Ville de Collingwood

Ville de Collingwood

janvier 21, 2022

21 janvier 2022

L'Ombudsman a examiné deux réunions à huis clos tenues par le conseil de la Ville de Collingwood les 6 février et 11 juin 2018. L'Ombudsman a conclu que les devis de frais juridiques contenant des informations spécifiques, comme une stratégie suggérée, constituent des conseils protégés par le secret professionnel de l'avocat. L'Ombudsman a conclu que le conseil n'avait pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités, puisque les deux réunions relevaient de l'exception relative aux conseils protégés par le secret professionnel de l'avocat.

Enquête sur des réunions tenues par la Ville de Collingwood les 6 février et 11 juin 2018

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Janvier 2022


 

Plainte

1    Mon Bureau a reçu une plainte à propos de deux réunions à huis clos tenues par le conseil de la Ville de Collingwood (la « Ville ») les 26 février 2018 et 11 juin 2018.

2    Ces réunions ont eu lieu dans la perspective d’une enquête judiciaire sur la vente partielle, en 2012, d’un service municipal d’électricité par la Ville. Nous avons reçu cette plainte en mars 2021, après la fin de l’enquête judiciaire.
 
3    L’auteur(e) de la plainte a allégué que les discussions à huis clos sur l’enquête judiciaire ne relevaient d’aucune des exceptions prescrites dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

 

Compétence de l'Ombudsman

4    En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités[1], toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sauf si elles font l'objet d'exceptions prescrites.

5    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur(rice). La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'ont pas désigné le(la) leur.

6    L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos pour la Ville de Collingwood.

7    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous examinons si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et le règlement de procédure applicable ont été respectées.

8    Depuis 2008, notre Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons créé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressé(e)s d'accéder facilement aux décisions de l'Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : https://www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.

 

Processus d’enquête

9    Le 6 juillet 2021, nous avons informé la Ville de notre intention d’enquêter sur cette plainte.

10    Nous avons examiné le règlement de procédure de la Ville et les parties pertinentes de la Loi.

11    Nous avons examiné la documentation des deux réunions, y compris les ordres du jour, les procès-verbaux des séances publiques et des huis clos. À l’époque, la Ville ne faisait pas d’enregistrement sonore ou vidéo de ses séances à huis clos, mais depuis elle a adopté la pratique exemplaire de faire des enregistrements sonores de toutes les séances à huis clos, ainsi que de faire des enregistrements vidéo et des diffusions en direct des réunions du conseil.

12    Nous avons aussi parlé avec l’auteur(e) de la plainte, le maire et le personnel municipal pour obtenir des renseignements supplémentaires sur les séances à huis clos.

13    Mon Bureau a obtenu une entière coopération dans cette affaire.

 

Contexte

14    L’article 274 de la Loi sur les municipalités permet aux municipalités de demander par voie de résolution qu’un(e) juge de la Cour supérieure enquête sur un abus de confiance présumé de la part d’un(e) membre du conseil ou d’un(e) employé(e), sur des questions liées à la bonne gouvernance, ou sur la gestion des affaires municipales. Le(la) juge exerce ses pouvoirs en vertu de l’article 33 de la Loi sur les enquêtes publiques[2]. La municipalité est responsable du paiement des frais de l’avocat(e) chargé(e) de l’enquête, et du personnel chargé de l’enquête et de tous les autres frais accessoires[3].

15    Lors de sa réunion du 26 février 2018, le conseil a voté en faveur d’une enquête judiciaire (« l’enquête ») sur la vente d’une participation de 50 % dans le service municipal d’électricité de la Ville à une société privée et sur l’utilisation des fonds ainsi obtenus pour des installations récréatives.

16    L’enquête s’est concentrée sur des événements survenus durant le mandat de 2010-2014 du conseil et sur les relations entre l’ancienne maire, son frère (lobbyiste et consultant) l’ancien adjoint au maire et un(e) employé(e) municipal(e). L’ancienne maire était encore en fonction lors des réunions des 26 février et 11 juin 2018.

17    L’enquête a tenu des audiences de fond d’avril à décembre 2019, et a présenté son rapport final le 2 novembre 2020[4]. Bien que les enquêtes judiciaires soient des processus non accusatoires, et qu’elles ne déterminent pas la faute ou la responsabilité, cette enquête a rendu des conclusions défavorables contre les personnes ayant participé à la vente partielle du service municipal d’électricité de la Ville et à l’achat ultérieur d’installations de loisir.

18    Depuis, la Ville a retenu les services d’un cabinet d’avocat(e)s pour obtenir des conseils sur les prochaines étapes à suivre éventuellement[5]. Bien que les réunions mentionnées dans cette plainte et l’enquête elle-même soient terminées, la controverse qui a mené à l’enquête continue de poser un problème dans la Ville.

 

Réunion du conseil le 26 février 2018

19    L’ordre du jour de la réunion du conseil le 26 février indiquait que le conseil tiendrait une discussion à huis clos en vertu de l’exception aux réunions publiques liée au secret professionnel de l’avocat, et énoncée à l’alinéa 239 (2) f) de la Loi.

20    La réunion publique a commencé à 17 h 00 dans la salle du conseil, et le conseil a adopté ensuite une résolution visant à se retirer à huis clos en vertu de l’exception du secret professionnel de l’avocat.

21    L’ordre du jour et la résolution affichés en ligne décrivaient les discussions tenues à huis clos en ces termes « Le point sur la vente partielle du service d’électricité ». La plainte et notre examen concernent cette partie de la discussion à huis clos.

22    Mon Bureau a été informé que la Ville avait retenu les services d’un(e) avocat(e) pour présenter des options à la Ville sur la vente partielle du service d’électricité, incluant une enquête judiciaire éventuelle. Par conséquent, durant le huis clos du 26 février 2018, le conseil a reçu des avis juridiques de cet(te) avocat(e) et de son avocat(e) habituel(le) sur la vente et l’enquête judiciaire éventuelle. Le procès-verbal de la séance à huis clos reflète ces discussions.

23    Le conseil a adopté une motion pour lever la séance à huis clos avant de reprendre la séance publique à 18 h 40.

24    En séance publique, l’avocat(e) retenu(e) a fait une présentation PowerPoint sur la vente partielle du service d’électricité et sur les options que le conseil pourrait envisager, incluant les avantages et les inconvénients d’une enquête judiciaire.

25    Après la présentation, le conseil a adopté une résolution demandant une enquête judiciaire et décrivant sa portée.

26    Le conseil a repris la séance à huis clos à 19 h 57 pour obtenir un avis de l’avocat(e) qu’il avait engagé(e) au sujet du communiqué de presse de la Ville sur l’enquête. Cette séance à huis clos n’a fait l’objet d’aucune plainte auprès de mon Bureau.

 

Analyse

Applicabilité de l’exception des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat

27    La plainte déposée auprès de mon Bureau alléguait que le conseil avait indûment exclu le public de sa discussion sur une enquête judiciaire éventuelle. Le conseil a invoqué l’exception du secret professionnel de l’avocat pour justifier la discussion de cette question à huis clos.

28    L’exception du secret professionnel de l’avocat s’applique aux discussions incluant les communications entre une municipalité et son avocat(e) dans le but de solliciter ou de recevoir des avis juridiques censés rester confidentiels. Le but de cette exception est de permettre aux élu(e)s municipaux(ales) de parler librement d’avis juridiques, sans crainte de divulgation.

29    Le secret professionnel de l’avocat ne peut s’appliquer aux communications que s’il s’agit : a) d’une communication entre un client et son avocat, l’avocat agissant à titre professionnel; b) qui comporte une consultation ou un avis juridique; c) que les parties considèrent de nature confidentielle[6].

30    Lors de la réunion à huis clos du 26 février 2018, le conseil a reçu des avis de ses avocat(e)s qui étaient censés confidentiels.

31    Par conséquent, la discussion à huis clos sur la vente partielle du service d’électricité relevait de l’exception du secret professionnel de l’avocat, citée par le conseil.

 

Réunion du conseil le 11 juin 2018

32    L’ordre du jour de la réunion du conseil du 11 juin indiquait qu’une discussion à huis clos aurait lieu sur deux sujets, dont une question « protégée par le secret professionnel de l’avocat » en vertu de l’alinéa 239 (2) f) de la Loi. L’ordre du jour et la résolution décrivaient l’objet de la discussion en ces termes : « Enquête judiciaire ».

33    La réunion a commencé à 17 h 00 et le conseil a adopté une résolution pour se retirer en séance à huis clos à 18 h 32.

34    Le procès-verbal de la séance à huis clos indique que le directeur général (DG) a donné au conseil un aperçu du processus d’enquête judiciaire et l’a informé de la nécessité de retenir les services d’un(e) avocat(e) indépendant(e) pour représenter les intérêts de la Ville dans cette enquête.

35    Mon Bureau a été informé que l’avocat(e) retenu(e) pour la réunion du 26 février 2018 n’était plus sous contrat au moment de la réunion du 11 juin 2018. Le DG a contacté trois cabinets juridiques avant la réunion du 11 juin, et deux ont répondu en proposant des devis d’honoraires. Bien que la séance à huis clos n’ait pas inclus la participation d’un(e) avocat(e) de l’un ou l’autre des cabinets, le DG a présenté deux devis et le conseil a procédé à leur discussion.

36    Mon Bureau a été informé que les devis d’honoraires fournis au conseil comprenaient une proposition de stratégie pour l’enquête, ainsi que des renseignements sur les compétences pertinentes et les honoraires juridiques de chacun des cabinets, renseignements qui devaient rester confidentiels.

37    Le procès-verbal de la séance à huis clos indique qu’une motion en séance publique envisagerait la nomination d’un(e) avocat(e).

38    Ayant repris la séance publique à 18 h 54, le conseil a adopté à l’unanimité une motion visant à nommer l’avocat(e) retenu(e) précédemment pour la réunion du 26 février 2018 à titre d’avocat(e) de la Ville pour cette enquête.

 

Analyse

Applicabilité de l’exception des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat

39    La plainte déposée auprès de mon Bureau alléguait que le conseil avait indûment discuté à huis clos. de l’enquête. Le conseil a invoqué l’exception du secret professionnel de l’avocat pour tenir un huis clos au sujet de l’enquête judiciaire.

40    L’exception du secret professionnel de l’avocat permet aux conseils municipaux de se réunir à huis clos pour discuter de « conseils qui sont protégés par le secret professionnel de l’avocat, y compris les communications nécessaires à cette fin ». Par conséquent, cette exception couvre les discussions sur les avis juridiques et les communications visant à solliciter et recevoir des conseils. Le même critère que celui énoncé dans la partie ci-dessus s’applique ici.

41    La Cour suprême a déterminé que les relations avocat(e)-client(e) commencent dès qu’un(e) client(e) éventuel(le) fait les premiers pas, même avant qu’il(elle) ne retienne officiellement les services de cet(te) avocat(e)[7]. Dans ce cas, la Ville a fait les premiers pas pour obtenir des conseils juridiques officiels en demandant des devis d’honoraires à trois avocat(e)s.

42    De plus, mon Bureau a déterminé que l’exception du secret professionnel de l’avocat peut s’appliquer dans les cas où une autre personne, comme le(la) DG, transmet des communications ou les avis d’un(e) avocat(e) à un conseil[8]. Quand le DG a transmis deux devis d’honoraires juridiques au conseil lors de la réunion du 11 juin 2018, cette discussion était protégée par le secret professionnel de l’avocat, même en l’absence d’un(e) avocat(e).

43    Mon Bureau a précédemment conclu que le secret professionnel de l’avocat ne s’applique pas aux discussions sur les frais horaires d’un(e) avocat(e) étant donné que cela ne divulguerait, en soi, aucune communication protégée par le secret professionnel[9].

44    Contrairement à un tarif horaire générique, les devis d’honoraires présentés lors de la séance à huis clos du 11 juin 2018 comprenaient des renseignements spécifiques sur une affaire particulière pour laquelle la Ville avait besoin de conseils et d’une représentation juridiques. Les devis incluaient la stratégie suggérée par chacun des cabinets juridiques pour représenter la Ville lors de l’enquête judiciaire, ainsi que les compétences pertinentes de chaque cabinet et les prévisions de coûts globaux.

45    Les devis d’honoraires ont également été communiqués au DG de manière confidentielle.

46    Par conséquent, la discussion à huis clos du conseil au sujet des devis d’honoraires d’un(e) avocat(e) potentiel(le) de la Ville dans le cadre de son enquête relevait de la recherche et de la réception de conseils juridiques en vertu de l’alinéa 239 (2) f) de la Loi sur les municipalités.

 

Opinion

47    Le conseil de la Ville de Collingwood n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités quand il a reçu à huis clos des renseignements et des conseils juridiques le 26 février 2018 sur la vente partielle du service d’électricité et l’enquête judiciaire éventuelle, en vertu de l’exception des conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat.

48    Le conseil de la Ville de Collingwood n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités quand il s’est réuni à huis clos le 11 juin 2018 pour discuter de devis d’honoraires pour une représentation juridique éventuelle dans l’enquête judiciaire. La discussion relevait de l’exception des réunions à huis clos concernant les conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat.

 

Rapport

49    Le conseil de la Ville de Collingwood a eu l’occasion d’examiner et de commenter une version préliminaire de ce rapport pour mon Bureau. En raison des restrictions mises en place à cause de la COVID-19, certaines modifications ont été apportées au processus habituel d’examen préliminaire et nous remercions le conseil et le personnel de leur coopération et de leur souplesse. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte dans la préparation de ce rapport final.

50    Mon rapport devrait être communiqué au conseil de la Ville de Collingwood. La Ville a accepté de rendre mon rapport disponible lors de la prochaine réunion du conseil.


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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] LO 2001, chap. 25.
[2] Ibid, par. 274 (2).
[3] Ibid, par. 274 (6).
[4] Ville de Collingwood, Enquête judiciaire de Collingwood, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletTransparency and the Public Trust, par le juge en chef adjoint Frank N. Marrocco (Collingwood, Ontario : Enquête judiciaire de Collingwood, 2020), en ligne.
[5] Ian Adams, « Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet‘The quest for accountability’: Collingwood to pursue legal action based on inquiry findings », Simcoe.com (Toronto Star), en ligne.
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de réunions à huis clos tenue par la Ville de Timmins les 8 et 29 août 2016, (janvier 2017), par. 28, en ligne.
[7] Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 RCS 860, [1982] CSC no 43.
[8] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville du Grand Sudbury a tenu des réunions à huis clos illégales le 2 mars, le 23 mars et le 26 avril 2016, (janvier 2017), par. 45 et 54-6, en ligne.
[9] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur la réunion à huis clos tenue par le comité plénier du Comté de Norfolk le 1er décembre 2015, (mai 2016), par. 38, en ligne.