Enquête sur la surveillance exercée par le ministère de la Santé sur les plaintes des patients et les rapports d’incidents concernant les services d’ambulance
« Surveillance 911 »
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
mai 2021
Bureau de l'Ombudsman de l'Ontario
Nous sommes
Un bureau indépendant de l’Assemblée législative qui examine et règle les plaintes du public à propos des organismes du secteur public de l’Ontario. Ces organismes comprennent les ministères, les agences, les conseils, les commissions, les sociétés et les tribunaux du gouvernement provincial, ainsi que les municipalités, les universités, les conseils scolaires, les services de la protection de l’enfance et les services en français. L’Ombudsman recommande des solutions aux problèmes administratifs individuels et systémiques.
Nos valeurs
Traitement équitable
Administration responsable
Indépendence, impartialité
Résultats : accomplir de réels changements
Notre mission
Nous nous efforçons de jouer le rôle d’un agent de changement positif, en favorisant l’équité, la responsabilisation et la transparence du secteur public, et en promouvant le respect des droits aux services en français ainsi que des droits des enfants et des jeunes.
Notre vision
Un secteur public oeuvrant au service des citoyens, dans l’équité, la responsabilisation, la transparence et le respect des droits.
Contributeur(trice)s
Directrice, Équipe d'intervention spéciale de l'Ombudsman, et Enquêteuse principale
Enquêteur(euse)s
- Emily Ashizawa
- Armita Bahador
- Mirella Cherny
- Rosie Dear
- Alex Giletski
- Yvonne Heggie
- Patrick Martin
- Chris McCague
Agente de règlement préventif
Avocate générale
Avocate
Table des matières
1 La plupart des gens espèrent qu’ils n’auront jamais besoin de composer le 911. Cependant, chaque année, des centaines de milliers d’Ontariennes et d’Ontariens doivent le faire quand ils sont confrontés à des urgences médicales. Chaque fois que quelqu’un appelle, une série complexe d’étapes exécutées par de multiples organismes permet à une ambulance de répondre rapidement, de fournir des soins médicaux et d’assurer un transport. En général, ce processus se déroule sans encombre et les patients reçoivent les soins de haute qualité qu’ils méritent et qu’ils attendent. Cependant, il arrive que des problèmes surviennent et qu’ils conduisent à une tragédie dans certains cas. C’est pourquoi il est impératif que la province maintienne une surveillance stricte du système de services médicaux d’urgence. Des enquêtes pertinentes et complètes sont une composante essentielle d’une telle surveillance.
2 Le ministère de la Santé supervise le système de services médicaux d’urgence, dont le coût se chiffre à 1,5 milliard $. L’une de ses principales responsabilités en vertu de la Loi sur les ambulances est d’établir des normes pour les services d’ambulance et de veiller à leur respect. De plus, le Ministère a légalement le devoir de surveiller, d’inspecter et d’évaluer les services d’ambulance, et d’enquêter sur les plaintes.
3 Le rôle d'un Ombudsman est d'améliorer la gouvernance en promouvant, entre autres, la responsabilisation et la transparence. Mon Bureau avait cerné des problèmes de par le passé quant à la manière dont le Ministère supervise et examine les plaintes sur les services d’ambulance. Au cours de notre examen de plaintes individuelles, nous avons relevé des problèmes concernant la manière dont le Ministère communique les renseignements sur la portée de ses examens, la qualité de la rédaction de ses rapports d’enquête, et ses échanges écrits avec les plaignants. Nous avons travaillé avec des cadres supérieurs du Ministère pour traiter ces problèmes particuliers. Récemment, une personne nous a contactés et a exprimé de graves préoccupations quant à la surveillance des services de santé d’urgence par le Ministère. Après avoir évalué cette plainte, j’ai informé le Ministère en avril 2018 que j’ouvrais une enquête systémique sur sa surveillance des services d’ambulance. Nous avons reçu 72 plaintes supplémentaires après l’annonce de notre enquête.
4 Quand quelqu’un appelle le 911 en raison d’une urgence médicale, son appel est traité par un répartiteur dans l’un des 22 centres de répartition de la province. Des ambulanciers de l’un des 61 différents fournisseurs de services médicaux d’urgence (SMU) sont envoyés sur les lieux pour fournir des soins médicaux et transporter le patient à l’hôpital. Le Ministère s’appuie sur trois bureaux régionaux pour superviser et assurer la liaison avec les fournisseurs de SMU et les centres de répartition. L’Unité des services d’enquête du Ministère enquête sur les plaintes concernant la fourniture des services d’ambulance et surveille les enquêtes menées par les fournisseurs de SMU et les centres de répartition. Une structure similaire existe pour la fourniture des services d’ambulance aérienne.
5 Mon enquête a révélé de graves problèmes concernant le cadre de surveillance et d’enquête du Ministère. Les enquêteurs du Ministère considèrent que leur rôle et leur mandat sont très limités, si bien que de nombreuses plaintes sur les services d’ambulance ne font pas l’objet d’une enquête. Nous avons constaté que, quand le Ministère mène une enquête, les enquêteurs n’ont presque aucune politique ou procédure pour guider leur enquête ou leur processus décisionnel, et il y a souvent de longs délais avant que les rapports d’enquête ne soient publiés. Les rapports sont difficiles à comprendre, sans recommandations claires pour régler les problèmes cernés. Pire encore, le Ministère ne fait presque rien pour effectuer un suivi des conclusions des enquêtes afin que les problèmes soient traités de manière à ne plus se reproduire. Nous avons constaté que le manque de formation, le taux élevé de roulement du personnel et le manque de personnel au sein de l’Unité exacerbent chacun de ces problèmes.
6 Mon enquête a aussi fait ressortir de graves problèmes concernant le processus suivi par le Ministère pour examiner les rapports d’incidents que les fournisseurs de SMU, les répartiteurs et d’autres intervenants doivent préparer en réponse à certains événements. En moyenne, plus de 250 000 de ces rapports sont envoyés aux bureaux régionaux du Ministère chaque année, mais seuls quelques employés sont chargés d’en examiner le contenu. Ce personnel a souvent un retard de plusieurs mois et, comme il n’existe ni politique ni procédure sur ce qu’il devrait rechercher, presque rien n’est signalé aux enquêteurs du Ministère en vue d’un examen plus approfondi. De plus, il n’y a pas de système de suivi et d’analyse des questions soulevées dans ces rapports. Par conséquent, ce mécanisme élémentaire de surveillance ne permet guère d’identifier et de rectifier les problèmes afin de garantir que les patients reçoivent des services d’ambulance sûrs et fiables.
7 En outre, de nombreux obstacles font que des plaintes sur les services d’ambulance ne parviennent jamais au Ministère. Comme de multiples organismes participent à la fourniture des services d’ambulance, les patients et leurs proches ne savent pas toujours qu’ils peuvent demander au Ministère d’enquêter sur leurs problèmes. Même quand ils recherchent précisément des renseignements sur les plaintes en ligne, ils ont souvent bien du mal à trouver des informations utiles et claires sur la manière de porter plainte auprès du Ministère. Quand des personnes parviennent à contacter l’Unité des services d’enquête, les résultats peuvent laisser à désirer. Les plaignants n’obtiennent que peu ou pas de renseignements, qui ne leur laissent qu’une idée vague de ce qui fera l’objet d’une enquête, ou de la procédure à suivre. Parfois, les enquêteurs ne contactent même pas les plaignants pour obtenir des détails sur leurs préoccupations, ou pour leur communiquer une copie du rapport d’enquête final.
8 Mon enquête a conclu que le processus administratif suivi par le ministère de la Santé pour enquêter sur les plaintes des patients et les rapports d’incidents au sujet des services d’ambulance, et pour les superviser, est déraisonnable et erroné en vertu de la Loi sur l’ombudsman. Ce rapport présente 53 recommandations pour remédier à ces graves problèmes.
9 Les services d’ambulance d’urgence sont un élément fondamental de notre système de soins de santé et ils peuvent faire une différence entre la vie et la mort. Pour garantir l'établissement et le respect de normes pertinentes au sein de notre système de santé, y compris dans les services d'ambulance d'urgence, un régime de surveillance adéquat s’avère essentiel. Le Ministère doit s’assurer que les fournisseurs de services respectent mieux les normes établies par la Loi sur les ambulances, et que les plaintes sur d’éventuelles infractions font l’objet d’une enquête et d’un traitement rigoureux. Le Ministère reconnaît les lacunes du système actuel et s'est engagé à mettre en œuvre toutes mes recommandations.
10 Les services de santé d’urgence font rarement l’objet de plaintes auprès de mon Bureau. Du 1er janvier 2016 et l’annonce de cette enquête, le 1er mai 2018, nous n’en avons reçu que quatre.
11 Cependant, au cours des cinq dernières années, mon Bureau a travaillé en étroite collaboration avec le Ministère à deux de ces plaintes, qui ont soulevé de profondes préoccupations sur sa fonction d’enquête et de surveillance.
12 Dans un cas, notre examen a mis en évidence des problèmes quant aux renseignements communiqués au public sur la portée des enquêtes du Ministère et sur le rôle de ses enquêteurs, mais nous n’avons pas établi de preuve d’infraction à la Loi sur les ambulances. En résultat, le Ministère a amélioré son site Web pour mieux expliquer son mandat et son rôle. Dans un autre cas, notre examen a révélé un manque de clarté dans la rédaction du rapport du Ministère, et notre Bureau a suggéré des pratiques exemplaires au Ministère en vue d’une amélioration.
13 Plus récemment, une personne nous a communiqué des renseignements à propos de préoccupations graves et persistantes quant à la surveillance exercée par le Ministère sur les services de santé d’urgence. La personne, qui nous a parlé sous le couvert de l’anonymat, a évoqué des problèmes causés par un manque de personnel aux postes clés du Ministère, une surveillance inadéquate des fournisseurs de services et des manques d’efficacité, de rigueur et d’objectivité dans les enquêtes ministérielles. Bien que la plupart des preuves qui nous ont été communiquées soient restées anecdotiques, ce que nous avons entendu dire dans ce cas correspond aux problèmes que le personnel de l’Ombudsman a pu constater directement lors de son examen de plaintes individuelles sur le Ministère durant les années précédentes.
14 Plutôt que d’attendre de recevoir plusieurs nouvelles plaintes, ou de laisser se produire un incident grave avec un patient, j’ai décidé qu’une enquête était nécessaire dans l’intérêt public. Quand mon Bureau doit décider de mener ou non une enquête systémique, il tient compte de plusieurs facteurs, dont les suivants :
-
Notre Bureau est en droit d’examiner la question.
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Il existe d’autres mécanismes pertinents de règlement pour traiter le problème.
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Des preuves suggèrent l’existence d’une composante systémique.
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Le problème est grave et peut avoir des répercussions sur de nombreux Ontariens.
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Le problème porte sur l’administration du secteur public et non sur une politique publique générale qui devrait être traitée par des représentants élus.
-
Une enquête constituerait une utilisation judicieuse de nos ressources limitées.
15 Dans ce cas, la nécessité d’une enquête était impérieuse, car les problèmes cernés étaient graves et pouvaient affecter plus d’un million de personnes. De plus, les compétences tout à fait uniques de mon Bureau en matière de techniques d’enquête et de surveillance faisaient que nous étions idéalement placés pour examiner les processus du Ministère et pour faire des recommandations en vue d’améliorations.
16 Le 30 avril 2018, j’ai informé le Ministère que j’ouvrais une enquête sur la manière dont il examine et supervise les plaintes des patients et les rapports d’incidents concernant les services d’ambulance. Le lendemain, j’ai annoncé publiquement cette enquête et j’ai invité les membres du public touchés par la question à contacter mon Bureau. Durant cette enquête, nous avons reçu 72 plaintes au sujet de la surveillance sur les services de santé d’urgence.
17 Les enquêteurs de notre Équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman, appuyés par des membres de nos Services juridiques, de notre Équipe des enquêtes et de notre Équipe de règlement préventif ont mené l’enquête. Les enquêteurs ont examiné des dizaines de milliers de pages de documents, dont plus de 200 dossiers d’enquêtes ministérielles et des milliers de rapports d’incidents, ainsi que les politiques, notes de synthèses, communications internes et autres renseignements pertinents fournis par le Ministère à notre demande. Ils ont aussi examiné la documentation remise par des plaignants et divers intervenants de la communauté.
18 L’équipe a effectué 60 entrevues avec des plaignants, des membres du personnel ministériel et d’autres parties prenantes, dont des fournisseurs de SMU, des services d’ambulance aérienne, des centres de répartition, des hôpitaux et diverses associations de ce secteur d’activités. La majeure partie de ce travail de terrain a été réalisée avant la pandémie de COVID-19.
19 Toutefois, au début de 2020, le Ministère, les fournisseurs de SMU et les autres intervenants ont été confrontés au défi sans précédent de répondre à la pandémie de COVID-19, ce qui a eu une incidence sur le calendrier de la réponse du Ministère à nos conclusions et donc sur la finalisation du présent rapport. Malgré ces circonstances, nous avons obtenu une excellente collaboration de la part du Ministère et d’autres organismes publics tout au long de cette enquête.
20 Durant notre enquête, une enquête du coroner a également examiné certains aspects du service 911 en Ontario. Le jury du coroner a entendu des témoignages sur les circonstances de deux tragédies mortelles, l’une résultant d’un accident de bateau en 2013, qui a fait trois morts, et l’autre concernant une femme décédée d’une crise d’asthme. En novembre 2018, le jury a présenté 27 recommandations visant à améliorer les services d’urgence dans la province[1].
21 Le jury a recommandé notamment que le gouvernement crée un organisme indépendant pour superviser toutes les opérations du 911, en enquêtant sur les plaintes, en y donnant réponse et en les réglant. Il a également recommandé de nombreuses améliorations technologiques pour faciliter la communication entre le public et les différents services d’urgence. Comme les jurys d’enquête ne communiquent pas les raisons à l’appui de leurs recommandations, il est impossible de savoir pourquoi les jurés ont décidé que l’Unité des services d’enquête du Ministère ne surveillait pas adéquatement les opérations du 911 et devait être remplacée par un autre organisme d’enquête. Cependant, il est évident que le jury – tout comme mon Bureau – a déterminé qu’il y avait des failles majeures dans la surveillance actuelle des services d’urgence en Ontario.
22 En réponse aux recommandations du jury, le Ministère a formé un groupe de travail avec le ministère du Solliciteur général. Nous avons été informés que ce groupe de travail étudie et analyse les pratiques exemplaires de prestation des services d’urgence.
23 Chaque année, plus de 1 million de patients sont pris en charge par des ambulanciers, pour un coût total de plus de 1,5 milliard $. Ce service de base requiert la coordination et la coopération de nombreux organismes qui se consacrent à fournir des soins préhospitaliers, en temps utile.
24 Quand une personne appelle le 911 en raison d’une urgence médicale, son appel est traité par un agent de communication des services d’ambulance (un « répartiteur » ou « preneur d’appels ») qui travaille dans un centre intégré de répartition d’ambulances (un « centre de répartition »). En cas d’urgence, c’est ainsi que le public a accès au système de soins préhospitaliers en Ontario.
25 Il existe 22 centres intégrés de répartition d’ambulances terrestres en Ontario. La moitié d’entre eux sont exploités directement par le Ministère et l’autre moitié par des organismes de paiements de transfert dans le cadre d’ententes de rendement avec le Ministère.
26 Les ambulanciers sont chargés de répondre aux urgences médicales et, au besoin, de transporter les patients en ambulance jusqu’à l’hôpital. Les ambulanciers travaillent pour les fournisseurs de services médicaux d’urgence (SMU). Plus de 8 000 ambulanciers sont employés par 61 fournisseurs de SMU en Ontario. Les municipalités et les conseils d’administration de district des services sociaux sont responsables de la prestation des services d’ambulance terrestre sur leur territoire, tandis que la province est responsable de certaines communautés des Premières nations et des régions éloignées.
27 La qualité des soins médicaux fournis par les ambulanciers est contrôlée par des bases hospitalières, désignées par le ministère de la Santé en vertu de la Loi sur les ambulances. Chaque ambulancier de SMU doit être accrédité par une base hospitalière. Les bases hospitalières permettent également aux médecins de déléguer certains « actes autorisés » (c.-à-d. des procédures médicales) aux ambulanciers et de superviser le respect des normes de soins avancés de maintien des fonctions vitales.
28 Ornge, société à but non lucratif régie par un conseil d’administration indépendant, fournit des services d’ambulance aérienne dans le cadre d’une entente de rendement avec le Ministère. Ornge exploite un centre de répartition, une flotte d’hélicoptères et d’avions, ainsi que des ambulances terrestres pour fournir ce service.
29 En vertu de la Loi sur les ambulances, le ministère de la Santé a la responsabilité globale de la fourniture des soins préhospitaliers et assure la surveillance de ce secteur par l’intermédiaire de sa Division des services de santé d’urgence. Cette Division est responsable de la certification des fournisseurs de SMU et des centres de répartition, ainsi que des inspections, de la prestation des services, des rapports et des enquêtes.
30 Le Ministère s’appuie sur trois bureaux régionaux[2] pour superviser les fournisseurs de SMU et les centres de répartition qui assurent la prestation des services d’ambulance terrestre. L’Unité de surveillance des ambulances aériennes est chargée de superviser les services d’ambulance aérienne fournis par Ornge. Ces programmes relèvent de la Direction de la gestion et de la prestation des services de santé d’urgence du Ministère.
31 Le Ministère est aussi chargé d’enquêter sur les plaintes concernant la prestation des soins préhospitaliers. L’Unité des services d’enquête, qui fait partie de la Direction de la réglementation et de la responsabilisation des services de santé d’urgence, est chargée d’enquêter directement sur les plaintes concernant la prestation des services d’ambulance, ainsi que de surveiller les enquêtes menées par les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et d’autres. Cette Unité a été le sujet principal de l’enquête menée par mon Bureau.
32 Cette petite équipe est chargée de mener ou de superviser environ 200 enquêtes chaque année. Les enquêteurs ont généralement la désignation d’agents des infractions provinciales, ce qui leur permet de porter des accusations provinciales en vertu de la Loi sur les ambulances. Ces accusations font l’objet de poursuites par les procureurs provinciaux du ministère du Procureur général.
33 L’Unité est chargée d’enquêter sur les plaintes afin de déterminer si les fournisseurs de SMU et les répartiteurs se sont conformés à la Loi sur les ambulances, ainsi qu’à ses règlements et normes. Les plaintes peuvent provenir de n’importe quelle source, mais viennent généralement de membres du public ou d’intervenants dans ce secteur d’activités.
34 Il n’existe ni politiques ni procédures actualisées qui régissent le processus d’enquête de l’Unité, mais nous avons été informés que, lorsque l’Unité a reçu une plainte, la première étape consiste à déterminer sa compétence d’enquête et à examiner s'il y a eu un impact négatif direct ou éventuel sur les soins aux patients. Ensuite, l'Unité doit décider si l’enquête sera menée par le SMU ou le Ministère. Les plaintes qui font l’objet d’une enquête directe de la part du Ministère sont appelées « dossiers d’enquête ». Les plaintes pour lesquelles le Ministère autorise les fournisseurs de SMU ou les centres de répartition à mener leurs propres enquêtes, dont le Ministère suit le progrès, la qualité et les conclusions, sont appelées « dossiers à surveiller ».
35 Dans le cadre d’une enquête menée par l’Unité des services d’enquête du Ministère, un enquêteur contacte les organismes concernés pour obtenir les documents pertinents. Il arrive que l’enquêteur effectue des entrevues avec les ambulanciers ou les répartiteurs, mais ceci est parfois jugé inutile. Nous avons été informés que les plaignants ne sont pas toujours interrogés sur l’expérience qu’ils ont vécue.
36 Après avoir recueilli ces renseignements, l’enquêteur détermine s’il y a eu des infractions à la Loi sur les ambulances et à ses normes de réglementation, puis, le cas échéant, il les documente dans une ébauche de rapport d’enquête. Cette ébauche de rapport est « examinée par des pairs » c’est-à-dire par d’autres enquêteurs avant d’être envoyée à un gestionnaire. Le gestionnaire examine l’ébauche et peut en modifier les constatations et les conclusions, avant la version finale. Les enquêteurs nous ont déclaré qu’à ce stade, le rapport « appartient » au Ministère et qu’ils participent très peu à la version finale du rapport.
37 Une fois que le rapport est prêt à paraître, il est envoyé au bureau régional responsable de la surveillance du fournisseur de SMU ou du centre de répartition. Le bureau régional transmet ensuite le rapport, avec une note de couverture, à l’organisme visé par l’enquête. Nous avons été informés que, quand le rapport contient des points sur lesquels il faudra prendre des mesures, l’organisme dispose de 10 jours pour élaborer un plan visant à répondre à ces préoccupations, et de 40 jours pour mettre ce plan en œuvre. Cependant, aucune politique ou procédure ne définit clairement cette pratique, et des membres du personnel nous ont dit qu’ils n’étaient pas certains que cette pratique soit toujours en vigueur.
38 Quand le Ministère autorise un fournisseur de SMU ou un centre de répartition à enquêter sur une plainte, le « dossier à surveiller » reste confié à un enquêteur du Ministère, pour examen. Les différents enquêteurs à qui nous avons parlé comprenaient différemment la signification de « surveiller » un dossier. Certains demandent tous les documents pertinents et procèdent à un examen complet, tandis que d’autres disent qu’ils se contentent de lire le rapport final préparé par le fournisseur de SMU ou le centre de répartition, pour voir si le rapport « a un sens ». Si l’enquêteur du Ministère repère un problème, il peut en parler à son gestionnaire et ouvrir une enquête du Ministère, mais nous avons été informés qu’il s’agit là d’une étape extraordinaire et rare, et chaque enquêteur du Ministère a une compréhension différente du moment ou de la manière dont cela pourrait se produire.
39 Si l’enquêteur du Ministère est satisfait du rapport du fournisseur de SMU ou du centre de répartition, le dossier à surveiller est clos. Nous avons été informés que le Ministère ne fait pas de suivi des conclusions des rapports, et que l’enquêteur ne reçoit aucun renseignement indiquant si le fournisseur de services a réglé le moindre des problèmes, et si oui, quand et comment.
40 Mon enquête a révélé de graves lacunes dans le processus d’enquête du Ministère, de son début à sa fin. Ces lacunes se manifestaient notamment dans son mandat d’enquête, sa tendance à ne pas interroger les témoins, l’absence d’un système de gestion des enquêtes ou d’une structure cohérente de rapports, et de longs retards dans la parution des rapports.
41 La prestation de soins préhospitaliers est compliquée et fait appel à de nombreuses personnes, dans différents organismes, qui travaillent toutes dans un environnement stressant. Comme les plaintes peuvent résulter de la conduite de toute personne au sein de ces organismes, on pourrait s’attendre à ce que l’Unité des services d’enquête soit dotée d’un mandat vaste et complet. Pourtant, le Ministère interprète son mandat de manière restrictive, et se concentre uniquement sur la question de savoir s’il y a eu une infraction à la Loi sur les ambulances et aux normes connexes, qui puisse être étayée par des preuves documentaires écrites ou sonores. Cette limitation est majeure, car la plupart des plaintes des patients portent sur la conduite d’ambulanciers et sur les services à la clientèle qui, selon le Ministère, ne sont pas soumis à des normes réglementaires spécifiques, et pour lesquels il est souvent impossible de trouver des preuves écrites ou des enregistrements sonores.
42 Un employé du Ministère que nous avons interviewé a reconnu que « souvent, on ne peut pas parler directement de la plainte [du patient] », par exemple quand la plainte vise l’attitude d’un ambulancier. Nous avons été informés que ces questions sont traitées comme des questions de type « parole contre parole », impossibles à prouver, même en présence d’autres témoins, car ces témoins sont généralement liés au patient ou aux ambulanciers. Un haut fonctionnaire du Ministère nous a dit que le Ministère « essaie de s’éloigner… de choses de nature plus subjective, [par exemple] : J’étais assis dans une ambulance et l’ambulancier se disputait avec un pompier, à l’extérieur. Je les ai entendus argumenter et j’ai dû attendre cinq minutes de plus, et il faisait froid dans l’ambulance. »
Nous avons été informés que ce type de plainte ne relevait pas du mandat du Ministère.
43 Nous avons demandé au Ministère pourquoi il avait adopté cette position alors que la Loi sur les ambulances stipule que :
4 (1) Le ministre exerce les fonctions et a les pouvoirs suivants, […]
d) établir des normes pour la gestion, l’exploitation et l’utilisation des services d’ambulance et veiller au respect de ces normes;
e) contrôler, inspecter et évaluer les services d’ambulance et enquêter sur les plaintes concernant ces services.
Le Ministère n’a pas été en mesure de fournir une explication claire.
44 De plus, le document Basic Life Support Patient Care Standards (en anglais seulement) comprend toute une partie consacrée à la conduite et au professionnalisme des ambulanciers, intitulée à juste titre « Norme de conduite des ambulanciers ». Ces normes sont rédigées par le Ministère et intégrées en référence à la Partie V du Règlement 257/00 de l’Ontario pris en application de la Loi sur les ambulances, qui établit les normes de soins aux patients, de rapports, et de documentation auxquelles les ambulanciers doivent se conformer. Entre autres, cette norme de conduite décrit en détail les paramètres de bonne conduite ou de mauvaise conduite des ambulanciers, y compris des questions comme la courtoisie et le professionnalisme. Nous avons appris que cette partie avait été jugée si importante qu’elle avait été déplacée pour être mise à la première partie des normes, lors d’une révision en juillet 2016. Malgré ces dispositions, le Ministère estime que ces plaintes sont des « questions d’emploi » qui devraient relever uniquement des employeurs des ambulanciers.
45 Compte tenu de l’importance de la surveillance confiée au Ministère, qui met littéralement des vies en jeu, il ne convient pas d’adopter une approche si restrictive pour les enquêtes sur les plaintes et pour la surveillance. Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité des services d’enquête interprète son mandat d’enquête de manière large et ciblée, conformément au cadre de surveillance prévu par la Loi sur les ambulances et les normes connexes. Le Ministère devrait préciser que les questions concernant la conduite des ambulanciers peuvent relever de la compétence du Ministère, et enjoindre au personnel d’enquêter sur ces questions afin de déterminer si une allégation pourrait révéler une infraction à la norme de conduite des ambulanciers, énoncée dans le document Basic Life Support Patient Care Standards.
Recommandation 1
Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité des services d’enquête interprète son mandat d’enquête de manière large et ciblée, conformément au cadre de surveillance prévu par la Loi sur les ambulances et les normes connexes.
Recommandation 2
Le Ministère devrait indiquer à ses enquêteurs que les questions liées à la conduite des ambulanciers relèvent du mandat d’enquête du Ministère, dans le but de déterminer si une allégation pourrait révéler une infraction à la norme de conduite des ambulanciers énoncée dans le document Basic Life Support Patient Care Standards.
46 Le Ministère adopte également une approche étroite en matière d’enquêtes dans d’autres cas. L’une des principales critiques que nous avons entendues de la part d’autres intervenants au sujet du processus ministériel est qu’il ne fait pas place aux nuances, ou qu’il n’en tient pas compte. Par exemple, nous avons été informés qu’une disposition stipule que les ambulanciers doivent toujours transporter un patient jusqu’au brancard. Chaque fois qu’un ambulancier ne l’a pas fait – même si le patient ne voulait pas être porté, ou s’il n’était pas nécessaire ou commode de le faire dans les circonstances – le Ministère a déterminé que l’ambulancier avait enfreint la Loi. Un ambulancier a dit que c’était là un exemple du fait que certains enquêteurs du Ministère se comportent en « doctrinaires des règles », et suivent la loi à la lettre, sans permettre aucune nuance.
47 De plus, le Ministère se perçoit lui-même dans l’incapacité d’enquêter sur les infractions aux directives ou aux politiques locales par les fournisseurs de SMU ou les centres de répartition, même quand ces infractions ont de graves conséquences. Par exemple, un employé du Ministère nous a dit qu’il avait connaissance de cas concernant un fournisseur de services de SMU et alléguant que des patients avaient reçu des doses de fentanyl (analgésique d’urgence) beaucoup plus élevées que ce qu’ils auraient dû recevoir. De fortes doses de fentanyl peuvent tuer les gens en arrêtant leur respiration, et il a été allégué que la seule raison pour laquelle ces patients avaient survécu était qu’ils étaient déjà sous respirateur. Nous avons été avisés que cette grave allégation ne relevait pas du mandat d’enquête du Ministère, car ces erreurs de médication sont traitées dans la politique du fournisseur de services de SMU, plutôt que dans la Loi sur les ambulances et ses normes connexes[3]. Bien que le fournisseur de SMU ait pris des mesures pour éviter que cette erreur humaine ne se reproduise, un manque de surveillance subsiste. Le personnel et la direction du Ministère nous ont répété que le Ministère n’est responsable que des enquêtes sur les infractions à la Loi sur les ambulances et à ses normes – et qu’il ne peut donc pas faire appliquer les politiques de SMU locaux.
48 Bien que le Ministère connaisse la gravité de cette lacune et de ses ramifications éventuelles, il n’a pris aucune mesure pour s’assurer qu’il dispose du pouvoir nécessaire afin d’examiner les plaintes lorsque le comportement du personnel est régi par une directive ou une politique locale. Le Ministère devrait envisager des modifications législatives ou réglementaires à la Loi sur les ambulances qui permettraient à l’Unité des services d’enquête de tenir compte de toutes les directives et/ou politiques locales, et de les faire appliquer, lorsqu’elle enquête sur des plaintes en vertu de la Loi sur les ambulances. Par exemple, la loi et ses règlements pourraient incorporer des politiques locales à titre de référence, de la même manière que pour les documents intitulés Basic Life Support Patient Care Standards et Advanced Life Support Patient Care Standards.
Recommandation 3
Le Ministère devrait envisager des modifications législatives ou réglementaires à la Loi sur les ambulances garantissant que l’Unité des services d’enquête dispose du pouvoir de prendre en compte et de faire appliquer toutes les directives et/ou politiques locales lorsqu’elle enquête sur des plaintes en vertu de la Loi sur les ambulances.
49 Nous avons appris que, comme le Ministère interprète son rôle de manière très étroite, ses enquêteurs n’interrogent pas systématiquement les témoins quand une plainte vise une certaine conduite des ambulanciers ou des répartiteurs. Bien que chaque enquêteur suive son propre processus, le consensus général est de ne pas interroger les témoins si la plainte se résume à une évaluation de la crédibilité du type « parole contre parole », car des témoignages contradictoires mènent rarement à des conclusions négatives.
50 Nous avons trouvé un cas où une patiente s’était plainte au Ministère car un ambulancier avait refusé de la traiter en raison de son comportement prétendument agressif. Plusieurs membres de la famille et un deuxième groupe d’ambulanciers de SMU avaient été témoins de l’incident, ce deuxième groupe ayant pu traiter la patiente et la transporter à l’hôpital sans incident. Le Ministère avait ouvert une enquête, mais l’enquêteur n’avait interrogé aucun membre de la famille de la patiente, disant que cette preuve « devrait être prise avec des pincettes, et même si tout le monde disait la même chose, tous les ambulanciers disaient exactement le contraire, donc ça ne rimait à rien ». Voici la description qu’il a donnée :
Il y avait quatre ambulanciers sur les lieux, il y avait quatre membres de la famille, donc je pense que la vérité se situe probablement quelque part entre les deux et je ne peux pas présenter l’une ou l’autre des versions comme un fait; donc je n’ai pas [interrogé les membres de la famille]… Je n’ai pas tendance à parler avec tous les témoins présents… Surtout s’ils ont un lien de parenté avec le patient.
Après avoir examiné la documentation du répartiteur et des ambulanciers, et s’être entretenu avec ces derniers, l’enquêteur du Ministère a conclu que les ambulanciers n’avaient ni enfreint la Loi sur les ambulances, ni ses normes.
51 Mon Bureau a examiné ce même dossier d’enquête et a interrogé la patiente qui avait porté plainte à l’origine. Notre évaluation a conclu qu’il aurait été très utile que les enquêteurs du Ministère interrogent la famille de la patiente, non seulement parce qu’elle avait des preuves précieuses à partager, mais aussi parce que cela aurait montré à la plaignante que le Ministère faisait une enquête approfondie et objective.
52 Nous avons également appris que certains enquêteurs du Ministère n’interrogent pas les ambulanciers et les répartiteurs visés par une plainte. Ces enquêteurs nous ont dit que les preuves documentaires sont plus fiables et contiennent déjà les renseignements nécessaires pour déterminer s’il y a eu une infraction à la Loi sur les ambulances. Néanmoins, les entrevues peuvent fournir des renseignements cruciaux ainsi que le contexte qui fait défaut dans les preuves documentaires. Un employé du Ministère nous a parlé d’une enquête durant laquelle on a découvert que les répartiteurs n’appliquaient pas la norme de triage des ambulances aériennes, parce que personne ne les avait informés de cette norme. Ce problème systémique important n’a été découvert qu’en interrogeant le personnel concerné. Le personnel ministériel doutait que ce problème systémique de formation aurait pu être détecté sans ces entrevues, notant que, « c’est là que réside l’intérêt d’interroger les gens. [Mais] rien ne dit que… [nous] devons le faire alors… [les enquêteurs] ne le font pas ».
53 L’examen des preuves documentaires est important dans le processus d’enquête, mais les entrevues fournissent souvent des renseignements clés et un contexte qui ne se trouvent pas dans le dossier-papier. L’Unité des services d’enquête du Ministère devrait s’efforcer d’interroger chaque plaignant qui signale un problème au Ministère. L’Unité des services d’enquête devrait également interroger les autres témoins, y compris les membres de la famille et les passants, si de telles entrevues s’avèrent pertinentes pour les préoccupations du plaignant. Ce processus contribuerait à garantir la tenue d’enquêtes approfondies, équilibrées, équitables et objectives. De plus, l’Unité des services d’enquête du Ministère devrait interroger les ambulanciers, les répartiteurs et les autres professionnels concernés dans tous les cas où ils peuvent disposer de renseignements importants, indépendamment de l’existence des preuves documentaires.
Recommandation 4
L’Unité des services d’enquête du Ministère devrait s’efforcer, dans toute la mesure du possible, d’interroger chaque plaignant qui signale un problème au Ministère.
Recommandation 5
L’Unité des services d’enquête du Ministère devrait interroger, dans toute la mesure du possible, les témoins tiers pertinents, comme les membres de la famille et les passants, quand de telles entrevues s’avèrent pertinentes pour les préoccupations du plaignant. Si une plainte est déposée par une personne autre que le patient, le Ministère devrait veiller à ce que le patient soit interrogé, dans toute la mesure du possible.
Recommandation 6
L’Unité des services d’enquête du Ministère devrait interroger les ambulanciers, les répartiteurs et les autres professionnels concernés, dans toute la mesure du possible, dans tous les cas où ils peuvent disposer de renseignements importants liés à une plainte, indépendamment de l’existence des preuves documentaires.
54 L’Unité des services d’enquête du Ministère n’a pas de méthode centralisée pour documenter et conserver les renseignements provenant des enquêtes. Comme il n’existe pas de système de gestion des cas, chaque enquêteur doit élaborer sa propre stratégie pour enregistrer et conserver les notes d’entrevue, ainsi que les autres documents et renseignements pertinents. Quand mon Bureau a demandé au Ministère des dossiers d’enquête complets, il nous a donc fourni des documents se présentant sous toutes sortes de formats, et donnant le même type de renseignements de maintes manières différentes. De plus, nous avons vite constaté que certains documents que nous attendions, comme des notes d’entretiens téléphoniques, étaient totalement absents.
55 Nous avons été informés qu’à une certaine époque, les enquêteurs recevaient des carnets spéciaux pour chaque dossier d’enquête, dans lesquels ils documentaient leur travail à la main. Quand une enquête était terminée, chaque carnet était numérisé et conservé sur un disque partagé avec d’autres documents d’enquête. Cependant, au début de 2018, les stocks de ces carnets se sont épuisés et le Ministère a déterminé qu’il était trop coûteux d’en commander de nouveaux. Rien n’a jamais été mis en place pour remplacer ces carnets. Si le Ministère veut répondre aux attentes du public et effectuer des enquêtes adaptées à notre 21e siècle, pour garantir une surveillance adéquate, il devra évoluer et abandonner ses outils du 19e siècle.
56 Le Ministère a essayé de mettre au point des solutions de rechange pour remplacer certaines des fonctionnalités propres à un bon système de gestion des cas. Le personnel nous a parlé de deux ressources de type tableurs que le Ministère a mises au point pour faire un suivi des renseignements très élémentaires sur les enquêtes et leur suivi. Seules quelques personnes ont accès à ces tableurs, qui ne sont pas assez perfectionnés pour une analyse ou une recherche systémique. De plus, ils ne permettent pas aux enquêteurs de télécharger ou de joindre des documents ou des notes.
57 De nombreuses personnes à qui nous avons parlé ont exprimé leurs frustrations face à cette lacune. Un employé s’est dit frustré que le système de gestion des cas du Ministère soit beaucoup moins perfectionné que ceux utilisés par les équipes d’enquête des fournisseurs de SMU.
58 L’approche au cas par cas pour le suivi des renseignements d’enquêtes signifie aussi que les enquêteurs du Ministère ne sont pas en mesure d’observer les tendances potentielles ou les problèmes systémiques, et de déterminer facilement si la plainte visée par leur enquête a déjà été déposée auparavant. Le personnel a reconnu ces lacunes, nous disant :
Nous n’avons ni les ressources voulues, ni la capacité d’effectuer une requête, d’analyser les tendances – quels sont les problèmes soulevés? … Sont-ils systémiques? Sont-ils locaux? Sont-ils provinciaux? … Nous ne sommes pas en mesure de le faire… Les heures de travail qui seraient requises pour le faire manuellement [manquent] tout simplement, nous n’avons pas les ressources nécessaires.
59 Un bon système de gestion des cas permettrait aux enquêteurs du Ministère de documenter les enquêtes de manière approfondie et cohérente, de suivre les statistiques de plaintes et de surveiller les tendances au fil du temps. De plus, le Ministère pourrait mieux réunir les documents nécessaires aux poursuites engagées en vertu de la Loi sur les ambulances et cela contribuerait à garantir que les pratiques de documentation du Ministère peuvent résister à un examen minutieux.
Recommandation 7
Le Ministère devrait élaborer et instaurer un système de gestion des cas d’enquête qui permette aux enquêteurs de documenter pleinement chaque enquête, incluant tous les contacts, notes, entrevues et documents pertinents pour chaque dossier d’enquête.
Recommandation 8
Le Ministère devrait veiller à ce que le système de gestion des cas permette au personnel de cerner et de suivre des questions ou des tendances spécifiques qui se dégagent de ses enquêtes.
60 Notre examen a également révélé des problèmes quant à la structure et au contenu des rapports d’enquête du Ministère. Ces rapports ne contiennent aucun renseignement sur le processus d’enquête du Ministère, par exemple sur les documents examinés et les personnes interrogées. Ce manque peut susciter des doutes quant à l’exhaustivité et à la crédibilité des conclusions. Notre examen a aussi montré qu’il n’y a ni format, ni structure standard pour les rapports. Cette incohérence signifie que si deux enquêteurs ont rédigé des rapports sur la même plainte, ils peuvent avoir inclus des renseignements différents, dans un ordre différent. Cette situation est naturellement source de confusion pour les fournisseurs de SMU et les centres de répartition, qui traitent des dizaines de rapports du Ministère chaque année.
Recommandation 9
Le Ministère devrait adopter un format clair et standard pour les rapports d’enquête, comprenant des renseignements sur le processus d’enquête et sur les preuves spécifiques examinées.
61 Le plus préoccupant, c’est que nous avons appris que les rapports du Ministère ne font pas de recommandations, mais présentent plutôt des « mesures à prendre » et des « observations ». La signification de ces termes est sujette à des débats considérables. Nous n’avons pas obtenu de définitions cohérentes de la part du personnel du Ministère sur la signification de ces termes. Quand nous avons demandé à un employé pourquoi le Ministère ne faisait pas de recommandations, il nous a répondu que le Ministère ne devrait avoir aucun rôle à jouer dans l’orientation d’un fournisseur de SMU ou d’un centre de répartition : « Ce n’est pas notre service, ce ne sont pas nos employés. » Par conséquent, les rapports d’enquête du Ministère se limitent à établir des faits et à déterminer si ces faits ont entraîné une infraction à la Loi sur les ambulances.
62 En raison de cette approche, les fournisseurs de SMU et les centres de répartition doivent déterminer d’eux-mêmes la meilleure façon de traiter les problèmes cernés, cas par cas, sans aucune directive ou expertise du Ministère. L’un des intervenants à qui nous avons parlé s’est dit frustré de cette approche, étant donné que le Ministère est le mieux placé pour voir comment d’autres fournisseurs de SMU ont réussi à régler des problèmes similaires.
63 De nombreuses théories ont été avancées sur les raisons pour lesquelles le Ministère ne fait pas de recommandations. Certains enquêteurs du Ministère, fournisseurs de SMU et autres intervenants pensaient que la raison pouvait être d’ordre financier, étant donné que le Ministère fournit 50 % des fonds de SMU et que ses recommandations pourraient entraîner des coûts supplémentaires. D’autres croyaient que, comme le Ministère se concentre principalement sur les relations avec les parties prenantes, il ne voulait peut-être pas être perçu comme un organisme qui ordonne quoi faire aux fournisseurs de SMU indépendants.
64 Quelle que soit la raison, le Ministère est le mieux placé pour recommander des améliorations spécifiques afin de remédier aux problèmes révélés dans ses rapports d’enquête. Le Ministère devrait veiller à ce que ses rapports fassent des recommandations précises aux fournisseurs de SMU quand des problèmes sont soulevés.
Recommandation 10
Les rapports publiés par l'Unité des services d'enquête du Ministère devraient faire des recommandations précises visant à résoudre tout problème soulevé.
65 Le processus d’enquête du Ministère n’est pas rapide. Nous avons vu de nombreux cas où sa petite Unité des services d'enquête - responsable de plus de 200 enquêtes par an - a mis plus d'un an pour publier un rapport sur une simple plainte. Nous avons été informés que ce retard résultait en grande partie des nombreux niveaux d’examen et de contrôle administratif par lesquels chaque rapport doit passer, après avoir été rédigé par un enquêteur. S’il y a un retard à une étape quelconque de ce processus, les rapports commencent à s’accumuler. Ce problème était grave à l’époque où nous avons fait notre enquête, et le Ministère est resté des mois sans publier aucun rapport en raison d’un manque de personnel de gestion.
66 Presque toutes les personnes avec lesquelles nous avons parlé au Ministère ont exprimé leurs frustrations face à ce retard. Une personne nous a dit avoir reçu « une multitude d’appels au cours des quatre à cinq derniers mois, demandant où se trouve un rapport, pourquoi il n’est pas publié ». Ces personnes ont souligné que les rapports comprennent des conclusions importantes qui doivent être traitées en temps utile, et elles ont dit craindre que le Ministère ne « perde sa crédibilité » auprès des intervenants. Les fournisseurs de SMU et les centres de répartition étaient tout aussi frustrés, soulignant qu’il est difficile de donner suite à une plainte quand l’incident s’est produit il y a longtemps – surtout si la plainte met en jeu une nouvelle formation à donner à un employé.
67 Étant donné l’importance de la fonction d’enquête du Ministère, celui-ci devrait veiller à ce que toutes les étapes du processus s’appuient sur des ressources suffisantes, pour que les enquêtes soient menées à bien dans les délais impartis. Le Ministère devrait également établir des échéanciers précis pour la durée de chaque étape du processus d’enquête et d’examen, surveiller en permanence ses progrès par rapport à cette norme et prendre des mesures rectificatives au besoin.
Recommandation 11
Le Ministère devrait veiller à ce que toutes les étapes du processus d’enquête s’appuient sur des ressources suffisantes pour que les enquêtes puissent être menées à bien dans les délais impartis.
Recommandation 12
Le Ministère devrait établir des échéanciers précis pour la durée de chaque étape du processus d’enquête et d’examen. Le Ministère devrait surveiller en permanence ses progrès par rapport à cette norme et prendre des mesures rectificatives au besoin.
68 Quand une enquête du Ministère cerne des problèmes qu’un fournisseur de SMU doit rectifier, le Ministère devrait avoir un processus en place pour vérifier que les mesures pertinentes sont prises. De même, quand un fournisseur de SMU mène sa propre enquête et détecte un problème, le Ministère devrait s’assurer que le fournisseur règle ce problème. L’objectif d’enquêter sur une plainte et de repérer des problèmes perd en grande partie son utilité si ce suivi n’est pas assuré. Pourtant, notre enquête a conclu que le Ministère n’a pas de méthode claire et efficace pour effectuer un suivi auprès des fournisseurs de services, pour vérifier que des mesures sont prises afin de remédier aux problèmes.
69 En réponse à notre demande, le Ministère nous a fourni une note de service datant de 2013, dont le but était apparemment d’établir un processus de suivi et de contrôle des problèmes soulevés par ses rapports. En bref, un fournisseur de services a 10 jours pour informer le Ministère de la manière dont il entend régler tout problème, et 40 jours pour confirmer que des mesures correctives ont été prises en ce sens. Ce processus de suivi « 10/40 » était familier pour la plupart des personnes à qui nous avons parlé, mais elles étaient fortement en désaccord quant à savoir qui était responsable du suivi et de l’évaluation de telles mesures correctives.
70 Il est inutile de se référer à cette note de service de 2013 pour obtenir des éclaircissements, car la section ministérielle chargée de ce rôle de suivi n’existe plus, et les personnes avec lesquelles nous avons parlé étaient en désaccord quant à savoir si ce document était toujours en vigueur. Certains membres du personnel ministériel nous ont dit que le suivi relève maintenant de l’Unité des services d’enquête, tandis que d’autres nous ont fait savoir que c’était le rôle des bureaux régionaux. En pratique, il semble que personne n’en ait assumé l’entière responsabilité. Nous avons appris que la base de données qui permet d’enregistrer des renseignements de suivi a une fonctionnalité limitée, qui rend presque impossibles le suivi et l’analyse des tendances. Le suivi principal effectué est celui qui est fait, cas par cas, par chacun des bureaux régionaux, mais le suivi ne se fait pas forcément en temps utile, ni avec efficacité. Un haut fonctionnaire ministériel nous a dit que les bureaux régionaux n’ont ni les connaissances, ni les ressources nécessaires, pour examiner et retracer comme il se doit les suivis des 10/40 jours.
71 Chose plus préoccupante encore, nous avons appris que le Ministère ne fait absolument aucun suivi quand les enquêteurs ministériels ouvrent un dossier à surveiller et permettent à un fournisseur de SMU de mener sa propre enquête. Une fois que le fournisseur de SMU a fini son rapport, personne au sein de l’Unité des services d’enquête du Ministère ou dans le bureau régional ne fait quoi que ce soit pour s’assurer que des mesures correctives ont été apportées. En fait, les personnes que nous avons interrogées n’étaient même pas certaines que le processus des 10/40 jours s’appliquait dans ce cas.
72 Le processus de suivi effectué par le Ministère pour les enquêtes sur les ambulances aériennes est tout aussi préoccupant et désordonné. Contrairement aux services d’ambulance terrestre qui sont coordonnés par les bureaux régionaux du Ministère, les services d’ambulance aérienne fournis par Ornge relèvent du Ministère, par l’intermédiaire de l’Unité de surveillance des ambulances aériennes. Cette Unité, créée en juillet 2012, fait partie d’une autre Direction du Ministère, et a été fondée pour superviser directement Ornge en réponse aux graves préoccupations soulevées dans un rapport spécial du Vérificateur général, en 2012[4]. L’Unité devait veiller à ce qu’Ornge fasse l’objet d’une surveillance rigoureuse de la part des employés ministériels qui ont des connaissances spéciales des services d’ambulance aérienne, et elle fonctionnait de manière similaire aux bureaux régionaux.
73 Cependant, nous avons été informés que le manque constant de personnel et les retards liés au travail dans l’Unité de surveillance des ambulances aériennes du Ministère ont contraint Ornge à recourir à des solutions de rechange créatives, qui ont écarté l’Unité de surveillance de ce processus. Par exemple, l’Unité des services d’enquête du Ministère a commencé à envoyer ses rapports d’enquête directement à Ornge, au lieu de s’en remettre à l’Unité de surveillance des ambulances aériennes pour gérer ces communications. Nous avons été informés que ces mesures avaient été prises car l’Unité de surveillance des ambulances aériennes disposait de si peu de personnel qu’elle n’était pas en mesure d’examiner les rapports et de les transmettre à Ornge en temps utile. L’Unité de surveillance spécialisée du Ministère ne participait donc pas à l’évaluation des mesures correctives prises par Ornge, en réponse aux enquêtes ministérielles.
74 Déterminer des mesures à prendre n’est guère utile s’il n’existe pas de système pour vérifier qu’elles sont prises afin de régler les problèmes. Le Ministère devrait élaborer et instaurer une procédure de suivi de tous les problèmes soulevés au cours des enquêtes, y compris celles menées par les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et Ornge. La procédure devrait définir clairement les rôles, les responsabilités et les échéanciers, et déterminer des critères pour traiter de manière satisfaisante les problèmes à régler. La procédure devrait énoncer les mesures correctives qui seront prises, ainsi que les conséquences si le Ministère n’était pas satisfait des mesures prises par le fournisseur de services.
75 Pour les services d’ambulance terrestre, la procédure devrait être gérée par une unité centralisée, comme l’Unité des services d’enquête, qui possède une vaste expérience en la matière et dispose de la capacité à mener et à suivre des analyses de tendance dans toute la province. Les bureaux régionaux du Ministère pourraient ne pas être en mesure de s’acquitter de cette fonction de surveillance, étant donné leur rôle de liaison régionale avec les fournisseurs de SMU et leur but premier de promouvoir des relations de collaboration et de concertation.
76 En ce qui concerne les services d’ambulance aérienne, l’Unité de surveillance des ambulances aériennes devrait être chargée de ce mandat de surveillance spécialisée. Dans chaque cas, le Ministère devrait veiller à ce que les unités de surveillance disposent des ressources humaines et de l’infrastructure technologique nécessaires pour effectuer ce travail.
Recommandation 13
Le Ministère devrait élaborer et instaurer une procédure de suivi de tous les problèmes soulevés au cours des enquêtes, y compris les problèmes cernés dans des enquêtes menées par les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et Ornge. La procédure devrait définir clairement les rôles, les responsabilités et les échéanciers, et déterminer des critères pour traiter de manière satisfaisante les problèmes à régler. La procédure devrait énoncer les mesures correctives qui seront prises, ainsi que les conséquences si le Ministère n’était pas satisfait des mesures prises par le fournisseur de services.
Recommandation 14
Pour les services d’ambulance terrestre, la nouvelle procédure de suivi devrait être gérée par une unité centralisée, comme l’Unité des services d’enquête, qui possède une vaste expérience en la matière et dispose de la capacité à mener et à suivre des analyses de tendance dans toute la province. Pour les services d’ambulance aérienne, l’Unité de surveillance des ambulances aériennes devrait être chargée de ce mandat de surveillance spécialisée. Dans chaque cas, le Ministère devrait veiller à ce que les unités de surveillance disposent des ressources humaines et de l’infrastructure technologique nécessaires pour effectuer ce travail.
77 Notre enquête a également révélé que le Ministère omet de faire un suivi des conclusions liées personnellement à des ambulanciers et des répartiteurs qui ont enfreint la Loi sur les ambulances et d’autres normes applicables.
78 Dans le système actuel, les préoccupations soulevées dans le cadre d’une enquête du Ministère quant à des fautes commises par des ambulanciers sont généralement traitées directement par le service d’ambulance qui les emploie. Les employeurs n’ont aucune obligation de communiquer au Ministère les mesures qu’ils prennent, le cas échéant, en réponse aux conclusions concernant les ambulanciers. Bien que le Ministère ait la possibilité de porter des accusations en vertu de la Loi sur les ambulances, dans certaines circonstances, il n’a que très exceptionnellement recours à cette option, et nous avons été informés de deux cas seulement où il l’avait fait. Les conclusions concernant les répartiteurs sont traitées de manière similaire même si, dans certains cas, leur employeur est une autre direction du Ministère.
79 La législation sur la protection de la vie privée[5] interdit aux employeurs de partager avec d’autres les conclusions d’inconduite, mais les enquêteurs du Ministère ont besoin de tels renseignements pour repérer des tendances inquiétantes, par exemple des personnes qui commettent la même erreur de multiples fois. Le Ministère ne nous a pas donné d’explication satisfaisante sur le fait qu’il ne recueille pas et ne suit pas ces renseignements, alors même qu’il exige déjà que les ambulanciers et les répartiteurs soient agréés par la province et qu’il dispose d’une base de données où il serait aisé de conserver de tels renseignements. Nous avons été informés que son système de base de données est équipé pour enregistrer ces renseignements, et peut commencer à le faire tout de suite. Le Ministère devrait immédiatement commencer à utiliser cette fonctionnalité pour faire un suivi de toutes les conclusions concernant des ambulanciers et des répartiteurs, ainsi que de toute mesure disciplinaire prise à leur encontre.
80 Ces renseignements devraient être mis à la disposition des enquêteurs du Ministère, qui pourraient utiliser ces données pour repérer les tendances problématiques durant une enquête. Étant donné l’intérêt pour le public que soient assurés la compétence et le souci de la sécurité des ambulanciers et des répartiteurs, le Ministère devrait aussi envisager de faire des modifications de loi qui permettraient un partage plus grand des conclusions d’inconduite, afin de garantir que les employeurs soient informés de toute conclusion antérieure éventuelle concernant des ambulanciers et répartiteurs.
Recommandation 15
Le Ministère devrait exiger que les fournisseurs de SMU, les bases hospitalières et les centres de répartition communiquent toute mesure disciplinaire prise à la suite d’une enquête. Le Ministère devrait veiller à ce que ces renseignements soient enregistrés dans les bases de données ministérielles sur les accréditations.
Recommandation 16
Le Ministère devrait veiller à ce que les renseignements sur l’inconduite d’ambulanciers et de répartiteurs soient communiqués au personnel du Ministère qui devrait en être informé, y compris à l’Unité des services d’enquête.
Recommandation 17
Le Ministère devrait faire des recherches sur des modifications de loi, et envisager de les apporter, pour lui permettre d’obtenir les conclusions négatives concernant des ambulanciers et des répartiteurs, et de les partager avec les organismes concernés, y compris avec des employeurs éventuels de SMU.
81 Une amélioration du processus de suivi et de contrôle utilisé par le Ministère lui permettrait également de mieux coordonner et partager les renseignements et les pratiques exemplaires entre les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et Ornge. Actuellement, les résultats des enquêtes ne sont communiqués qu’à l’organisme concerné. De nombreuses personnes que nous avons interrogées étaient frustrées par cette approche restrictive du partage des renseignements et regrettaient qu’une telle occasion soit perdue. Un intervenant de haut niveau nous a dit qu’il aimerait plus de directives et une approche plus proactive : « Il y a 52 [sic] services d’ambulance en Ontario, ce n’est probablement pas la première fois que [le Ministère] enquête sur ce genre de choses. Que font les autres services pour y remédier? »[6] D’autres ont dit à notre Bureau que même des informations générales sur les tendances de plaintes pourraient les aider à prendre des mesures préventives et à remédier à un problème avant qu’il ne donne lieu à une plainte. Certes, le Ministère devrait veiller au respect de ses obligations en matière de protection de la vie privée, mais il pourrait partager des conclusions générales ou anonymisées et des pratiques exemplaires avec d’autres intervenants afin d’améliorer les services d’ambulance dans toute la province.
Recommandation 18
Tout en restant conscient de ses obligations en matière de protection de la vie privée, le Ministère devrait partager des conclusions générales ou anonymisées et des pratiques exemplaires avec les intervenants concernés, afin que les autres fournisseurs de services puissent prendre des mesures proactives pour traiter tout problème similaire au sein de leur organisme.
82 Selon la procédure actuelle du Ministère, l’organisme visé par une plainte – ainsi que l’ambulancier ou le répartiteur dont la conduite est examinée – peut ne pas participer du tout – ou pas beaucoup – au processus d’enquête avant le rapport final. Souvent, les enquêteurs du Ministère ne font pas d’entrevues avec le personnel concerné, ou ne communiquent pas leurs conclusions préliminaires aux personnes visées. Un rapport final est tout simplement remis à l’organisme, avec une liste de mesures à prendre, sans que les personnes concernées aient eu l’occasion d’examiner les faits du rapport et de les commenter.
83 Dans un cas que nous avons examiné, le Ministère a enquêté sur une plainte sur la qualité des services de répartition dans une zone donnée. L’Unité des services d’enquête du Ministère avait examiné le problème et publié un rapport présentant de nombreuses conclusions et 13 mesures à prendre. Le fournisseur de SMU n’avait pas eu l’occasion de répondre au rapport, avant sa finalisation. Une fois qu’il a reçu ce rapport, il a exprimé des préoccupations quant à de nombreuses conclusions factuelles et aux mesures à prendre en conséquence. Nous avons été informés qu’après avoir reçu ces commentaires, le Ministère avait réexaminé de nombreuses conclusions du rapport et avait éliminé 11 mesures à prendre. Nous avons appris que le fournisseur de SMU avait contesté les conclusions du rapport parce qu’il estimait que le Ministère avait agi en dehors de son champ de compétence, et avait mal interprété des documents pertinents. Si le fournisseur de SMU avait été autorisé à examiner le rapport, avant sa version finale, ces problèmes auraient peut-être pu être évités.
84 Beaucoup d’organismes d’enquête, dont mon propre Bureau, sont tenus par la loi de donner aux organismes la possibilité d’examiner et de commenter les conclusions et les recommandations préliminaires des enquêtes, avant la finalisation de tout rapport. L’organisme visé par l’enquête peut alors rectifier toute erreur factuelle et discuter de désaccords d’interprétation pendant que l’enquête est en cours. Ce processus contribue à garantir l’équité de la procédure et à créer un dossier écrit pour étayer toute modification aux conclusions ou recommandations d’un rapport.
85 Par conséquent, le Ministère devrait veiller à ce que les organismes visés par une enquête aient la possibilité d’examiner une version préliminaire de tout rapport contenant des conclusions négatives ou des recommandations à leur sujet. L’organisme concerné devrait avoir la possibilité de répondre par écrit au rapport préliminaire, et le Ministère devrait tenir compte de cette réponse avant d’achever son rapport. Le cas échéant, le Ministère devrait envisager d’inclure la réponse écrite de l’organisme à son rapport final.
Recommandation 19
Le Ministère devrait veiller à ce que tous les organismes visés par une enquête aient la possibilité d’examiner une version préliminaire de tout rapport contenant des conclusions négatives ou des recommandations à leur sujet. L’organisme concerné devrait avoir la possibilité de répondre par écrit, et le Ministère devrait tenir compte de cette réponse avant d’achever son rapport. Le cas échéant, le Ministère devrait envisager d’inclure la réponse écrite de l’organisme à son rapport final.
86 Nous avons également entendu parler de plus d’un cas où le Ministère avait apparemment modifié un rapport en fonction de la réaction d’un organisme, et non de nouveaux renseignements factuels pouvant appuyer une conclusion différente. Lors d’une enquête, une plainte avait été déposée auprès du Ministère sur la manière dont des ambulanciers avaient traité une femme enceinte qui était sur le point d’accoucher, alors qu’elle se trouvait encore à domicile. Le fournisseur de SMU et la base hospitalière avaient tous deux estimé que les ambulanciers avaient fait preuve d’un assez bon discernement pendant l’interaction, et ils n’avaient relevé aucun problème d’ordre clinique. Cependant, l’enquête indépendante du Ministère avait révélé plusieurs fautes commises par les ambulanciers. Nous avons été informés qu’après avoir reçu le rapport final, le fournisseur de SMU et la base hospitalière avaient émis des objections, et que le Ministère « avait modifié les recommandations [des mesures à prendre] en raison de cette pression ». Le Ministère n’avait pas modifié ses conclusions sous-jacentes montrant qu’il y avait eu infraction à des normes pertinentes.
87 Bon nombre des personnes que nous avons interrogées ont reconnu le déséquilibre fondamental de pouvoir entre l’Unité des services d’enquête, qui dispose de peu de ressources, et les grands fournisseurs de SMU et centres de répartition. Quand il permet aux organismes d’examiner et de commenter le contenu factuel des ébauches de rapport, le Ministère devrait veiller à ne modifier les rapports que si sont apportés de nouveaux renseignements justifiant la modification d’une conclusion ou d’une mesure présentée.
Recommandation 20
Le Ministère devrait veiller à ce que toute modification apportée à ses rapports préliminaires soit fondée sur un examen approfondi des preuves disponibles. La raison de tels changements devrait être soigneusement documentée par écrit dans le dossier d’enquête du Ministère.
88 Le Ministère n’a ni politique, ni procédure, ni protocole en vigueur pour définir la manière dont l’Unité des services d’enquête doit examiner les plaintes sur les services d’ambulance. Certains membres du personnel ministériel nous ont dit qu’ils travaillaient à partir d’un protocole non officiel et désuet, datant de 2009, mais d’autres ne connaissaient pas du tout ce protocole et d’autres encore ont déclaré qu’il n’était plus en vigueur. En fait, l’Unité des services d’enquête du Ministère n’a aucune politique ou procédure pour la guider, et les pratiques sont élaborées officieusement, cas par cas, et enquêteur par enquêteur.
89 Les conséquences d’une telle incohérence sont profondes. Le personnel du Ministère n’a pas pu nous expliquer pourquoi certaines plaintes sont parfois considérées comme un dossier à surveiller, et parfois comme un dossier d’enquête du Ministère. Le personnel était aussi en désaccord quant au rôle du Ministère pour les dossiers à surveiller. Nous avons appris que certains enquêteurs effectuent des entrevues dans presque tous les cas, alors que d’autres le font rarement. Nous avons aussi appris que cette incohérence s’avère particulièrement difficile pour les nouveaux enquêteurs, qui n’ont pas de ressource à consulter quand ils apprennent à faire leur travail. La situation fait aussi que le Ministère s’en remet beaucoup aux connaissances de ses employés actuels. Comme l’a déclaré un employé :
Si on se faisait tous renverser par un autobus demain, et si de nouveaux enquêteurs étaient engagés, personne ne saurait comment avoir accès à la documentation ou faire quoi que ce soit, il n’existe rien pour nous dire comment faire [nos enquêtes].
90 L’approche suivie par le Ministère contraste avec celle d’autres organismes, comme le Toronto Paramedic Service, qui ont élaboré des politiques d’enquête détaillées, consultables par le public, pour régir leurs enquêtes internes.
91 Le Ministère est conscient de ce problème et il a pris certaines mesures pour élaborer un protocole d’enquête actualisé. Cependant, le travail consacré à ce projet a cessé, en raison de problèmes de personnel et de priorités concurrentes. Vu l’importance de politiques claires, le Ministère devrait considérer que la rédaction d’un protocole d’enquête complet est prioritaire, et veiller à ce que tout le personnel soit formé aux nouvelles procédures.
Recommandation 21
Le Ministère devrait élaborer et parachever un protocole d’enquête. Ce protocole devrait notamment décrire les processus de traitement des plaintes et d’enquête de l’Unité des services d’enquête. Le protocole devrait clairement définir les critères à appliquer pour déterminer si le Ministère enquêtera sur une plainte, ou la transmettra au fournisseur de SMU ou au centre de répartition concerné en vue d’une enquête, et préciser le rôle du Ministère dans la supervision de l’enquête d’un autre organisme.
Recommandation 22
Le protocole des services d’enquête du Ministère devrait être communiqué à tous les enquêteurs du Ministère. Le Ministère devrait veiller à ce que les enquêteurs actuels et les nouveaux enquêteurs reçoivent une formation complète à ce protocole.
92 Des problèmes plus vastes de culture, liés à l’approche du Ministère en matière de surveillance et de dotation en personnel, sous-tendent les préoccupations soulevées quant au processus d’enquête du Ministère.
93 De nombreuses personnes à qui nous avons parlé ont exprimé des inquiétudes au sujet de la formation et de la compétence des enquêteurs du Ministère. Ces préoccupations nous sont parvenues de bureaux régionaux, de fournisseurs de SMU, de centres de répartition, d’Ornge et des enquêteurs du Ministère eux-mêmes.
94 Les enquêteurs ne sont pas tenus d’avoir une expérience préalable en matière de services de santé d’urgence, bien que beaucoup d’entre eux aient déjà travaillé comme ambulanciers ou répartiteurs. Certains intervenants estiment que les enquêteurs sont déconnectés de la réalité actuelle des soins préhospitaliers aux patients. Lors d’une entrevue, un médecin nous a déclaré que, bien que les enquêteurs puissent réciter la norme appropriée qui s’applique à un cas particulier, « les normes sont beaucoup plus question de discernement et de nuance ». En d’autres termes, il a posé cette question : « Comment évaluer quelqu’un si la personne que vous évaluez a deux fois plus de connaissances que vous? »
95 Durant leurs entrevues, de hauts fonctionnaires du Ministère nous ont dit que cette procédure avait changé et que les enquêteurs du Ministère s’appuient désormais sur des experts en la matière pour déterminer si les soins aux patients sont adéquats, et le personnel d’enquête n’est plus chargé de faire lui-même cette évaluation. Cependant, les dossiers d’enquête que nous avons examinés n’étaient pas révélateurs de l’application de cette nouvelle procédure.
96 Beaucoup nous ont dit qu’ils étaient encore plus préoccupés par la surveillance du Ministère sur les services d’ambulance aérienne d’Ornge. En effet, aucun des employés ministériels chargés de superviser Ornge, et d’enquêter à son sujet, n’avait d’expérience ou de compétence spéciale en matière de services d’ambulance aérienne, et ne cherchait à faire appel à des spécialistes pour obtenir un soutien. Le Vérificateur général a souligné ce même problème dans son rapport spécial de 2012[7] sur Ornge, mais aucun progrès évident n’a été accompli.
97 Ces problèmes de compétence sont aggravés par le manque de formation solide et de mentorat pour les nouveaux enquêteurs. Quand nous avons demandé quelle formation reçoivent les enquêteurs après être entrés en fonction, on nous a répondu « pas beaucoup », et nous avons appris que certains enquêteurs prennent l’initiative personnellement d’examiner d’anciens dossiers d’enquête pour tenter d’apprendre les ficelles du métier. Nous avons entendu dire maintes fois que les enquêteurs ne recevaient aucune formation, et un employé nous a fait remarquer que le Ministère « ne prépare pas les enquêteurs à assurer leur réussite » :
En gros, on vous dit « bienvenue à bord » et voici vos 10 premiers dossiers… bonne journée.
98 L’efficacité de l’Unité des services d’enquête du Ministère repose complètement sur celle de ses enquêteurs, et il est essentiel que le personnel ait l’expérience et la formation nécessaires pour superviser les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et Ornge. Le Ministère devrait élaborer un programme officiel de formation et de mentorat pour les nouveaux enquêteurs, et ce programme de formation devrait être documenté dans un guide officiel d’orientation, communiqué à tous les enquêteurs.
99 De plus, le Ministère devrait veiller à ce que les enquêteurs puissent consulter des experts et soient encouragés à s’en remettre à eux durant leurs enquêtes. Certes, les enquêteurs doivent avoir de solides connaissances fondamentales des services paramédicaux et des processus de répartition, mais leur compétence ultime est dans le domaine des enquêtes, et non dans la prestation de services de santé d’urgence. Un recours accru à des experts en la matière garantira l’exactitude des rapports d’enquête et renforcera la légitimité des conclusions du Ministère aux yeux des fournisseurs de SMU et des centres de répartition.
Recommandation 23
Le Ministère devrait élaborer un programme officiel de formation et de mentorat pour les nouveaux enquêteurs. Ce programme de formation devrait être documenté dans un guide officiel d’orientation, et communiqué à tous les enquêteurs.
Recommandation 24
Le Ministère devrait veiller à ce que les enquêteurs puissent consulter des experts et soient encouragés à s’en remettre à eux durant leurs enquêtes.
100 Les problèmes de crédibilité des enquêteurs, causés par un manque de formation et de compétence, sont aggravés par le roulement extrême des effectifs et la grande insuffisance de personnel dont souffrent l’Unité des services d’enquête du Ministère et d’autres composantes fondamentales de la surveillance.
101 Le roulement élevé des effectifs et le grand nombre de postes vacants sont déjà ressortis clairement durant notre enquête. Bon nombre des personnes que nous avons interrogées n’étaient pas en poste depuis longtemps, ou avaient déjà pris d’autres postes quand nous leur avons parlé. Depuis que nous avons ouvert notre enquête, il y a eu des changements de nom à la Division et à la Direction, des changements de sous-ministre adjoint, et plusieurs changements de postes de gestionnaires.
102 Voici ce qu’un employé nous a dit : « Depuis deux ans et demi que je suis ici, j’ai eu quatre directeurs, trois cadres supérieurs, et le poste a été vacant une année. J’ai eu quatre gestionnaires. » Ces problèmes s’étendent à l’Unité de surveillance des ambulances aériennes, dont la plupart des postes sont restés vacants pendant des années. Durant un certain temps, seul un poste sur huit a été pourvu. Nous avons appris que la situation « exerçait beaucoup de pression » sur le seul employé et rendait impossible tout travail approfondi de surveillance. Nous avons été informés que c’est en raison des retards et des manques de réponse ainsi causés qu’Ornge avait unilatéralement écarté l’Unité de la surveillance de son processus d’enquête.
103 Le roulement du personnel a été particulièrement élevé dans des postes de surveillance de haut niveau, y compris des postes clés de direction. Un haut fonctionnaire du Ministère a expliqué qu’il y avait :
Littéralement une porte tournante au sein de la Direction depuis cinq ans… nous avons probablement eu cinq directeurs différents, nous avons probablement eu cinq ou six cadres supérieurs. Au poste de gestionnaire des enquêtes, nous avons probablement eu cinq ou six personnes différentes… ce n’est pas propice à la stabilité.
Une autre personne a déclaré que les effectifs d’enquête et le personnel de direction « se succèdent à un rythme effréné », constamment.
104 Nous avons appris que, comme les gestionnaires sont toujours nouvellement en poste, personne n’osait établir de nouvelles politiques ou de nouveaux processus, même si leur nécessité était claire. Les enquêteurs nous ont dit que le fait de relever de nombreux gestionnaires différents compliquait leur travail et contribuait à l’attrition. Nous avons aussi appris que la façon dont les enquêteurs sont appelés à faire leur travail change continuellement, au fur et à mesure que de nouveaux gestionnaires arrivent et partent.
105 Le roulement élevé des effectifs nuit aux relations du Ministère avec ses partenaires. L’un d’entre eux nous a dit qu’ils doivent constamment apprendre leurs processus aux nouveaux employés du Ministère et « doivent sans cesse répondre aux mêmes questions ». Selon un autre, l’Unité des services d’enquête « est plongée dans le chaos » à cause du roulement de personnel.
106 De nombreuses personnes nous ont donné des sources d’explications possibles de ces problèmes, entre autres, rémunérations inférieures à l’offre du marché, allégations de milieu professionnel difficile, et perception d’inefficacité du système de surveillance, si bien que les employés croient que leur travail n’a pas d’importance. Le Ministère doit faire davantage pour comprendre et régler ces problèmes, car une surveillance efficace requiert des employés motivés, qui restent en poste suffisamment longtemps pour acquérir des compétences. Le Ministère devrait procéder à un examen du roulement de personnel et des postes vacants dans ses services d’enquête et de surveillance, afin de mieux comprendre leur cause sous-jacente. Une fois ces problèmes cernés, le Ministère devrait prendre des mesures pour y remédier. Il devrait aussi veiller à pourvoir tous les postes de surveillance sans délai, car les postes vacants nuisent à la rapidité et à l’efficacité des examens des services d’ambulance.
Recommandation 25
Le Ministère devrait procéder à un examen du roulement de personnel et des postes vacants dans ses services d’enquête et de surveillance, afin de mieux comprendre leur cause sous-jacente. Une fois ces problèmes cernés, le Ministère devrait prendre des mesures pour y remédier.
Recommandation 26
Le Ministère devrait veiller à pourvoir tous les postes de surveillance sans délai, car les postes vacants nuisent à la rapidité et à l’efficacité des examens des services d’ambulance.
107 Nous avons aussi appris que les unités au sein de la structure d’enquête et de surveillance du Ministère travaillent « de manière cloisonnée », le partage et la communication de renseignements étant limités. Cette approche s’étend aux divers participants du système, qui font peu pour partager et coordonner les renseignements sur les plaintes des patients, les problèmes de soins aux patients, les tendances, les statistiques ou les préoccupations systémiques éventuelles. La conséquence est que le système de santé d’urgence est composé de participants qui travaillent dans des secteurs étroits, confinés, avec peu de coordination.
108 En 2017, la Direction des services de santé d’urgence a été scindée en deux directions différentes : la Direction de la gestion et de la prestation des services de santé d’urgence supervise et gère la prestation des programmes de santé d’urgence, et abrite les trois bureaux régionaux, ainsi que l’Unité de surveillance des ambulances aériennes. La Direction de la réglementation et de la responsabilisation des services de santé d’urgence est chargée de surveiller et de réglementer les services de santé d’urgence et abrite les unités d’enquête et d’inspection. Nous avons été informés que les communications ont été « difficiles » et dans de nombreux cas inefficaces depuis que cette scission s’est produite.
109 Beaucoup de personnes nous ont dit que cette structure est source de confusion quant aux rôles et aux responsabilités de chacun, et de retards dans le processus d’enquête et de surveillance. Au sein du Ministère, le personnel a le sentiment de ne pas pouvoir demander ou consulter librement des renseignements d’autres secteurs. Un employé a comparé cette situation à « un mur de briques » entre les membres du personnel. Dans certains cas, le personnel a été informé qu’il ne devait pas établir de contact entre les bureaux régionaux et l’Unité des services d’enquête sans autorisation préalable, ce qui retarde inutilement une fonction de surveillance essentielle.
110 Nous avons aussi appris qu’il y a peu de communication entre l’Unité des services d’enquête et les autres unités du Ministère qui pourraient apporter leur aide à des enquêtes. Par exemple, l’Unité de l’accréditation et des normes de soins aux patients est chargée de rédiger des normes et des manuels de santé d’urgence. Cette unité prépare et gère également l’examen d’accréditation des ambulanciers. Bien que cette unité ait des compétences évidentes dans ces domaines, nous avons été informés que les enquêteurs contactent rarement son personnel pour obtenir des renseignements sur l’interprétation des normes paramédicales.
111 Une surveillance efficace du système de santé d’urgence exige une coopération et une communication entre tous les participants. Le Ministère devrait veiller à ce que son personnel et les intervenants comprennent bien les rôles et les responsabilités de chaque unité qui contribue à la surveillance des services de santé d’urgence. De plus, le Ministère devrait consulter le personnel des unités concernées pour déterminer quels obstacles nuisent à l’efficacité des communications et prendre des mesures pour répondre à ces préoccupations. Plus précisément, le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité des services d’enquête puisse communiquer librement avec les autres unités du Ministère dans le cadre de son mandat d’enquête. Les enquêteurs ne devraient pas avoir à demander une autorisation spéciale avant de contacter le personnel des bureaux régionaux.
Recommandation 27
Le Ministère devrait veiller à ce que son personnel et les intervenants comprennent bien les rôles et les responsabilités de chaque unité qui contribue à la surveillance des services de santé d’urgence.
Recommandation 28
Le Ministère devrait consulter le personnel des unités concernées pour déterminer quels obstacles nuisent à l’efficacité des communications et prendre des mesures pour répondre à ces préoccupations.
Recommandation 29
Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité des services d’enquête puisse communiquer librement avec les autres unités du Ministère dans le cadre de son mandat d’enquête. Les enquêteurs ne devraient pas avoir à demander une autorisation spéciale avant de contacter le personnel des bureaux régionaux.
112 Nous avons aussi découvert de graves problèmes dans le processus ministériel de production et d’examen des « rapports d’incidents », que les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et Ornge doivent préparer dans maintes circonstances différentes.
113 Chaque année, les organismes envoient quelque 250 000 rapports d’incidents aux bureaux régionaux du Ministère, pour examen. Ces rapports ont pour but de documenter des événements inhabituels et d’informer le Ministère de problèmes qui pourraient exiger un examen plus approfondi. Toutefois, mon enquête a révélé qu’ils constituent en grande partie un exercice purement administratif qui ne contribue en rien à améliorer la surveillance et la responsabilisation.
114 Le document intitulé Ontario Ambulance Documentation Standards[8] (en anglais seulement) définit les circonstances dans lesquelles des rapports d’incidents doivent être rédigés et remis au Ministère par les fournisseurs de services d’ambulance terrestre.
115 Un fournisseur de SMU est tenu de soumettre un rapport d’incident quand il reçoit une plainte, mène une enquête (y compris une enquête sur la plainte d’un patient) et quand un « événement inhabituel » se produit, comme une mort soudaine ou un problème qui pourrait exiger une enquête de la police. Les fournisseurs de SMU doivent envoyer ces rapports à leur bureau régional du Ministère dans un délai imparti, selon la gravité de l’incident. Les incidents les plus graves doivent être signalés « dès que possible dans les 24 heures », tandis que les rapports d’incidents mineurs peuvent être envoyés dans un délai de « 90 jours civils ». Un incident mineur peut être une crevaison de pneu d’une ambulance en attente d’intervention, tandis qu’un incident grave peut être une erreur majeure de médication d’un patient.
116 Les exigences de déclaration d’incident sont similaires pour les centres de répartition, Ornge et les bases hospitalières, bien qu’elles soient énoncées dans différents documents[9].
117 De plus, notre enquête a révélé des différences considérables dans la manière dont les organismes interprètent leurs obligations de déclaration d’incident. Jusqu’à tout récemment, un fournisseur de SMU ne soumettait un rapport d’incident que pour « les absences de signes vitaux » chez les patients, alors que la norme de documentation n’exige pas de rapport d’incident dans ces circonstances, mais en exige dans de nombreuses autres. Nous avons été informés qu’un SMU n’avait pas soumis de rapport d’incident pour les plaintes des patients ou pour les enquêtes internes, et que le Ministère en avait pleinement connaissance car le SMU en avait discuté avec le personnel du bureau régional. Bien que la norme de documentation exige des rapports d’incidents dans ces cas, nous avons été informés que le personnel du bureau régional n’avait rien fait pour que le fournisseur de services respecte cette norme.
118 En outre, les différents organismes n’ont pas la même compréhension de la rapidité avec laquelle ils doivent soumettre les rapports d’incidents. Certains les soumettent dès qu’ils sont préparés, tandis que d’autres font des envois « groupés » périodiques, indépendamment des échéanciers imposés par la norme de documentation. Nous avons été informés que ce système d’envois « groupés » avait été mis en place en consultation avec les bureaux régionaux, qui n’étaient pas préparés à traiter administrativement des arrivées quotidiennes de dossiers.
119 Nous avons aussi appris que certains organismes ne signalent pas immédiatement les plaintes et les incidents. Par exemple, on nous a parlé d’un fournisseur de SMU qui n’envoie des rapports d’incidents au bureau régional que dans un délai « d’une semaine ou deux » après avoir ouvert une enquête, sauf s’il s’agit d’un problème « catastrophique ». On nous a dit que c’était parce qu’il ne voulait pas « donner l’alerte à l’avance », malgré les exigences de la norme de documentation en matière de rapports, et que le fournisseur de SMU préférait comprendre un problème avant d’en informer le Ministère.
120 Bien que le Ministère ait connaissance de ces incohérences, il a pris très peu de mesures pour préciser les exigences en matière de déclaration, ou pour les faire respecter. Lorsque nous avons interrogé le Ministère au sujet de cette lacune, un employé nous a répondu que « ce n’est pas… le rôle [du Ministère] de donner une interprétation de la loi à un organisme extérieur », et que les organismes devraient obtenir d’eux-mêmes des avis juridiques sur leurs obligations en matière de rapports d’incidents. Nous avons aussi entendu parler du cas d’un bureau régional qui ne fait rien pour déterminer si les rapports d’incidents sont remis dans les délais prescrits, et l’expérience a montré que les délais ne sont pas respectés. Nous avons été informés que le Ministère n’a jamais contraint les organismes à respecter les exigences en matière de rapports d’incidents et que « c’est l’une des plus grandes lacunes » dans le processus de surveillance.
121 Le Ministère et le public qu’il protège doivent être certains que des rapports d’incidents sont soumis en temps utile, dans tous les cas où ils sont exigés. Le Ministère devrait prendre des mesures pour s’assurer que tous les organismes tenus de soumettre des rapports d’incidents comprennent et interprètent correctement ces exigences, y compris pour les types d’incidents à signaler. Le Ministère devrait préciser tout particulièrement que toutes les plaintes et les enquêtes internes sur les plaintes doivent être signalées dans un rapport d’incident, et indiquer les échéanciers pour le faire. Le Ministère devrait faire un suivi de chaque organisme et vérifier qu’il respecte cette règle. Si un organisme ne soumet pas les rapports requis, le Ministère devrait prendre des mesures pour y remédier, allant jusqu’à la tenue d’une enquête par son Unité des services d’enquête.
Recommandation 30
Le Ministère devrait prendre des mesures pour s’assurer que tous les organismes tenus de soumettre des rapports d’incidents comprennent et interprètent correctement ces exigences, y compris pour les types d’incidents à signaler et les échéanciers pour le faire. Le Ministère devrait préciser tout particulièrement que toutes les plaintes et les enquêtes internes sur les plaintes doivent être signalées dans un rapport d’incident.
Recommandation 31
Le Ministère devrait veiller à suivre et vérifier le respect des obligations de déclaration d’incident par chaque organisme. Si un organisme ne soumet pas les rapports requis, le Ministère devrait prendre les mesures pour y remédier, et notamment mener une enquête le cas échéant.
122 Les rapports d’incidents sont soumis aux bureaux régionaux selon de nombreuses méthodes et dans de nombreux formats. Certains organismes utilisent un service de base de données en ligne qui permet aux bureaux régionaux de télécharger ces rapports directement. D’autres utilisent le courrier électronique, la télécopie et les services de messagerie. Certains rapports d’incidents sont dactylographiés, d’autres manuscrits. Comble de confusion, les différents organismes formatent leurs rapports différemment, si bien que les mêmes renseignements à donner se trouvent dans des parties différentes, selon le rapport. Des témoins du Ministère nous ont dit que la recherche de renseignements pertinents et l’examen efficace des rapports s’en trouvent compliqués.
123 De nombreux employés du Ministère nous ont dit qu’un modèle standard et cohérent de rapports d’incidents faciliterait l’examen et l’évaluation. Les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et d’autres parties prenantes ont également soutenu cette idée, mais nous avons été avertis que certains intervenants auraient du mal à s’adapter à des systèmes destinés à des organismes plus vastes, dotés de plus de ressources. Ces préoccupations, bien que valables, ne devraient pas empêcher le Ministère de chercher à normaliser le modèle et le processus de rapports d’incidents. Le Ministère devrait travailler avec les intervenants concernés pour concevoir et appliquer un modèle normalisé de rapports d’incidents, qui serait utilisé par tous les fournisseurs de services d’ambulance. Le Ministère devrait aussi travailler avec les intervenants pour concevoir une méthode de communication électronique des rapports d’incidents, quelles que soient la grandeur ou les ressources d’un organisme.
Recommandation 32
Le Ministère devrait travailler avec les intervenants concernés pour concevoir et appliquer un modèle normalisé de rapports d’incidents à utiliser par tous les fournisseurs de services de santé d’urgence.
Recommandation 33
Le Ministère devrait travailler avec les intervenants pour concevoir une méthode de communication électronique des rapports d’incidents, quelles que soient la grandeur ou les ressources d’un organisme.
124 Les critères de soumission d’un rapport d’incident sont très généraux, si bien qu’un nombre massif de rapports d’incidents sont produits chaque année. Le Ministère estime qu’il reçoit 250 000 rapports d’incidents chaque année. Ce grand nombre s’explique en partie du fait que beaucoup d’événements habituels doivent être signalés comme des « incidents » par chaque employé concerné. Par exemple, si deux ambulances, chacune dotée de deux ambulanciers, répondent à un appel et découvrent qu’un patient est décédé, au moins quatre rapports d’incidents distincts devraient être préparés pour document l’événement.
125 Nous avons appris que le bureau régional du Centre-Est recevait à lui seul 12 000 rapports d’incidents chaque mois, qui sont tous examinés par un seul employé. Nous avons été informés qu’il s’agissait là d’une quantité « écrasante » de rapports à examiner par une seule personne, qui se traduisait par une pile de rapports épaisse de quelque 20 centimètres pour un seul mois de rapports d’incidents provenant d’un seul fournisseur de services.
126 En raison de la quantité énorme de rapports d’incidents, les bureaux régionaux sont constamment débordés et accumulent les arriérés, souvent avec des retards de plusieurs mois. Un employé du Ministère a estimé qu’il s’écoulait en moyenne trois mois avant qu’un rapport d’incident ne soit examiné. À moins qu’un chef de SMU, un gestionnaire de répartition ou un autre cadre supérieur ne signale un incident particulier à l’attention du Ministère, par une autre méthode, un laps de temps considérable peut se passer avant qu’un bureau régional ne commence à examiner un rapport d’incident. Un haut fonctionnaire du Ministère avec qui nous nous sommes entretenus nous a dit que le processus s’apparentait à « la recherche d’une aiguille dans une botte de foin » car il y avait des milliers de rapports ordinaires pour chaque rapport pouvant exiger une attention supplémentaire. Les bureaux régionaux n’ont aucun moyen ni aucun critère pour trier rapidement les rapports d’incidents, si bien que les rapports ordinaires sont mélangés aux rapports portant sur des faits plus graves.
127 Nous avons été informés de nombreux cas de rapports d’incidents qui étaient tombés entre les mailles du filet. Nous avons appris, par exemple, qu’un ambulancier avait été licencié car une enquête interne avait révélé qu’il avait abandonné un patient. Le fournisseur de SMU avait envoyé le rapport d’incident initial au Ministère, mais il n’avait reçu aucune réponse pouvant indiquer que le Ministère serait intéressé pour enquêter sur ce cas. Le fournisseur de SMU avait mené sa propre enquête, mais n’avait pas transmis le rapport final ou ses résultats au Ministère ou au patient concerné. Nous n’avons pas été en mesure de confirmer si le Ministère avait évalué le rapport d’incident initial et avait conclu qu’aucune autre mesure ne s’avérait nécessaire, ou si ce rapport s’était perdu au milieu de milliers d’autres rapports en cours. Malheureusement, les bureaux régionaux ne conservent pas de dossiers suffisamment détaillés sur les examens de rapports d’incidents pour répondre à ce type de question.
128 Nous avons aussi parlé avec un important fournisseur de SMU qui avait remarqué que son bureau régional n’avait consulté aucun des rapports d’incidents soumis par lui depuis de nombreux mois. Le fournisseur de SMU avait fait cette découverte parce qu’il utilise un système en ligne qui lui indique quand les rapports d’incidents sont consultés. Finalement, le fournisseur de SMU avait dû contacter le gestionnaire de l’Unité des services d’enquête du Ministère pour régler le problème avec le bureau régional. Nous avons été informés que l’Unité des services d’enquête n’a aucun moyen de vérifier indépendamment si les bureaux régionaux examinent les rapports d’incidents en temps utile, si bien que ce grave problème ne lui aurait pas été signalé sans l’intervention du SMU.
129 La frustration s’étend aux bureaux régionaux. Nous avons été informés que le processus d’examen des bureaux régionaux créait « un véritable goulot d’étranglement », et que l’Unité des services d’enquête devrait avoir « accès aux renseignements [des rapports] plus tôt ». Un employé a suggéré que les rapports d’incidents soient envoyés directement à l’Unité des services d’enquête, pour examen. Selon lui, ce processus permettrait de réduire les retards et donnerait aux enquêteurs la possibilité de déterminer directement quels rapports exigent une enquête plus approfondie.
130 Beaucoup nous ont dit que, même si un bureau régional examine un rapport d’incident en temps utile, les rapports ne sont pas suffisamment détaillés pour permettre aux bureaux régionaux d’évaluer correctement si une enquête du Ministère s’avère nécessaire. Le personnel ministériel a aussi reconnu que les rapports d’incidents contiennent souvent peu de renseignements utiles. Un employé nous a dit que les rapports d’incidents « sont plutôt anémiques. Ils sont plutôt dépouillés. » Un autre nous a déclaré sans ambages qu’il ne comprenait pas l’intérêt d’examiner des milliers de rapports chaque mois car « les rapports d’incidents ne sont pas bons pour informer le bureau régional des problèmes à examiner ».
131 Un ancien employé nous a parlé d’un incident au cours duquel un fournisseur de SMU avait contacté l’Unité des services d’enquête au sujet d’une enquête à laquelle le service travaillait depuis des mois. Le fournisseur de SMU avait découvert que certains ambulanciers avaient omis de remplir des documents importants et obligatoires au sujet de leurs appels de service. Selon le fournisseur de SMU, ce problème était apparu quand une femme avait appelé de Chine pour demander des renseignements sur le décès de son fils. Lorsque le fournisseur de SMU avait commencé à rechercher des documents sur l’incident, il avait découvert que ses ambulanciers avaient omis de remplir des documents importants. Le fournisseur de SMU savait que ce type de problème devait être signalé au Ministère, mais quand il avait rempli un rapport d’incident, il avait simplement indiqué ceci : « Une femme a appelé de Chine à propos de son fils… ». Faute de contexte, le bureau régional n’avait pas compris la gravité du problème et n’avait pas jugé qu’il méritait une enquête plus approfondie.
132 Nous avons aussi entendu dire à plusieurs reprises que les employés des bureaux régionaux n’avaient aucune directive sur les points qu’ils devaient rechercher dans les rapports d’incidents. Nous avons appris qu’il n’existe pas de politique écrite pour définir comment examiner les rapports d’incidents, et quand les faire remonter à l’Unité des services d’enquête du Ministère. Le personnel nous a dit qu’il se fiait à son expérience pour cerner les problèmes qui pourraient exiger un examen plus approfondi de la part du Ministère. Certes, l’expérience est un atout précieux, mais elle ne mène pas à des résultats cohérents. Par exemple, nous avons entendu dire qu’au lieu de faire remonter les rapports et les incidents à l’Unité des services d’enquête, certains gestionnaires de bureaux régionaux faisaient leurs propres « mini » enquêtes et travaillaient directement avec les fournisseurs de SMU et les centres de répartition pour régler les problèmes. Certains ont suggéré que cette façon de procéder faisait partie de la position officieuse du Ministère, qui souhaite travailler en collaboration avec les intervenants au lieu de jouer un rôle de surveillance plus strict.
133 Nous avons aussi entendu parler d’un cas où, en raison de changements de personnel, un adjoint administratif sans connaissance de ce sujet avait été chargé d’examiner les rapports d’incidents d’un bureau régional particulier. Le Ministère a reconnu que l’adjoint administratif savait uniquement « trier et classer » les rapports d’incidents, et peut-être repérer les infractions « flagrantes ».
134 Cependant, notre enquête a révélé que même les problèmes les plus flagrants signalés dans des rapports d’incidents pouvaient ne pas être communiqués à l’Unité des services d’enquête du Ministère. Un haut fonctionnaire du Ministère nous a dit que, d’après son expérience, l’Unité n’avait jamais reçu de rapport d’incident signalant un problème d’un bureau régional. D’autres employés se sont souvenus d’avoir reçu des rapports alors qu’ils étaient en fonction, mais ils ont déclaré que les rapports dataient souvent de trois à six mois quand ils étaient transmis par les bureaux régionaux. Nous avons appris que l’Unité des services d’enquête est rarement – voire jamais – informée d’un problème par le biais d’un rapport d’incident envoyé par le personnel d’un bureau régional.
135 Les fournisseurs de SMU, Ornge et les centres de répartition sont également frustrés du manque de réponse à leurs rapports d’incidents. Le personnel d’Ornge a déclaré qu’il ne recevait jamais de commentaires ou de questions sur les rapports qu’il soumet, et il s’est interrogé quant à la valeur du processus. Un fournisseur de SMU nous a dit qu’en trois ans, il avait reçu zéro commentaire du bureau régional. Il n’était pas certain de la raison pour laquelle le service se donnait la peine de présenter des rapports, soulignant « qu’ils finissaient tout simplement aux oubliettes ».
136 De toute évidence, les fournisseurs de SMU, les centres de répartition, les bureaux régionaux et l’Unité des services d’enquête du Ministère ont connaissance des problèmes liés au processus de rapports d’incidents. Presque toutes les personnes avec lesquelles nous avons parlé s’inquiétaient de ce processus et avaient des idées sur la manière de l’améliorer. Les principales suggestions prônaient la réduction du nombre de rapports d’incidents, l’augmentation des détails à fournir et l’élaboration de politiques précises définissant le processus d’examen et de transmission des rapports. Après l’ouverture de notre enquête, le Ministère a entamé un examen du processus de rapports d’incidents, mais les progrès ont été lents, et nous avons appris qu’il n’y avait toujours pas de « proposition structurée » en vue de changements plus importants.
137 Compte tenu de la gravité des problèmes liés au processus de rapports d’incidents, le Ministère doit donner la priorité aux efforts de modernisation. Plus important encore, le Ministère devrait évaluer les exigences en matière de rapports d’incidents, en consultation avec les intervenants, afin de réduire le nombre total de rapports d’incidents soumis. Le Ministère devrait également élaborer une méthode pour trier rapidement les rapports en fonction du type d’incident signalé et de la gravité du problème. De plus, il devrait prendre des mesures pour garantir que les rapports d’incidents sont examinés en temps utile par des personnes compétentes en médecine d’urgence et en procédures de répartition. Le Ministère devrait déterminer si les rapports d’incidents peuvent être examinés plus efficacement par les bureaux régionaux ou par l’Unité des services d’enquête, et veiller à ce que l’entité choisie dispose de ressources suffisantes pour faire face à la charge de travail.
138 Le Ministère devrait aussi élaborer des directives claires sur l’examen des rapports d’incidents. Ces directives devraient préciser ce que l’examinateur est censé évaluer, et indiquer comment et quand faire remonter des problèmes particuliers. Le Ministère devrait veiller à ce que les fournisseurs de SMU, les centres de répartition, les bases hospitalières et Ornge donnent suffisamment de renseignements dans leurs rapports d’incidents pour faciliter cet examen. Le Ministère devrait aussi créer une base de données qui permette de suivre et d’examiner les rapports d’incidents afin de détecter les problèmes systémiques dans chaque organisme, et partout dans la province. Il devrait analyser le nombre et le type de rapports d’incidents soumis, et utiliser ces renseignements pour orienter l’élaboration des politiques, la formation du personnel et les enquêtes futures. Ces changements contribueront à transformer le processus de rapports d’incidents, qui cessera d’être un exercice inefficace de paperasserie pour devenir une méthode fondamentale d’action grâce à laquelle le Ministère pourra superviser la prestation des services d’ambulance.
Recommandation 34
Le Ministère devrait évaluer les exigences actuelles en matière de rapports d’incidents, en consultation avec les intervenants, pour garantir que les rapports d’incidents constituent un mécanisme de surveillance efficace et pour réduire le nombre de rapports d’incidents rédigés et soumis au Ministère qui n’apportent aucune contribution sur le plan de la surveillance.
Recommandation 35
Le Ministère devrait élaborer une méthode pour trier rapidement les rapports d’incidents en fonction du type d’incident signalé et de la gravité du problème.
Recommandation 36
Le Ministère devrait concevoir des procédures pour garantir que les rapports d’incidents sont examinés en temps utile par des personnes compétentes en médecine d’urgence et en procédures de répartition.
Recommandation 37
Le Ministère devrait entreprendre d’examiner et d’élaborer un processus, en consultation avec les parties prenantes internes et externes, pour que les rapports d’incidents puissent être examinés plus efficacement par les bureaux régionaux ou l’Unité des services d’enquête. Le Ministère devrait également veiller à ce que l’entité choisie dispose de ressources suffisantes et reçoive la formation nécessaire pour faire face à la charge de travail.
Recommandation 38/h5>
Le Ministère devrait élaborer des directives claires sur l’examen des rapports d’incidents. Ces directives devraient préciser clairement ce que l’examinateur est censé évaluer, et indiquer comment et quand faire remonter des problèmes particuliers.
Recommandation 39
Le Ministère devrait veiller à ce que les fournisseurs de SMU, les centres de répartition, les bases hospitalières et Ornge donnent suffisamment de renseignements dans leurs rapports d’incidents pour faciliter un examen efficace.
Recommandation 40
Le Ministère devrait créer une base de données qui permette de suivre et d’examiner les rapports d’incidents afin de détecter les problèmes systémiques dans chaque organisme et partout dans la province. En outre, le Ministère devrait analyser le nombre et le type de rapports d’incidents soumis, et utiliser ces renseignements pour orienter l’élaboration des politiques, la formation du personnel et les enquêtes futures.
139 Notre enquête a également révélé que de nombreux obstacles empêchent les plaintes sur les services d’ambulance de tout simplement arriver au Ministère. Beaucoup d’organismes prennent part à la prestation des services d’ambulance, chacun ayant sa propre procédure interne de traitement des plaintes. Bien des gens se tournent sans doute vers eux, sans savoir que le Ministère est une option. Le Ministère n’a pas de procédure en place pour faire en sorte que ces plaintes soient communiquées à son Unité des services d’enquête.
140 Même quand des personnes parviennent à contacter directement l’Unité des services d’enquête du Ministère, la communication peut laisser à désirer. Souvent, les plaignants n’obtiennent aucun renseignement sur le mandat ou le processus d’enquête du Ministère, si bien qu’ils n’ont aucune idée de ce qui peut faire l’objet d’une enquête, ou non. Le personnel du Ministère nous a dit que, bien souvent, les plaignants ne sont pas contactés du tout par les enquêteurs, ou n’obtiennent pas de copie du rapport final d’enquête.
141 Quand quelqu’un veut porter plainte au sujet d’un service d’ambulance, il ne lui est guère facile de savoir vers qui se tourner. Certaines personnes se plaignent directement auprès des fournisseurs de SMU ou des centres de répartition, tandis que d’autres s’adressent au bureau du ministère de la Santé ou à leur député provincial local, aux bases hospitalières ou aux organismes d’intervenants comme les syndicats d’ambulanciers. Même les bureaux régionaux, dont le personnel n’a pas de rapport direct avec le public, reçoivent parfois des plaintes.
142 Un professionnel de la santé spécialisé dans les services d’urgence l’a dit carrément :
C’est un grand fatras en Ontario. Fondamentalement, les gens ne savent pas à qui se plaindre, à qui parler. Parfois, ils contactent les services paramédicaux. Parfois, ils contactent le [Ministère]. Parfois ils contactent la base hospitalière. Parfois ils contactent les services, et les services transmettent la plainte à la base hospitalière. Parfois les services transmettent la plainte au [Ministère].
143 Il n’y a aucune cohérence dans la manière dont ces organismes traitent les plaintes qu’ils reçoivent. Les fournisseurs de SMU sont censés signaler toutes les plaintes au Ministère, par l’intermédiaire de leur bureau régional. Notre enquête a révélé que ce n’est pas toujours le cas, et même lorsque cela se produit, il y a souvent de longs délais avant que l’information ne parvienne à l’Unité des services d’enquête. Généralement, les fournisseurs de SMU enquêtent eux-mêmes sur ces plaintes, sans aucune supervision ou orientation de la part du Ministère.
144 Quand des plaintes sont déposées auprès d’autres organismes, y compris auprès des centres de répartition, ceux-ci n’ont pas clairement l’obligation de les signaler au Ministère. De nombreuses plaintes ne sont jamais transmises à l’Unité des services d’enquête du Ministère, pour examen, ce qui nuit à l’efficacité de sa surveillance.
145 Comme il n’y a pas d’obligation de signaler les plaintes directement à l’Unité des services d’enquête, les politiques internes et les relations organisationnelles peuvent faire obstacle à une surveillance efficace. Un intervenant nous a parlé d’un incident où un patient est mort en attendant dans l’ambulance un lit d’hôpital. Nous avons été informés que ce cas avait été signalé à plusieurs reprises au bureau régional, qui avait répondu qu’il avait toute latitude pour décider s’il devait envoyer une plainte à l’Unité des services d’enquête, pour examen, et que ce cas ne serait pas transmis. Des mois plus tard, l’intervenant a pris contact indépendamment avec l’Unité des services d’enquête, ce qui a conduit à l’ouverture d’une enquête par le Ministère. Peu après, l’employeur de l’intervenant a demandé le retrait de la plainte, car « il ne voulait pas faire de vagues ». L’intervenant a acquiescé à cette demande et le Ministère a clos son enquête ; l’enquête a été rouverte par la suite.
146 Comme les plaintes sont envoyées à plusieurs organismes différents, sans surveillance centrale, le Ministère n’est pas en mesure de faire un suivi du nombre total de plaintes déposées à l’échelle de la province. Quand nous avons demandé combien de plaintes le Ministère recevait chaque année, celui-ci nous a répondu – 121 en 2016 et 97 en 2017 – mais il a indiqué que ce nombre était limité en raison de la qualité de ses données. Le Ministère, les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et les bases hospitalières ne conservent pas de statistiques complètes sur les plaintes concernant les services d’ambulance. Quand ils gardent des statistiques fragmentaires, elles ne sont pas partagées entre les parties prenantes concernées. Le Ministère n’est donc pas en mesure de suivre ou d’analyser les tendances à l’échelle de toute la province.
147 Même quand des personnes envoient leur plainte à quelqu’un au ministère de la Santé, rien ne garantit qu’elle sera transmise à l’Unité des services d’enquête. Le Ministère est vaste et compte des milliers d’employés dans de nombreux bureaux différents. Notre enquête a révélé qu’aucune procédure n’est en place pour garantir que les plaintes envoyées à un mauvais bureau du Ministère sont rapidement transmises à l’Unité des services d’enquête.
148 La surveillance exercée par le Ministère sur les services d’ambulance se trouve considérablement compromise si la plupart des plaintes ne parviennent jamais à l’Unité des services d’enquête. Le Ministère dispose de peu d’information sur les sujets de plaintes du public, ou sur les tendances qui peuvent exister dans la province. Il devrait instaurer une procédure indiquant clairement que les fournisseurs de SMU et les centres de répartition sont tenus de signaler toutes les plaintes directement à l’Unité des services d’enquête du Ministère. Le Ministère devrait aussi veiller à ce que les autres organismes internes et externes, susceptibles de recevoir des plaintes sur les services d’ambulance, soient informés de la manière de transmettre ces plaintes directement à son Unité des services d’enquête.
149 Le Ministère devrait non seulement veiller à ce que les plaintes soient transmises aux enquêteurs, mais il devrait aussi mettre en place un cadre cohérent de suivi et d’examen de ces plaintes, et s’assurer que l’Unité des services d’enquête dispose des ressources nécessaires pour effectuer ce travail. Ce processus garantira que les enquêteurs sont informés des plaintes et que le Ministère pourra effectuer des analyses complètes des tendances de plaintes dans toute la province.
Recommandation 41
Le Ministère devrait instaurer une procédure indiquant clairement que les fournisseurs de SMU et les centres de répartition sont tenus de fournir directement, et sans délai, à l’Unité des services d’enquête du Ministère des renseignements sur toutes les plaintes reçues par eux.
Recommandation 42
Le Ministère devrait veiller à ce que tous les organismes internes et externes susceptibles de recevoir des plaintes sur les services d’ambulance soient informés de la manière de transmettre ces plaintes directement à son Unité des services d’enquête.
Recommandation 43
Le Ministère devrait mettre en place un cadre cohérent de suivi et d’examen des plaintes sur les services d’ambulance.
Recommandation 44
Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité des services d’enquête soit dotée de ressources suffisantes pour examiner, suivre et analyser les plaintes sur les services d’ambulance terrestre.
150 La surveillance exercée par le Ministère sur les services d’ambulance aérienne d’Ornge souffre de nombreux problèmes similaires à ceux rencontrés dans les autres domaines de sa surveillance. Contrairement au Ministère, Ornge donne des renseignements clairs dans son site Web sur la manière de porter plainte auprès de lui. Les enquêtes sur ces plaintes sont menées par son unité interne de normes professionnelles. Toutefois, le Ministère n’est pas systématiquement informé de ces plaintes, ni des conclusions des enquêtes internes d’Ornge, à moins d’en avoir pris connaissance indépendamment et d’avoir demandé à Ornge d’en connaître les résultats. Pourtant, l’entente de rendement conclue en 2012 avec Ornge exige que cet organisme avise le Ministère des plaintes reçues et fournisse des renseignements sur ses enquêtes à leur sujet. Étant donné qu’Ornge n’est pas contraint par le Ministère de respecter cette exigence, il lui appartient de s’astreindre à se conformer aux règles, avec peu ou pas de surveillance indépendante.
151 Le Ministère devrait instaurer une procédure indiquant clairement qu’Ornge est tenu de fournir directement à l’Unité de surveillance des ambulances aériennes du Ministère des renseignements sur toutes les plaintes reçues et sur les enquêtes entreprises, sans délai. L’Unité de surveillance devrait coordonner ses activités avec l’Unité des services d’enquête, afin d’établir un cadre clair de suivi et d’examen de ces plaintes, conforme au cadre qui existe pour les services d’ambulance terrestre. Le Ministère devrait veiller à ce que ces unités soient dotées de ressources suffisantes pour effectuer ce travail.
Recommandation 45
Le Ministère devrait instaurer une procédure indiquant clairement qu’Ornge est tenu de fournir directement à l’Unité de surveillance des ambulances aériennes du Ministère des renseignements sur toutes les plaintes reçues et sur les enquêtes entreprises, sans délai.
Recommandation 46
L’Unité de surveillance des ambulances aériennes devrait coordonner ses activités avec l’Unité des services d’enquête afin d’établir un cadre clair de suivi et d’examen des plaintes sur les ambulances aériennes, conforme au cadre qui existe pour les services d’ambulance terrestre.
Recommandation 47
Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité de surveillance des ambulances aériennes et l’Unité des services d’enquête soient dotées de ressources suffisantes pour examiner, suivre et analyser les plaintes sur les services d’ambulance aérienne.
152 Il est probable que la raison pour laquelle les plaignants s’adressent à d’autres organismes est qu’ils ont beaucoup de mal à savoir comment se plaindre directement à l’Unité des services d’enquête du Ministère. Le site Web du Ministère n’a aucune page d’information sur l’Unité et son mandat d’enquête. Seuls quelques renseignements élémentaires sont inclus à une page générale pour les « services de santé d’urgence ». Cette page n’indique qu’une adresse électronique générale : [email protected].
153 Une personne qui a porté plainte auprès de notre Bureau – une infirmière diplômée qui voulait se plaindre de sa propre expérience avec un fournisseur de SMU – nous a dit qu’il lui avait fallu environ quatre heures de recherche sur Internet pour trouver les coordonnées pertinentes au Ministère.
154 Le Ministère est au courant de la situation. Comme un haut fonctionnaire ministériel nous l’a déclaré :
Je comprends bien que le site Web du Ministère, et sa navigation, sont difficiles… C’est [difficile] pour moi. Alors j’ai du mal à imaginer ce que c’est pour une personne [qui] ne fait pas partie du Ministère.
Les intervenants connaissent ces mêmes préoccupations. Un important fournisseur de SMU nous a dit qu’un profil en ligne clair et accessible du Ministère serait salutaire, soulignant que même le personnel des SMU a du mal à trouver des coordonnées sur le site Web : « Un site Web plus transparent, même si ce n’était que pour les fournisseurs de services, serait utile. Un meilleur service à la clientèle. »
155 Les difficultés à porter plainte auprès de l’Unité des services d’enquête ont presque certainement un effet négatif sur le nombre de plaintes du public. En toute priorité, le Ministère devrait actualiser le contenu de son site Web pour y inclure une page de renseignements sur le processus à suivre par le public pour se plaindre des services de santé d’urgence. Cette page spéciale devrait donner des renseignements sur la manière de porter plainte et indiquer les coordonnées pour le faire.
Recommandation 48
En priorité, le Ministère devrait actualiser le contenu de son site Web pour y inclure une page de renseignements sur le processus à suivre par le public pour se plaindre des services de santé d’urgence. Cette page spéciale devrait donner des renseignements sur la manière de porter plainte et indiquer les coordonnées nécessaires pour le faire.
156 Quand les plaignants parviennent à contacter l’Unité des services d’enquête du Ministère, la manière dont ils sont traités et les renseignements qu’ils obtiennent laissent souvent à désirer.
157 Les enquêteurs n’entrent pas toujours en rapport avec les plaignants. Il n’existe pas de politique ou de pratique normalisée à cet égard. Nous avons constaté que lorsqu’un contact est établi, les renseignements communiqués aux plaignants manquent beaucoup de cohérence. Certains enquêteurs donnent un aperçu du processus d’enquête et de rapport, mais cette pratique n’est pas généralisée. Les enquêteurs ont aussi des opinions différentes sur les détails des renseignements à fournir au sujet du mandat d’enquête de l’Unité, et sur les aspects des plaintes qui ne relèvent pas de leur mandat. Ceci s’avère très problématique car de nombreuses plaintes du public, y compris des plaintes sur la conduite des ambulanciers, portent sur des questions qui ne relèvent pas du mandat du Ministère, selon l’interprétation qu’il en fait actuellement.
158 Notre enquête a également conclu que différents enquêteurs suivent des approches différentes en matière de communication avec les plaignants durant une enquête. Certains restent en contact, tandis que d’autres examinent le cas et n’ont pas d’autres contacts avec les plaignants.
159 De plus, il est peu probable que les plaignants soient informés de l’enquête du Ministère une fois qu’elle est terminée. Ils ne reçoivent pas de copie du rapport d’enquête, sauf s’ils en font la demande expressément par écrit au supérieur de l’enquêteur. Nous avons appris qu’en l’absence de contact de la part du Ministère, il appartient au plaignant de se renseigner d’une manière ou d’une autre sur la fin de l’enquête, afin de pouvoir demander le rapport d’enquête.
160 Un employé du Ministère, à qui nous avons demandé s’il y avait des discussions sur les résultats des enquêtes avec les plaignants, a fait ce commentaire : « Comment pourrait-il y en avoir? » Même les enquêteurs ne connaissent pas les résultats, a-t-il souligné. Nous avons été informés que, quand les enquêteurs ont fini un rapport et l’ont envoyé à leur supérieur, ils n’entendent souvent plus parler du dossier. Généralement, les enquêteurs ne savent pas si leur rapport a été modifié, ou si les problèmes signalés ont été réglés. De ce fait, les enquêteurs ne disposent d’aucun renseignement final à partager avec un plaignant.
161 Ce processus est loin d’être à la hauteur de celui suivi par des organismes similaires pour communiquer avec les plaignants. Par exemple, l’unité des services professionnels du Toronto Paramedic Service s’efforce de veiller à ce que les enquêteurs parlent systématiquement aux plaignants dans les 48 heures suivant la réception d’une plainte. Les plaignants obtiennent des renseignements sur le processus général d’enquête, savent à quoi s’attendre, et reçoivent un avis indiquant que la plainte a été transmise au Ministère. Un numéro de dossier est attribué à chaque plainte et une lettre de réception de la plainte est envoyée systématiquement. Cette lettre accuse réception de la plainte, résume les renseignements donnés par le plaignant et indique les coordonnées de l’enquêteur désigné. Une fois l’enquête terminée, le plaignant reçoit une lettre de clôture indiquant le résultat, mais n’obtient pas le rapport d’enquête. Le processus d’enquête interne d’Ornge comprend également des modes de communications similaires avec les plaignants.
162 Les personnes qui contactent le Ministère pour se plaindre de services d’ambulance devraient être contactées directement au sujet de leurs inquiétudes et à obtenir des renseignements sur les résultats. Le Ministère devrait élaborer une politique de service à la clientèle qui précise quand les plaignants seront contactés, et quels renseignements leur seront communiqués. En règle générale, le Ministère devrait fournir aux plaignants une copie du rapport d’enquête sur leurs préoccupations, expurgé comme il le faut pour protéger les renseignements personnels de tiers ou pour préserver l’intégrité du processus d’enquête. Les plaignants ne devraient pas avoir à demander le rapport par écrit au responsable des enquêtes. De plus, le Ministère devrait veiller à ce que son site Web donne des renseignements clairs sur les étapes du processus de plainte, le rôle et le mandat du Ministère, et les différents résultats possibles en cas d’enquête.
Recommandation 49
Le Ministère devrait élaborer une politique de service à la clientèle qui précise quand les plaignants seront contactés par les enquêteurs et quels renseignements leur seront communiqués.
Recommandation 50
En règle générale, le Ministère devrait fournir aux plaignants une copie du rapport d’enquête sur leurs préoccupations, avec toute expurgation nécessaire. Les plaignants ne devraient pas avoir à demander officiellement le rapport par écrit au responsable des enquêtes.
Recommandation 51
Le Ministère devrait veiller à ce que son site Web donne des renseignements clairs sur les étapes du processus de plainte, le rôle et le mandat du Ministère, et les différents résultats possibles en cas d’enquête.
163 De plus, le système de plainte du Ministère ne comprend pas de processus qui permette aux plaignants de faire remonter leur plainte s’ils ne sont pas satisfaits d’une enquête du Ministère. Nous avons été informés que le Ministère décide cas par cas de la manière de traiter ces demandes. Selon le problème, il peut renvoyer l’affaire à une tierce partie pour examen, ou procéder lui-même à un réexamen de son enquête. Le Ministère ne donne pas de renseignements aux plaignants sur les questions visées par le nouvel examen, ou sur les résultats possibles. Le processus de remontée des plaintes semble dépendre de la persistance avec laquelle les plaignants insistent pour faire entendre leurs préoccupations.
164 Au lieu de traiter cas par cas les plaignants mécontents, le Ministère devrait instaurer une politique pour examiner les demandes des membres du public qui ne sont pas satisfaits des enquêtes menées par l’Unité des services d’enquête du Ministère. Le Ministère devrait veiller à ce que cette politique définisse la portée et les limites du processus d’examen, et stipule que ces renseignements doivent être communiqués aux plaignants qui demandent un examen.
Recommandation 52
Le Ministère devrait instaurer une politique pour examiner les demandes des membres du public qui ne sont pas satisfaits des enquêtes menées par l’Unité des services d’enquête du Ministère. Le Ministère devrait veiller à ce que cette politique définisse la portée et les limites du processus d’examen, et stipule que ces renseignements doivent être communiqués aux plaignants qui demandent un examen.
165 Peu d’Ontariens qui appellent le 911 comprennent la complexité du système auquel ils vont avoir affaire. Peu d’entre eux sauront, ou se soucieront de savoir, quel SMU leur vient en aide, le nom des ambulanciers qui les assistent, la base hospitalière dont ceux-ci relèvent, ou le bureau régional qui les supervise. Un nombre encore plus restreint d’Ontariens sauront si les soins qu’ils reçoivent de ces ambulanciers répondent aux normes établies par la province.
166 En tant que membres du public, nos interactions avec le système préhospitalier de santé d’urgence reposent beaucoup sur la confiance. Nous faisons confiance au ministère de la Santé, chargé de financer et de réglementer tous les aspects des services d’ambulance, pour qu’il contrôle et supervise ce système d’un coût de 1,5 milliard $. Nous faisons confiance à tous ceux qui participent à la fourniture des services d’ambulance – du répartiteur jusqu’à l’ambulancier – pour qu’ils se conforment à la loi, et au Ministère pour qu’il veille à faire rendre des comptes à ces intervenants. Nous faisons confiance au système pour que, si nous avons des inquiétudes, un processus clair et transparent puisse venir y apporter réponse. Malheureusement, une grande partie de cette confiance est mal placée.
167 Mon enquête a révélé de nombreux problèmes concernant l’adéquation et l’efficacité de la surveillance exercée par le Ministère sur les services de santé d’urgence. Nous avons conclu que, bien que le Ministère dispose de toute une unité consacrée à l’examen des plaintes sur les services d’ambulance, son mandat est limité et son processus d’enquête présente de graves lacunes. Même lorsque des problèmes sont découverts et signalés, il n’existe pas de mécanisme efficace pour veiller à ce que les fournisseurs de services les règlent.
168 De plus, le système destiné à alerter le Ministère des plaintes, des incidents et des événements inhabituels est dysfonctionnel et inadapté à son objectif. Le Ministère est submergé par des centaines de milliers de rapports d’incidents chaque année, sans aucun moyen efficace de les examiner pour déterminer ceux qui requièrent une enquête plus approfondie. Les rapports d’incidents sont censés aider le Ministère à superviser le système des services de santé d’urgence, mais ce processus le rend presque complètement inopérant.
169 Le plus inquiétant, c’est que mon enquête a révélé des obstacles presque insurmontables qui empêchent le public de se plaindre des soins de santé d’urgence. Le Ministère n’a pas de procédure clairement définie qui permette au public de se plaindre des services d’ambulance. Le public doit se contenter d’utiliser les coordonnées ministérielles qu’il parvient à trouver, et d’espérer que sa plainte sera transmise à la bonne unité. Si une plainte parvient à l’Unité des services d’enquête, le Ministère ne fait pas grand-chose pour s’assurer que les plaignants comprennent le mandat ou le processus de cette unité. La plupart des plaignants ne sont même pas informés des résultats de leur dossier.
170 Bien que de multiples organismes participent à la prestation et à la supervision des services de santé d’urgence, c’est le Ministère qui a la responsabilité première de s’assurer que les soins de santé d’urgence aux patients sont conformes à la loi et aux normes de service. Le Ministère a négligé la sécurité des patients en omettant de surveiller adéquatement les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et Ornge.
171 Par conséquent, je suis d’avis que le processus administratif mis en place par le ministère de la Santé pour enquêter sur les plaintes des patients et les rapports d’incidents au sujet des services d’ambulance, et pour en faire un suivi, est déraisonnable et erroné en vertu des alinéas 21 (1) b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.
172 Je m’engage à suivre les efforts faits par le Ministère pour répondre à mes préoccupations, et à veiller à ce que des mesures concrètes soient prises pour régler ces problèmes.
Recommandation 53
Le Ministère devrait faire rapport à mon Bureau dans six mois sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de mes recommandations, puis à intervalles de six mois, jusqu’à ce que je sois convaincu qu’il a pris des mesures adéquates pour les appliquer.
173 Je fais ces recommandations dans le but d’améliorer la surveillance exercée sur les services d’ambulance d’urgence, et donc la sécurité des patients, en Ontario :
Recommandation 1
Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité des services d’enquête interprète son mandat d’enquête de manière large et ciblée, conformément au cadre de surveillance prévu par la Loi sur les ambulances et les normes connexes.
Recommandation 2
Le Ministère devrait indiquer à ses enquêteurs que les questions liées à la conduite des ambulanciers relèvent du mandat d’enquête du Ministère, dans le but de déterminer si une allégation pourrait révéler une infraction à la norme de conduite des ambulanciers énoncée dans le document Basic Life Support Patient Care Standards.
Recommandation 3
Le Ministère devrait envisager des modifications législatives ou réglementaires à la Loi sur les ambulances garantissant que l’Unité des services d’enquête dispose du pouvoir de prendre en compte et de faire appliquer toutes les directives et/ou politiques locales lorsqu’elle enquête sur des plaintes en vertu de la Loi sur les ambulances.
Recommandation 4
L’Unité des services d’enquête du Ministère devrait s’efforcer, dans toute la mesure du possible, d’interroger chaque plaignant qui signale un problème au Ministère.
Recommandation 5
L’Unité des services d’enquête du Ministère devrait interroger, dans toute la mesure du possible, les témoins tiers pertinents, comme les membres de la famille et les passants, quand de telles entrevues s’avèrent pertinentes pour les préoccupations du plaignant. Si une plainte est déposée par une personne autre que le patient, le Ministère devrait veiller à ce que le patient soit interrogé, dans toute la mesure du possible.
Recommandation 6
L’Unité des services d’enquête du Ministère devrait interroger les ambulanciers, les répartiteurs et les autres professionnels concernés, dans toute la mesure du possible, dans tous les cas où ils peuvent disposer de renseignements importants liés à une plainte, indépendamment de l’existence des preuves documentaires.
Recommandation 7
Le Ministère devrait élaborer et instaurer un système de gestion des cas d’enquête qui permette aux enquêteurs de documenter pleinement chaque enquête, incluant tous les contacts, notes, entrevues et documents pertinents pour chaque dossier d’enquête.
Recommandation 8
Le Ministère devrait veiller à ce que le système de gestion des cas permette au personnel de cerner et de suivre des questions ou des tendances spécifiques qui se dégagent de ses enquêtes.
Recommandation 9
Le Ministère devrait adopter un format clair et standard pour les rapports d’enquête, comprenant des renseignements sur le processus d’enquête et sur les preuves spécifiques examinées.
Recommandation 10
Les rapports publiés par l'Unité des services d'enquête du Ministère devraient faire des recommandations précises visant à résoudre tout problème soulevé.
Recommandation 11
Le Ministère devrait veiller à ce que toutes les étapes du processus d’enquête s’appuient sur des ressources suffisantes pour que les enquêtes puissent être menées à bien dans les délais impartis.
Recommandation 12
Le Ministère devrait établir des échéanciers précis pour la durée de chaque étape du processus d’enquête et d’examen. Le Ministère devrait surveiller en permanence ses progrès par rapport à cette norme et prendre des mesures rectificatives au besoin.
Recommandation 13
Le Ministère devrait élaborer et instaurer une procédure de suivi de tous les problèmes soulevés au cours des enquêtes, y compris les problèmes cernés dans des enquêtes menées par les fournisseurs de SMU, les centres de répartition et Ornge. La procédure devrait définir clairement les rôles, les responsabilités et les échéanciers, et déterminer des critères pour traiter de manière satisfaisante les problèmes à régler. La procédure devrait énoncer les mesures correctives qui seront prises, ainsi que les conséquences si le Ministère n’était pas satisfait des mesures prises par le fournisseur de services.
Recommandation 14
Pour les services d’ambulance terrestre, la nouvelle procédure de suivi devrait être gérée par une unité centralisée, comme l’Unité des services d’enquête, qui possède une vaste expérience en la matière et dispose de la capacité à mener et à suivre des analyses de tendance dans toute la province. Pour les services d’ambulance aérienne, l’Unité de surveillance des ambulances aériennes devrait être chargée de ce mandat de surveillance spécialisée. Dans chaque cas, le Ministère devrait veiller à ce que les unités de surveillance disposent des ressources humaines et de l’infrastructure technologique nécessaires pour effectuer ce travail.
Recommandation 15
Le Ministère devrait exiger que les fournisseurs de SMU, les bases hospitalières et les centres de répartition communiquent toute mesure disciplinaire prise à la suite d’une enquête. Le Ministère devrait veiller à ce que ces renseignements soient enregistrés dans les bases de données ministérielles sur les accréditations.
Recommandation 16
Le Ministère devrait veiller à ce que les renseignements sur l’inconduite d’ambulanciers et de répartiteurs soient communiqués au personnel du Ministère qui devrait en être informé, y compris à l’Unité des services d’enquête.
Recommandation 17
Le Ministère devrait faire des recherches sur des modifications de loi, et envisager de les apporter, pour lui permettre d’obtenir les conclusions négatives concernant des ambulanciers et des répartiteurs, et de les partager avec les organismes concernés, y compris avec des employeurs éventuels de SMU.
Recommandation 18
Tout en restant conscient de ses obligations en matière de protection de la vie privée, le Ministère devrait partager des conclusions générales ou anonymisées et des pratiques exemplaires avec les intervenants concernés, afin que les autres fournisseurs de services puissent prendre des mesures proactives pour traiter tout problème similaire au sein de leur organisme.
Recommandation 19
Le Ministère devrait veiller à ce que tous les organismes visés par une enquête aient la possibilité d’examiner une version préliminaire de tout rapport contenant des conclusions négatives ou des recommandations à leur sujet. L’organisme concerné devrait avoir la possibilité de répondre par écrit, et le Ministère devrait tenir compte de cette réponse avant d’achever son rapport. Le cas échéant, le Ministère devrait envisager d’inclure la réponse écrite de l’organisme à son rapport final.
Recommandation 20
Le Ministère devrait veiller à ce que toute modification apportée à ses rapports préliminaires soit fondée sur un examen approfondi des preuves disponibles. La raison de tels changements devrait être soigneusement documentée par écrit dans le dossier d’enquête du Ministère.
Recommandation 21
Le Ministère devrait élaborer et parachever un protocole d’enquête. Ce protocole devrait notamment décrire les processus de traitement des plaintes et d’enquête de l’Unité des services d’enquête. Le protocole devrait clairement définir les critères à appliquer pour déterminer si le Ministère enquêtera sur une plainte, ou la transmettra au fournisseur de SMU ou au centre de répartition concerné en vue d’une enquête, et préciser le rôle du Ministère dans la supervision de l’enquête d’un autre organisme.
Recommandation 22
Le protocole des services d’enquête du Ministère devrait être communiqué à tous les enquêteurs du Ministère. Le Ministère devrait veiller à ce que les enquêteurs actuels et les nouveaux enquêteurs reçoivent une formation complète à ce protocole.
Recommandation 23
Le Ministère devrait élaborer un programme officiel de formation et de mentorat pour les nouveaux enquêteurs. Ce programme de formation devrait être documenté dans un guide officiel d’orientation, et communiqué à tous les enquêteurs.
Recommandation 24
Le Ministère devrait veiller à ce que les enquêteurs puissent consulter des experts et soient encouragés à s’en remettre à eux durant leurs enquêtes.
Recommandation 25
Le Ministère devrait procéder à un examen du roulement de personnel et des postes vacants dans ses services d’enquête et de surveillance, afin de mieux comprendre leur cause sous-jacente. Une fois ces problèmes cernés, le Ministère devrait prendre des mesures pour y remédier.
Recommandation 26
Le Ministère devrait veiller à pourvoir tous les postes de surveillance sans délai, car les postes vacants nuisent à la rapidité et à l’efficacité des examens des services d’ambulance.
Recommandation 27
Le Ministère devrait veiller à ce que son personnel et les intervenants comprennent bien les rôles et les responsabilités de chaque unité qui contribue à la surveillance des services de santé d’urgence.
Recommandation 28
ALe Ministère devrait consulter le personnel des unités concernées pour déterminer quels obstacles nuisent à l’efficacité des communications et prendre des mesures pour répondre à ces préoccupations.
Recommandation 29
Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité des services d’enquête puisse communiquer librement avec les autres unités du Ministère dans le cadre de son mandat d’enquête. Les enquêteurs ne devraient pas avoir à demander une autorisation spéciale avant de contacter le personnel des bureaux régionaux.
Recommandation 30
Le Ministère devrait prendre des mesures pour s’assurer que tous les organismes tenus de soumettre des rapports d’incidents comprennent et interprètent correctement ces exigences, y compris pour les types d’incidents à signaler et les échéanciers pour le faire. Le Ministère devrait préciser tout particulièrement que toutes les plaintes et les enquêtes internes sur les plaintes doivent être signalées dans un rapport d’incident.
Recommandation 31
Le Ministère devrait veiller à suivre et vérifier le respect des obligations de déclaration d’incident par chaque organisme. Si un organisme ne soumet pas les rapports requis, le Ministère devrait prendre les mesures pour y remédier, et notamment mener une enquête le cas échéant.
Recommandation 32
Le Ministère devrait travailler avec les intervenants concernés pour concevoir et appliquer un modèle normalisé de rapports d’incidents à utiliser par tous les fournisseurs de services de santé d’urgence.
Recommandation 33
Le Ministère devrait travailler avec les intervenants pour concevoir une méthode de communication électronique des rapports d’incidents, quelles que soient la grandeur ou les ressources d’un organisme.
Recommandation 34
Le Ministère devrait évaluer les exigences actuelles en matière de rapports d’incidents, en consultation avec les intervenants, pour garantir que les rapports d’incidents constituent un mécanisme de surveillance efficace et pour réduire le nombre de rapports d’incidents rédigés et soumis au Ministère qui n’apportent aucune contribution sur le plan de la surveillance.
Recommandation 35
Le Ministère devrait élaborer une méthode pour trier rapidement les rapports d’incidents en fonction du type d’incident signalé et de la gravité du problème.
Recommandation 36
Le Ministère devrait concevoir des procédures pour garantir que les rapports d’incidents sont examinés en temps utile par des personnes compétentes en médecine d’urgence et en procédures de répartition.
Recommandation 37
Le Ministère devrait entreprendre d’examiner et d’élaborer un processus, en consultation avec les parties prenantes internes et externes, pour que les rapports d’incidents puissent être examinés plus efficacement par les bureaux régionaux ou l’Unité des services d’enquête. Le Ministère devrait également veiller à ce que l’entité choisie dispose de ressources suffisantes et reçoive la formation nécessaire pour faire face à la charge de travail.
Recommandation 38
Le Ministère devrait élaborer des directives claires sur l’examen des rapports d’incidents. Ces directives devraient préciser clairement ce que l’examinateur est censé évaluer, et indiquer comment et quand faire remonter des problèmes particuliers.
Recommandation 39
Le Ministère devrait veiller à ce que les fournisseurs de SMU, les centres de répartition, les bases hospitalières et Ornge donnent suffisamment de renseignements dans leurs rapports d’incidents pour faciliter un examen efficace.
Recommandation 40
Le Ministère devrait créer une base de données qui permette de suivre et d’examiner les rapports d’incidents afin de détecter les problèmes systémiques dans chaque organisme et partout dans la province. En outre, le Ministère devrait analyser le nombre et le type de rapports d’incidents soumis, et utiliser ces renseignements pour orienter l’élaboration des politiques, la formation du personnel et les enquêtes futures.
Recommandation 41
Le Ministère devrait instaurer une procédure indiquant clairement que les fournisseurs de SMU et les centres de répartition sont tenus de fournir directement, et sans délai, à l’Unité des services d’enquête du Ministère des renseignements sur toutes les plaintes reçues par eux.
Recommandation 42
Le Ministère devrait veiller à ce que tous les organismes internes et externes susceptibles de recevoir des plaintes sur les services d’ambulance soient informés de la manière de transmettre ces plaintes directement à son Unité des services d’enquête.
Recommandation 43
Le Ministère devrait mettre en place un cadre cohérent de suivi et d’examen des plaintes sur les services d’ambulance.
Recommandation 44
Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité des services d’enquête soit dotée de ressources suffisantes pour examiner, suivre et analyser les plaintes sur les services d’ambulance terrestre.
Recommandation 45
ALe Ministère devrait instaurer une procédure indiquant clairement qu’Ornge est tenu de fournir directement à l’Unité de la surveillance des ambulances aériennes du Ministère des renseignements sur toutes les plaintes reçues et sur les enquêtes entreprises, sans délai.
Recommandation 46
L’Unité de la surveillance des ambulances aériennes devrait coordonner ses activités avec l’Unité des services d’enquête afin d’établir un cadre clair de suivi et d’examen des plaintes sur les ambulances aériennes, conforme au cadre qui existe pour les services d’ambulance terrestre.
Recommandation 47
Le Ministère devrait veiller à ce que l’Unité de la surveillance des ambulances aériennes et l’Unité des services d’enquête soient dotées de ressources suffisantes pour examiner, suivre et analyser les plaintes sur les services d’ambulance aérienne.
Recommandation 48
En priorité, le Ministère devrait actualiser le contenu de son site Web pour y inclure une page de renseignements sur le processus à suivre par le public pour se plaindre des services de santé d’urgence. Cette page spéciale devrait donner des renseignements sur la manière de porter plainte et indiquer les coordonnées nécessaires pour le faire.
Recommandation 49
Le Ministère devrait élaborer une politique de service à la clientèle qui précise quand les plaignants seront contactés par les enquêteurs et quels renseignements leur seront communiqués.
Recommandation 50
En règle générale, le Ministère devrait fournir aux plaignants une copie du rapport d’enquête sur leurs préoccupations, avec toute expurgation nécessaire. Les plaignants ne devraient pas avoir à demander officiellement le rapport par écrit au responsable des enquêtes.
Recommandation 51
Le Ministère devrait veiller à ce que son site Web donne des renseignements clairs sur les étapes du processus de plainte, le rôle et le mandat du Ministère, et les différents résultats possibles en cas d’enquête.
Recommandation 52
Le Ministère devrait instaurer une politique pour examiner les demandes des membres du public qui ne sont pas satisfaits des enquêtes menées par l’Unité des services d’enquête du Ministère. Le Ministère devrait veiller à ce que cette politique définisse la portée et les limites du processus d’examen, et stipule que ces renseignements doivent être communiqués aux plaignants qui demandent un examen.
Recommandation 53
Le Ministère devrait faire rapport à mon Bureau dans six mois sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de mes recommandations, puis à intervalles de six mois, jusqu’à ce que je sois convaincu qu’il a pris des mesures adéquates pour les appliquer.
174 Le ministère de la Santé a eu l'occasion d'examiner et de commenter mes conclusions, avis et recommandations préliminaires. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en considération dans la préparation de mon rapport final.
175 Au nom du Ministère, la sous-ministre a accepté chacune de mes 53 recommandations et s'est engagée à faire de sorte que la surveillance des ambulances s’exerce davantage dans la transparence et la responsabilisation. Elle a également indiqué que le Ministère est déjà en train de donner réponse à 16 des recommandations, notamment celles qui concernent les protocoles d'enquête, les processus de suivi, ainsi que l'orientation et la formation des enquêteurs. La sous-ministre a également indiqué que le Ministère a entrepris un recrutement pour doter six postes supplémentaires au sein de l'Unité des services d’enquête de quatre postes supplémentaires au sein de l'Unité de la surveillance du Programme d’ambulances aériennes. Une copie de la réponse du Ministère est jointe en annexe à ce document.
176 J'apprécie la coopération du Ministère et de toutes les parties prenantes dans cette enquête, surtout à la lumière des circonstances difficiles imposées par la pandémie de COVID-19. Je suis encouragé par la réponse positive du Ministère à mon rapport et par son engagement à améliorer la responsabilisation et la transparence de sa surveillance des ambulances. Le Ministère a accepté de communiquer à mon Bureau des rapports d'étape semestriels, et nous surveillerons ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations.
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRéponse du ministère de la Santé (PDF accessible - en anglais)
[1] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletVerdict du jury du coroner (1er novembre 2018), Bureau du coroner en chef, en ligne.
[2] Les régions provinciales sont les suivantes : Centre-Est, Sud-Ouest et Nord. Le Centre-Est est la région la plus peuplée, englobant la région du Grand Toronto jusqu'à Ottawa. La région du Sud-Ouest couvre Hamilton, London, Windsor et la région de Niagara. La région du Nord commence autour de Parry Sound et comprend le reste du nord de l'Ontario.
[3] Comme indiqué au paragraphe 27, les médecins des bases hospitalières délèguent aux ambulanciers le droit d’accomplir des actes autorisés, comme l’administration de médicaments. Il incombe aux bases hospitalières, en collaboration avec les fournisseurs de SMU, d’établir des politiques concernant ces actes autorisés et de superviser cet aspect du comportement des ambulanciers. S’il se trouve qu’un ambulancier a enfreint ces politiques locales, c’est la base hospitalière, en collaboration avec le fournisseur de SMU – et non le Ministère – qui peut lui interdire de travailler.
[4] Vérificateur général, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRapport spécial : Services d’ambulance aérienne et services connexes d’Ornge (mars 2012), en ligne.
[5] Cela comprend la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, qui s’applique généralement aux organismes provinciaux, la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée, qui s’applique généralement aux organismes municipaux, et la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé, qui s’applique aux dépositaires de renseignements sur la santé.
[6] Il y a actuellement 61 services d’ambulance en Ontario.
[7] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRapport spécial : Services d’ambulance aérienne et services connexes d’Ornge (mars 2012), Bureau du Vérificateur général de l’Ontario, en ligne.
[8] Ontario Ambulance Documentation Standards, version 3.0; datée du 1er avril 2017.
[9] Les centres de répartition sont régis par le Manual of Practice for Ambulance Communications Officers of Central Ambulance Communications Centres, tandis qu’Ornge est régi par l’« Entente de rendement modifiée » entre la province et Ornge. Les bases hospitalières sont régies par leurs ententes de service avec le Ministère.