Étienne Lajoie
Radio-Canada
le 4 décembre 2025

Plus de trois ans et demi après un rapport d’enquête sur les coupes dans les programmes en français de l’Université Laurentienne, seulement 5 des 19 recommandations du commissaire aux services en français de l’Ontario ont été adoptées de façon « adéquate », c’est-à-dire à la satisfaction du commissaire.

Dans son rapport annuel publié mercredi, le commissaire, Carl Bouchard, note que l’université a revu sa politique de bilinguisme et que le ministère des Collèges et Universités (MCU) a « mis en place une structure de gouvernance afin de s’assurer qu’il réagira rapidement à tout changement qui pourrait toucher à la conformité de l’université avec la Loi sur les services en français ».

Toutefois, le ministère des Affaires francophones (MAFO) n’a pas adopté une nomenclature normalisée pour la désignation des établissements postsecondaires, constate M. Bouchard. Sa prédécesseur, Kelly Burke, avait jugé que cela permettrait au public de mieux comprendre les désignations.

Le rapport dévastateur de Mme Burke, en mars 2022, visait le MAFO et le MCU, ainsi que l’université. Il avait été rédigé en réaction à l’élimination de programmes de langue française de l’établissement après que celui-ci se soit placé à l’abri de ses créanciers. Mme Burke avait déterminé que l’établissement avait enfreint la Loi sur les services en français (LSF).

« Je vois du progrès », a réagi le commissaire Bouchard lors d'un point de presse à Queen's Park jeudi matin. « On ferme les recommandations quand je suis satisfait qu’elles ont été rencontrées correctement », a-t-il ajouté.

Une exemption « abusée »

Le commissaire Bouchard ne fait qu’une recommandation dans son rapport. Celle-ci vise le règlement 671/92, qui exempte certaines publications des organismes gouvernementaux de l’application de la LSF si celles-ci « sont de nature scientifique, technique ou savante » et qu’elles « ne sont pas normalement mises à la disposition du public en général ».

Ce règlement est « appliqué de manière incohérente et souvent erronée » entraînant ainsi « des lacunes importantes dans les services en français », lit-on dans le document, qui fait état de 315 plaintes et demandes de renseignement entre le 1er octobre 2024 et le 30 septembre 2025.

De surcroît, le MAFO n’a pas, pour l’instant, de directives guidant la mise en application du règlement. En ce sens, le commissaire recommande au MAFO « établisse un cadre avec des paramètres clairs pour accompagner l’ensemble des organisations assujetties à la LSF dans l’interprétation du règlement 671/92. »

Exemple d’exemption appliquée de façon « incohérente » :

« Infrastructure Ontario a consulté le grand public sur la mise en place d’une stratégie de construction de logements autour des nouvelles stations de métro à Toronto. Les documents de référence disponibles sur le site public d’Infrastructure Ontario pour cette consultation n’étaient pas tous disponibles en français. Ce cas a été porté à notre attention par une personne francophone qui souhaitait participer. »

Source : rapport annuel 2024-2025 du commissaire aux services en français

Interrogé à savoir si les organismes avaient fait un usage « abusif » de cette exemption, le commissaire a répondu par l'affirmative. Carl Bouchard a noté que des organismes gouvernementaux ont justifié les exemptions par manque de ressources et les délais de traduction.

Le commissaire a laissé la province le soin de clarifier s'il y avait effectivement suffisamment de personnel pour la traduction, mais a ajouté que le gouvernement doit « planifier en conséquence » et « prioriser [ses] ressources » pour répondre à ses obligations. M. Bouchard « espère bien » que la province acceptera la recommandation.

Pas d'échéancier pour l’enquête sur ServiceOntario

Le rapport annuel du commissaire n’offre pas d’échéancier, par ailleurs, par rapport à la conclusion de l’enquête en français de ServiceOntario, qui a été lancée au mois d’avril. Dans les mois précédents, Radio-Canada avait révélé que l’offre active faisait défaut dans des bureaux de ServiceOntario situés dans des régions désignées.

M. Bouchard explique dans le document déposé mercredi que l’unité « continue d’encourager toute personne qui dispose de renseignements pertinents sur cette enquête » de la contacter. « Nous présenterons nos conclusions dans un rapport d’enquête lorsque celle-ci sera achevée », lit-on dans le rapport.

« J’ai bon espoir que très rapidement on pourra avoir un rapport que je pourrai présenter », a dit le commissaire ce matin.