Attaché à un lit d’hôpital pendant de longues périodes faute de services en français (Radio-Canada)
L’ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé, le reconnaît lui-même : le cas du Franco-Ontarien Luc cité dans son rapport n’est probablement pas unique.
L’ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé, le reconnaît lui-même : le cas du Franco-Ontarien Luc cité dans son rapport n’est probablement pas unique.
Florence Bolduc
Radio-Canada
le 25 novembre 2025
Les obstacles auxquels doivent faire face les adultes francophones vivant avec une déficience intellectuelle en Ontario seraient aggravés par le manque de ressources en français, selon l’ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé.
Voilà ce qui ressort de son plus récent rapport d’enquête rendu public, mardi, à Queen’s Park et portant sur l’hospitalisation indue des adultes ayant une déficience intellectuelle.
C’est le cas de Luc, un francophone de 30 ans, atteint d’un trouble autistique grave, d’une déficience intellectuelle, d’un trouble épileptique et d’un trouble obsessionnel compulsif dont l’exemple est cité dans le rapport de l’ombudsman.
Après un épisode violent, Luc a été admis à l’unité de psychiatrie d’un hôpital.
Dans cet environnement bruyant et souvent tendu qu’il tolère difficilement, Luc est « confiné à sa chambre pendant de longues périodes ». Quand il devient agité, le personnel hospitalier « l’immobilise physiquement ou lui donne des sédatifs », n’ayant pas le personnel pour lui apporter « le soutien nécessaire ».
Encore plus difficile, lorsque le personnel parlant français n’est pas disponible, Luc « ne se sent pas compris », aux dires de sa famille, ce qui « contribue à sa frustration et aggrave la situation ».
Pour Paul Dubé, aucun doute, bien que les besoins de Luc soient « très exigeants », le manque de services en français ajoute « un niveau de complexité » à son cas.
« Il y a déjà une pénurie de services et de logements, donc, c’est déjà très difficile pour des gens avec des besoins très complexes de trouver les soins et les accommodations nécessaires. Si on ajoute le français, il y a encore moins de gens qui peuvent offrir ces services-là. C’est un enjeu très important. »
- Paul Dubé, ombudsman de l’Ontario
Selon son rapport, le « peu de ressources en français aggrave les obstacles à la communication pour les francophones, prolonge les hospitalisations et complique la recherche d’une solution adéquate de logement supervisé dans la collectivité. »
Une situation que confirme une étude publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne par 11 chercheurs au sujet de la concordance linguistique entre les patients et leurs médecins et citée dans le rapport de l’ombudsman.
M. Dubé le reconnaît lui-même, le cas de Luc n’est probablement pas unique. « Nous avons reçu de nombreux témoignages de familles et d’aidants touchés par ce problème et nous savons qu’il y en a beaucoup d’autres dont nous n’avons pas encore eu de nouvelles », soutient-il.
« Des personnes qui languissent dans les hôpitaux, parfois maintenues sous contention pendant des mois, voire des années. Elles ne sont pas là pour des raisons médicales, mais parce qu’il n’y a nulle part où les accueillir. [...] Dans de nombreux cas, leur état s’est aggravé à l’hôpital », ajoute l’ombudsman en rappelant que les personnes au cœur de ce rapport font partie des plus vulnérables de la société.
« Malgré toute la compassion et la bienveillance dont peut faire preuve le personnel hospitalier, un hôpital n’est pas un chez-soi. »
- Extrait du rapport d’enquête de l’ombudsman de l’Ontario
Afin de pallier cette situation, le rapport recommande, entre autres, l’« augmentation de la disponibilité du personnel francophone en clinique et dans les services de l’organisme. »
Outre la situation des francophones, l’ombudsman de l’Ontario constate aussi un manque de ressources, un manque de collaboration et un manque de transparence et de données fiables sur le terrain.
Le ministère de la Santé et le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux ont déjà accepté toutes les recommandations formulées dans le présent rapport de l’ombudsman et affirment qu’ils rendront compte régulièrement des progrès accomplis dans la mise en œuvre de ceux-ci.
Malgré tout, une question demeure : seront-elles toutes appliquées? Paul Dubé reconnaît lui-même qu’en 2016, des recommandations semblables avaient été faites au gouvernement lors d’un autre rapport.
« Toutes nos recommandations ont été acceptées et, pendant quelques années, nous avons constaté des progrès. Mais les progrès ont stagné et nos recommandations n’ont jamais été pleinement mises en œuvre. Ces dernières années, la situation s’est aggravée. Le nombre d’adultes a augmenté », admet-il.
Malgré tout, l’ombudsman se montre nuancé. « Je sais que les personnes en première ligne souhaitent un changement, les parties prenantes souhaitent un changement. En sensibilisant l’opinion publique, nous espérons que la société reconnaîtra l’acceptabilité de cette situation et exigera des changements », conclut-il.