Ville de Niagara Falls

Ville de Niagara Falls

novembre 3, 2016

3 novembre 2016

L’Ombudsman a reçu une plainte alléguant que le Conseil de la Ville de Niagara Falls avait enfreint la Loi sur les municipalités quand il avait voté à huis clos pour allouer 10 millions $ à une proposition de partenariat avec un établissement postsecondaire. L’Ombudsman a conclu que ces discussions ne relevaient d’aucune des exceptions aux réunions à huis clos et que le Conseil n’était donc pas en droit de voter à huis clos au sujet d’une résolution demandant au personnel d’aller de l’avant avec le partenariat.

Enquête sur la réunion à huis clos tenue par la Ville de Niagara Falls le 10 février 2015


Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Novembre 2016


 

Plainte

             En juillet 2016, notre Bureau a reçu une plainte à propos d’une réunion tenue par le Conseil de la Ville de Niagara Falls le 10 février 2015. Cette plainte alléguait que le Conseil avait enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités quand il avait voté à huis clos pour allouer 10 millions $ à une proposition de partenariat avec un établissement postsecondaire. Le plaignant a aussi déclaré que cette question n’avait pas été incluse à l’ordre du jour de cette réunion et que le Conseil n’avait pas fait de rapport à ce sujet en séance publique, après le vote.

 

Compétence de l’Ombudsman

             En vertu de la Loi sur les municipalités, toutes les réunions ‎d’un ‎conseil municipal, d’un conseil local et des comités d'un conseil doivent ‎se ‎tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.

3              Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit ‎de ‎demander une enquête visant ‎à déterminer si une municipalité ‎s’est ‎dûment retirée à huis clos. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l'Ombudsman de l'Ontario. ‎La ‎Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut dans les ‎municipalités ‎qui ‎n'ont pas nommé d'enquêteur.

4              L’Ombudsman est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos pour la Ville de Niagara Falls.

             Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, ‎nous ‎déterminons si ‎les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le ‎Règlement ‎de procédure de la Municipalité ont été respectées.

 

Processus d’enquête

6              Le 8 août 2016, nous avons avisé le Conseil de la Ville de Niagara Falls que nous avions l’intention d’enquêter sur cette plainte.

             Les membres de l’Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques (OMLET) ont examiné le Règlement de procédure de la Ville et les extraits pertinents de la Loi, ainsi que l’avis de la réunion, son procès-verbal, des notes prises durant la réunion et d’autres documents connexes. Ils ont aussi examiné des articles parus dans les médias au sujet de la réunion du 10 février 2015 et diverses lettres envoyées par le maire et le personnel municipal pour appuyer cette proposition de partenariat. L’équipe a interviewé les neuf membres du Conseil, ainsi que le greffier et le directeur général.

8              Nous avons obtenu une pleine collaboration dans ce dossier.

 

Procédure du Conseil

9              La règle 2 du Règlement de procédure de la Ville[1] stipule que les réunions ordinaires du Conseil se tiennent à 18 h aux dates indiquées dans une annexe au Règlement, sauf disposition contraire résultant d'une résolution extraordinaire du Conseil. En vertu de la règle 3, un avis des réunions extraordinaires doit être communiqué à chaque membre du Conseil au moins 48 heures avant la réunion, avec une liste de toutes les questions à examiner en réunion. Le Règlement ne prévoit pas d’avis à communiquer au public pour les réunions ordinaires ou extraordinaires du Conseil.

10           Cependant, d’après le site Web de la Ville, les réunions du Conseil ont lieu les mardis soirs à compter de 17 h dans la salle du Conseil[2]. Voici ce qu'indique le site Web :

Le Conseil peut tenir une séance à huis clos avant sa réunion, de 16 h à 17 h, conformément au par. 239 (2) de la Loi sur les municipalités. On trouvera plus de renseignements sur les réunions à huis clos à la page Réunions à huis clos du Conseil. Les résolutions adoptées pour tenir une réunion à huis clos sont consultables en suivant le lien Agenda's [sic] & Minutes.


11           Un calendrier annuel des réunions est affiché sur le site Web de la Ville, avec un avis indiquant que ce calendrier est sujet à changement. Le site Web précise que les ordres du jour des réunions du Conseil sont affichés en ligne le jeudi avant chaque réunion.

12           Dans trois précédents rapports, notre Bureau a cerné des problèmes posés par le Règlement de procédure de la Ville et a recommandé d'actualiser les dispositions concernant les avis à communiquer au public, pour respecter le paragraphe 238 (2.1) de la Loi sur les municipalités et refléter avec exactitude les pratiques actuelles de la Municipalité[3]. Plus précisément, nous avons recommandé que le Règlement soit modifié pour :

  • stipuler qu’un avis des réunions ordinaires et extraordinaires du Conseil doit être communiqué au public;

  • stipuler que l’ordre du jour des séances publiques et des séances à huis clos doit être affiché publiquement avant toute réunion ordinaire ou extraordinaire;

  • refléter le fait que le Conseil tient généralement ses réunions ordinaires à compter de 17 h.


13           Le Conseil de la Ville de Niagara Falls devrait modifier son Règlement de procédure pour appliquer les recommandations faites précédemment par notre Bureau sur les avis à communiquer au public, l’affichage des ordres du jour et les horaires des réunions du Conseil.

 

Réunion du Conseil le 10 février 2015

14             Le 10 février 2015, à 16 h, le Conseil de la Ville de Niagara Falls a tenu une réunion ordinaire dans la salle de comité 1. Après avoir déclaré la réunion ouverte, en public, il a immédiatement adopté une résolution pour se retirer à huis clos afin d’examiner une question :

qui relève du sujet à l’alinéa 239 c), acquisition ou disposition projetée d’un bien-fonds, et à l’alinéa 239 f), conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat [sic], au sujet de 4320 bridge [sic] Street, 4327 Bridge Street et 4601 Park Street.


15           L’ordre du jour a décrit le sujet de la séance à huis clos dans les mêmes termes. Chacune de ces adresses correspond à un bien-fonds détenu par la municipalité au centre-ville de Niagara Falls.

16           Le Conseil fait maintenant des enregistrements sonores de ses réunions publiques et de ses réunions à huis clos, mais la réunion du 10 février 2015 a eu lieu avant l'adoption de cette mesure.

 


Discussions du Conseil

17           Une fois le Conseil réuni à huis clos, le directeur général (DG) de la Ville lui a rappelé que l’une de ses priorités stratégiques était de trouver un établissement postsecondaire désireux de créer un campus au centre-ville de Niagara Falls. Le DG a expliqué que, dans ce but, la Ville était en rapport avec un établissement postsecondaire qui souhaitait former un partenariat avec elle, de même qu’avec un partenaire privé, en vue de présenter une demande de financement fédéral pour un projet de développement.

18           Le DG a expliqué que, si le projet devait aller de l’avant, la Ville serait appelée à y apporter une contribution allant jusqu’à 10 millions $ et que ce montant pourrait inclure la valeur des terrains, des services et d’autres contributions en nature. Durant cette explication, le maire et le directeur du développement commercial ont indiqué qu’en raison de la date limite pour adresser une demande à cet égard, le Conseil devait donner des directives au personnel dès ce soir-là pour l'informer s’il devait poursuivre ou ne pas poursuivre cette question de partenariat.

19           Après avoir présenté ce contexte, le DG a discuté de plusieurs biens-fonds détenus par la municipalité au centre-ville de Niagara Falls, sur lesquels la proposition de partenariat pourrait avoir des répercussions. Les souvenirs que les conseillers ont gardé de cette discussion variaient quelque peu, en raison du temps qui s’était écoulé depuis, mais la majorité de ceux que nous avons interviewés nous ont dit que les discussions du Conseil étaient restées brèves et globales. Ils ont déclaré que le Conseil avait discuté en termes généraux de la possibilité que la Ville ait à vendre ou à céder certains biens-fonds à l’établissement postsecondaire, si le projet de campus au centre-ville devait aller de l’avant. Les personnes que nous avons interviewées nous ont dit aussi que le Conseil s’était brièvement demandé s’il serait prêt à envisager l'expropriation d'un bien-fonds particulier pour faciliter ce projet de développement. Ces souvenirs sont corroborés par les notes prises lors de la réunion, indiquant que le Conseil obtiendrait des détails sur ces biens-fonds quand la demande de financement serait en cours.

20           Durant ces discussions, le Conseil n’a aucunement parlé de la valeur de l’un ou de l’autre de ces biens-fonds, ni de la possibilité imminente d’en disposer. En fait, le DG cherchait à obtenir des indications pour savoir si le Conseil envisagerait de vendre les biens-fonds détenus par la Ville et/ou de procéder à l'expropriation du bien-fonds privé, si la demande de financement était approuvée par la suite.

21           Durant la réunion, plusieurs conseillers ont posé des questions précises sur l’établissement postsecondaire (p. ex., son nom), sur les ébauches de plans d’affaires, sur les études d’impacts et sur les calculs de rendement des investissements. Ils ont dit que ces renseignements les aideraient à prendre une décision éclairée au sujet de la proposition de partenariat. En réponse, le DG et le maire ont déclaré que l’établissement postsecondaire avait demandé que son identité reste confidentielle, pour protéger sa position commerciale stratégique. En ce qui concerne les autres documents demandés, les conseillers ont été informés qu’il était trop tôt pour procéder à ce type d’analyse. Toutefois, ils ont reçu l’assurance que, si le partenariat prenait forme et si la demande de financement était approuvée, ce type de renseignements serait présenté au Conseil avant que celui-ci ne soit appelé à prendre une décision finale.

22           Après cette explication, le Conseil a entrepris de discuter du type de directives demandées par le personnel. Certains conseillers se sont inquiétés tout d’abord, pensant qu’on leur demandait de voter pour accorder 10 millions $ à une proposition de développement sans en avoir le moindre détail. Mais après de plus amples discussions, le personnel municipal a précisé qu’il ne demandait pas au Conseil d’engager la somme de 10 millions $ en séance à huis clos. Il a dit qu’il cherchait à obtenir des directives du Conseil pour savoir s’il devait demander à l’établissement postsecondaire d’effectuer la demande de financement de développement. Le personnel municipal a dit que le Conseil aurait l’occasion d’examiner les détails de la proposition de développement à l'avenir, en séance publique, avant de décider d'allouer ou non 10 millions $ au projet.

23           L’un des conseillers est resté préoccupé en dépit de cette explication et a continué de croire que le personnel demandait au Conseil d’allouer 10 millions $ durant la séance à huis clos. En réponse, le personnel a répété le type de directives qu’il cherchait à obtenir et a précisé au Conseil qu’il ne serait pas obligé d’allouer les moindres fonds s’il n’était pas satisfait de la proposition finale. Après cette explication, le Conseil a adopté une résolution pour :

enjoindre au personnel d'informer l’établissement postsecondaire que le Conseil était intéressé par un partenariat dans la proposition de financement.


24           À une exception près, tous les conseillers et tous les membres du personnel ont déclaré à notre Bureau qu’ils considéraient que cette résolution enjoignait au personnel de communiquer avec l’établissement postsecondaire et d’aller de l’avant avec la demande de financement. Toutefois, en dépit de l’énoncé de la résolution, l’un des conseillers est resté convaincu que chacun des conseillers pensait qu'ils allaient voter pour allouer 10 millions $ à la proposition de développement.   

25           Certaines personnes ont dit à notre Bureau que le Conseil s’était demandé si le sujet de la réunion se prêtait à un examen à huis clos. Selon elles, en réponse, le greffier avait dit au Conseil qu’il était en droit de discuter de questions de biens-fonds à huis clos. Cependant, en rétrospective, le greffier nous a déclaré qu’à son avis, la discussion ne relevait pas de l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » applicable aux réunions à huis clos. Il a précisé que la discussion sur les biens-fonds était restée générale et qu'elle avait porté en grande partie sur la proposition de développement, l'un des objectifs étant de savoir si le personnel demandait oui ou non au Conseil d’allouer 10 millions $ durant la séance à huis clos.

 

Retour en séance publique et compte rendu

26           À 17 h, le Conseil a résolu de reprendre sa séance publique. Ensuite, il a adopté en public une résolution enjoignant au personnel d’aller de l’avant avec la demande de financement et d’examiner de possibles partenariats connexes à ce programme. Lors de leurs entrevues, les conseillers ont dit que cette résolution avait pour but de donner des renseignements généraux au public sur les directives que le Conseil avait fournies au personnel, à huis clos.

27           La séance du Conseil a pris fin à 20 h 10.

 

Lettre du maire datée du 12 février 2015

28           Durant notre enquête, notre Bureau a reçu une lettre signée du maire et adressée au programme de financement de développement dont il avait été question au cours de la réunion de février. Plusieurs rapports parus dans les médias ont fait référence à cette lettre et l’ont citée au sujet de la réunion du 10 février 2015[4]. La lettre était datée du 12 février 2015 – soit deux jours après la réunion du Conseil – et indiquait notamment ceci :

Au nom du Conseil de la Ville de Niagara Falls, j’ai le plaisir de déclarer l’adhésion et l’appui entier de la Ville à [la demande de financement de développement]. Le Conseil de la Ville de Niagara Falls s’est engagé à consacrer 10 millions $ au projet au cours des quatre prochaines années, en tant que partenaire de cette initiative, dont 8,5 millions $ de soutien financier et 1,5 million $ de contributions en nature, comme indiqué en détail dans la proposition. [caractères gras ajoutés]


29           Quand nous lui avons demandé d’expliquer l’apparente contradiction entre cette lettre et la directive du Conseil au personnel, le maire a déclaré que la lettre se voulait persuasive et qu’elle ne reflétait pas la décision prise par le Conseil en réunion. Il a dit que le programme de financement de développement n’aurait pas examiné la demande avec sérieux si cette lettre n’avait pas indiqué que le Conseil s’était engagé à allouer 10 millions $ à la proposition. Le maire a précisé qu’il avait écrit des lettres similaires pour d’autres types de demandes de financement de développement, et que dans chacun de ces cas, le Conseil avait compris qu’il ne s’engageait aucunement à consacrer des fonds au stade de la demande.


 

Analyse

Exceptions des réunions à huis clos

« Acquisition ou disposition d’un bien-fonds » – al. 239 (2) c)

30           Le Conseil a invoqué « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » à l’alinéa 239 (2) c) pour tenir des discussions visant à déterminer si la Ville souhaiterait faire une demande de financement de développement en partenariat avec un établissement postsecondaire anonyme.

31           L’exception de l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds permet au Conseil de discuter à huis clos de la vente, du bail ou de l’achat d’un bien-fonds, dans le but premier de protéger la position de la municipalité lors de négociations concernant ce bien-fonds[5].

32           Précédemment, notre Bureau a analysé la portée de cette exception dans le cadre d’une réunion à huis clos très similaire tenue par le Conseil de la Ville de Niagara Falls[6]. Lors de cette réunion, le Conseil avait discuté du rapport d’un consultant sur l'éventuelle création d'un campus au centre-ville, en partenariat avec un établissement postsecondaire. Durant la réunion, le Conseil avait fait référence à certains biens-fonds détenus par la Ville et par le secteur privé, sur lesquels la création d’un campus au centre-ville pourrait avoir des répercussions. Toutefois, les discussions n’avaient pas porté sur le processus d'évaluation ou de vente des biens-fonds et n’avaient aucunement eu trait à la mise en marché de certains biens-fonds.

33           Dans le rapport fait par notre Bureau en février 2015, nous avons conclu que la discussion du Conseil ne relevait ni de l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds », ni d’aucune autre exception relative aux exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi. Notre Bureau a fondé ses conclusions sur le fait que :

le Conseil n’a pas parlé de l’acquisition ou la disposition de biens-fonds de la Ville en vue de protéger la position de négociation de celle-ci lors de transactions foncières[7].


34           Malheureusement, ce constat n'a été communiqué au Conseil de la Ville de Niagara Falls qu'après la tenue de sa réunion du 10 février 2015[8]. Par conséquent, le Conseil n’avait pas connaissance des conclusions du rapport quand il s’est appuyé une fois de plus sur « l’exception de l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » pour discuter de questions concernant la proposition de développement au centre-ville.

35           Durant sa réunion à huis clos du 10 février 2015, le Conseil s’est demandé s’il souhaitait chercher à obtenir un financement de développement en partenariat avec un établissement postsecondaire anonyme. Dans le cadre de cette discussion, le Conseil a été informé que la Ville pourrait avoir à consacrer 10 millions $ au projet et que certains biens-fonds détenus par elle pourraient devoir être inclus dans cette contribution. De plus, le Conseil a brièvement discuté de la possibilité d’exproprier une propriété privée particulière si le projet de développement allait de l’avant. Ces discussions étaient globales et sont restées de nature générale, car le Conseil n’avait aucun détail sur l’établissement postsecondaire et ignorait si la demande de proposition de financement serait approuvée. Le Conseil ne disposait d’aucune information concernant l’évaluation de ces biens-fonds, n’a pris aucune mesure concrète pour les vendre et n’était engagé dans aucune négociation pour disposer de ces propriétés. Par conséquent, le Conseil n’était pas en droit d’invoquer l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds » pour tenir cette discussion à huis clos.

 

« Conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat » – al. 239 (2) f)

36           La résolution adoptée par le Conseil pour se retirer à huis clos citait aussi l’exception des « conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat » énoncée à l’alinéa 239 (2) f) de la Loi. Cette exception ne peut être invoquée que si le Conseil doit réellement examiner des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat ou des communications connexes. Une communication ne peut relever du secret professionnel de l’avocat que s'il s'agit :

a)            d’une communication entre un avocat et son client, l’avocat agissant à titre professionnel;
b)            qui comporte une consultation ou un avis juridique;
c)            que les parties considèrent de nature confidentielle[9].


37           L’avocat de la Ville était présent durant la réunion du 10 février 2015, mais les personnes qui se souvenaient le mieux de cette réunion ont déclaré que celui-ci n’avait pas donné de conseils juridiques et n’avait pas participé aux discussions. Quand nous lui avons demandé pourquoi cette exception avait été incluse à la résolution adoptée pour se retirer à huis clos, le greffier a déclaré qu’il la cite souvent, car il sait que l’avocat de la Ville sera présent et qu’il fournira peut-être des conseils juridiques.

38           Toutefois, dans ce cas, l’avocat n’a donné aucun conseil juridique au Conseil lors de la réunion du 10 février 2015. Par conséquent, le Conseil n’était pas en droit d’invoquer l’exception des « conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat ».

 

Renseignements commerciaux délicats et intérêts concurrentiels

39           Durant notre enquête, bon nombre des personnes que nous avons interviewées nous ont déclaré qu’à leur avis, il était important que le Conseil puisse protéger ses intérêts concurrentiels en discutant de la demande de financement de développement en séance à huis clos. Elles ont aussi dit que l’établissement postsecondaire avait clairement demandé à la Ville de garder cette proposition confidentielle, car sa stratégie de développement comprenait des renseignements commerciaux de nature délicate.

40           Comme notre Bureau l’a précédemment indiqué, la Loi sur les municipalités ne comprend aucune exception générale qui permettrait à une municipalité de se retirer à huis clos afin de protéger ses intérêts concurrentiels ou des renseignements commerciaux de nature délicate. Le ministère des Affaires municipales procède actuellement à un examen des textes de loi, dont la Loi sur les municipalités. Bien que le Ministère n’accepte plus de dépositions à propos de cette Loi, la Ville de Niagara Falls voudra peut-être soulever cette question s'il y a présentation d'une ébauche de projet de loi.

 

Questions de procédure

Discussion des avis à communiquer par le Conseil

41           Nous avons reçu une plainte alléguant que l’ordre du jour de la réunion du 10 février 2015 ne comprenait pas d’avis des questions que le Conseil avait l’intention de discuter. Selon le plaignant, la description donnée dans l’ordre du jour de la réunion était insuffisante, car elle indiquait simplement que le Conseil discuterait d’une question :

qui relève du sujet à l’alinéa 239 c), acquisition ou disposition projetée d’un bien-fonds, et à l’alinéa 239 f), conseils qui sont protégés par le secret professionnel de l’avocat [sic], au sujet de 4320 bridge [sic] Street, 4327 Bridge Street et 4601 Park Street.


42           Le Conseil a brièvement discuté de chacun des biens-fonds énumérés dans cette résolution durant sa réunion à huis clos.

43           Comme indiqué dans le rapport fait par notre Bureau en mai 2016 sur une réunion à huis clos dans le Comté de Norfolk, la Loi ne précise pas quel doit être le contenu de l’avis de la réunion à communiquer au public[10]. Toutefois, conformément au paragraphe 238 (2.1) de la Loi, une municipalité doit avoir un règlement de procédure stipulant que des avis de ses réunions seront communiqués au public. En revanche, aucune disposition de la Loi n’exige qu’une municipalité communique un avis préalable des différentes questions à examiner à huis clos.

44           Conformément à ses pratiques, la Ville a affiché un avis de sa réunion du 10 février 2015 sur son calendrier annuel de réunions. De plus, l’ordre du jour de cette réunion a été affiché sur son site Web le jeudi avant la réunion. Bien que le Règlement de procédure de la Ville ne reflète pas ces pratiques de communication des avis actuellement, et qu'il mériterait donc d'être actualisé, la Loi n'exige aucunement que le Conseil donne des renseignements supplémentaires sur les différentes questions qu’il compte discuter à huis clos.

 

Directive du Conseil au personnel – par. 239 (6)

45           Nous avons aussi reçu une plainte alléguant que le Conseil avait indûment voté à huis clos pour s’engager à allouer 10 millions $ à la proposition de partenariat avec l’établissement postsecondaire.

46           En vertu du paragraphe 239 (6) de la Loi, le Conseil peut uniquement voter à huis clos si :

a)            d’une part, le paragraphe (2) ou (3) [exceptions des réunions à huis clos énoncées dans la Loi] autorise ou exige la tenue à huis clos de la réunion;
b)            d’autre part, le vote porte sur une question de procédure ou vise à donner des directives ou des instructions aux fonctionnaires, agents, employés ou mandataires de la municipalité, du conseil local ou d’un comité de l’un ou de l’autre, ou aux personnes dont la municipalité ou le conseil local a retenu les services, à contrat ou non.


47           Comme nous l’avons souligné dans notre rapport d’octobre 2015 sur une réunion à huis clos dans la Municipalité de Brighton, cette exception permet à un conseil de protéger la confidentialité d’une réunion à huis clos, tout en donnant effet aux décisions de ce conseil par le biais de directives au personnel[11].

48           Durant sa séance à huis clos du 10 février 2015, le Conseil a voté pour adopter une résolution visant à :

[enjoindre] au personnel d'informer l’établissement postsecondaire que le Conseil était intéressé par un partenariat pour la proposition de financement.


49           Comme nous avons conclu que la question examinée durant la réunion ne relevait d’aucune des exceptions énumérées dans la Loi sur les municipalités, le Conseil n’était pas autorisé à voter à huis clos au sujet d'une résolution quelconque, notamment pas pour cette directive au personnel.

 

Compte rendu après la séance à huis clos

50           Nous avons reçu une autre plainte alléguant que le Conseil n'avait pas rendu compte publiquement de ses discussions à huis clos le 10 février 2015.

51           De nombreux enquêteurs chargés d'examiner les réunions à huis clos, dont notre Bureau, ont recommandé que les municipalités adoptent la pratique exemplaire de faire des comptes rendus de leurs séances à huis clos[12]. Dans un rapport de 2009 sur des réunions à huis clos dans le Comté d’Essex, les Local Authority Services ont recommandé que les conseils « fassent rapport… de manière générale, du déroulé de la réunion à huis clos »[13]. De même, lors de son enquête de 2009 sur des réunions à huis clos dans la Ville d’Ottawa, Douglas R. Wallace a déclaré qu’une fois réuni en séance publique, le Conseil devrait faire savoir qu’il s'est réuni à huis clos, indiquer quelles questions il a examinées et préciser qu’il n’y a pas eu de vote sinon pour donner des directives au personnel ou pour traiter de questions de procédure[14].

52           Le procès-verbal de la réunion publique du 10 février 2015 montre qu'après la discussion à huis clos, le Conseil a adopté une résolution en public pour autoriser le personnel à prendre certaines mesures concernant la demande de financement de développement. Lors de leurs entrevues, les conseillers ont déclaré que cette résolution avait pour but de renseigner le public sur la directive que le Conseil avait donnée au personnel, à huis clos. Par conséquent, notre examen conclut que le Conseil a fait un compte rendu général de sa séance à huis clos.


 

Opinion

53           Le Conseil de la Ville de Niagara Falls a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 10 février 2015 quand il s’est retiré à huis clos pour déterminer si la Ville devrait former un partenariat avec un établissement postsecondaire pour faire une demande de financement de développement.

54           Lors de cette réunion, le Conseil a discuté de la contribution financière qui serait attendue de la Ville si le projet devait aller de l’avant, ainsi que de divers biens-fonds qui pourraient faire place à ce projet de développement. Ces discussions étaient préliminaires et globales car le Conseil ne disposait que de renseignements restreints sur cette proposition et ne savait pas si la demande de financement serait acceptée. Il n’a pas examiné comment les biens-fonds seraient évalués ou vendus et la Ville ne procédait alors à aucune négociation pour disposer de ces biens-fonds. Cette réunion ne relevait pas de l’exception de « l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds », ni d'aucune autre exception aux exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités. De plus, comme la réunion à huis clos n’était pas permise en vertu de la Loi sur les municipalités, le Conseil n’était pas en droit de voter à huis clos au sujet d’une résolution visant à enjoindre au personnel de poursuivre la question du partenariat.

 

Recommandations

55           Je fais les recommandations suivantes dans le but d’aider la Ville à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à renforcer la transparence de ses réunions.
 

Recommandation 1

Tous les membres du Conseil de la Ville de Niagara Falls devraient se conformer avec vigilance à leurs obligations personnelles et collectives pour garantir que le Conseil s'acquitte de ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son Règlement de procédure.

 
Recommandation 2

Le Conseil de la Ville de Niagara Falls devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos, à moins qu'il ne relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques.

 
Recommandation 3

Le Conseil de la Ville de Niagara Falls devrait veiller à ce que ses votes à huis clos se conforment au paragraphe 239 (6) de la Loi de 2001 sur les municipalités.

 
Recommandation 4

Le Conseil de la Ville de Niagara Falls devrait modifier son Règlement de procédure pour mettre en œuvre les recommandations précédentes de mon Bureau sur la communication des avis au public, l'affichage des ordres du jour et les horaires des réunions du Conseil.



 

Rapport

56           Le Conseil de la Ville de Niagara Falls a eu l’occasion d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter pour notre Bureau. Nous n’avons reçu aucun commentaire.

57           Mon rapport devrait être communiqué au Conseil de la Ville de Niagara Falls et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.


__________________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] Ville de Niagara Falls, Règlement no 89-155, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletA by-law to provide for the Standing Rules of the Council (19 juin 1989), en ligne.
[2] « Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletCouncil Meeting Schedule », Ville de Niagara Falls, en ligne.
[3] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Niagara Falls a tenu une réunion illégale le 8 octobre 2013 (février 2015) au par. 62, en ligne; Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Niagara Falls a tenu une réunion à huis clos illégale le 28 avril 2015 (novembre 2015) au par. 42, en ligne; et Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Niagara Falls a tenu des réunions à huis clos illégales de juillet 2011 à août 2013 au sujet de Marineland (février 2015) au par. 49, en ligne.
[4] Par exemple : Ray Spiteri, « Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletCouncil misled over Ryerson plan: Ioannoni », Niagara Falls Review (27 juin 2016), en ligne.
[5] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville d’Ajax (28 mars 2014), en ligne.
[6] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Niagara Falls a tenu une réunion illégale le 8 octobre 2013 (février 2015) au par. 62, en ligne.
[7] Ibid au par. 44.
[8] Le rapport de l’Ombudsman était inscrit à l’Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletordre du jour de la réunion du Conseil du 10 mars 2015, en ligne.
[9] Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821 à 837.
[10] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur la réunion à huis clos tenue par le comité plénier du Comté de Norfolk le 1er décembre 2015 (mai 2016) au par. 40, en ligne.
[11] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur l’allégation de violation de la Loi de 2001 sur les municipalités par la Municipalité de Brighton (octobre 2015) au par. 34, en ligne.
[12] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Municipalité de Magnetawan a tenu des réunions à huis clos illégales (juin 2015) au par. 54, en ligne.
[13] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletA Report to the corporation of the County of Essex (septembre 2009) à 17, en ligne.
[14] Douglas R Wallace, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRapport au Conseil municipal d’Ottawa, en ligne.