Enquête sur les réunions à huis clos des Cantons unis de Head, Clara et Maria le 21 octobre et le 4 novembre 2011
André Marin
Ombudsman de l’Ontario
août 2012
Plaintes
1 Le 7 novembre 2011, notre Bureau a reçu une plainte disant que le Conseil des Cantons unis de Head, Clara et Maria avait indûment tenu des séances à huis clos le 21 octobre et le 4 novembre 2011. Cette plainte alléguait qu’il avait été inapproprié de procéder à huis clos pour les discussions qui avaient eu lieu alors.
Compétence de l’Ombudsman
2 En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, les municipalités sont tenues d’adopter des règlements municipaux qui définissent les règles de procédure des réunions. La Loi stipule qu’elles doivent aviser le public de ces réunions et que toutes les réunions doivent être publiques, sauf si elles relèvent d’exceptions prescrites.
3 Depuis le 1er janvier 2008, des modifications à la Loi de 2001 sur les municipalités accordent aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a dûment fermé une réunion au public. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l’Ombudsman de l’Ontario. La Loi désigne l’Ombudsman en tant qu’enquêteur par défaut dans les municipalités qui n’ont pas nommé leur propre enquêteur.
4 L’Ombudsman de l’Ontario est l’enquêteur des Cantons unis de Head, Clara et Maria.
5 Lorsqu’il enquête sur les plaintes à propos des réunions à huis clos, notre Bureau considère si les exigences de la Loi relatives aux réunions publiques et les règlements de procédure municipaux pertinents ont dûment été respectés.
Procédures de réunions du Conseil
6 Le règlement de procédure de la Ville (règlement 2012-14) stipule que les réunions ordinaires du Conseil des Cantons unis de Head, Clara et Maria se tiendront le premier et le troisième vendredi de chaque mois, à 14 h, à moins que le Conseil n'en décide autrement par résolution.
7 Le règlement de procédure stipule qu’aucun point ne peut être ajouté à l’ordre du jour sans l’accord unanime du Conseil. Il précise que toutes les réunions doivent être publiques, « sauf celles spécifiquement autorisées par la Loi sur les municipalités, L.R.O. 2001, telle que modifiée ou toute autre loi ».
Processus d’enquête
8 Le 12 mars 2012, après avoir effectué un examen préliminaire des plaintes, notre Bureau a avisé la Ville que nous ferions une enquête.
9 Durant notre enquête, nous avons obtenu et analysé des documents municipaux pertinents, dont des procès-verbaux, des ordres du jour, des courriels et d’autres documents municipaux. Nous nous sommes aussi penchés sur les règlements de procédure de la Ville et sur les lois et la jurisprudence applicables.
10 Conformément au paragraphe 19(1) de la Loi sur l’Ombudsman, les membres du Conseil et le personnel de la Ville sont tenus de fournir à notre Bureau tout document ou renseignement requis dans le cadre de nos enquêtes. Les membres du Conseil et le personnel de la Ville ont pleinement coopéré à notre enquête.
11 Deux membres de notre Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques ont fait des entrevues personnelles avec tous les membres du Conseil et la secrétaire, ainsi qu'avec l'ancienne secrétaire-trésorière adjointe.
Conclusions d’enquête
12 À condition que toutes les exigences de procédure soient respectées, le Conseil est en droit, en vertu de la Loi et de son propre règlement de procédure, de tenir des réunions à huis clos pour discuter de renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du conseil local (alinéa 239(2)b) de la Loi).
13 Conformément à nos procédures, nous avons donné à la Ville la possibilité de consulter une ébauche préliminaire de mon rapport et de nous faire toute présentation pertinente avant la finalisation de ce rapport. Nous avons proposé aux membres du Conseil et du personnel de leur remettre un exemplaire de notre rapport préliminaire, pour qu’ils puissent l’étudier, sous réserve de signer un engagement de confidentialité.
14 Quatre conseillers et la secrétaire ont signé cet engagement de confidentialité et ont reçu notre rapport préliminaire, à titre temporaire. Nous avons reçu à son sujet un ensemble de commentaires que nous avons examinés et considérés pour la version finale de notre rapport.
15 En conclusion de notre enquête, nous avons déterminé que les discussions qui ont eu lieu à huis clos le 21 octobre et le 14 novembre 2011 étaient autorisées par les exceptions aux exigences des réunions publiques.
Réunion du 21 octobre
16 L’ordre du jour de la réunion du 21 octobre indiquait que le Conseil tiendrait une séance à huis clos pour discuter de « plaintes de harcèlement ». Le Conseil devait étudier un rapport du personnel, intitulé « Harassement Options Report ». Ce rapport énonçait des ébauches de résolutions à adopter par le Conseil en réponse à des plaintes récentes de harcèlement faites par la secrétaire municipale. De plus, le rapport donnait des renseignements généraux sur la définition de « harcèlement » et sur le devoir qu’a Conseil en tant qu’employeur quand il se trouve confronté à de telles allégations.
17 Le Conseil a adopté une résolution en séance publique pour se réunir à huis clos en vertu de l’alinéa 239(2)b) de la Loi (« renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée ») et de l’alinéa 239(2)e) relatif à des « litiges actuels ou éventuels » pour discuter « de plaintes de harcèlement déposées par la secrétaire et d’une plainte relevant du code de conduite » à l’encontre d’un conseiller, faite par un membre nommé du public. La plainte relevant du code de conduite avait trait au comportement d’un conseiller lors d’une dispute privée entre la secrétaire et ce membre du public.
18 La plainte relevant du code de conduite n’était pas inscrite à l’ordre du jour original pour la séance à huis clos. Durant nos entrevues, un membre du Conseil nous a fait savoir qu’un membre du public l’avait contacté avant la réunion du 21 octobre, lui demandant qu’une plainte relative au code de conduite à l’encontre de la secrétaire soit présentée au Conseil ce soir-là. Cette personne ne voulait pas suivre le processus standard – qui aurait consisté à déposer la plainte directement auprès de la secrétaire – car elle estimait que la secrétaire serait en situation de conflit d’intérêt. En effet, il y avait eu dispute personnelle entre cette personne et la secrétaire – dispute dont la plainte relative au code de conduite donnait le détail. Le membre du conseil a présenté la plainte à la réunion ce soir-là et a demandé que la question soit ajoutée à l’ordre du jour de la séance à huis clos.
19 Lors des entrevues que nous avons effectuées, nous avons obtenu des renseignements contradictoires faisant qu’il nous a été difficile de savoir si l’ajout de cet élément à l’ordre du jour s’était fait dans le respect du règlement de procédure qui requiert un vote unanime du Conseil pour modifier l’ordre du jour d’une réunion. Un des membres du Conseil croyait qu’une résolution avait été adoptée pour ajouter ce point à l’ordre du jour, tandis qu’un autre membre du Conseil était certain qu’il n’y avait pas eu de résolution. L’une des personnes interviewées était convaincue qu’en votant à propos de la résolution d’entrer à huis clos (qui avait été adoptée à l’unanimité), le Conseil s’était acquitté de ses obligations en vertu de son règlement de procédure. D’autres encore ne pouvaient pas se souvenir comment la question avait été ajoutée à l’ordre du jour. Dans le procès-verbal, rien n’indique la tenue d’un vote spécifique pour modifier l’ordre du jour afin d’ajouter la plainte du code de conduite à la séance à huis clos.
20 D’après le procès-verbal, la discussion à huis clos de la plainte relative au code de conduite a spécifiquement porté sur le fait que cette plainte n’avait pas été déposée conformément aux règlements de la municipalité, puisqu’elle n’avait pas été déposée auprès de la secrétaire. Les renseignements donnés à notre Bureau au cours des entrevues indiquent que le Conseil a aussi discuté du conflit sous-jacent entre la secrétaire et le membre du public qui avait déposé cette plainte. Cette discussion avait pour but de situer le contexte afin d’expliquer pourquoi ce membre du public avait porté plainte auprès d’un membre du Conseil, au lieu de passer par la secrétaire. Lors de nos entrevues, un membre du Conseil a qualifié la question de « discussion privée » et a jugé que cette dispute ne concernait aucunement le Conseil. Un autre membre du Conseil a considéré que cette plainte pourrait avoir des répercussions juridiques pour la municipalité et qu’il était donc pertinent d’en discuter à huis clos en vertu de l’exception « litiges actuels ou éventuels ». Un membre du personnel nous a avisés qu’il ne convenait pas de discuter de cette question à huis clos, étant donné que les détails du conflit étaient déjà connus de presque tout le monde dans la municipalité.
21 En fin de discussion, le Conseil a enjoint à la secrétaire d’envoyer une lettre à l’auteur de la plainte relative au code de conduite, indiquant que cette plainte avait été déposée incorrectement et lui donnant des renseignements sur la manière dont elle aurait dû l’être.
22 Selon le procès-verbal, les conseillers ont ensuite discuté des plaintes de harcèlement de la secrétaire, résultant en partie d’une altercation entre elle et un membre du public lors d’une réunion du Conseil. Le Conseil a étudié les mesures d’action à prendre en réponse à ces plaintes. Durant nos entrevues, nous avons été informés que la discussion avait entre autres visé à déterminer si le Conseil devait engager des poursuites judiciaires à propos de ces plaintes de harcèlement.
23 L’un des conseillers nous a dit que les discussions tenues à huis clos le 21 octobre étaient appropriées, car elles portaient sur « des allégations de harcèlement dont la preuve n’avait pas encore été faite ». Ce conseiller estimait qu’il aurait été inapproprié « de donner des noms » quand l’authenticité des allégations restait incertaine.
24 Un autre conseiller a jugé que les discussions méritaient d’être tenues à huis clos car le Conseil envisageait d’intenter des poursuites judiciaires contre un membre du public mis en cause par une allégation de harcèlement. Ce conseiller estimait aussi que l’affaire présentait un caractère privé – à savoir qu’il s’agissait d’une dispute personnelle entre la secrétaire et un résident.
25 Rien n’indique que le Conseil ait fait un rapport au public sur ce qui s’était passé à huis clos – sinon pour adopter des motions résultant des discussions à huis clos. Selon tous nos interviewés, le Conseil ne fait pas de rapport de ses activités à huis clos au public. En règle générale, les seuls renseignements donnés au public à propos des séances à huis clos prennent la forme de l’adoption des résolutions découlant des discussions à huis clos.
26 Quand la séance publique a repris, le Conseil a adopté plusieurs résolutions en réponse aux allégations de harcèlement de la secrétaire. L’une d’elles, qui aurait autorisé l’avocat municipal à entamer des poursuites judiciaires contre un membre du public au nom de la secrétaire, a été rejetée.
Réunion du 4 novembre
27 L’ordre du jour de la réunion du 4 novembre n’indiquait pas qu’il y aurait une séance à huis clos. L’ancienne secrétaire-trésorière adjointe nous a dit que la raison en était la suivante : le personnel croyait que toutes les questions seraient débattues en public. Le procès-verbal montre qu’une partie du rapport du trésorier à discuter lors de la réunion portait sur une motion adoptée lors de la réunion précédente du Conseil, concernant les plaintes de harcèlement de la secrétaire. D’après le procès-verbal, le Conseil a décidé de discuter de cette question à huis clos, en dépit du conseil de la secrétaire-trésorière adjointe. Lors de la réunion, la secrétaire-trésorière adjointe a rappelé au Conseil que les exceptions des réunions publiques étaient discrétionnaires et qu’il n’y avait « aucune obligation de discuter ces résolutions à huis clos ».
28 Durant notre entrevue, l’ancienne secrétaire-trésorière nous a dit que la ville est si petite que « tout le monde » était au courant des plaintes de harcèlement. D’après elle, le Conseil n’allait rien discuter à huis clos qui n’était pas déjà connu du public.
29 Le Conseil a adopté une résolution en vue de tenir un huis clos pour discuter de renseignements privés concernant une personne qui pouvait être identifiée. En séance à huis clos, le Conseil a envisagé d’engager un enquêteur indépendant pour examiner les plaintes de harcèlement de la secrétaire.
30 Quand la séance publique a repris, le Conseil a adopté une motion visant à « étudier le coût de transmettre les plaintes (de la secrétaire) à un enquêteur-médiateur indépendant et chevronné, qui serait sélectionné par le Conseil, pour examen approprié ».
Analyse
31 Les renseignements donnés à notre Bureau indiquent que, lors de la réunion du 21 octobre et de celle du 4 novembre, le Conseil a tenu un huis clos pour discuter de « renseignements privés concernant une personne qui pouvait être identifiée ». Les discussions ont porté sur des plaintes de harcèlement faites par la secrétaire contre un membre du public identifié, et sur une plainte relative au code de conduite faite par un membre du public contre un conseiller. En général, les renseignements sur les plaintes portées contre les conseillers, dans leur capacité professionnelle, ne doivent pas être discutés à huis clos. Mais dans ce cas, nous avons été informés que les discussions mettaient en jeu des renseignements privés à propos de conflits privés auxquels avaient pris part des membres du public.
32 Certains des renseignements discutés à huis clos étaient déjà connus du public, en partie à cause des données identitaires incluses dans la documentation de la séance publique et en partie à cause du bouche-à-oreille. Mais nous avons appris que certaines personnes dont les renseignements privés avaient été discutés étaient outrées de la quantité de données identitaires figurant au procès-verbal de la séance publique, considérant qu’il y avait eu atteinte à leur vie privée. La raison d’être de cette exception est de protéger le droit à la vie privée de toute personne identifiable. Comme l’a noté la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Ontario (ministère des Services correctionnels) c. Goodis[1], « S’il y a risque vraisemblable que la personne puisse être identifiée à partir de ces renseignements, alors ces renseignements répondent à la définition de… renseignements privés ». Certes, toutes les exceptions aux exigences des réunions publiques devraient être interprétées étroitement et appliquées prudemment, mais dans ce cas les discussions tenues à huis clos cadrent avec les paramètres de l’exception des « renseignements privés ».
33 En ce qui concerne la seconde exception citée à la réunion du 21 octobre – litiges actuels ou éventuels – nous avons reçu des renseignements contradictoires quant aux raisons pour lesquelles cette exception avait été incluse dans la résolution de tenir un huis clos. Certains conseillers croyaient que l’exception portait sur la première partie des discussions à huis clos (plainte relative au code de conduite), mais d’autres considéraient qu’elle s’appliquait à la seconde partie (plaintes de harcèlement de la secrétaire), et d’autres encore n’étaient pas très certains si elle s’appliquait à l’une ou à l’autre des parties, ou aux deux.
34 À la réunion du 21 octobre, lors de ses discussions sur les plaintes de harcèlement de la secrétaire, le Conseil a envisagé d’intenter des poursuites judiciaires. Cette mesure aurait relevé de l’exception « litiges actuels ou éventuels ». Nous avons aussi appris que le Conseil avait discuté la possibilité de poursuites intentées contre la municipalité, en raison de la plainte du code de conduite, qui était le premier point étudié à huis clos. Certains membres du Conseil nous ont dit que c’était la raison pour laquelle « des litiges actuels ou éventuels » avaient été cités dans la résolution visant à tenir un huis clos.
35 En ce qui concerne la plainte relative au code de conduite, aucune preuve concrète ne porte à croire à des poursuites judiciaires en cours ou à venir. Présumer qu’il pourrait y avoir de futurs litiges ne suffit pas à invoquer l’alinéa 239(2)e). Par contre, comme mentionné, la plainte relative au code de conduite pourrait relever de « renseignements privés à propos d’une personne pouvant être identifiée ».
36 Pour être plus clair, le Conseil devrait envisager d’adopter une résolution indiquant quelle exception s’applique à quel point discuté. Ceci contribuerait à éviter toute confusion quant aux raisons pour lesquelles une question donnée est discutée à huis clos, et non pas en public.
37 Durant notre enquête, nous avons observé certaines pratiques problématiques. Premièrement, le Conseil a ajouté un élément – la plainte concernant le code de conduite – à l’ordre du jour de sa réunion du 21 octobre, en toute dernière minute. On ne sait pas très bien si le Conseil a suivi son propre règlement de procédure, exigeant un vote unanime pour modifier l’ordre du jour, avant de le faire.
38 Conformément aux principes d’ouverture, de transparence et de responsabilisation qui sous-tendent les exigences des réunions publiques, le Conseil devrait généralement éviter de discuter toute question qui n’a pas fait l’objet d’un avis préalable. Le Conseil ne devrait pas ajouter de questions en toute dernière minute, à moins qu’elles ne soient clairement urgentes, ou qu’il n’y ait des raisons impérieuses de suspendre les procédures normales d’avis à donner. En outre, aucun point ne devrait être ajouté à l’ordre du jour, à moins d’avoir respecté les exigences du règlement de procédure.
39 Deuxièmement, le Conseil ne semble pas faire de rapports publics, de manière informée, sur ses séances à huis. Or nous encourageons les municipalités à faire publiquement des rapports de leurs activités à huis clos, au moins de manière générale. Dans certains cas, les rapports publics peuvent simplement prendre la forme d’une discussion générale en réunion publique, sur les sujets considérés à huis clos – un peu comme les renseignements contenus dans les résolutions autorisant la séance ou relatifs aux directives au personnel, aux décisions et aux résolutions. Mais dans d’autres cas, la nature des discussions peut justifier de communiquer de plus amples renseignements au public sur la séance à huit clos.
Opinion
40 Notre enquête a conclu que les discussions qui ont eu lieu durant les réunions à huis clos du Conseil le 21 octobre et le 4 novembre cadraient avec l’exception des « renseignements privés à propos d’une personne pouvant être identifiée », et qu’un sujet de discussion tenue à huis clos à la réunion du 21 octobre correspondait à l’exception des « litiges actuels ou éventuels » aux exigences des réunions publiques.
41 Cependant, nous encourageons le Conseil à accepter les recommandations de pratiques exemplaires présentées dans ce rapport, pour accentuer la transparence et le niveau d’information communiquée au public sur les questions à considérer lors de réunions à huis clos.
Rapport
42 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil des Cantons unis de Head, Clara et Maria et il devrait être mis au plus vite à la disposition du public, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.
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André Marin
Ombudsman de l’Ontario
[1] [2008] O.J. No 289