« Renforcer la désignation : Un travail collaboratif »
Enquête sur les coupes dans les programmes de langue française par l’Université Laurentienne dans le cadre de sa restructuration financière et sur l’administration de la désignation de l’université par les ministères des Affaires francophones et des Collèges et Universités
Kelly Burke
Mars 2022
Bureau de l'Ombudsman de l'Ontario - Unité des services en français
À propos de nous
L’Ombudsman est un officier indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario qui examine et règle plus de 20 000 plaintes par année du public sur des organismes du gouvernement provincial, ainsi qu’au sujet des services en français, de la protection de l’enfance, des municipalités, des universités et des conseils scolaires. Il n’infirme pas les décisions des représentant(e)s élu(e)s, et ne définit pas de politique publique, mais il fait des recommandations pour promouvoir l’équité, la transparence et la responsabilisation dans l’administration. Les recommandations de l’Ombudsman ont été massivement acceptées par le gouvernement, entraînant de nombreuses réformes.
La Commissaire aux services en français est nommée par l’Ombudsman (au niveau d’Ombudsman adjointe), comme l’exige la Loi sur les services en français. La Commissaire peut examiner les plaintes au sujet des services en français fournis par ou au nom des agences du gouvernement et des institutions de la législature. Ceci inclut les ministères, les conseils, certaines commissions et corporations, ainsi que les agences désignées dans le Règlement de l’Ontario 398/93. La Commissaire dirige l’Unité des services en français du Bureau de l’Ombudsman – équipe d’agent(e)s de règlement préventif et d’enquêteur(euse)s, qui bénéficie pleinement du soutien des équipes des services juridiques, des communications, des finances et des technologies de l’information et des ressources humaines du Bureau.
L’Ombudsman et la Commissaire sont tous les deux totalement indépendant(e)s du gouvernement, des partis politiques, des plaignant(e)s individuels(les) et des groupes d’intérêt. Il et elle ont le pouvoir de faire des recommandations et utilisent la persuasion morale – et non l’autorité légale – pour s’assurer que leurs recommandations sont acceptées. Ces recommandations sont fondées sur des preuves recueillies lors de l’évaluation des plaintes et de l’interaction avec le public, les organismes et les fonctionnaires gouvernementaux, ainsi que sur une analyse des textes de loi pertinents.
Contributeur(trice)s
Directeur des opérations, Unité des services en français
Enquêteuse principale
Enquêteuse
Agent(e)s de règlement préventif
- Marta Dolecki
- Yves-Étienne Massicotte
Gestionnaire, enquêtes et règlement préventif
Avocate principale
Avocate générale
Avocate
Stagiaire en droit
Conférence de presse :
Table des matières
1 L’Université Laurentienne a été établie à Sudbury en 1960 en tant qu’institution « biculturelle et bilingue », engagée à sauvegarder la langue et les cultures française et anglaise. Dès sa création, l’Université Laurentienne est devenue une institution francophone importante dans le nord de l’Ontario, offrant une vaste gamme de programmes et de services en français, uniques dans sa région.
2 Le 1er juillet 2014, l’Université Laurentienne est devenue la première université ontarienne désignée comme organisme gouvernemental en vertu de la Loi sur les services en français (LSF). La Loi donne le pouvoir au gouvernement de désigner, par voie réglementaire, des organismes publics offrant des services en français comme des organismes gouvernementaux.
3 À cette époque, la désignation de l’université était sans précédent et acclamée par la communauté franco-ontarienne. La désignation de l’Université Laurentienne a ancré sa réputation au sein de la communauté franco-ontarienne et a ouvert la porte de la désignation à d’autres établissements postsecondaires en Ontario comme l’Université d’Ottawa et l’Université York.
4 Aujourd’hui, le français occupe une place importante à l’Université Laurentienne, où environ 20 % des étudiantes et des étudiants sont inscrit(e)s dans un programme en français.
5 La désignation signifie que l’établissement postsecondaire doit respecter des obligations particulières. Les services énumérés dans le règlement de l’Ontario 398/93 doivent être offerts en français et ce, en permanence, et soumis à des limitations raisonnables et nécessaires. L’université peut toutefois demander à ce que sa désignation soit révoquée ou qu’un service soit exempté de la désignation, si ces changements s’avèrent raisonnables et nécessaires, et si un processus particulier est suivi.
6 En avril 2020, l’Université Laurentienne a annoncé faire face à d’importants défis financiers. Le 1er février 2021, l’établissement postsecondaire a annoncé publiquement qu’il entamait une procédure de restructuration sous supervision judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), une première pour une université publique en Ontario. L’université a affirmé que les déficits récurrents, la réduction et le gel des frais de scolarité des étudiants en 2019 et la pandémie, parmi un nombre d’autres facteurs, ont rendu cette procédure judiciaire nécessaire.
7 Le 9 février 2021, le Sénat de l’université a approuvé la création d’un sous-comité de médiation ayant pour mandat d’examiner les programmes et de fournir des recommandations au Sénat afin de permettre à l’université d’atteindre une viabilité financière. À la suite de ce processus de médiation confidentiel, l’Université Laurentienne a annoncé, le 12 avril 2021, la coupe de 69 programmes, dont 28 programmes de langue française.
8 Suite à cette annonce publique, l’Unité des services en français du Bureau de l’Ombudsman a reçu 60 plaintes d’étudiant(e)s, de professeur(e)s et de franco-ontarien(ne)s directement touché(e)s ou s’inquiétant de l’impact des coupes dans les programmes en français.
9 Le 16 juin 2021, j’ai donc initié une enquête sur le respect de la Loi sur les services en français par le ministère des Affaires francophones, le ministère des Collèges et Universités et l’Université Laurentienne dans le cadre des coupes dans les programmes francophones.
10 J’ai constaté que, bien que l’Université Laurentienne se soit rendu compte que ses difficultés financières risquaient d’avoir des répercussions sur les programmes menant à des grades désignés, l’université n’a pas consulté de façon formelle le ministère des Collèges et Universités (MCU) ou le ministère des Affaires francophones avant d’annoncer des suspensions et coupes à sa programmation en français. L’université et le MCU se sont occupé en priorité des difficultés financières de l’université et ont relégué les services en français et la désignation au second plan. De plus, le ministère des Affaires francophones n’a pas joué de rôle actif dans la surveillance de la conformité à la désignation de l’Université Laurentienne, ce qui a contribué à une situation où personne n’assurait la protection des droits linguistiques en vertu de la Loi sur les services en français.
11 J’ai fait le constat que le libellé de la désignation de l’Université Laurentienne sème une confusion générale auprès du public. Il semble indiquer que les programmes menant aux grades désignés sont protégés en vertu de la Loi sur les services en français. Toutefois, les trois organisations visées par l’enquête nous ont indiqué que c’étaient en réalité seulement les grades qui étaient protégés.
12 J’ai conclu que même en acceptant l’interprétation étroite selon laquelle la désignation de l’Université Laurentienne ne s’appliquait qu’aux grades, l’université a enfreint ses obligations en vertu de la LSF en cessant d’offrir deux grades désignés sans suivre aucune des étapes procédurales prescrites.
13 J’ai également constaté qu’il n’y avait pas de processus en place permettant d’évaluer comment la coupe dans des programmes menant à des grades désignés peut affecter la capacité pour les étudiant(e)s d’obtenir un de ces grades en français. Il n’y avait pas non plus de communications régulières entre les trois organisations pour discuter de ces enjeux. Si de tels processus étaient en place, les obligations de l’Université Laurentienne en vertu de la Loi auraient été considérées et suivies à l’avance, et non pas après les coupes.
14 Sur la base des preuves et de notre analyse de la législation applicable, j’ai formulé 19 recommandations afin d’améliorer l’offre de services en français en vertu de la Loi sur les services en français.
15 Mon rôle en tant que Commissaire aux services en français est d’émettre des recommandations concernant l’étendue et la qualité de la conformité à la Loi sur les services en français. Mes conclusions sont fondées sur un examen des éléments de preuve recueillis au cours de mon enquête et guidées par les dispositions de la LSF et la jurisprudence pertinente relative à son interprétation.
16 Je suis encouragée par l’engagement du ministère des Collèges et Universités d’élaborer un plan pour mettre en œuvre les cinq recommandations que je lui adresse. L’Université Laurentienne a également accepté toutes les quatre recommandations lui étant adressées. La majorité de mes recommandations, 12 au total, s’adressaient au ministère des Affaires francophones, qui est le principal responsable de l’application de la Loi sur les services en français. Le ministère a accepté de mettre en œuvre toutes mes recommandations. Je suis convaincue que mes recommandations bénéficieront à l’avenir aux franco-Ontarien(ne)s dans le secteur de l’éducation postsecondaire. Je surveillerai de près leur mise en œuvre et la collaboration que je recommande de s’installer entre les trois organisations responsables de la désignation de l’Université Laurentienne.
17 Le règlement de l’Ontario 398/93 désigne l’Université Laurentienne comme organisme gouvernemental à l’égard de la « prestation de programmes menant aux grades » énumérés au règlement[1]. Son annonce des coupes dans 69 programmes, dont 28 programmes en français, a généré une réaction publique négative importante.
18 L’Unité des services en français du Bureau de l’Ombudsman a reçu sa première plainte au sujet des coupes le 13 avril 2021. Au moment de rédiger ce rapport, 60 plaintes concernant cet enjeu avaient été reçues.
19 Ceux et celles qui nous ont contacté(e)s estimaient qu’il était injuste que les cours qui généraient moins d’inscriptions soient automatiquement supprimés. Selon elles et eux, le faible taux d’inscription s’expliquait par le fait qu’il s’agissait de programmes pour les francophones qui sont en situation de minorité linguistique. Ils et elles estiment que le caractère minoritaire et culturel aurait dû être la considération la plus importante, plutôt que le nombre d’inscriptions.
20 Certains des étudiant(e)s qui nous ont contacté(e)s ont décrit l’impact des coupes d’un point de vue culturel. Par exemple, Valérie[2], une étudiante du programme de Théâtre du grade désigné Baccalauréat ès arts a indiqué qu’il lui restait seulement deux cours (six crédits) afin d’obtenir son grade. Elle serait transférée à l’Université d’Ottawa pour compléter ces deux cours, en français. Elle a expliqué que chaque étudiant(e) du programme a dû faire des arrangements individuels avec des universités à travers le Canada afin de poursuivre leurs études[3]. Pour Valérie, le théâtre était une façon d’exprimer sa culture franco-ontarienne. Il s’agissait d’un programme universitaire unique en français dans le nord de l’Ontario. Selon elle, sa suppression mènera à un exode possible des jeunes générations franco-ontariennes.
21 Certain(e)s ont déploré l’élimination du programme de sage-femme – qui menait au grade désigné de Baccalauréat ès sciences de la santé. Selon elles et eux, le programme de formation des sages-femmes de l’Université Laurentienne était non seulement un programme unique dans sa région, mais également le seul programme francophone de formation des sages-femmes hors Québec. Ils et elles craignaient que sa suppression ait un impact négatif sur l’offre de services dans ce domaine pour les communautés francophones du nord de l’Ontario. Les étudiant(e)s qui nous ont contacté(e)s déploraient le fait que leur seul choix pour devenir sage-femme en Ontario était de quitter Sudbury pour poursuivre des études en anglais à l’Université Ryerson ou bien à l’Université McMaster.
22 Julie, une étudiante du programme de sage-femme, a dénoncé le fait que les étudiant(e)s de 1ère et 2ème année devront être transféré(e)s aux autres universités en n’ayant plus la possibilité de poursuivre leurs études entièrement en français. Suite aux coupes, le seul programme complet de pratique de sage-femme en français au Canada est offert à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Elle nous a dit qu’elle croit qu’il y aura beaucoup moins d’opportunités pour les étudiant(e)s qui seront transféré(e)s aux universités anglophones de suivre un stage dans la langue de leur choix dans le sud de l’Ontario. Elle s’inquiétait également des répercussions futures dans le nord de l’Ontario pour l’accès aux services des sages-femmes par les populations francophones. Selon Julie, la suppression du programme pourrait diminuer, à long terme, cette offre de service en français si cela crée une pénurie de sages-femmes francophones.
23 D’autres personnes ont également porté plainte auprès de notre Bureau au sujet de la suppression du programme d’Études françaises. Les étudiant(e)s se disent déçu(e)s de devoir demander un transfert vers d’autres universités afin de poursuivre leurs études en français.
24 Les coupes ont même touché des étudiant(e)s dont les programmes n’ont pas été directement supprimés. Marc, un étudiant du programme d’orthophonie, a expliqué que l’élimination du programme d’Études françaises aurait aussi des répercussions sur d’autres programmes comme celui d’orthophonie, où les étudiant(e)s doivent suivre un cours de linguistique, qui relève du programme d’Études françaises[4].
25 Bien que son programme d’étude n’ait pas été éliminé, Lucas, un étudiant en sociologie à l’Université Laurentienne qui venait de compléter sa première année, nous a expliqué qu’un grand nombre d’autres programmes en français l’ont été, ce qui limite beaucoup son choix de cours. Pour poursuivre dans son programme d’étude, il nous a dit qu’il devra désormais suivre des cours optionnels en anglais. Le programme d’étude de Lucas se situe sous le grade désigné Baccalauréat ès arts.
26 Des étudiant(e)s et futur(e)s étudiant(e)s ont aussi porté plainte puisqu’ils et elles devront soit poursuivre leurs études en anglais à l’Université Laurentienne, soit déménager vers une autre région/province pour terminer leurs études en français dans le domaine de leur choix, ou encore changer complètement de programme. Par exemple, Véronique, une étudiante en arts, avec spécialisation en histoire et en études françaises a été affectée par la fermeture de ces deux spécialisations. Il ne lui restait seulement que 24 crédits à compléter sur un total de 120 crédits, afin d’obtenir son Baccalauréat qui est un grade désigné. Elle a affirmé que tou(te)s les professeur(e)s qui enseignaient l’Histoire en français ont perdu leur emploi suite aux mesures prises dans le cadre de la restructuration financière, et que les étudiant(e)s inscrit(e)s au programme devront dorénavant demander un transfert à l’Université d’Ottawa afin de pouvoir compléter leurs études en français.
27 Enfin, un grand nombre de personnes qui nous ont contacté(e)s s’inquiétaient du non-respect de la réglementation en rapport avec la désignation des programmes francophones, c’est-à-dire le fait que les programmes supprimés auraient dû être protégés par la désignation de l’université en vertu de la Loi sur les services en français. Ces individus nous ont demandé si les processus indiqués dans la Loi sur les services en français ont été respectés par le ministère des Affaires francophones ou toutes autres parties impliquées avant la suppression des programmes.
28 Dans plusieurs cas, ceux et celles qui nous ont contacté(e)s pour déposer une plainte ont interprété la désignation comme obligeant l’Université Laurentienne à offrir tous les programmes sous les treize grades énumérés tels qu’ils existaient à la date de la désignation.
29 Les plaintes que nous avons reçues soulevaient de sérieuses questions quant au respect des obligations de l’Université Laurentienne en matière de prestation de services en français conformément à sa désignation en vertu de la Loi sur les services en français (LSF). Les coupes dans la programmation de langue française à l’Université Laurentienne ont également soulevé des questions par rapport aux obligations des ministères qui supervisent et administrent la désignation de l’université, et la manière dont ces obligations ont été interprétées et satisfaites.
30 Sur la base de nos discussions avec les haut(e)s fonctionnaires et du volume de plaintes reçues qui ont soulevé des enjeux importants, j’ai ouvert une enquête sur les coupes dans la programmation de langue française à l’Université Laurentienne.
31 Le 16 juin 2021, j’ai envoyé un avis d’enquête aux ministères et à l’Université Laurentienne.
32 Cette enquête portait sur les coupes dans la programmation de l’Université Laurentienne menant vers des grades désignés dans le Règlement 398/93. J’ai annoncé mon intention d’enquêter formellement le 16 juin 2021 afin de répondre à trois questions :
-
Est-ce que l’Université Laurentienne a respecté ses obligations en tant qu’organisme partiellement désigné en vertu de la LSF dans le cadre des coupes dans les programmes de langue française pendant la restructuration financière?;
-
Est-ce que le ministère des Collèges et Universités a respecté ses obligations en vertu de la LSF dans le cadre de la restructuration financière de l’Université Laurentienne?; et
-
Est-ce que le ministère des Affaires francophones a respecté son rôle d’application de la LSF dans le cadre de la restructuration financière de l’Université Laurentienne?
33 Nous avons obtenu et examiné des centaines de documents numériques de l’Université Laurentienne, du ministère des Collèges et Universités et du ministère des Affaires francophones, dont la documentation relative aux réunions, les politiques et les courriels concernant les coupes dans la programmation de langue française. Bien que notre enquête ait été réalisée durant la pandémie de la COVID-19, les trois organismes ont coopéré pleinement à l’enquête, en nous donnant accès à des documents, ainsi qu’aux membres du personnel, à la direction et aux haut(e)s fonctionnaires.
34 Le personnel de l’Unité des services en français du Bureau de l’Ombudsman a effectué une quarantaine d’entrevues auprès du ministère des Affaires francophones, du ministère des Collèges et Universités, de l’Université Laurentienne et des personnes qui nous ont contacté(e)s. Nous avons également examiné les documents fournis par les personnes interviewées au cours de l’enquête.
35 Le 1er février 2021, l’Université Laurentienne a entamé une procédure de restructuration sous supervision judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Dans le contexte de cette procédure, l’ordonnance émise par la Cour supérieure de l’Ontario protège la confidentialité de certains documents relatifs à cette enquête, qui n’ont pu être partagés. Les personnes que nous avons interrogées n’ont également pas pu partager d’informations protégées par l’ordonnance.
36 En dépit de ces limites, nous avons pu obtenir tous les renseignements nécessaires pour mener efficacement notre enquête et nous avons bénéficié d’une bonne collaboration de la part des ministères et de l’Université Laurentienne.
37 La Loi sur les services en français exprime l’intention de l’Assemblé législative de sauvegarder l’apport du patrimoine culturel des franco-Ontariens et franco-Ontariennes, ainsi que de garantir l’emploi de la langue française dans les institutions de la législature et des organismes gouvernementaux de l’Ontario. Les mesures contenues dans la Loi expriment la dualité culturelle en Ontario et « s’inspirent des principes fondamentaux de justice et d’égalité »[5].
38 Une de ces mesures dans la Loi est le processus de désignation d’organismes offrant des services publics. La Loi permet au(à la) lieutenant(e)-gouverneur(e) en conseil (essentiellement le Conseil exécutif avec l’approbation formelle du(de la) lieutenant(e)-gouverneur(e)), de désigner certains organismes, incluant une université, comme un « organisme gouvernemental » aux fins de la Loi. Une désignation peut porter sur tous les services, sur des services précis ou exclure certains services[6]. La Loi prévoit qu’une université doit consentir à être désignée[7].
39 Dans Lalonde v. Ontario, la Cour d’appel de l’Ontario a considéré les implications d’une désignation dans le cadre de coupes dans les services en français à l’hôpital Montfort, un organisme désigné desservant la communauté francophone d’Ottawa[8]. Les motifs de la Cour reflètent deux piliers sur lesquels repose la désignation. En premier lieu, la Cour a affirmé le « droit reconnu par la législation de recevoir des services […] dans un milieu vraiment francophone », un droit créé par la désignation de Montfort[9]. En second lieu, la Cour a reconnu que les organismes désignés, comme Montfort, deviennent emblématiques de la vitalité de la communauté francophone au plan linguistique, culturel et éducatif[10]. L’Université Laurentienne a laissé entendre que l’arrêt Lalonde n’est pas pertinente à sa situation, puisque les universités doivent consentir à la désignation. Toutefois, l’arrêt Lalonde s’applique à la révocation d’un service désigné existant. Le pouvoir discrétionnaire initial de consentir à la désignation ne dispense pas une université de remplir ses obligations en vertu de la LSF une fois qu’une désignation est en place.
40 Une fois désigné, un organisme doit fournir des services au public en français. Les services doivent être offerts en français en permanence, à moins que la limitation des services existants ne soit la seule mesure pouvant être prise, que toutes les mesures raisonnables aient été prises, et que tous les projets raisonnables aient été élaborés afin de faire respecter la Loi[11]. La désignation a donc pour effet de « garantir » la prestation de ces services en français.
41 Les organismes désignés ne sont toutefois pas captifs de leurs obligations. En effet, la Loi permet au(à la) lieutenant(e)-gouverneur(e) en conseil de procéder à des changements par règlement, incluant l’exemption de services de l’application de la LSF si cette mesure est raisonnable et nécessaire et si elle ne porte pas atteinte à l’objet général de la Loi[12].
42 En vertu de la Loi, après l’approbation de la désignation, un service peut être exempté de l’application de certaines obligations ou bien soustrait ou exclu de la désignation. La désignation d’un organisme peut aussi être révoquée[13]. Cette flexibilité permise par la Loi est toutefois encadrée par une procédure formelle prévue par le législateur. La capacité de révoquer ou de limiter un service est également soumise à l’exigence de l’article 7 selon laquelle cela est « raisonnable et nécessaire » dans les circonstances, après que toutes les mesures raisonnables aient été prises et que tous les projets raisonnables aient été élaborés afin de faire respecter la Loi[14].
43 La Cour d’appel de l’Ontario a expliqué que si un service qui existait au moment de la désignation est révoqué, de sorte qu’il n’est plus disponible, un règlement doit d’abord être adopté[15]. Un tel règlement doit faire l’objet d’un avis énonçant la substance du règlement proposé et invitant le public à adresser ses observations au(à la) ministre des Affaires francophones. L’avis et le règlement proposé doivent être publiés dans la Gazette de l’Ontario et dans un journal généralement lu en Ontario, au moins 45 jours avant la prise du règlement[16].
44 Ces exigences procédurales sont destinées à garantir qu’une désignation ne puisse être modifiée ou révoquée sans tenir compte des impacts sur les services en français, et du caractère raisonnable et nécessaire de la réduction de services. La Cour d’appel a expliqué que « nécessaire » dans ce contexte signifie « la seule et unique ligne de conduite possible »[17].
45 Le ministère des Affaires francophones de l’Ontario (MAFO) joue un rôle pivot dans l’administration du processus de désignation, tant en amont qu’en aval de la désignation. En effet, la Loi sur les services en français prévoit que le(la) ministre est chargé(e) de l’application de la Loi. Il s’agit, d’ailleurs, du seul texte législatif qui définit un rôle ou des responsabilités spécifiques pour ce ministre et ce ministère[18].
46 La Loi confère au(à la) ministre et à son ministère un large éventail de pouvoirs pour assurer l’accès aux services gouvernementaux en français. Le(la) ministre peut notamment coordonner, contrôler et surveiller la mise sur pied de programmes visant à la prestation des services en français par un organisme désigné. Le(la) ministre peut également examiner la disponibilité et la qualité des services en français et faire des recommandations en vue de leur amélioration[19].
47 Dans le cadre du processus de désignation, le ministère des Affaires francophones analyse les demandes de désignation pour assurer qu’elles répondent à des critères établis, comme l’existence d’une résolution du conseil d’administration qui exprime son souhait d’obtenir une désignation, la présence d’une politique sur les services en français et de mécanismes pour évaluer la qualité des services en français, et si ceux-ci sont offerts activement[20]. Conformément à la Loi, le MAFO doit également coordonner, contrôler et surveiller continuellement la prestation de services en français par les organismes une fois désignés[21].
48 En sus des exigences contenues dans la Loi, le MAFO a développé une politique de désignation, élaborée à l’origine dans un guide datant de 1991.
49 La politique établit que la désignation se fait sur une base volontaire, à l’initiative de la direction d’un organisme public. La demande est ensuite transmise par l’organisme au ministère auquel il se rapporte, aussi appelé « ministère parrain ». Par exemple, le ministère des Collèges et Universités est le ministère parrain pour les institutions postsecondaires.
50 Toujours selon le guide de 1991, une demande doit comprendre des documents expliquant comment l’organisme répond aux critères établis par le ministère des Affaires francophones. La demande doit être soumise pour approbation par le ministère parrain. Elle est ensuite analysée par le MAFO en fonction de critères fixes développés par le ministère pour l’obtention et le maintien de la désignation.
51 Le guide du ministère a fait l’objet de mises à jour périodiques des critères requis pour la désignation. Le ministère a publié un nouveau guide en janvier 2022, accessible sur son site Web[22]. Ce guide mis à jour réitère les responsabilités incluses dans le guide de 1991 par rapport aux ministères parrains qui reçoivent les demandes de désignations, les analysent et formulent une recommandation au MAFO.
52 Une fois ce processus complété, la demande de désignation est présentée par le(la) ministre des Affaires francophones au(à la) lieutenant(e)-gouverneur(e) en conseil pour approbation[23]. Les organismes et services désignés figurent ensuite au Règlement 398/93.
53 Tel qu’expliqué ci-dessus, le ministère des Collèges et Universités (MCU) est considéré comme un ministère parrain en ce qui concerne l’Université Laurentienne. La Loi sur les services en français ne prévoit pas explicitement de rôle pour les ministères parrains en ce qui concerne la désignation d’organismes gouvernementaux. Cependant, la Loi rend chaque ministère responsable de rendre compte au Conseil exécutif de la mise en œuvre de la Loi et de la qualité des services en français dans le ministère. Au moment où notre enquête a débuté, la LSF stipulait que cette responsabilité relevait du(de la) sous-ministre[24].
54 Le guide du MAFO de 1991 sur la désignation établit un dialogue tripartite entre l’organisme en voie d’être désigné, son ministère parrain et le ministère des Affaires francophones. Selon le MAFO, les ministères parrains accompagnent les organismes publics se rapportant à eux, et facilitent le dialogue entre l’organisme et le MAFO. La désignation fait l’objet d’un examen par le ministère parrain avant d’être redirigée au MAFO[25].
55 En vertu de la LSF, chaque ministère du gouvernement a un(e) coordonnateur(trice) des services en français. La Loi prévoit que les coordonnateur(trice)s peuvent communiquer directement avec leur sous-ministre[26]. En établissant le poste de coordonnateur(trice)s, l’Assemblée législative a tenté de promouvoir l’imputabilité en matière de prestation des services en français, en s’assurant que le(la) plus haut(e) fonctionnaire ministériel(le) soit mis(e) au fait des droits et des besoins des Ontarien(ne)s d’expression française.
56 Selon nos entrevues avec le personnel du MCU, les coordonnateur(trice)s des services en français collectent des informations et vérifient que les organismes désignés respectent les critères de leurs désignations. Une fois qu’un organisme est désigné, le(la) coordonnateur(trice) des services en français fournit des conseils et du soutien pour s’assurer que l’organisme puisse continuer de remplir ses obligations.
57 Le préambule de la Loi constituante de l’Université Laurentienne de Sudbury de 1960 déclare que l’université « est une institution bilingue ». Ce préambule a conduit à l’adoption de la politique de bilinguisme de l’Université Laurentienne adoptée par le Sénat le 13 décembre 2005, et par le Conseil des gouverneurs le 10 février 2006. Cette politique proclame que l’université a comme mission de favoriser le développement du nord de l’Ontario, y compris le développement des communautés autochtones et francophones de cette même région.
58 En 2011, les membres du Regroupement des professeures et professeurs francophones (RPPF) de l’Université Laurentienne ont voté à l’unanimité en faveur d’une résolution invitant l’administration de l’Université Laurentienne à demander la désignation partielle en vertu de la Loi sur les services en français. Selon le RPPF, la désignation viserait entre autres à codifier et protéger des pratiques, programmes et initiatives existants, en plus d’être un geste tangible d’engagement envers la protection et la promotion de la langue et de la culture françaises en Ontario.
59 En novembre 2012, l’Université comptait plus de 1 450 étudiant(e)s inscrit(e)s dans 35 programmes offerts en français, du baccalauréat au doctorat.
60 En vertu du paragraphe 9(2) de la Loi, les universités doivent consentir à la désignation. Dans ce contexte d’engagement envers la francophonie, le 12 novembre 2012, l’Université Laurentienne a déposé une proposition pour être désignée comme organisme gouvernemental, et pour s’imposer l’obligation, en vertu de la Loi sur les services en français, d’offrir une partie de ses services en français. Ce type de désignation est considéré comme une désignation partielle.
61 En décembre 2013, afin de s’assurer que la désignation n’entrave pas l’autonomie de son Sénat, l’Université Laurentienne, le ministère des Collèges et Universités et le ministère des Affaires francophones ont consenti à évaluer la désignation de treize grades plutôt que des programmes, ce qui permettrait à l’université d’avoir la flexibilité de modifier sa programmation indépendamment.
62 En prévision de la désignation de l’Université Laurentienne en 2014, le ministère des Collèges et Universités a commandé l’analyse d’un cabinet de consultants en gestion pour définir et encadrer les désignations partielles des institutions postsecondaires. Cette analyse a soulevé des enjeux pour le gouvernement quant à l’autonomie du Sénat :
« Le ministère ne souhaite pas restreindre l’autonomie du Sénat, mais l’intégrité de la LSF doit être préservée. C’est-à-dire qu’il doit s’assurer que les procédures de modifications au règlement de désignation ou de dé-désignation doivent être suivies lors des modifications ou abolitions de programmes ou services désignés »[27].
63 L’analyse du cabinet de consultants en gestion a soulevé un autre enjeu, selon lequel un grade désigné qui n’offrirait pas une gamme importante de programmes pourrait être considéré comme de la fausse représentation. Le cabinet a recommandé au MCU de définir un seuil minimum de programmes devant être offerts sous un grade désigné. Ceci assurerait que 50 % de tous les programmes offerts à l’université et menant à un grade désigné soient disponibles en tout temps, et ainsi répondre aux critères de désignation, et ce afin de minimiser ce risque de fausse représentation.
64 Suite à ce rapport, le MCU a recommandé au MAFO que la désignation de l’Université Laurentienne puisse assurer la pérennité des programmes, et qu’un processus de signalement soit mis en place et que des suivis soient faits dans le cas où il n’y ait pas d’intérêt pour un ou des programmes. Un ancien haut-fonctionnaire du MAFO nous a indiqué que l’analyse du cabinet de consultant n’a jamais été partagée avec le MAFO, mais que les enjeux soulevés par l’analyse étaient les mêmes que ceux identifiés par le MAFO. Ultimement, la décision du MAFO, présentée au Lieutenant-gouverneur, a été toutefois d’approuver formellement la désignation de treize grades, sans paramètres additionnels.
65 Le 16 janvier 2014, les sous-ministres des deux ministères ont écrit au recteur de l’Université Laurentienne afin d’établir leurs attentes une fois la désignation de l’Université Laurentienne obtenue :
« Une telle désignation signalerait l’engagement de l’université d’offrir aux étudiantes et étudiants, de façon permanente, la possibilité de poursuivre, par exemple, un baccalauréat ès arts en français. Ceci permettrait aussi à l’université de modifier sa programmation comme elle l’entend à la condition que le grade puisse être complété entièrement en français. Il est important de souligner que si l’université cesse d’offrir un service désigné, elle devra demander au [MCU] la dé-désignation selon le processus établi par la LSF, soit qu’il y ait un avis public de la révocation de la désignation et qu’un règlement modificatif à cet effet soit pris par le(la) lieutenant(e)-gouverneur(e) en conseil. »
66 La désignation de l’Université Laurentienne de Sudbury en vertu de la Loi sur les services en français est finalement entrée en vigueur le 1er juillet 2014. En ce qui concerne la prestation de programmes, le texte au Règlement 398/93 se lit ainsi :
(1) L’Université Laurentienne de Sudbury est désignée comme organisme offrant des services publics aux fins de la définition de « organisme gouvernemental » figurant à l’article 1 de la Loi à l’égard des services suivants :
1. La prestation de programmes menant aux grades suivants :
i. Baccalauréat en commerce (B.Com.).
ii. Baccalauréat en éducation (B.Éd.).
iii. Baccalauréat en éducation physique et santé (B.É.P.S.).
iv. Baccalauréat ès sciences (B.Sc.).
v. Baccalauréat en sciences infirmières (B.S.I.).
vi. Baccalauréat en service social (B.S.S.).
vii. Baccalauréat ès arts (B.A.).
viii. Baccalauréat ès sciences de la santé (B.Sc.S.).
ix. Doctorat en philosophie (Ph.D.) en sciences humaines.
x. Maîtrise en activité physique (M.A.P.).
xi. Maîtrise en service social (M.S.S.).
xii. Maîtrise ès arts (M.A.).
xiii. Maîtrise ès sciences de la santé (M.Sc.S.).
67 Pour bien comprendre l’historique des coupes dans la programmation de langue française à l’Université Laurentienne d’avril 2021, il faut revenir à l’été 2020.
68 En juillet 2020, l’Université Laurentienne faisait face à des problèmes financiers et a suspendu les inscriptions à 17 programmes. Cette décision découle d’une analyse menée par l’Université sur ses programmes avec un faible taux d’inscriptions.
69 De ces 17 programmes suspendus, sept étaient de langue française et menaient à des grades désignés au Règlement 398/93. Un de ces programmes était le seul programme menant au grade de Maîtrise en activité physique. Depuis juillet 2020, il était donc impossible d’obtenir le grade de Maîtrise en activité physique, un grade pourtant désigné en vertu de la Loi sur les services en français. Au sens de la Loi, l’université a donc, sans équivoque, soustrait ce service en dépit de sa désignation en vertu de la LSF.
70 Au cours de notre enquête, l’Université Laurentienne a expliqué qu’elle avait en réalité supprimé 72 programmes et non pas 69, comme indiqué au départ dans son communiqué de presse. Les suppressions incluaient 29 programmes de langue française. Parmi ces 29 programmes de langue française supprimés, 24 programmes menaient à des grades désignés. De ces 24 programmes, on compte six programmes pour lesquels les inscriptions avaient été suspendues en juillet 2020 et qui se trouvaient désormais supprimés.
71 Ces changements ont réduit de 45 % la programmation menant à des grades désignés. À titre d’exemple, l’université a coupé :
-
62 % de la programmation du grade désigné Baccalauréat ès arts;
-
50 % de la programmation du Baccalauréat ès sciences de la santé en supprimant le programme de sage-femme, le seul programme offrant une formation unique en français en dehors du Québec; et
-
66 % de la programmation Baccalauréat en éducation physique et santé.
72 Dans le cadre de ces coupes, l’université a cessé d’offrir 100 % des programmes menant à la Maîtrise ès arts. Par conséquent, en date du mois d’avril 2021, l’Université Laurentienne a rendu impossible l’obtention de deux grades désignés, c’est-à-dire la Maîtrise en activité physique et la Maîtrise ès arts[28].
73 L’université a soustrait deux des grades désignés qui auraient dû être protégés par sa désignation. Ces deux changements distincts auraient dû être communiqués au ministère des Affaires francophones (MAFO) et, selon l’article 10 de la Loi sur les services en français, faire l’objet d’une consultation publique et de l’approbation de la lieutenante-gouverneure générale en conseil. Les deux ministères ont reconnu qu’il y avait un problème en ce qui concerne la réduction des services désignés pour les deux maîtrises qui ont été touchées. Par conséquent, le MAFO s’est concentré sur les deux maîtrises suspendues, une décision qu’il considère comme étant une suppression de deux grades désignés.
74 Le fait que l’université n’ait pas suivi les étapes requises par la LSF avant de supprimer tous les programmes menant à ces grades désignés constituait une violation de ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français.
75 Le 19 août 2021, le MAFO a demandé à l’université de lui soumettre les plans de mise en conformité pour les grades désignés de Maîtrise ès arts et de Maîtrise en activité physique afin de s’assurer que l’université continue d’œuvrer en conformité avec la LSF. Une employée du MAFO nous a expliqué que le ministère a travaillé avec le MCU et l’Université Laurentienne pour s’assurer qu’un plan de conformité soit établi et qu’il inclue toutes les étapes charnières avec des dates, ainsi que la façon dont l’université prévoit respecter les étapes pour se remettre en conformité.
76 Ce plan de mise en conformité doit fournir le détail des étapes nécessaires afin que ces grades soient offerts dans les délais spécifiés. Ils doivent aussi démontrer de quelle manière les programmes remaniés déboucheront sur des options de carrières professionnelles et/ou académiques similaires à celles que les deux grades désignés offraient auparavant.
77 Le 26 octobre 2021, l’Université Laurentienne a confirmé au MAFO que la Maîtrise en activité physique était réinstaurée et que le cycle d’admission était lancé. L’université a également confirmé au ministère des Affaires francophones que la Maîtrise ès arts a été modifiée pour devenir la Maîtrise ès arts en études relationnelles. Cette nouvelle maîtrise a été approuvée par le Sénat de l’université le 19 octobre 2021 et a été soumise pour approbation au Conseil de la qualité, ainsi qu’au ministère des Collèges et Universités, pour l’approbation de son financement. L’université est présentement en attente de l’approbation du financement.
78 À la lecture du texte de la désignation de l’Université Laurentienne, il est possible de croire que les programmes menant aux grades énumérés au règlement sont désignés. Selon cette interprétation, l’université a l’obligation de maintenir ces programmes de façon permanente, ou alors l’obligation de suivre le processus établi par la Loi sur les services en français pour y apporter des changements. C’est la manière dont ceux et celles qui nous ont soumis des plaintes ont interprété la désignation de l’Université Laurentienne, ce qui semble conforme au libellé du règlement.
79 Dans le cadre de notre enquête, les entrevues que nous avons menées auprès des trois organisations concernées ont révélé une interprétation différente des obligations de l’université. L’Université Laurentienne, le ministère des Collèges et Universités et le ministère des Affaires francophones nous ont dit qu’ils considèrent que ce sont les grades qui sont désignés et non pas les programmes spécifiques menant à ces grades. Selon cette interprétation, en autant que les grades ne soient pas abolis, l’université remplit ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français, même lorsqu’elle change sa programmation menant à l’un ou à l’ensemble des grades désignés.
80 En raison de ces interprétations différentes, la terminologie décrivant la désignation de l’Université Laurentienne a donc créé une confusion auprès des étudiant(e)s, des professeur(e)s et du public en général.
81 Comme le signalait le rapport du consultant de 2014, désigner des grades sans aucune stipulation sur le maintien d’un nombre minimum de programmes peut être perçu comme étant une fausse représentation. La désignation de l’Université Laurentienne mentionne « la prestation de programmes menant à des grades », et ce, sans définir les programmes inclus sous ces grades, ce qui crée une confusion auprès de la population étudiante et du corps professoral, et laisse également la place à des interprétations différentes au sein de l’université et des ministères.
82 Nos entrevues avec des personnes qui nous ont contacté(e)s, avec des employé(e)s de l’Université Laurentienne ainsi qu’avec des haut(e)s fonctionnaires, ont démontré que certain(e)s croyaient que l’université n’avait aucune obligation de conserver des programmes spécifiques menant aux grades désignés, tandis que d’autres croyaient qu’un nombre minimum de programmes devait être maintenu. Par contre, chacun(e) avait une compréhension différente du nombre minimum de programmes qui constituerait un seuil raisonnable pour « la prestation de programmes menant à des grades ».
83 Par ailleurs, le texte de désignation inscrit dans le Règlement 398/93 diffère grandement d’une institution postsecondaire à l’autre. Par exemple, la désignation de l’Université York est limitée à la prestation de programmes offerts par le campus Glendon de l’université[29]; alors que l’Université de l’Ontario français est désignée à l’égard de tous les services qu’elle fournit[30]. Ces différences rendent très difficile la comparaison entre les différentes institutions pour tirer des conclusions. Il n’y a donc pas de point de référence qui permette d’identifier clairement les obligations de l’Université Laurentienne[31].
84 Afin de bien informer le public sur les obligations de l’Université Laurentienne par rapport à son offre de services en français, et pour assurer plus de clarté en ce qui concerne la désignation des établissements postsecondaires, je recommande :
Recommandation 1
Que le ministère des Affaires francophones communique clairement par écrit à l’Université Laurentienne ses obligations en vertu de sa désignation, la manière de s’y conformer – et que cette explication soit rendue disponible au public.
Recommandation 2
Que le ministère des Affaires francophones considère l’adoption d’une nomenclature standard pour la désignation des établissements postsecondaires de manière à pouvoir clairement identifier les obligations qui découlent de la Loi sur les services en français.
85 Dès mars 2020, l’Université Laurentienne savait qu’elle faisait face à de graves problèmes financiers, et elle aurait dû commencer à consulter la province au sujet de ses obligations en vertu de la LSF. Notre enquête a démontré que l’université n’a pourtant consulté ni le ministère des Collèges et Universités, ni le ministère des Affaires francophones, à ce moment[32].
86 En décembre 2020, le ministère des Collèges et Universités a été informé que l’Université Laurentienne envisageait de se protéger en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
87 Selon une entrevue avec un haut fonctionnaire du MCU, des rencontres d’informations se sont tenues entre décembre 2020 et avril 2021, au cours desquelles les obligations de l’Université Laurentienne en vertu de la Loi sur les services en français n’ont pas été discutées, et n’ont été abordées que de façon informelle : « J’ai eu des conversations informelles avec le Président, où j’ai communiqué que nous étions préoccupé(e)s. Il nous a assuré que les changements à l’université n’affecteraient pas la désignation de l’institution, car si des programmes étaient éliminés, d’autres seraient inversement ajoutés. »
88 En janvier 2021, le MCU a informé le MAFO des intentions de l’Université Laurentienne de se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). À ce moment, le MAFO a fait part de ses préoccupations de façon informelle au MCU quant à la programmation désignée à l’université. Un haut fonctionnaire du MCU nous a indiqué que l’université ne les a pas consulté(e)s et ne les a pas informé(e)s à l’avance de ce qu’ils et elles allaient réduire. Les copies des correspondances, courriels et notes de service obtenus dans le cadre de notre enquête démontrent qu’aucun échange officiel concernant la Loi sur les services en français n’a eu lieu entre les ministères et l’université, avant le 21 avril 2021.
89 Alors que les coupes potentielles dans les programmes désignés étaient dans la mire de l’université, les difficultés financières auxquelles l’université était confrontée ont éclipsé les questions liées à la LSF et la programmation en français. Un haut fonctionnaire du MCU nous a expliqué que, à cette période :
« La composante francophone de l’Université Laurentienne était minoritaire et le problème n’était pas seulement la question des programmes en français. Le [MCU] voulait plutôt comprendre les décisions financières prises par les gestionnaires des mandats précédents et comment le [MCU] pouvait prévenir ce type de problèmes financiers pour éviter que d’autres établissements postsecondaires ne se retrouvent dans la même situation. »
90 Le 22 janvier 2021, un conseiller spécial nommé par le MCU a entamé une analyse indépendante destinée au ministre. Cette analyse devait contenir des recommandations sur la gouvernance et les processus de planification stratégique de l’université. Son mandat n’incluait pas spécifiquement de se pencher sur les obligations de l’Université Laurentienne en vertu de la LSF.
91 Le 1er février 2021, la Cour supérieure de l’Ontario a accordé à l’Université Laurentienne le droit de se protéger en vertu de la LACC. Le MCU n’a pas participé aux négociations confidentielles qui ont eu lieu dans le cadre du processus de la LACC. Par conséquent, le MCU n’a pas participé aux décisions prises par l’Université Laurentienne liées aux coupes dans la programmation de langue française.
92 Nos entrevues nous ont permis d’établir que le MCU s’est seulement penché formellement sur les obligations en vertu de la LSF avec l’Université Laurentienne et le MAFO après les coupes annoncées en avril 2021. Selon un haut fonctionnaire du MCU :
« Au moment où on s’est rendu compte qu’il y avait une implication pour la LSF et la désignation, il y a eu des rencontres régulières entre les deux ministères, mais c’était plutôt des rencontres d’échanges d’informations. Après que le couperet soit tombé [le 12 avril], il est devenu beaucoup plus clair qu’il y avait des implications, des étapes, etc. et c’est là qu’on a établi des procédures/processus et qu’on les a suivis. »
93 La première communication documentée entre le MAFO et l’Université Laurentienne au sujet de la LSF est datée du 21 avril 2021, soit neuf jours après l’annonce publique des coupes et huit jours après que j’aie communiqué avec le ministère pour lui faire part des préoccupations soulevées par le public. Dans cette communication, la sous-ministre demande au recteur de l’université d’expliquer les changements aux programmes menant à des grades désignés :
« […] Je vous demande, par la présente, de me fournir, dans les plus brefs délais, la documentation nécessaire pour confirmer que l’Université Laurentienne continuera de répondre à ses obligations de fournir des programmes menant aux grades cités dans le Règlement 398/93 et qu’elle continuera de s’acquitter de ses obligations envers la Loi sur les services en français. »
94 Le recteur de l’Université Laurentienne a répondu que :
« […] la restructuration académique de l’Université Laurentienne a nécessité certains changements en ce qui concerne la Maîtrise en kinésie humaine et la Maîtrise ès arts. Après avoir examiné le niveau d’intérêt des étudiants pour ces deux diplômes, l’Université Laurentienne, en consultation avec un sous-comité du Sénat de l’Université Laurentienne qui comprenait des représentants francophones, a déterminé que la demande pour ces deux diplômes au cours des dernières années a été très faible. Par exemple, le nombre d’inscriptions à la Maîtrise en kinésie humaine a été nul au cours des cinq dernières années. De même, nos Maîtrises ès arts ont historiquement connu un très faible intérêt, avec une inscription moyenne d’environ 6 étudiants depuis 2016. »
95 Selon notre analyse des documents pertinents, le nombre d’inscriptions semble avoir été le critère clé retenu par l’Université Laurentienne pour identifier les programmes à supprimer. Cette observation découle notamment de déclarations faites dans un affidavit déposé à la Cour le 21 avril 2021, dans le cadre des procédures en cours selon la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Dans cet affidavit, le recteur de l’université a indiqué que :
« Le faible taux d’inscription aux cours fait en sorte que ces derniers ne sont pas viables financièrement. Le coût de l’offre de ces cours dépasse largement les revenus des subventions et des frais de scolarité reçus par l’Université Laurentienne pour ces cours. » [Traduit de l’anglais]
96 Notre entrevue avec un membre de l’administration de l’université confirme ce constat :
« À ma connaissance, il y avait 17 programmes avec zéro étudiant(e) ou presque pendant 10 ans. Ces profs-là enseignaient donc des cours électifs. Il fallait évaluer comment ces départements pouvaient se repositionner et attirer plus d’étudiant(e)s. On a dû faire preuve de créativité. On a demandé aux facultés et aux chef(fe)s de département, aux coordonnateur(trice)s, de réfléchir à et de bâtir un plan pour relancer ces programmes. C’était en été 2020, et le processus s’est ensuite arrêté avec ce qui s’est passé dans le cadre de la LACC. »
97 L’Université Laurentienne était au courant de ses problèmes financiers au moins depuis le mois de mars 2020. À l’été 2020, l’institution a constitué une liste de programmes avec un faible taux d’inscriptions dont sept menaient à des grades désignés. Deux grades désignés faisaient spécifiquement l’objet de l’attention de l’université en raison de leur faible taux d’inscription : la Maîtrise ès arts et la Maîtrise en éducation physique. L’université avait décidé de développer une nouvelle programmation multidisciplinaire menant à la Maîtrise ès arts, car elle jugeait inefficace la programmation existante. L’université avait également suspendu les inscriptions à la Maîtrise en activité physique, qui n’avait eu aucun(e) candidat(e) qualifié(e) au cours des cinq années précédentes, et avait demandé à la faculté de revoir son curriculum.
98 Le ministère des Collèges et Universités était au courant que l’Université Laurentienne faisait face à des problèmes financiers depuis au moins l’été 2020, quand l’université a annoncé publiquement la suspension de sept programmes de langue française.
99 Le MCU a discuté avec l’université à plusieurs reprises entre le mois de septembre 2020 et le 1er février 2021. Pourtant, le MCU n’a pas discuté des obligations en vertu de la Loi sur les services en français avec l’université avant 2021, année où la question a été abordée de manière informelle. Tel qu’indiqué ci-dessus, le MCU n’a pas été en mesure de nous fournir de documentation sur le contenu des conversations informelles qui ont eu lieu entre le ministère et l’Université Laurentienne avant avril 2021, et il n’y a aucune trace de ces conversations.
100 Même lorsqu’il a commencé à avoir des discussions informelles avec l’Université Laurentienne, le MCU n’a pas communiqué avec le ministère des Affaires francophones au sujet des problèmes financiers de l’université, ni sur l’impact potentiel sur ses obligations en matière de services en français.
101 Nous n’avons obtenu aucun élément de preuve dans la documentation reçue, ni dans le cadre de nos entrevues, qui aurait permis de démontrer que l’université a bel et bien consulté le MAFO ou le MCU avant de confirmer la liste des programmes abolis[33].
102 Bien qu’il y ait eu des conversations informelles, je ne considère pas qu’il s’agisse de consultations. Les « consultations » peuvent être définies comme « des délibérations en vue d’entendre, de jauger, d’apprécier, voire de critiquer des avis différents sur un problème donné, en vue de conseiller, de proposer des options, de faire des suggestions[34]. » Je ne vois rien dans les discussions informelles qui corresponde à cette définition de consultation. La consultation dans un contexte de droits linguistiques garantit que ces droits soient considérés et respectés avant que des décisions qui pourraient les affecter ne soient prises. Je m’attends pourtant à ce que ce processus soit rigoureux et encadré formellement.
103 L’Université Laurentienne a procédé à une réduction de près de 50 % des programmes menant à des grades désignés et a suspendu deux grades désignés en entier. Les faits que nous avons rassemblés démontrent que l’université n’a pas consulté les deux ministères pour discuter de l’impact de ses décisions par rapport à ses obligations en vertu de la LSF et ce, avant de suspendre et de couper les programmes.
104 Le MAFO indique que des questions telles que la désignation d’organismes offrant des services publics et les exemptions en vertu de la LSF sont d’une importance cruciale pour les objectifs stratégiques du gouvernement en matière de droits linguistiques et pour les intérêts de la communauté franco-ontarienne[35]. Les décisions sur de telles questions nécessitent une consultation anticipée et approfondie entre le MAFO, les ministères impliqués et leurs coordonnateur(trice)s des services en français.
105 Un membre de l’administration de l’Université Laurentienne nous a affirmé qu’il ne savait pas que l’université avait l’obligation d’informer le MAFO de coupes de programmes sous des grades désignés. Ce dernier nous a expliqué que « d’habitude on attend toujours d’arriver au point où on a le [nouveau] programme en main, mais de ce que j’ai compris [du MAFO] c’est qu’on aurait dû le faire avant. On a compris que c’était la façon de faire. »
106 Le manque de communication et de consultations régulières entre les trois organisations a contribué à ce que l’université enfreigne ses obligations en vertu de la Loi. Pour y remédier, je recommande donc :
Recommandation 3
Que l’Université Laurentienne développe un processus interne qui inclue une consultation avec le ministère des Collèges et Universités et le ministère des Affaires francophones avant de faire tout changement qui pourrait avoir un impact sur sa désignation prévue au Règlement 398/93; et que le résultat de cette consultation soit présenté devant le Sénat avant que celui-ci décide de tout changement.
Recommandation 4
Que le ministère des Collèges et Universités avise et consulte le ministère des Affaires francophones dès que possible lorsqu’il prend connaissance de tout changement potentiel aux programmes de l’Université Laurentienne liés à sa désignation.
107 Ni le guide de désignation de 1991 ni le guide d’utilisation mis à jour en 2022 de la désignation des organismes conformément à la Loi sur les services en français ne contiennent de modèle d’évaluation qui permette d’évaluer une désignation. Par conséquent, il n’y a pas de cadre établi pour évaluer si la suppression de 45 % des programmes menant à des grades désignés à l’Université Laurentienne est conforme à ses obligations en vertu de la Loi. Malgré la recommandation du consultant externe en 2014, la désignation qui a été mise en place n’était pas revêtue de paramètres spécifiques reliés au nombre de programmes devant être disponibles sous chaque grade.
108 La Loi sur les services en français se penche sur la permanence de l’offre de services et sur la réduction ou l’exemption de services couverts par la désignation de l’université. Cependant, la décision du tribunal dans le cas Lalonde suggère que l’existence de programmes au moment de la désignation est importante pour évaluer si un changement de service a une incidence sur la conformité.
109 Au cours de l’enquête, nous avons tenté d’obtenir davantage d’informations sur la compréhension par le ministère des Collèges et Universités de son rôle, ses procédures et ses responsabilités par rapport à la surveillance de la conformité de l’Université Laurentienne. Le MCU a confirmé qu’il n’y avait pas de politique formelle en place, mais qu’il recueillait des informations de la part de l’université pour permettre au ministère des Affaires francophones de faire l’analyse de la conformité.
110 Le MCU nous a dit s’en remettre à l’université et au MAFO pour faire cette analyse. Une analyse de la qualité des programmes sous les grades désignés à l’Université Laurentienne a été préparée par le MCU après le 12 avril 2021, à la demande du MAFO. Un fonctionnaire du MCU nous a informé(e)s que cette analyse était préliminaire : « C’est le début d’une analyse, mais ce n’est pas quelque chose d’approfondi. » Toutefois, un haut fonctionnaire du même ministère nous a indiqué que le MCU avait fourni toutes les informations nécessaires pour permettre au MAFO de faire l’analyse de la conformité de l’université, et que le MCU attendait des directives supplémentaires du MAFO.
111 Un haut fonctionnaire du MAFO nous a indiqué qu’il n’existait pas de modèle d’évaluation qui permettrait au ministère de déterminer l’impact de l’abolition de programmes sur l’obtention de grades pour le moment :
« Difficile pour nous de faire cette évaluation sans passer par le MCU. […] Ce n’est pas notre mandat. Il faut passer par le ministère parrain. Il faudra songer quels sont les indicateurs? Comment est-ce qu’on mesure? En fonction de l’intérêt des étudiant(e)s? En fonction des débouchés professionnels des étudiant(e)s? En fonction du parcours des étudiant(e)s du bac à la maîtrise? Ce n’est pas clair. Pour le moment, nous on se fie à leur parole. »
112 Sans moyen d’évaluer ce que la désignation implique dans la pratique, il était difficile pour l’un ou l’autre des ministères d’évaluer les coupes dans la programmation de l’Université Laurentienne, ni même de savoir à qui revient le travail de le faire.
113 Notre enquête a permis de conclure qu’il n’existe pas actuellement de processus qui permette de bien évaluer la conformité de l’Université Laurentienne par rapport à ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français[36]. Si un tel processus avait été en place, l’université aurait pu, de façon proactive, faire l’évaluation de l’impact de ses décisions avant leur approbation par le Sénat ou la gestion de l’université et de communiquer le résultat de son analyse au ministère des Collèges et Universités et au ministère des Affaires francophones. Avec une base commune d’analyse, les trois organisations auraient été en mesure de s’entendre sur l’impact des décisions de l’université sur ses obligations et ainsi en mesure de définir les étapes à suivre pour soutenir l’université dans ses décisions.
114 L’absence d’un cadre permettant d’évaluer la conformité à la LSF n’est pas propre à l’Université Laurentienne. Cette lacune a un impact potentiel sur tous les établissements postsecondaires désignés, et devrait être adressée par le MAFO. Le MAFO devrait également mentionner clairement le rôle du(de la) coordonnateur(trice) aux services en français dans le cadre de ce modèle.
Recommandation 5
Que le ministère des Affaires francophones développe un modèle d’évaluation de la conformité de l’Université Laurentienne à ses obligations, y compris un examen de la façon dont les changements à la programmation seront évalués à l’avenir.
Recommandation 6
Que le ministère des Affaires francophones et le ministère des Collèges et Universités s’assurent que l’évaluation de la conformité de l’Université Laurentienne soit faite avant tout changement futur qui pourrait affecter les services désignés.
Recommandation 7
Que le ministère des Affaires francophones, en collaboration avec le ministère des Collèges et Universités, développe un modèle d’évaluation de la conformité des organismes gouvernementaux postsecondaires désignés par rapport à leurs obligations en vertu de la Loi sur les services en français. Ce modèle doit détailler le rôle du(de la) coordonnateur(trice) des services en français dans la surveillance de la conformité de ces organismes.
115 Le MAFO joue un rôle pivot dans l’administration de tous les organismes désignés, incluant l’Université Laurentienne. Le ministère a été informé de manière informelle des coupes envisagées à la programmation en français de l’Université Laurentienne en janvier 2021. J’ai communiqué directement avec le ministère les 13 et 14 avril pour soulever les préoccupations exprimées dans les plaintes que nous avons reçues, ainsi que mes propres préoccupations concernant l’application de la LSF tout au long du processus de restructuration. Le ministère est intervenu le 21 avril 2021.
116 Selon nos entrevues avec le personnel du ministère, cette situation s’explique par le fait que le ministère s’attend à ce que les organismes désignés et les ministères parrains lui signalent tout enjeu de désignation. Par exemple, un fonctionnaire nous a dit que:
« Le ministère [des Affaires francophones] a un rôle réactif plutôt que proactif dans la gestion de la désignation auprès des organismes désignés. Après la désignation d’un organisme, le MAFO ne fait pas de surveillance auprès de ce dernier. Il n’y a pas d’évaluation ni de rencontres de suivi, pour s’assurer que celui-ci respecte ses obligations en vertu de la LSF. Lorsqu’il y a un changement de leadership à l’organisme désigné, on n’a pas de politique pour garder un contact pertinent ou actif avec chaque organisme désigné. On s’attend à ce que ça soit le cas, mais le MAFO en ce moment ne joue pas un rôle de rappel. »
117 Le ministère a développé un guide en 1991 pour soutenir les ministères parrains. Toutefois, le MAFO n’a pas fait les démarches nécessaires pour s’assurer que ce guide soit communiqué et appliqué par le ministère des Collèges et Universités et l’Université Laurentienne. Le MCU et l’université nous ont dit qu’ils n’étaient pas au courant de l’existence du guide.
118 Une partie de ce guide a été mise à jour en janvier 2022 lorsque le ministère a publié en ligne le Guide d’utilisation — Désignation des organismes conformément à la Loi sur les services en français[37]. Cette mise à jour reprend des concepts du guide de 1991 et inclut une exigence établie en 2014 par le ministère des Affaires francophones selon laquelle chaque organisme désigné doit remplir tous les trois ans un rapport de conformité expliquant la manière dont l’organisme remplit chaque critère de sa désignation.
119 L’obligation de faire rapport tous les trois ans a été communiquée à tous les ministères par le biais d’un mémorandum du sous-ministre des Affaires francophones en 2014. Le MCU et l’Université Laurentienne nous ont confirmé qu’ils connaissaient bien cette exigence. Pourtant l’université n’a jamais remis de rapport de conformité au MCU ou au MAFO. Un fonctionnaire du MCU nous a expliqué que ces rapports n’étaient pas faits parce qu’il y avait un manque de ressources au sein du ministère et qu’il considérait qu’il s’agissait d’un fardeau administratif. Ce fonctionnaire nous a expliqué que le processus pour faire rapport exige que l’organisme désigné et son ministère parrain soumettent au MAFO les mêmes informations requises lors du processus initial de demande de désignation, incluant le même formulaire de désignation. Cette personne nous a dit « On n’a pas forcément les ressources pour faire ces évaluations, et devoir refaire une demande de désignation en tant qu’évaluation c’est vraiment un fardeau administratif pour les agent(e)s et coordonnateur(rice)s[38]. »
120 Un rapport de conformité de l’Université Laurentienne aurait non seulement permis de rappeler à l’université ses obligations en vertu de la LSF, mais aurait pu permettre au MCU de signaler au MAFO des enjeux au niveau de la désignation de l’université, avant que celle-ci n’entre dans le processus de restructuration en vertu de la LACC.
121 Ce cas illustre la nécessité pour le MAFO d’adopter une approche plus proactive de sa responsabilité de « [garantir] à l’ensemble des francophones de l’Ontario l’accès aux services gouvernementaux en français, afin de leur permettre de pleinement participer à la vie sociale, culturelle, économique et politique de leur province dans le respect de leur patrimoine linguistique et culturel[39]. » Le ministère ne peut pas renoncer à son rôle principal d’application de la LSF. C’est l’organisme au sein du gouvernement qui possède l’expertise dans ce domaine et qui doit jouer un rôle de chef de file par rapport à tous les organismes désignés et les ministères parrains pour s’assurer que les services en français aient un sens et une force en Ontario.
Recommandation 8
Que le ministère des Affaires francophones adopte une approche proactive de l’application de la Loi sur les services en français, notamment en surveillant activement le respect des obligations d’évaluation de l’Université Laurentienne.
Recommandation 9
Que le ministère des Affaires francophones communique régulièrement toutes les politiques et obligations applicables à l’Université Laurentienne et au ministère des Collèges et Universités.
Recommandation 10
Que le ministère des Affaires francophones révise l’ensemble de ses pratiques et procédures pour qu’il puisse communiquer régulièrement à tous les ministères parrains et organismes désignés leurs obligations en vertu de la désignation.
122 En plus de mettre à jour ses pratiques et procédures pour assurer une communication régulière des obligations liées à la désignation, le ministère des Affaires francophones devrait s’assurer qu’il travaille de manière proactive avec tous les ministères parrains et organismes désignés pour s’assurer qu’ils sont soutenus de façon continue pour le respect de leur conformité.
Recommandation 11
Que le ministère des Affaires francophones travaille de façon proactive avec les ministères parrains et les organismes désignés pour assurer la conformité des organismes désignés par rapport à leurs obligations.
123 Notre enquête a démontré qu’en dépit de l’obligation établie en 2014 par le MAFO pour tous les organismes désignés de faire rapport tous les trois ans sur leur conformité continue aux exigences de leur désignation, l’Université Laurentienne n’a pas respecté cette exigence. Pour sa part, le MCU n’a pris aucune mesure pour s’assurer que l’université s’y soumette[40].
124 Bien que l’on s’attende à ce que la communication soit continue entre les ministères et les organismes désignés, cette exigence formelle de rapport aide à garantir que les organismes soient évalués régulièrement et que ces évaluations soient documentées. Il s’agit d’un rappel important de la nécessité de maintenir l’offre de services en français.
125 L’absence de rapport de conformité de l’université relève du manque de planification. Comme je l’ai souligné dans mes deux rapports annuels[41], il y a un manque systématique de planification pour la prestation de services en français de la part des ministères ontariens. Plusieurs enjeux pourraient être résolus avant même de faire l’objet de plaintes au moyen d’une planification robuste de l’offre de services en français.
Recommandation 12
Que le ministère des Collèges et Universités s’assure que l’Université Laurentienne se conforme aux exigences de rapport établies par le ministère des Affaires francophones.
Recommandation 13
Que l’Université Laurentienne s’assure qu’elle se conforme à toutes les exigences de rapport liées à sa désignation.
126 La Loi sur les services en français indique que le ministère des Collèges et Universités doit avoir un(e) coordonnateur(trice) des services en français, ce qui est le cas, et que cette personne puisse communiquer avec le(la) sous-ministre.
127 Selon les informations obtenues lors de nos entrevues avec le MCU et le MAFO, les coordonnateur(trice)s des services en français sont responsables d’obtenir des informations des organismes désignés qui se rapportent à leur ministère afin d’évaluer leur conformité par rapport à leurs obligations.
128 Le MCU nous a confirmé que son coordonnateur des services en français ne jouait pas de rôle par rapport à l’Université Laurentienne après sa désignation en 2014. Une fonctionnaire nous a spécifié que le ministère n’a pas non plus consulté son(sa) coordonnateur(trice) des services en français entre juillet 2020 et avril 2021 au sujet des coupes dans les programmes de l’université :
« À ma connaissance, le(la) coordonnateur(trice) des services en français n’a pas joué de rôle [dans le dossier de l’Université Laurentienne]. Cette personne ne faisait pas partie des rencontres ou du travail que nous avons fait dans le cadre du processus de la LACC. Je pense pour être franche, que c’est quelque chose que nous pouvons améliorer et que nous devrions envisager de resserrer » [Traduction de l’anglais].
129 La Loi sur les services en français indique que la ministre des Collèges et Universités est responsable de la mise en œuvre de la Loi et de la qualité des services pour son ministère. Dans ce contexte, le ministère doit jouer un rôle actif pour comprendre les obligations de l’Université Laurentienne et pour évaluer la conformité de l’université par rapport à ses obligations. Le ministère doit travailler avec son(sa) coordonnateur(trice) des services en français pour qu’il communique avec le(la) sous-ministre les détails de la conformité de l’université. Le(la) coordonnateur(trice) doit aussi agir comme lien entre le MCU et le MAFO pour communiquer le statut de conformité de l’université et, le cas échéant, consulter sur les enjeux potentiels et les solutions.
130 Notre enquête a démontré que le MCU n’a pas cherché de conseils par rapport aux obligations en vertu de la LSF au moment où il a été informé des problèmes financiers à l’Université Laurentienne jusqu’à l’annonce des coupes dans la programmation de langue française le 12 avril 2021.
131 Le MCU nous a confirmé qu’il n’existe pas de politique ou de processus pour encadrer le rôle de coordonnateur(trice) des services en français ou pour s’assurer que cette personne ait accès à des communications opportunes concernant toutes les questions relatives aux services en français et aussi qu’elle soit consultée régulièrement.
132 Si une telle pratique avait été en place lorsque le MCU a été informé pour la première fois des réductions potentielles des programmes à l’été 2020, le(la) coordonnateur(trice) aurait pu conseiller les haut(e)s fonctionnaires du ministère sur les implications des réductions de programmes et des suspensions de grades que l’Université Laurentienne envisageait.
Recommandation 14
Que le ministère des Collèges et Universités s’assure que le(la) coordonnateur(trice) des services en français soit consulté(e) immédiatement par rapport à la conformité de l’Université Laurentienne à ses obligations en vertu de sa désignation sous la Loi sur les services en français, et que cette personne communique directement et régulièrement avec le(la) sous-ministre à cet effet.
Recommandation 15
Que le ministère des Collèges et Universités développe une politique qui détaille le rôle du(de la) coordonnateur(trice) des services en français dans la surveillance de la conformité des organismes désignés par rapport à leurs obligations en vertu de la Loi.
133 Nous avons établi que le vocabulaire employé pour désigner l’Université Laurentienne par règlement sème la confusion. Ceci dit, il est juste d’affirmer sans équivoque qu’au minimum l’Université Laurentienne n’a pas respecté la Loi sur les services en français quand elle a cessé d’offrir les programmes menant aux deux grades désignés, soient la Maîtrise ès arts et la Maîtrise en activité physique. Un membre de la haute gestion de l’Université Laurentienne a d’ailleurs reconnu que « pour tous les degrés du Baccalauréat, on était corrects, mais pas pour les deux maîtrises ».
134 La Loi indique à l’article 7 que les obligations qu’elle impose aux organismes gouvernementaux sont assujetties aux limitations raisonnables et nécessaires qu’exigent les circonstances, si toutes les mesures raisonnables ont été prises et que tous les projets raisonnables ont été élaborés afin de faire respecter la Loi. En examinant l’article 7, la Cour d’appel dans Lalonde a noté que « nécessaire » signifie que c’est la seule et unique ligne de conduite possible qui peut être prise[42]. La Cour a également conclu que l’article 7 devait être satisfait avant l’approbation par le(la) Lieutenant(e) gouverneur(e) en conseil d’un règlement visant à exempter, exclure ou soustraire un service désigné[43].
135 Selon l’analyse de la Cour, il n’est pas clair si l’article 7 crée un pouvoir séparé et distinct pour un organisme de limiter un service désigné en l’absence d’un règlement. Quoi qu’il en soit, l’Université Laurentienne n’a pas satisfait aux exigences de l’article 7 dans ce cas.
136 L’université n’a pas pris toutes les mesures raisonnables ni élaboré tous les projets raisonnables pour se conformer à la Loi, ni démontré qu’il s’agissait de la seule mesure qu’il était possible de prendre avant de soustraire la possibilité de s’inscrire à deux diplômes désignés. Au contraire, l’université a développé des plans de conformité seulement après que les coupes ont été faites et l’intervention du ministère des Affaires francophones. De plus, aucun avis concernant l’intention de l’Université Laurentienne d’apporter des changements à sa désignation en suspendant deux grades désignés n’a été affiché ni dans la Gazette de l’Ontario, ni dans un journal généralement lu en Ontario, tel que requis par la LSF[44]. Nos entrevues ont également confirmé qu’aucune période de consultation publique de 45 jours n’a eu lieu avant que ces changements ne soient annoncés et mis en vigueur le 12 avril 2021.
137 En raison de la confidentialité entourant les procédures liées à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, nous n’avons pas été en mesure d’examiner le processus d’évaluation utilisé par l’université pour déterminer les programmes et les grades à éliminer. Toutefois, selon les informations que nous avons recueillies, nous avons pu documenter que le processus prescrit par la Loi sur les services en français afin de modifier ou de soustraire un service de la portée de sa désignation n’a pas été suivi.
138 L’Université Laurentienne estime que malgré la réduction de programmes de langue française menant à des grades désignés, l’université demeure en conformité avec ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français. Un administrateur de l’université nous a indiqué que la qualité d’un grade désigné n’est pas affectée par le nombre de programmes menant à ce grade : « Peu importe si c’est un programme ou plus, on est régi par les mêmes conditions. »
139 Cette interprétation a un effet dévastateur sur l’esprit d’une désignation qui vise à préserver les services en français. Prenons l’exemple de la maîtrise en sciences de la santé. Avant le 1er février 2021, deux programmes menaient à ce baccalauréat, soit le programme d’orthophonie et le programme de sage-femme. L’université a coupé le programme de sage-femme, soit 50 % de la programmation de ce grade. La coupe d’un programme complet offert en français dans seulement deux universités au Canada dont une seule en Ontario, l’Université Laurentienne, a un impact important. L’université ne produit plus de gradué(e)s francophones qui accèdent ensuite à la profession en français et offrent des services en français. Je considère crucial que l’université analyse l’impact d’une telle décision sur ses obligations en vertu de sa désignation.
Recommandation 16
Que l’Université Laurentienne s’assure qu’elle se conforme entièrement à ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français à l’avenir.
Recommandation 17
Que le ministère des Affaires francophones évalue les implications de la désignation de grades, et non des programmes menant à ces grades, à la lumière des objectifs de la Loi sur les services en français pour protéger l’offre de services en français de l’Université Laurentienne.
Recommandation 18
Que le ministère des Affaires francophones s’assure que son interprétation de la désignation – à savoir si les programmes ou les grades (ou les deux) sont protégés – soit communiquée clairement au ministère des Collèges et Universités, à l’Université Laurentienne et au public.
140 Nous avons enquêté sur la mesure dans laquelle la Loi sur les services en français a été appliquée par l’Université Laurentienne, le ministère des Affaires francophones et le ministère des Collèges et Universités suite aux plaintes que nous avons reçues concernant les coupes dans les programmes menant à des grades désignés à l’Université Laurentienne.
141 Les coupes de près de 50 % dans les programmes de langue française menant à des grades désignés annoncées le 12 avril 2021 par l’Université Laurentienne ont eu un impact important et préjudiciable sur la prestation des services en français à l’Université Laurentienne.
142 Je reconnais que l’Université Laurentienne est la première université publique de l’Ontario à avoir demandé la protection de la LACC. Cependant, ce rapport démontre comment l’université, le MCU et le MAFO étaient au courant des problèmes financiers bien avant que l’université ne demande cette protection. Si l’université et les deux ministères avaient réfléchi à leurs obligations respectives de protection des droits linguistiques en français lorsqu’ils ont pris connaissance des difficultés financières, ils auraient pu planifier la conformité à la Loi.
143 La désignation de l’Université Laurentienne a créé une confusion auprès des étudiant(e)s, des professeur(e)s et du public en général. Le texte de la désignation laisse croire que les programmes menant aux grades listés dans le Règlement 398/93 sont désignés et qu’ils sont donc protégés par la Loi sur les services en français. Ce n’est pas l’interprétation que font le ministère des Affaires francophones, le ministère des Collèges et Universités et l’Université Laurentienne de la Loi : les ministères et l’université prévoient que seuls les grades, et non pas les programmes, soient couverts par la désignation.
144 Même s’il était accepté que la désignation ne couvre que les grades, l’Université Laurentienne a manqué à ses obligations en tant qu’organisme désigné en vertu de la Loi sur les services en français. L’université a contrevenu à la LSF en supprimant tous les programmes menant aux deux maîtrises désignées. L’université aurait dû consulter le ministère des Collèges et Universités et le ministère des Affaires francophones concernant son intention de modifier la prestation de programmes menant aux grades désignés de manière à exclure ou soustraire un service de sa désignation.
145 Le ministère des Collèges et Universités n’a pas respecté son rôle en tant que ministère parrain dans l’application de la Loi sur les services en français tel qu’il s’applique à l’Université Laurentienne. Le ministère des Collèges et Universités aurait dû prendre des mesures pour veiller à ce que l’Université Laurentienne respecte ses obligations en vertu de la Loi. Le MCU aurait dû consulter le ministère des Affaires francophones au sujet de tout enjeu touchant la désignation de l’université, aussitôt qu’il en a pris connaissance.
146 Le ministère des Affaires francophones a manqué à son rôle en tant que ministère chargé de l’application de la Loi sur les services en français. Le ministère aurait dû jouer un rôle proactif afin de clarifier les responsabilités des parties et afin d’exiger des renseignements de ces parties afin d’intervenir avant que des changements préjudiciables n’aient été faits à des programmes menant à des grades désignés. De plus, le ministère aurait dû fournir des directives et évaluer l’impact des changements proposés par l’université par rapport à ses obligations en vertu de sa désignation, et également formuler des recommandations pour assurer la qualité et l’amélioration des services en français.
147 Pour répondre aux enjeux que j’ai identifiés dans mon enquête, j’ai formulé 19 recommandations. Je m’engage à suivre les efforts faits par le ministère des Affaires francophones, le ministère des Collèges et Universités et l’Université Laurentienne pour répondre à mes préoccupations, et à veiller à ce que des mesures concrètes soient prises pour régler ces problèmes.
Recommandation 19
Que le ministère des Collèges et Universités, le ministère des Affaires francophones, et l’Université Laurentienne me fassent rapport dans six mois sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces recommandations, puis à intervalles de six mois, jusqu’à ce que je sois convaincue qu’ils ont pris des mesures adéquates pour les appliquer.
Recommandation 1
Que le ministère des Affaires francophones communique clairement par écrit à l’Université Laurentienne ses obligations en vertu de sa désignation, la manière de s’y conformer – et que cette explication soit rendue disponible au public.
Recommandation 2
Que le ministère des Affaires francophones considère l’adoption d’une nomenclature standard pour l’a désignation des établissements postsecondaires de manière à pouvoir clairement identifier les obligations qui découlent de la Loi sur les services en français.
Recommandation 3
Que l’Université Laurentienne développe un processus interne qui inclue une consultation avec le ministère des Collèges et Universités et le ministère des Affaires francophones avant de faire tout changement qui pourrait avoir un impact sur sa désignation prévue au Règlement 398/93; et que le résultat de cette consultation soit présenté devant le Sénat avant que celui-ci décide de tout changement.
Recommandation 4
Que le ministère des Collèges et Universités avise et consulte le ministère des Affaires francophones dès que possible lorsqu’il prend connaissance de tout changement potentiel aux programmes de l’Université Laurentienne liés à sa désignation.
Recommandation 5
Que le ministère des Affaires francophones développe un modèle d’évaluation de la conformité de l’Université Laurentienne à ses obligations, y compris un examen de la façon dont les changements à la programmation seront évalués à l’avenir.
Recommandation 6
Que le ministère des Affaires francophones et le ministère des Collèges et Universités s’assurent que l’évaluation de la conformité de l’Université Laurentienne soit faite avant tout changement futur qui pourrait affecter les services désignés.
Recommandation 7
Que le ministère des Affaires francophones, en collaboration avec le ministère des Collèges et Universités, développe un modèle d’évaluation de la conformité des organismes gouvernementaux postsecondaires désignés par rapport à leurs obligations en vertu de la Loi sur les services en français. Ce modèle doit détailler le rôle du(de la) coordonnateur(trice) des services en français dans la surveillance de la conformité de ces organismes.
Recommandation 8
Que le ministère des Affaires francophones adopte une approche proactive de l’application de la Loi sur les services en français, notamment en surveillant activement le respect des obligations d’évaluation de l’Université Laurentienne.
Recommandation 9
Que le ministère des Affaires francophones communique régulièrement toutes les politiques et obligations applicables à l’Université Laurentienne et au ministère des Collèges et Universités.
Recommandation 10
Que le ministère des Affaires francophones révise l’ensemble de ses pratiques et procédures pour qu’il puisse communiquer régulièrement à tous les ministères parrains et organismes désignés leurs obligations en vertu de la désignation.
Recommandation 11
Que le ministère des Affaires francophones travaille de façon proactive avec les ministères parrains et les organismes désignés pour assurer la conformité des organismes désignés par rapport à leurs obligations.
Recommandation 12
Que le ministère des Collèges et Universités s’assure que l’Université Laurentienne se conforme aux exigences de rapport établies par le ministère des Affaires francophones.
Recommandation 13
Que l’Université Laurentienne s’assure qu’elle se conforme à toutes les exigences de rapport liées à sa désignation.
Recommandation 14
Que le ministère des Collèges et Universités s’assure que le(la) coordonnateur(trice) des services en français soit consulté(e) immédiatement par rapport à la conformité de l’Université Laurentienne à ses obligations en vertu de sa désignation sous la Loi sur les services en français, et que cette personne communique directement et régulièrement avec le(la) sous-ministre à cet effet.
Recommandation 15
AQue le ministère des Collèges et Universités développe une politique qui détaille le rôle du(de la) coordonnateur(trice) des services en français dans la surveillance de la conformité des organismes désignés par rapport à leurs obligations en vertu de la Loi.
Recommandation 16
Que l’Université Laurentienne s’assure qu’elle se conforme entièrement à ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français à l’avenir.
Recommandation 17
Que le ministère des Affaires francophones évalue les implications de la désignation de grades, et non des programmes menant à ces grades, à la lumière des objectifs de la Loi sur les services en français pour protéger l’offre de services en français de l’Université Laurentienne.
Recommandation 18
Que le ministère des Affaires francophones s’assure que son interprétation de la désignation – à savoir si les programmes ou les grades (ou les deux) sont protégés – soit communiquée clairement au ministère des Collèges et Universités, à l’Université Laurentienne et au public.
Recommandation 19
Que le ministère des Collèges et Universités, le ministère des Affaires francophones, et l’Université Laurentienne me fassent rapport dans six mois sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces recommandations, puis à intervalles de six mois, jusqu’à ce que je sois convaincue qu’ils ont pris des mesures adéquates pour les appliquer.
148 Conformément à la pratique de l’Ombudsman dans toutes les enquêtes formelles, et conformément aux principes d’équité procédurale, j’ai donné à l’Université Laurentienne, au ministère des Affaires francophones et au ministère des Collèges et Universités l’opportunité de commenter une version préliminaire de ce rapport et de mes recommandations avant qu’elles ne soient finalisées. J’ai tenu compte de leurs commentaires dans la préparation de ce rapport final.
Ministère des Collèges et Universités
149 Le ministère des Collèges et Universités a accepté l’ensemble de mes cinq recommandations qui lui sont adressées et a confirmé qu’il élaborera un plan pour y donner suite. Le ministère s’est réjoui de l’occasion qui lui est offerte de tirer des leçons de ce processus et de travailler en collaboration avec les parties prenantes, y compris le ministère des Affaires francophones.
Ministère des Affaires francophones
150 La majorité de mes recommandations s’adressaient au ministère des Affaires francophones. Le ministère a accepté toutes mes recommandations qui lui étaient adressées.
151 En réponse à une version préliminaire de ce rapport, le MAFO a fait valoir qu’il était proactif en ce qui concerne la supervision de la désignation de l’Université Laurentienne, car il a pris des mesures concrètes telles que d’écrire à l’université neuf jours après l’annonce publique des coupes, d’envoyer une deuxième lettre une semaine plus tard, le 28 avril 2021, une troisième le 24 juin, et une quatrième le 19 août. Il a également fait référence à de multiples réunions que le ministère a tenues avec le MCU et l’université, mais n’a pas fourni de dates. Le ministère a soutenu qu’il n’aurait pas pu agir plus tôt en raison de la confidentialité du processus de la LACC.
152 Mon rapport démontre que l’Université Laurentienne était au courant de ses problèmes financiers dès mars 2020, soit 11 mois avant le début des procédures en vertu de la LACC. À l’été 2020, l’université a décidé de cesser d’admettre des étudiants à six programmes menant à des grades désignés. De plus, l’université a suspendu les admissions à un grade désigné en entier. Si le ministère des Affaires francophones s’était assuré que des processus d’évaluation avaient été développés et qu’ils étaient en place, il aurait été en mesure de superviser activement le statut de la désignation de l’université et de la conseiller sur ses obligations en vertu de la LSF.
153 Bien que le ministère doit être félicité pour avoir pris des mesures afin de ramener l’université à la conformité après le 21 avril 2021, ces mesures ont été prises plus d’une semaine après l’annonce publique des coupes, huit jours après que j’aie soulevé des préoccupations auprès du ministère et neuf mois après la suspension des admissions à un grade désigné. Le ministère fait preuve d’une compréhension erronée de ses responsabilités ce qui nuit à sa fonction essentielle d’application de la LSF. Il s’agit d’une occasion manquée de s’assurer que les droits linguistiques des francophones soient pris en compte, et ce dès le début de la restructuration de l’Université Laurentienne.
154 La réponse du ministère des Affaires francophones à mon rapport préliminaire reflète également qu’il a manqué une opportunité d’utiliser judicieusement ses pouvoirs en vertu de la LSF. Le MAFO a notamment fait valoir initialement qu’il est limité dans sa surveillance de la prestation de services en français par une université en raison de l’autonomie des universités et de l’exigence du paragraphe 9(2) de la LSF selon laquelle les universités doivent consentir à la désignation. Cependant, le MAFO a la responsabilité ultime d’appliquer la Loi et de veiller à ce que les droits linguistiques des francophones soient protégés.
155 Tout en respectant l’autonomie de l’université, je m’attends à ce que le Ministère travaille activement à évaluer la conformité de l’université afin de la conseiller et de l’appuyer en ce qui concerne ses obligations. Cet exercice ne porterait pas atteinte à l’autonomie de l’université. Il vise plutôt à établir un processus d’évaluation préalable du respect des obligations et des impacts potentiels sur la désignation. Les conseils du MCU et du MAFO pourraient alors être appliqués par l’université pour s’assurer que ses décisions n’aient pas d’impact négatif sur les droits linguistiques des francophones. Ce dispositif permet de veiller à ce que la désignation soit gérée conformément à l’esprit de la Loi sur les services en français.
156 J’encourage le ministère des Affaires francophones à exercer du leadership pour s’assurer que les droits linguistiques des francophones soient respectés et protégés en Ontario. Le MAFO est le seul ministère ontarien en charge de l’application de la Loi. Il est l’outil principal du gouvernement pour fournir des lignes directrices sur l’application des droits linguistiques en Ontario. C’est un rôle vital pour la province.
157 Dans sa réponse initiale à la version préliminaire de ce rapport, le ministère des Affaires francophones a également fait valoir que l’Université Laurentienne n’était pas tenue de fournir un avis public ou d’adopter un règlement avant de retirer l’accès aux grades désignés parce qu’elle n’avait pas l’intention de « dé-désigner » les grades. Le MAFO a plutôt déclaré que l’université était régie par l’article 7 de la LSF, qui assujettit les obligations d’un organisme désigné à des limitations raisonnables et nécessaires qu’exigent les circonstances. Comme je l’ai expliqué plus haut, l’article 7 de la Loi ne s’applique que lorsque « toutes les mesures raisonnables ont été prises et que tous les projets raisonnables ont été élaborés ».
158 La preuve présentée dans ce rapport démontre que l’Université Laurentienne n’a pas tenu compte de ses obligations en vertu de la LSF et n’a pas élaboré de projets raisonnables pour se conformer à la Loi avant de révoquer les services. Au lieu de cela, le MAFO a commencé à travailler avec l’université pour élaborer des plans de conformité après la soustraction des services. Dans le cas de la Maîtrise en activité physique, ce travail n’a commencé que plus de huit mois après que l’université ait révoqué la possibilité pour les étudiant(e)s de s’inscrire. L’article 7 n’agit pas rétroactivement pour sanctionner la soustraction de services désignés.
159 Bien que le MAFO ait initialement émis quelques réserves, il a finalement accepté de mettre en œuvre toutes mes recommandations.
160 Comme mon rapport le démontre, l’organisme, le ministère des Affaires francophones et les ministères parrains ont tous des rôles importants dans la gestion de la désignation d’un organisme offrant des services publics. Il est donc primordial que les trois partis collaborent activement pour mettre en œuvre mes recommandations qui visent à protéger les droits linguistiques. Je surveillerai de près la collaboration entre l’Université Laurentienne, le ministère des Affaires francophones et le ministère des Collèges et Universités au fur et à mesure que j’examinerai les rapports d’étape exigés en vertu de la recommandation 19.
Université Laurentienne
161 L’Université Laurentienne a accepté l’ensemble des recommandations et a déclaré qu’elle est heureuse de travailler avec le MAFO à l’élaboration d’un modèle pour évaluer sa conformité à la Loi et de soumettre régulièrement des rapports de conformité. En acceptant ma recommandation 19 de rendre compte de ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations, l’université a noté qu’elle se réjouit de travailler avec les ministères pour mettre en œuvre mes recommandations.
162 Dans sa réponse initiale à la version préliminaire de ce rapport, l’Université Laurentienne a déclaré qu’elle croyait qu’elle pourrait apporter des changements aux grades désignés sans d’abord assurer la conformité à la LSF parce qu’elle l’avait déjà fait dans le passé. L’université nous a dit qu’elle a supprimé le grade désigné (B. Com.) et l’a remplacé par un nouveau grade (B.A.A.) en 2015-2016 et ce, sans suivre les processus prescrits par la Loi. Si l’université avait consulté le MCU et le MAFO avant d’apporter ce changement, elle aurait pu être informée des exigences de sa désignation et appuyée pour tout changement requis. Cet exemple illustre comment l’adoption des pratiques exemplaires décrites dans mon rapport renforcera la prestation des services en français de l’université et l’aidera à assurer le respect continu de sa désignation à l’avenir. De même, si l’université avait consulté de façon proactive les ministères lorsqu’elle s’est rendu compte pour la première fois que ses difficultés financières pourraient nécessiter des changements aux programmes menant à des grades désignés, bon nombre des lacunes relevées dans mon rapport auraient pu être évitées.
163 De plus, l’Université Laurentienne a fait valoir qu’elle n’aurait pas pu se conformer aux exigences procédurales de la LSF, y compris pour fournir un avis public et des commentaires, avant de soustraire les services désignés en raison de la confidentialité du processus de la LACC. Tel que mentionné précédemment, la Laurentienne était au courant de ses problèmes financiers dès mars 2020, soit 11 mois avant le début des procédures en vertu de la LACC. L’université a soustrait l’accès à un grade désigné à l’été 2020, six mois avant de demander la protection des créanciers au tribunal. Si l’Université Laurentienne avait tenu compte de ses obligations en vertu de sa désignation dès le départ, elle aurait pu prévoir sa conformité bien avant que le processus de la LACC ne devienne un facteur à prendre en compte.
164 La LSF n’autorise des limitations sur les services désignés que lorsque cela est raisonnable et nécessaire, et lorsque « toutes les mesures raisonnables ont été prises et que tous les projets raisonnables ont été élaborés ». L’université a fait valoir qu’elle s’est conformée à ces exigences compte tenu des circonstances extraordinaires de sa restructuration financière et en tenant compte de l’incidence que la coupe dans les programmes de langue française aurait sur la capacité des étudiant(e)s inscrit(e)s à obtenir leur diplôme en français. Elle a également expliqué qu’elle avait tenu compte du financement supplémentaire reçu pour les programmes de langue française dans son analyse financière. De plus, l’université a expliqué que le Sous-comité du Sénat comprenait deux membres francophones et deux membres entièrement bilingues qui ont participé aux négociations confidentielles. Elle s’est également assurée que le médiateur nommé dans le cadre du processus de la LACC était bilingue. Bien que je félicite l’université d’avoir fait entendre une voix francophone forte pendant les procédures de la LACC, la représentation francophone au sein du comité ne dispense pas du respect de la LSF. Ces considérations ne satisfont pas non plus à l’exigence de l’article 7 de prendre toutes les mesures raisonnables et de planifier la conformité avant de soustraire un service désigné. Comme je l’ai démontré dans mon rapport, l’Université Laurentienne a suspendu les admissions à un grade désigné en juillet 2020, bien avant le début du processus de la LACC. Les programmes menant à un autre grade désigné ont été soustraits en avril 2021.
165 L’Université Laurentienne a indiqué qu’elle n’avait pas mis fin aux deux grades désignés, mais qu’ils étaient « suspendus ». Comme la Cour d’appel l’a fait remarquer dans l’arrêt Lalonde, la Loi s’applique lorsqu’un service n’est « plus disponible »[45]. Lorsque l’admission à un grade désigné a été suspendue et que tous les programmes menant à un autre grade désigné ont été coupés, ces services n’étaient plus disponibles. Bien que je félicite l’université d’avoir pris des mesures pour rétablir ces services, ces plans de conformité auraient dû être faits avant que les services ne soient supprimés.
166 L’Université Laurentienne a fait valoir que mon observation selon laquelle les coupes de l’université ont eu « un impact important et préjudiciable » est une exagération, puisque seulement huit étudiants ont été touchés – ceux des deux maîtrises suspendues – et que les deux grades ont depuis été réintroduits. Je tiens à souligner que le non-respect des droits linguistiques garantis par la Loi sur les services en français est préjudiciable, qu’il touche huit étudiant(e)s ou huit cents d’entre elles et eux. J’encourage également l’université à adopter une approche plus large et plus libérale pour interpréter ses obligations en tant qu’organisme désigné, et à mettre en œuvre les pratiques exemplaires que j’ai partagées qui auraient pu prévenir ou réduire l’impact négatif de toutes ses coupes dans les programmes de langue française.
167 Je suis encouragée par le fait que le ministère des Collèges et Universités et le ministère des Affaires francophones et l’Université Laurentienne aient accepté toutes mes recommandations ainsi que par les engagements exprimés par ceux-ci d’améliorer leur prestation de services en français à l’avenir.
Kelly Burke
Commissaire aux services en français de l’Ontario
[1] Une liste des 13 grades se trouve au paragraphe 66 de ce rapport.
[2] Dans ce rapport, tous les noms ont été changés pour protéger la confidentialité de nos plaignant(e)s.
[3] En réponse à une version préliminaire de ce rapport, l’Université Laurentienne a indiqué qu’elle offrait à tou(te)s les étudiant(e)s au-delà de leur deuxième année la possibilité de terminer leur diplôme à l’université.
[4] En réponse à une version préliminaire de ce rapport, l’université a soutenu que tous les cours de linguistique requis pour le programme d’orthophonie sont maintenus.
[5] L’hon. Bernard Grandmaître lors de la présentation du projet de loi à l’Assemblée législative, le 1er mai 1986.
[6] Loi sur les services en français, LRO 1990, c F.32, art 9 [LSF].
[7] Ibid, art 9(2).
[8] Lalonde c Ontario (Commission de restructuration des services de santé), 2001 CanLII 21164 (ON CA) [Lalonde], en ligne.
[9] Ibid aux para 127, 169.
[10] Ibid au para 181.
[11] Ibid aux para 164, 165.
[12] LSF, supra note 6, art 8.
[13] Ibid, art 10.
[14] Ibid, art 7.
[15] Lalonde, supra note 8 au para 161.
[16] LSF, supra note 6, art 10.
[17] Lalonde, supra note 8 au para 164.
[18] Le ministère administre également la Loi de 2010 sur le Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes, LO 2010, c 4 et la Loi de 2001 sur l’emblème franco-ontarien, LO 2001, c 5.
[19] LSF, supra note 6, art 11.
[20] Ministère des Affaires francophones, « Guide d’utilisation — Désignation des organismes conformément à la Loi sur les services en français » (Mis à jour : 1er mars 2022) [Guide d’utilisation de 2022], en ligne.
[21] LSF, supra note 6, art 11(2)(b).
[22] Ce nouveau guide énonce brièvement les étapes du processus de désignation et formule 20 exigences pour obtenir une désignation. Il peut être consulté en ligne.
[23] LSF, supra note 6, art 8. Tel que mentionné précédemment, ce processus implique une décision du Conseil Exécutif qui est formellement approuvé par le(la) Lieutenant(e)-Gouverneur(e).
[24] Depuis le 9 décembre 2021 (date où la sanction royale a été reçue), le(la) ministre doit rendre compte et faire rapport au Conseil exécutif de la mise en application de la Loi par son ministère, ainsi que de la qualité des services en français fournis par son ministère.
[25] Voir, à cet effet, Office des Affaires francophones, « Guide to Subordinate Legislation under the French Language Services Act, 1986 » (Révisé : 26 juin 1991) [Guide de 1991] à la p 22 ou le Guide d’utilisation de 2022, supra note 20.
[26] LSF, supra note 6, art 13.
[27] Raymond Chabot Grant Thornton, « Analyse des éléments de la structure organisationnelle pour une désignation partielle en vertu de la Loi sur les services en français (LSF) » (12 mai 2014).
[28] En réponse à une version préliminaire de ce rapport, l’université a fait valoir que les étudiant(e)s déjà inscrit(e)s dans ces programmes au moment des coupes pouvaient toujours obtenir leur diplôme, mais qu’aucun nouvel étudiant ne pouvait plus s’inscrire pour le faire.
[29] Règl. de l’Ont 398/93, art 4(1).
[30] Ibid, art 2.1.
[31] En réponse à une version préliminaire de ce rapport, le MAFO et l’Université Laurentienne ont soutenu qu’une approche normalisée de la nomenclature décrivant les désignations des établissements postsecondaires serait incompatible avec l’exigence de la Loi selon laquelle les universités doivent consentir à la désignation, et pourrait dissuader d’autres universités de demander la désignation. Cette recommandation ne suggère pas une approche universelle et ne porte pas atteinte à la nature volontaire de la désignation d’une université. Au lieu de cela, la terminologie devrait être normalisée afin que les désignations puissent être comparées et comprises par le public.
[32] L’Université Laurentienne a indiqué dans sa réponse à une version préliminaire de ce rapport qu’elle avait consulté le ministère des Collèges et Universités et a fait référence à une lettre qu’elle a envoyée au ministère le 9 juillet 2020. L’université n’a pas soumis cette lettre au cours de notre enquête, malgré notre demande de divulgation d’informations pertinentes. Cette lettre nous a seulement été partagée à la suite de la consultation de la version préliminaire de ce rapport par l’université. La lettre fait trois pages et couvre plusieurs sujets, y compris des questions liées à la pandémie de COVID-19 et à la situation financière de l’université. Il n’y a aucune référence à la LSF ou aux obligations de l’université en vertu de sa désignation dans la lettre.
[33] En réponse à une version préliminaire de ce rapport, l’université a indiqué qu’elle avait évoqué à plusieurs reprises au MCU l’impact potentiel des coupes dans les programmes sur les grades désignés, sans fournir de dates précises. Comme indiqué, les preuves que nous avons examinées et les entrevues que nous avons menées démontrent que la LSF et l’impact potentiel des problèmes financiers sur les services désignés de l’université n’ont fait l’objet d’aucune discussion officielle avec le MCU avant 2021.
[34] « À tous les niveaux, politiques ou diplomatiques, les consultations sont des délibérations en vue d’entendre, de jauger, d’apprécier, voire de critiquer des avis différents sur un problème donné, en vue de conseiller, de proposer des options, de faire des suggestions » : Banque terminologique Termium Plus, « Consultation : Fiche 17 » (30 juillet 1993), en ligne.
[35] Guide de 1991, supra note 25; Guide d’utilisation de 2022, supra note 20.
[36] En réponse à une version préliminaire de ce rapport, le MAFO a indiqué avoir mis en place un processus d’évaluation en 2014, lorsqu’il a exigé que les organismes désignés fassent rapport tous les trois ans. Cette exigence n’a pas établi de cadre par lequel le ministère évaluera la conformité à la Loi, comme je l’ai recommandé dans le présent rapport, et n’a pas non plus précisé comment cette conformité devait être mesurée. De plus, comme indiqué ci-dessous, l’exigence de rapport sur trois ans n’a jamais été appliquée et l’Université Laurentienne n’a pas soumis un tel rapport aux ministères.
[37] Guide d’utilisation de 2022, supra note 20.
[38] En février 2022, le MAFO a introduit un portail numérique pour faciliter le processus de désignation. Cet outil pourrait adresser l’enjeu soulevé par les représentants du ministère concernant le fardeau administratif que représente le processus de rapport.
[39] Rôle du MAFO tel qu’indiqué sur son site Web.
[40] En réponse à une version préliminaire de ce rapport, le ministère des Affaires francophones a fait valoir que l’obligation de rapports n’incombe pas à l’organisme désigné, mais plutôt au ministère parrain. Cependant, le guide en ligne mis à jour du MAFO indique que les organismes désignés sont responsables de remplir et de soumettre cette évaluation.
[41] Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, « Rapport annuel de la Commissaire aux services en français de l’Ontario » (décembre 2020), en ligne; Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, « Rapport annuel de la Commissaire aux services en français de l’Ontario » (décembre 2021), en ligne.
[42] Lalonde, supra note 8 au para 164.
[43] Ibid aux para 161, 167.
[44] LSF, supra note 6, art 10.
[45] Lalonde, supra note 8 au para 161.