huis clos illégalement, contrairement aux dispositions des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités (la Loi).
 


Compétence de l’Ombudsman

3   En vertu de la Loi, toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local, et d’un ‎comité de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions ‎prescrites.‎
 
4   ‎Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête ‎visant à déterminer si une municipalité s’est dûment retirée à huis clos. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services ‎de l’Ombudsman de l’Ontario. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut dans ‎les municipalités qui n’ont pas désigné leur propre enquêteur.
 ‎
  ‎Mon Bureau est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos dans le Canton de Russell.
 
6   Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous déterminons si les ‎exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le Règlement municipal de procédure ont été ‎respectées.
 
 

Contexte

7      Le maire et les conseillers actuellement en poste à Russell ont été élus le 27 octobre 2014. Le Conseil du Canton comprend le maire Pierre Leroux et quatre conseillers : Amanda Simard, Jamie Laurin, André Brisson et Cindy Saucier. Trois de ces cinq personnes sont de nouveaux élus.

     En octobre 2015, notre Bureau a fait paraître un rapport sur une réunion à huis clos tenue par le Canton en juin 2015[1]. Ce rapport avait conclu que le Canton de Russell avait enfreint la Loi sur les municipalités quand il avait invoqué l’exception des séances d’éducation ou de formation pour justifier une réunion à huis clos, dans le but d’examiner une présentation sur le développement d'une marque pour le Canton. Ce rapport incluait plusieurs recommandations et préconisait entre autres au Conseil de :

  • veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos, à moins que ce sujet ne relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques;

  • veiller à ce que la résolution adoptée pour se retirer à huis clos divulgue la nature générale de la discussion;

  • modifier son Règlement de procédure pour qu’il reflète avec pertinence les exceptions des réunions à huis clos énoncées dans la Loi;

  • faire des enregistrements audio ou vidéo de ses séances publiques et à huis clos.

 
     Dans une lettre d’août 2014, notre Bureau a déterminé que le Conseil du Canton de Russell avait discuté de trois questions à huis clos en vertu de l’exception de « la sécurité des biens » alors que ces questions ne relevaient ni de cette exception, ni d’aucune autre exception aux exigences des réunions publiques[2].
 
 

Processus d’enquête

10   Le 21 août 2015, nous avons avisé le Conseil du Canton de Russell que nous avions l’intention d’enquêter sur ces plaintes.
 
11   Les membres de l’Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques (OMLET) ont examiné les extraits pertinents du Règlement de procédure du Canton et de la Loi, ainsi que les ordres du jour, les procès-verbaux et la documentation des réunions. Ils ont interviewé la greffière, la greffière adjointe, le maire et les quatre membres du Conseil. Ils ont aussi parlé à une directrice de programmes, à St. Lawrence College.
 
12   Nous avons obtenu une pleine coopération dans l’examen de ce dossier.
 
 

Procédure du Conseil

13    Le Règlement de procédure du Canton[3] stipule que les réunions doivent être ouvertes au public, sous réserve des exceptions énoncées à l’article 4.11 du Règlement (reproduit en partie ci-dessous). [Le Règlement existe en anglais seulement]

4.11 Closed to Public – Closed Meeting [Règlement unilingue uniquement]
A meeting or part of a meeting of the Council or its Standing Committees may be closed to the public, by Resolution, if the subject matter being considered is…
g)     A matter in respect of which a Council, local board, committee or other body has authorized a meeting to be closed under another Act

     a.     A matter relating to the consideration of a request under the Municipal Freedom of Information and Protection of Privacy Act, if Council is designated as head of the institution for the purposes of the Act.

     b.     Educational or training session

     c.     A meeting of a Council or local board or of a committee of either of them may be closed to the public if the following conditions are both satisfied:

           i.       The meeting is held for the purpose of educating or training the Members; and

          ii.       At the meeting, no Member discusses or otherwise deals with any matter in a way that materially advances the business or decision-making of the Council, local board or committee.


14   Ces exceptions ne reflètent pas exactement celles de la Loi sur les municipalités. Dans mon rapport d’octobre 2015 au Canton, j’ai exprimé ma préoccupation à ce sujet et j’ai recommandé que le Conseil modifie son Règlement de procédure pour refléter fidèlement les exceptions de la Loi relatives aux réunions à huis clos[4].
 
 

Réunion du Conseil l’après-midi du 10 août 2015

15    Le 10 août 2015, à 15 h, le Conseil du Canton de Russell a tenu une réunion extraordinaire dans la salle du Conseil. Un avis de cette réunion a été affiché sur le site Web du Canton, conformément au Règlement de procédure.
 
16    Bien que la réunion ait eu lieu dans la salle habituelle du Conseil, cette salle avait été aménagée différemment. Les conseillers nous ont fait savoir que la disposition était « comme celle d’une salle de classe » avec de nombreux pupitres et chaises. Tous les pupitres et les chaises faisaient face à un mur où une présentation PowerPoint a été projetée.
 
17    Après l'ouverture de la réunion et l’approbation de l’ordre du jour, le Conseil a immédiatement résolu de se retirer à huis clos pour examiner :

Des questions relatives au paragraphe 239 (3.1) de la Loi de 2001 sur les municipalités, L.O. 2001, chapitre 25 ayant pour but l’éducation ou la formation des membres (formation à la planification stratégique).

 
18    Une fois réunis à huis clos, les conseillers ont quitté leur siège à la table du Conseil pour aller s’asseoir dans la partie de la salle qui avait été aménagée comme une salle de classe. Deux représentants de St. Lawrence College – un coordonnateur de programmes et un animateur – ont fait une présentation PowerPoint de formation aux conseillers, intitulée « Strategy Fundamentals ». Le personnel d’OMLET a obtenu et examiné une copie de cette présentation.
 
19    La première moitié de la présentation a donné des renseignements généraux de haut niveau sur le processus de planification stratégique. Les diapositives ont défini divers termes (p. ex., planification stratégique, énoncé de vision, énoncé de mission, énoncé de valeurs). La deuxième moitié de la présentation portait spécifiquement sur le Canton de Russell et reprenait certains points du plan stratégique alors en vigueur dans le Canton.
 
20    Chacun des conseillers a gardé des souvenirs similaires de cette séance de formation. Ils ont dit que la présentation avait commencé par une explication du processus suivi pour créer un plan stratégique, et que la seconde moitié de la présentation avait fait un rapprochement entre ces concepts génériques et le plan stratégique alors en vigueur dans le Canton. Les diapositives qui comprenaient une copie du plan stratégique existant du Canton ont servi à illustrer le vocabulaire employé par le présentateur. Ainsi, celui-ci a expliqué le sens de l’expression « énoncé de vision » puis a montré aux conseillers l’énoncé de vision du Canton.
 
21    Durant les entrevues, chacun des conseillers a affirmé qu’il n’y avait pas eu de discussion sur des changements du plan stratégique du Canton. Tout le monde comprenait que la discussion et le débat sur le plan stratégique auraient lieu lors d’une réunion distincte. L’objectif de la formation était d’aider les conseillers à comprendre le processus de planification stratégique. Plusieurs d’entre eux ont souligné que cette formation était nécessaire, car trois des cinq conseillers étaient nouvellement élus et n’avaient jamais travaillé à la conception d’un plan stratégique.
 
22    Un exemplaire imprimé de la présentation a été remis aux conseillers, pour qu’ils l’emportent chez eux. Selon l’un d'eux, les conseillers ont aussi été invités à faire « des devoirs à la maison » afin de se familiariser au plan stratégique existant du Canton.
 
23    À la reprise de la séance publique, le Conseil a fait savoir qu’une séance de formation avait eu lieu pour le Conseil et le personnel à propos de la planification stratégique. La réunion s’est terminée à 16 h 46.
 
 

Formation au plan stratégique donnée par St. Lawrence College

24    Dans le cadre de notre enquête, le personnel d’OMLET a parlé à une directrice de programmes au Centre for Corporate Learning and Performance Improvement, à St. Lawrence College. Elle était présente à la séance de formation sur le plan stratégique du Canton, mais elle n’était pas la principale présentatrice.
 
25    La directrice de programmes nous a fait savoir que St. Lawrence College offre un programme composé de deux parties aux municipalités qui souhaitent concevoir un nouveau plan stratégique. La première partie est une séance de formation durant laquelle les conseillers sont sensibilisés aux principes et au processus de la planification stratégique. C’est cette séance de formation qui a été présentée au Canton de Russell l’après-midi du 10 août 2015.
 
26    Par la suite, lors d’une seconde réunion, les conseillers se rassemblent afin de discuter et concevoir un nouveau plan stratégique pour le Canton. Un représentant de St. Lawrence College fait alors office d’animateur. Dans le Canton de Russell, cette seconde réunion a eu lieu en public, lors d’une réunion extraordinaire du Conseil le 26 août 2015. Le procès-verbal de cette réunion indique que la discussion et le débat sur la planification stratégique ont duré environ sept heures.
 
27    La directrice de programmes a fait savoir que son département avait suivi cette « formule » (c.-à-d. séance de formation générale suivie d’un débat/d’une discussion séparé) pour familiariser plusieurs municipalités au processus de conception ou de modification de leur plan stratégique.
 
 

Analyse

28    Le Conseil a invoqué l’exception de l’éducation et de la formation énoncée au paragraphe 239 (3.1) pour obtenir cette formation sur la planification stratégique à huis clos.
 
29    Le paragraphe 239 (3.1) de la Loi stipule qu’un conseil peut tenir une réunion à huis clos si cette réunion a pour but « l’éducation ou la formation » des membres, et si aucun membre ne discute ou ne traite autrement d’une question de manière à faire avancer les travaux ou le processus décisionnel de ce conseil.
 
30    Dans un rapport de 2015 sur des réunions à huis clos dans le Village de Casselman, l’Ombudsman a conclu ceci :

La portée de l’exception de l’éducation/de la formation énoncée dans la Loi s’étend uniquement aux réunions qui se tiennent à huis clos pour permettre aux membres du Conseil d’obtenir des renseignements susceptibles de les aider à mieux comprendre les affaires de la municipalité, ou d’acquérir des compétences, et non « d’échanger de l’information » sur une question[5].

 
31    Les Local Authority Services (LAS) ont aussi conclu que cette exception peut uniquement être invoquée quand « le seul objectif est de dispenser un enseignement ou une formation [et] quand aucune activité transactionnelle ou aucun processus décisionnel n’a lieu durant la séance »[6].
 
32    En septembre 2015, les LAS ont cherché à déterminer si une « séance de planification stratégique » dans le Canton de Brock relevait de cette exception[7]. Dans ce cas, le Conseil s’était réuni à huis clos pour permettre un « libre échange » d’idées parmi les participants à un atelier. Le consultant qui avait animé la séance a fait savoir qu’il s’agissait d’un « exercice de remue-méninges… pour définir collectivement la liste des priorités [du Conseil] et pour cerner l’ordre de classification des priorités ». Les LAS ont conclu que cette discussion ne relevait pas de l’exception de l’éducation ou de la formation, car les membres du Conseil avaient fait avancer substantiellement les futures activités ou les prises de décision du Conseil.
 
33    Durant la séance de formation sur le plan stratégique du Canton de Russell, les conseillers ont appris les principes fondamentaux et le vocabulaire du processus de planification stratégique. Certes, cette séance de formation a fait référence au plan stratégique alors existant du Canton, mais les renseignements communiqués ont servi de point de base pour illustrer les principes et le vocabulaire abstraits enseignés par l’animateur. Les conseillers ont confirmé qu’il n’y avait eu ni de prise de décision, ni de discussion, au sujet des priorités ou de mesures de planification précises du Canton. Contrairement à la séance de planification stratégique du Canton de Brock, cette séance de formation du Canton de Russell n’était pas « un atelier » avec « un libre échange » d’idées sur les priorités stratégiques du Canton. Les conseillers ont plutôt été formés pour acquérir des compétences visant à les aider à mieux comprendre le processus de planification stratégique au palier municipal. La discussion ciblée des priorités et du plan stratégique du Canton de Russell a été réservée pour la séance publique du 26 août.
 
34    La séance de formation sur la planification stratégique qui a eu lieu à huis clos était permise en vertu de l’exception des séances d’éducation ou de formation, énoncée au paragraphe 239 (3.1) de la Loi sur les municipalités.

 

Réunion du Conseil le soir du 10 août 2015

35    Le 10 août 2015, à 17 h 30, le Conseil a tenu une réunion ordinaire dans la salle du Conseil. Cette réunion a commencé environ 45 minutes après la levée de la séance de formation qui avait précédé. Un avis de la réunion avait été affiché sur le site Web du Canton, conformément au Règlement de procédure.
 
36    À 20 h 10, le Conseil a résolu de se retirer à huis clos pour discuter de huit questions. La résolution adoptée pour se retirer à huis clos donnait une brève description de chacune de ces questions et indiquait une exception précise justifiant la tenue du huis clos. La plainte déposée à notre Bureau a soulevé des questions pour quatre sujets discutés à huis clos, chacun étant examiné ci-après.
 
37    Après la discussion à huis clos, le Conseil a fait rapport de ses délibérations sur les huit questions examinées. La séance a été levée à 23 h 13.
 
 

Rapport sur des biens pouvant potentiellement être désignés propriétés patrimoniales

38    Le Conseil a discuté à huis clos d’une liste de propriétés potentiellement patrimoniales, en invoquant l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, énoncée à l’alinéa 239 (2) b).
 
39    Le procès-verbal de la réunion à huis clos indique que le personnel a présenté un rapport préliminaire qui répertoriait les propriétés que le Conseil pourrait vouloir désigner à titre de propriétés patrimoniales. À l'époque de cette réunion, la liste des propriétés considérées à cette fin n’était pas publique. Notre Bureau a examiné ce rapport, qui comprenait les renseignements suivants :

  • nom du bâtiment sous lequel il est familièrement connu (c.-à-d. « maison du médecin »);

  • adresse civique correspondante;

  • année de sa construction;

  • description de l’importance historique et/ou architecturale du bâtiment;

  • photo du bâtiment.

 
40    Pour un sous-ensemble de propriétés, le rapport donnait aussi des détails sur les anciens propriétaires de chacune d'elles.
 
41    Lors des entrevues, les conseillers ont déclaré qu’il y avait eu très peu de discussions à ce sujet. Dès qu'il était clairement apparu que les propriétaires n’avaient pas été avisés d’une éventuelle désignation à titre de bien patrimonial, le Conseil avait avisé le personnel de les en informer. Les conseillers ne se souvenaient pas d’avoir identifié les propriétaires par leurs noms durant cette brève discussion.
 
 

Analyse

42    La Loi sur les municipalités ne définit pas les « renseignements privés » aux termes de l’article 239. Le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP) a conclu que l’expression connexe « renseignements personnels » était restreinte aux renseignements dont on peut raisonnablement penser qu’ils pourraient permettre d’identifier un particulier s’ils étaient divulgués[8]. La Cour supérieure de l’Ontario a confirmé cette interprétation, soulignant ceci : « Lorsqu’on peut raisonnablement prévoir qu’un particulier sera identifié à partir des renseignements, ces renseignements constituent… des renseignements personnels »[9].
 
43    Dans une lettre au Canton de North Shore, notre Bureau a déterminé que des renseignements généraux sur des propriétés, dont le nombre de vannes à eau, n’étaient pas des « renseignements privés » sur le propriétaire[10]. De même, le CIPVP a déterminé que les emplacements municipaux de certaines propriétés et leur valeur marchande estimative n'étaient pas des « renseignements personnels » sur leur propriétaire[11]. Ces renseignements sont tout simplement des renseignements sur la propriété.
 
44    La discussion du Conseil à propos de la liste des propriétés patrimoniales potentielles a été courte, générale, et aucun propriétaire n'a été identifié par son nom. Par conséquent, cette discussion ne relevait ni de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, ni d’aucune autre exception énumérée dans la Loi.
 


Question de remboursement d’impôt

45    Le Conseil a aussi discuté d’une question de remboursement d’impôt en vertu de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, énoncée à l’alinéa 239 (2) b).
 
46    Le procès-verbal de la réunion à huis clos indique que le trésorier adjoint du Canton a présenté le Rapport CS 17‑2015 au Conseil. Le personnel d’OMLET a étudié ce document. Le rapport et la discussion portaient sur un résident de la région dont les impôts fonciers avaient été surfacturés durant plusieurs années. Dans ce rapport, le particulier était identifié par son nom, son numéro de rôle d'imposition foncière et le montant du remboursement de son impôt foncier. Le rapport précisait que le résident et la Société d’évaluation foncière des municipalités avaient cru, à tort, qu’il était propriétaire de deux terrains adjacents, et ses impôts fonciers avaient été calculés en conséquence. Quand ce propriétaire a voulu vendre son terrain, il a découvert une erreur qui datait de l’achat de ce terrain et il a constaté qu’en fait, il était propriétaire d’un seul terrain.
 
47    Durant la séance à huis clos, le Conseil a discuté de renseignements contenus dans le rapport et a cherché à déterminer qui était responsable de cette erreur à l’origine. Après la discussion à huis clos, le Conseil a résolu, en séance publique, de rembourser à ce résident certains impôts fonciers qu’il avait payés par erreur.
 
 

Analyse

48    Comme indiqué précédemment, la Loi sur les municipalités ne définit pas les « renseignements privés » aux termes de l’article 239. Toutefois, l’expression connexe « renseignements personnels » est ainsi partiellement définie dans la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée : « Renseignements consignés ayant trait à un particulier qui peut être identifié. S’entend notamment :

b) des renseignements... reliés à sa participation à une opération ‎financière; ...
g) des opinions et des points de vue d’une autre personne au sujet de ce ‎particulier;‎
h) du nom du particulier, s’il figure parmi d’autres renseignements ‎personnels qui le concernent, ou si sa divulgation risque de révéler ‎d’autres renseignements personnels au sujet du particulier‎. »[12]

 
49    Dans ce cas, le Conseil a identifié un particulier par son nom, a discuté de l’achat et de la vente de son terrain, du montant d’impôts fonciers qu’il avait payés en trop, et a cherché à déterminer s’il était responsable des erreurs d'impôts fonciers. Par conséquent, cette discussion relevait de l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée.
 
 

Plan d’affaires pour les services d’eau et d’égouts au Parc industriel 417

50    Le Conseil a discuté d’une proposition de plan d’affaires visant à installer des services d’eau et d’égouts dans une zone commerciale et industrielle locale, le Parc industriel 417. Une fois de plus, le Conseil a invoqué l’exception des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, énoncée à l’alinéa 239 (2) b).
 
51    Durant le huis clos, un membre du personnel de direction a présenté un rapport résumant le plan d’affaires au Conseil. Notre Bureau a examiné ce rapport et des documents connexes. Cette documentation montrait les répercussions financières potentielles de l’installation de services d’eau et d’égouts dans le parc industriel. Le rapport faisait aussi référence à chacun des propriétaires fonciers du parc industriel et donnait les renseignements suivants :

  • le nom commercial de l’entreprise (ou le nom d’un particulier, s’il n’existait pas de nom commercial);

  • l’identité juridique de l’entreprise (en cas de différence);

  • l’adresse de la propriété;

  • la superficie du terrain;

  • le coût de l’amélioration des services d’eau/d’égouts pour cette propriété;

  • le « niveau » attribué par le Canton à la propriété; ce « niveau » détermine dans quel délai l’entreprise devrait rembourser au Canton le coût de l’amélioration des services.

 
52    Le Conseil a discuté du plan d’affaires en général et a précisé le coût pour les divers propriétaires fonciers. Lors de leurs entrevues, plusieurs conseillers ont souligné que la discussion était liée de près à deux autres questions discutées à huis clos lors de la réunion. Ils ont précisé que le Conseil s’apprêtait à vendre un terrain de parc industriel à une compagnie identifiée. De plus, ils ont expliqué que le Conseil était en négociation avec deux propriétaires fonciers en vue de l’achat potentiel de terrains pour agrandir le parc industriel. Les conseillers estimaient que l’installation de services d’eau et d’égouts dans le parc industriel aurait des répercussions sur la valeur des terrains, et donc sur les transactions en cours.
 
53    Quand le Conseil a repris sa séance publique, il a adopté une résolution afin de passer aux étapes suivantes d’installation des services d’eau et d’égouts dans le parc industriel. L’une des étapes consistait à présenter le plan d’affaires aux propriétaires fonciers du parc industriel, en leur donnant 30 jours pour le commenter.

 

Analyse

54    Comme indiqué précédemment, la Loi sur les municipalités ne définit pas les « renseignements privés » aux termes de l’article 239, mais l’expression connexe « renseignements personnels » est définie dans la LAIMPVP et inclut « des renseignements consignés ayant trait à un particulier qui peut être identifié »[13]. Le CIPVP a conclu ceci :

L’emploi du terme « particulier » dans la Loi indique clairement que la protection fournie quant à la confidentialité des renseignements personnels s’applique uniquement aux personnes physiques. Si l’Assemblée législative avait eu pour intention d’inclure à la notion de « particulier qui peut être identifié » une entreprise individuelle, un partenariat, une association ou société non constituée en personne morale, elle aurait pu utiliser – et aurait utilisé – le langage voulu pour le clarifier[14].

 
55    Le CIPVP a aussi conclu que les renseignements liés à un particulier à titre professionnel, officiel ou commercial ne peuvent pas être considérés comme des renseignements personnels « ayant trait à » ce particulier[15]. Dans une décision de 2008, le CIPVP a conçu un test en deux parties pour distinguer les renseignements personnels des renseignements professionnels aux termes de la Loi sur les municipalités. Ce test pose les questions suivantes :

  • Dans quel contexte apparaissent les noms des particuliers? Dans un contexte personnel ou professionnel?

  • Les renseignements particuliers comprennent-ils quelque chose qui, en cas de divulgation, pourrait révéler des éléments de nature personnelle à propos de ce particulier?[16]

 
56    Durant la séance à huis clos, le Conseil a discuté de manière générale du plan d’affaires proposant l’installation de services d’eau et d’égouts, et il a examiné le coût que les diverses entreprises auraient à payer si le plan était approuvé. Le rapport présenté au Conseil identifiait très peu de particuliers par leur nom, et ces personnes utilisaient de toute façon les terrains à titre industriel ou commercial. Les renseignements donnés dans le rapport (c.-à-d. adresse de la propriété, superficie, coût du développement proposé, durée du paiement de ces frais pour les propriétaires fonciers) ne révèlent rien de nature personnelle sur chacun des propriétaires fonciers. Par conséquent, la discussion ne relevait pas de l’exception des renseignements privés énoncée à l’alinéa 239 (2) b).
 
57    Notre Bureau a cherché à déterminer si la discussion relevait sans équivoque de l’exception de l’acquisition ou de la disposition d’un bien-fonds, énoncée à l’alinéa 239 (2) c). Cette exception permet au Conseil de discuter de la vente, de la location-bail ou de l’achat d’un terrain, à huis clos, dans l’objectif premier de protéger la position de négociation de la municipalité[17].
 
58    À l'époque de la réunion à huis clos, le Canton était en train d’acheter et de vendre des terres dans le parc industriel. Les conseillers nous ont dit qu’à leur avis, la décision d’installer des services d’eau et d’égouts aurait des répercussions sur la position de négociation du Canton et sur la valeur des terres.
 
59    Cependant, la discussion du Conseil sur le plan d’affaires ne visait pas principalement la vente ou l’achat de terrains. Le centre du débat était le plan d’affaires lui-même, le Conseil se demandant s’il devait l’adopter ou non. De plus, lors de la séance publique qui a suivi la discussion à huis clos, le Conseil a résolu d’enjoindre au personnel de « passer aux étapes suivantes d’installation des services d’eau et d’égouts dans le Parc industriel 417 ». La décision de divulguer publiquement que le projet aurait le feu vert indique que le Conseil ne s’inquiétait pas de protéger sa position de négociation quant aux acquisitions et dispositions de terrains qui étaient en cours. Par conséquent, la discussion ne relevait pas de l’exception de l’acquisition ou de la disposition d’un bien-fonds.
 
 

Entente sur le fonds des avantages de la communauté

60    Le Conseil a discuté à huis clos d’une proposition d’« entente sur le fonds des avantages de la communauté » en vertu de l’exception de l’acquisition ou la disposition projetée ou en cours d’un bien-fonds.
 
61    Durant cette discussion, le DG a donné un aperçu de la proposition d’entente au Conseil. Le personnel d’OMLET a examiné cette proposition. L'entente prend la forme d’un contrat entre le Canton et une entreprise d’énergie qui souhaite installer des éoliennes dans une municipalité avoisinante. Pour faciliter ce projet, cette entreprise avait besoin de faire passer des lignes électriques sur des terres du Canton. En vertu du contrat, elle s’est engagée à ne pas installer d’éoliennes dans la municipalité et à faire une contribution annuelle à un « fonds des avantages de la communauté » - contribution que la municipalité sera en droit d’utiliser de diverses façons, conformément au contrat. En échange, le Canton a accepté de :

  • traiter et examiner diverses demandes de permis et présentations de l’entreprise et prendre rapidement des décisions les concernant;

  • négocier de bonne foi pour parvenir à une « entente d’utilisation des routes et des emprises routières » ne comprenant aucune obligation financière si ce n’est celle de réparer / remettre en état les routes endommagées;

  • adopter une « résolution de soutien du conseil municipal » appuyant le projet d’énergie éolienne, conformément à une annexe de l’entente.

 
62    Le contrat comprenait aussi une carte montrant le tracé prévu des lignes électriques. Durant les entrevues, les conseillers ont déclaré que ni le Conseil ni le personnel n’avaient obtenu de conseils juridiques au sujet de cette entente.
 
63    Pendant la séance à huis clos, les conseillers ont cherché à déterminer si le Canton devait conclure cette entente ou non, et si les clauses monétaires et non monétaires étaient satisfaisantes. En fin de compte, le Conseil a enjoint au DG de signer l’entente. Ayant repris sa séance publique, le Conseil a adopté une résolution pour appuyer le projet de l’entreprise d’énergie éolienne, conformément à l’entente.
 
 

Analyse

64    Comme indiqué précédemment, l’exception de l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds permet au Conseil de discuter à huis clos de la vente, de la location-bail ou de l’achat d’un terrain, dans l’objectif premier de protéger la position de négociation de la municipalité[18].
 
65    Dans son Ordonnance MO-1558-I, le CIPVP s’est penché sur le sens des mots « acquisition » ou « disposition » de l’alinéa 207 (2) c) de la Loi sur l’éducation et a conclu que ces deux mots « ont trait à l’achat, la vente, la location-bail ou autre transfert similaire de droits d’utilisation d’un bien-fonds, d’un terrain et/ou de locaux »[19].
 
66    Bien que l’entente sur le fonds des avantages de la communauté discutée par le Conseil ait entraîné diverses obligations pour le Canton, elle ne comportait aucun transfert direct de droits de propriété du Canton à l’entreprise d’énergie éolienne. Il s’agissait plutôt d’une « entente en vue de s'entendre », qui contraignait le Canton à négocier de bonne foi au sujet d’une future « entente d’utilisation des routes et des emprises routières ». Les autres parties de l’entente, comme les dispositions relatives aux demandes de permis et à la résolution d’appui, n’avaient pas non plus directement trait à l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds.
 
67    Les conseillers ont dit au personnel d’OMLET que l’entente était un sujet délicat et que le Canton devait veiller à protéger sa position de négociation avec l’entreprise d’énergie éolienne. Toutefois, ces raisons ne suffisent pas à elles seules pour justifier la discussion à huis clos d'une telle question. La discussion du Conseil au sujet de la proposition d’entente sur le fonds des avantages de la communauté ne relevait ni de l’exception de l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds, ni d’aucune autre exception énoncée dans la Loi relativement aux réunions à huis clos.
 
 

Opinion

68    Le Conseil du Canton de Russell n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités l’après-midi du 10 août 2015 quand il s’est retiré à huis clos pour assister à une séance de formation sur la planification stratégique. Il n’a pas enfreint la Loi non plus le soir du 10 août 2015 quand il s’est retiré à huis clos en vertu de l’exception des renseignements privés pour discuter d’une question de remboursement d’impôts.
 
69    En revanche, le Conseil a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités quand il s’est retiré à huis clos le soir du 10 août 2015 pour discuter de trois questions qui ne relevaient d’aucune des exceptions de la Loi relativement aux exigences des réunions publiques. Les discussions du Conseil sur une liste potentielle de propriétés patrimoniales et sur un plan d’affaires pour l’installation de services d’eau et d’égouts ne relevaient ni de l’exception des renseignements privés, ni d’aucune autre exception en vertu de la Loi. En outre, la discussion du Conseil au sujet de l’entente sur le fonds des avantages de la communauté ne relevait ni de l’exception de l’acquisition ou de la disposition d’un bien-fonds, ni d’aucune autre exception de la Loi.


Recommandations

70    Je fais les recommandations suivantes pour aider le Canton à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à renforcer la transparence de ses réunions.
 

Recommandation 1

Tous les membres du Conseil du Canton de Russell devraient respecter avec vigilance leurs obligations individuelles et collectives afin de veiller à ce que le Conseil s’acquitte de ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son propre Règlement de procédure.

 
Recommandation 2

Le Conseil du Canton de Russell devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos, à moins que ce sujet ne relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques.

 
Recommandation 3

Le Conseil du Canton de Russell devrait modifier son Règlement de procédure pour refléter avec exactitude les exceptions relatives aux réunions à huis clos de l’article 239 de la Loi de 2001 sur les municipalités.



 

Rapport

71   La greffière, la greffière adjointe et tous les membres du Conseil ont eu la possibilité d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter auprès de notre Bureau. Les commentaires que nous avons reçus ont été pris en considération dans la préparation de ce rapport final.

72   Mon rapport devrait être communiqué au Conseil du Canton de Russell et mis à la disposition du public au plus vite, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.
 

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Barbara Finlay
Ombudsman intérimaire de l’Ontario



[1] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil du Canton de Russell a tenu une réunion à huis clos illégale le 1er juin 2015 (octobre 2015), en ligne.
[2] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Canton de Russell (8 août 2014), en ligne.
[3] Canton de Russell, Règlement no 2015-45, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletBeing a by-law to govern the proceedings of the council of the corporation of the Township of Russell (13 avril 2015), en ligne.
[4] Rapport de l’Ombudsman, supra note 2.
[5] Ombudsman de l’Ontario, « Table ronde au restaurant » : Enquête visant à déterminer si le Conseil du Village de Casselman a tenu une réunion à huis clos illégale le 8 janvier 2015 (avril 2015), à 10, en ligne.
[6] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletReport to the Corporation of the County of Essex (septembre 2009), à 13, en ligne.
[7] Local Authority Services, Report to the Corporation of the Township of Brock (septembre 2015).
[8] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance PO-1880 (15 mars 2001), en ligne : CIPVP; confirmée en appel dans Ontario v Pascoe, 2002, OJ No 4300, par. 2.
[9] Ontario (Ministry of Correctional Services) v Goodis [2008], OJ No 289, par. 69.
[10] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Canton de North Shore (4 juin 2012).
[11] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance R-980015 (17 décembre 1998),en ligne : CIPVP.
[12] Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, chap. M56, art. 2.
[13] Ibid.
[14] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance P-16 (8 septembre 1988), à 19, en ligne : CIPVP; confirmée par l’Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance M-340 (7 juillet 1994), en ligne : CIPVP.
[15] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnances P-257 (29 novembre 1991), P-427 (2 mars 1993), P-1412 (23 juin 1997) et MO-1550-F (14 juin 2002), en ligne : CIPVP.
[16] Test créé dans Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletPO-2225 (12 janvier 2004), en ligne : CIPVP; appliqué à la Loi sur les municipalités dans l’Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance MO-2368 (26 novembre 2008), en ligne : CIPVP.
[17] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville d’Ajax (28 mars 2014), en ligne.
[18] Ibid.
[19] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletMO-1558-I (25 juillet 2002), à 28, en ligne : CIPVP.