Ville de Cochrane

Ville de Cochrane

décembre 10, 2024

10 décembre 2024

L’Ombudsman a enquêté sur des réunions tenues à huis clos par le Conseil de la Ville de Cochrane les 10 et 16 octobre 2023 au cours desquelles il a été question d’un projet pour stimuler l’aménagement et la croissance à Cochrane par la vente de parcelles municipales à un prix symbolique et l’offre d’un remboursement de l’impôt foncier. L’Ombudsman a conclu que les discussions des deux réunions ne relevaient pas de l’exception aux règles des réunions publiques invoquée, soit l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds, parce que les transactions étaient trop hypothétiques. En revanche, elles entraient dans l’exception des projets et instructions dans le cadre de négociations prévue par la Loi de 2001 sur les municipalités.

Enquête sur des réunions tenues par le Conseil de la Ville de Cochrane les 10 et 16 octobre 2023

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Novembre 2024

 

Plainte

   Mon Bureau a reçu deux plaintes selon lesquelles le Conseil de la Ville de Cochrane (la « Ville ») aurait tenu, le 10 octobre 2023, une réunion à huis clos qui n’entrait pas dans les exceptions aux règles des réunions publiques prévues par la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi »). L’une de ces plaintes soulevait la même préoccupation pour la réunion à huis clos du 16 octobre 2023.

2    Mon examen m’a permis de déterminer que même si les discussions à huis clos tenues chacune de ces dates n’entraient pas dans l’exception invoquée relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds, elles relevaient de l’exception des projets et des instructions dans le cadre de négociations.

 

Compétence de l’Ombudsman

3    La Loi dispose que toutes les réunions d’un conseil ou d’un conseil local et de leurs comités doivent être ouvertes au public, sauf si les exceptions prévues par la Loi s’appliquent.

4    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité ou un conseil local a respecté ou non la Loi en se réunissant à huis clos. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur.

5    L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos de la Ville de Cochrane.

6    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous cherchons à savoir si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et le règlement de procédure municipal ont été respectées.

7    Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Ce recueil interrogeable vise à permettre aux intéressé(e)s d’accéder facilement aux décisions de l’Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du Conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.

8    L’Ombudsman de l’Ontario est également habilité à réaliser des examens et enquêtes impartiaux concernant des centaines d’organismes publics. Cela comprend les municipalités, les conseils locaux et les sociétés contrôlées par des municipalités ainsi que les organismes gouvernementaux provinciaux, les universités financées par les fonds publics et les conseils scolaires. Il peut aussi examiner les plaintes sur les services fournis par les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires de permis d’établissement, et sur les services en français fournis aux termes de la Loi sur les services en français. Pour en savoir plus sur les organismes relevant de notre Bureau, consultez le site www.ombudsman.on.ca/portez-plainte/champ-de-surveillance.

 

Processus d’enquête

9    Mon Bureau a parlé au maire et à la greffière. Nous avons visionné l’enregistrement de la séance à huis clos et examiné le règlement de procédure de la Ville, les ordres du jour et procès-verbaux des séances publique et à huis clos, et les documents afférents aux deux réunions.

10    Mon Bureau a obtenu une pleine coopération dans cette affaire.

 

Renseignements généraux – Programme d’aménagement immobilier

11    Lors des réunions à huis clos des 10 et 16 octobre 2023, le Conseil a discuté de l’instauration d’un programme d’encouragement qui offrirait des biens-fonds municipaux à un prix symbolique et un allègement de l’impôt foncier pour stimuler la construction à Cochrane.

12    Le maire a dit à mon Bureau qu’à l’époque, des négociations tripartites se déroulaient entre la Ville et deux entreprises. L’une d’elles cherchait à déplacer une partie de sa main-d’œuvre ailleurs et envisageait plusieurs municipalités, dont Cochrane.

13    Au moment des réunions, l’entreprise n’avait pas encore choisi où elle déplacerait sa main-d’œuvre. Le maire a dit à mon Bureau qu’en octobre 2023, la Ville discutait des incitatifs qu’elle pourrait offrir dans un appel d’offres pour que la municipalité soit retenue.

14    Cochrane a finalement été choisie, et la Ville a dévoilé publiquement les détails de son programme d’aménagement immobilier à la réunion du Conseil du 14 mai 2024. Ce programme a été présenté comme un processus dans le cadre duquel les demandeur(euse)s peuvent obtenir un remboursement sur le prix du bien-fonds et l’impôt foncier si la construction est terminée et le bâtiment occupé dans un délai x.

 

Réunion du 10 octobre 2023 du Conseil

15    Le 10 octobre 2023 à 18 h, le Conseil a tenu une réunion ordinaire dans sa salle. Plusieurs sujets sans liens ont été abordés en séance publique avant que le Conseil adopte une résolution de retrait à huis clos à 19 h 14. Le procès-verbal de la séance publique indique que le Conseil a invoqué l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds pour se retirer à huis clos.

16    La discussion à huis clos peut être divisée en quatre parties : une présentation du contexte et une explication du programme d’aménagement immobilier et des incitatifs proposés; une discussion sur le programme; un débat sur les incitatifs potentiels; et une discussion sur les parcelles à mettre en vente au titre du programme.

17    Cette discussion a commencé par un compte-rendu du maire sur une réunion récente avec l’une des entreprises tierces à propos du programme d’aménagement immobilier. Cette entreprise avait demandé au Conseil ce que la Ville pouvait faire pour attirer les acheteur(euse)s potentiel(le)s. Le maire avait proposé que la Ville aille de l’avant avec le programme, vende des parcelles à un prix extrêmement bas et ne perçoive aucun impôt foncier la première année, puis augmente par la suite l’impôt de 20 % par année, jusqu’à atteindre 100 %.

18    Le Conseil a discuté en profondeur du programme d’aménagement immobilier et posé plusieurs questions sur sa logistique. Il a ensuite débattu des incitatifs envisagés, puis proposé et analysé d’autres solutions ainsi que d’éventuelles contributions des entreprises tierces.

19    Le Conseil a aussi examiné une présentation PowerPoint sur divers secteurs de Cochrane, puis discuté de lieux potentiels où la Ville possède des terrains pouvant être mis en vente au titre du programme. Finalement, aucune parcelle précise n’avait été proposée pour la vente.

20    Même si le Conseil appuyait dans l’ensemble l’initiative, il a cherché à planifier une réunion extraordinaire pour reparler du sujet avec les deux conseiller(ère)s absent(e)s, et proposé d’adopter dans l’intervalle une résolution pour la conception du programme d’aménagement immobilier.

21    Ensuite, le Conseil a repris la séance publique et adopté une résolution voulant que [TRADUCTION] « le Conseil demande à la Ville [de] trouver des parcelles résidentielles à aménager et d’offrir celles-ci aux promoteurs immobiliers à 10 $ chacune » et que [TRADUCTION] « le Conseil demande à la Ville de préparer un programme de remboursement de l’impôt foncier ou de subvention pour stratifier l’impôt pour les nouveaux promoteurs immobiliers » à des taux de 0 % la première année, de 20 % la deuxième année, de 40 % la troisième année, de 60 % la quatrième année, de 80 % la cinquième année et de 100 % la sixième année et les suivantes. La séance a ensuite été levée.

 

Analyse

Exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds, alinéa 239(2)c)

22    Le Conseil a invoqué l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds pour se retirer à huis clos le 10 octobre 2023. Mon Bureau a conclu que cette exception vise à protéger la position de négociation d’un conseil lors de négociations foncières[2], et pour qu’elle s’applique, la municipalité doit être soit le vendeur, soit l’acheteur du bien-fonds[3].
 
23    Mon Bureau a également statué que les discussions doivent porter sur une transaction foncière réelle et concrète en cours ou projetée[4]. Dans d’autres rapports, mon Bureau a souligné que l’exception ne s’applique généralement pas aux discussions sur une transaction foncière hypothétique ni aux discussions sur une transaction foncière pouvant avoir lieu ou non à l’avenir[5].

24    Pour déterminer si une transaction est trop hypothétique, mon Bureau vérifie si des mesures concrètes ont été prises pour entamer les négociations en vue de ladite transaction[6]. Plus particulièrement, mon Bureau a déjà établi que ces mesures comprennent l’identification d’un bien-fonds à acheter ou à vendre, et qu’à défaut d’y arriver, la transaction peut être trop hypothétique pour que l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds s’applique[7].

25    Le cas qui nous occupe résulte de circonstances uniques. En effet, plutôt que de chercher à maximiser ses profits ou à limiter ses dépenses foncières, la Ville voulait être sélectionnée par une entreprise souhaitant déplacer sa main-d’œuvre, et ainsi, maximiser la croissance future à Cochrane.

26    La discussion du Conseil se résume à une conversation préliminaire sur l’aliénation escomptée, mais hypothétique, de biens-fonds, car il n’était question d’aucune transaction précise ni d’aucun bien-fonds en particulier. Par conséquent, cette discussion est exclue de l’interprétation de l’exception par mon Bureau.

27    Je reconnais qu’en l’espèce, le Conseil était en concurrence avec d’autres municipalités et essayait de protéger sa position de négociation. Dans l’avenir, nous pourrons peut-être analyser si l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds peut s’appliquer à des propositions du genre. Toutefois, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’envisager d’en étendre l’application ici, vu que la question à étudier relève plutôt de l’exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations examinée ci-dessous.

 

Exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations, alinéa 239(2)k)

28    Mon Bureau, bien que le Conseil n’ait pas invoqué cette exception, a aussi évalué la possibilité d’appliquer l’exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations à la discussion à huis clos du Conseil du 10 octobre 2023.

29    Mon Bureau a précédemment conclu que cette exception vise à protéger les renseignements qui pourraient nuire à la position de négociation du Conseil ou donner à une autre partie un avantage injuste pendant des négociations en cours[8]. Pour que l’exception s’applique, le Conseil doit démontrer que :

  1. la discussion à huis clos porte sur des positions, projets, procédures, critères ou instructions;

  2. les positions, projets, procédures, critères ou instructions doivent être appliqués aux négociations;

  3. les négociations sont en cours ou à venir;

  4. les négociations sont menées par lui ou en son nom[9].


30    Mon Bureau déjà conclu que cette exception s’applique lorsqu’un comité ou un conseil évalue les pistes possibles dans le cadre de négociations en cours avec un tiers à propos d’une transaction foncière potentielle[10].

31    En l’espèce, le Conseil a expliqué le contexte de son engagement aux autres parties et les divers incitatifs que la Ville pouvait offrir afin d’être retenue pour le déplacement de la main-d’œuvre. Il a également parlé de la logistique des mesures incitatives et examiné des stratégies pour amener les autres parties à contribuer financièrement à l’initiative. Durant la discussion, le Conseil s’est exprimé sur différentes positions de négociation. Si la discussion du Conseil avait été publique, les parties adverses à la négociation auraient pu bénéficier d’un avantage injuste. D’autres municipalités auraient aussi pu avoir un avantage concurrentiel par rapport à la Ville dans le choix de l’endroit pour déplacer la main-d’œuvre.

32    Chaque partie de la discussion du Conseil portait sur les modalités possibles et la marche à suivre dans la négociation en cours avec les tiers. Par conséquent, la discussion à huis clos du Conseil du 10 octobre 2023 entre dans l’exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations.

 

Réunion du 16 octobre 2023 du Conseil

33    Le Conseil a tenu une réunion extraordinaire le 16 octobre à 16 h 30 et s’est retiré à huis clos à 16 h 35 pour discuter du programme d’aménagement immobilier, invoquant l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds.

34    La totalité des membres était là lors du huis clos. La discussion de fond ayant eu lieu est une reprise de la réunion du 10 octobre 2023, puisque les deux conseiller(ère)s absent(e)s à cette réunion pouvaient maintenant participer à la discussion sur le sujet. Le Conseil a de nouveau discuté des incitatifs offerts au titre du programme d’aménagement immobilier et de la logistique connexe.

35    Le Conseil a ensuite parlé du libellé de la résolution adoptée à la réunion précédente, puis est retourné en séance publique pour expliquer que cette résolution visait seulement à lancer la conception initiale du programme d’aménagement immobilier.

 

Analyse

Exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds, alinéa 239(2)c)

36    Le Conseil a invoqué l’exception relative à l’acquisition ou la disposition d’un bien-fonds pour se retirer à huis clos le 16 octobre 2023. Comme il a été dit, mon Bureau a statué que cette exception vise à protéger la position de négociation d’une municipalité en admettant la tenue à huis clos d’une discussion sur l’acquisition ou la disposition projetée ou en cours d’un bien-fonds[11].

37    La discussion à huis clos du Conseil a été en grande partie une reprise de la réunion du 10 octobre 2023, puisque deux conseiller(ère)s étaient absent(e)s. À l’instar de la réunion précédente, les transactions foncières potentielles étaient trop hypothétiques pour que le Conseil ait une position de négociation précise à protéger.

38    Par conséquent, la discussion à huis clos ne relève pas de l’exception relative à l’acquisition ou à la disposition d’un bien-fonds.
 


Exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations, alinéa 239(2)k)

39    Mon Bureau a aussi cherché à savoir si l’exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations pouvait s’appliquer à la discussion à huis clos du Conseil du 16 octobre 2023. Comme indiqué précédemment, cette exception permet la tenue de discussions à huis clos pour protéger les renseignements qui pourraient compromettre la position de négociation du conseil ou donner à une autre partie un avantage injuste pendant une négociation en cours[12].

40    À l’instar de la réunion précédente, le Conseil a discuté des incitatifs potentiels et de la logistique liés au programme d’aménagement immobilier. Il a aussi été question du libellé de la résolution adoptée à de la réunion précédente. Cela faisait partie de la discussion générale sur l’intention de la municipalité d’aller de l’avant avec les négociations avec les autres parties et sur la manière de procéder.

41    Une fois encore, le Conseil a donné divers avis sur le programme d’aménagement immobilier et les possibles positions de négociation. Si ces renseignements étaient rendus publics, le Conseil aurait été désavantagé dans ses négociations en cours et dans le processus de sélection de l’endroit où déplacer la main-d’œuvre de l’entreprise concernée.

42    Toute la discussion à huis clos portait sur les modalités possibles et la suite des négociations en cours avec plusieurs tierces parties au nom de la Ville. Par conséquent, elle entre dans l’exception relative aux projets et aux instructions dans le cadre de négociations.

 

Avis

43    Le Conseil de la Ville de Cochrane n’a pas contrevenu à la Loi de 2001 sur les municipalités les 10 et 16 octobre 2023, puisqu’il pouvait discuter des incitatifs à l’aménagement au titre de l’exception des projets et instructions dans le cadre de négociations.

 

Rapport

44    Le Conseil de la Ville Cochrane a pu examiner une version préliminaire du présent rapport et la commenter pour mon Bureau. Le présent rapport définitif a été rédigé à la lumière de tous les commentaires que nous avons reçus.

45    La greffière a indiqué que mon rapport serait communiqué au Conseil et mis à la disposition du public lors d’une prochaine réunion du Conseil. Ce rapport sera aussi publié sur notre site Web au www.ombudsman.on.ca/accueil.


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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si les Conseils du Canton d’Armour et du Village de Burk’s Falls ont tenu des réunions à huis clos illégales le 16 janvier 2015, (octobre 2015), en ligne.
[3] Ibid.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le Comté de Norfolk le 28 janvier 2020, (mars 2021), en ligne.
[5] Ibid.
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions tenues par le Comté de Bruce le 21 septembre 2017, le 2 août 2018, le 6 septembre 2018 et le 10 janvier 2019, (mai 2022), en ligne; Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur les réunions à huis clos tenues par le conseil de la Ville de Fort Erie les 4 et 6 décembre 2017, (avril 2018), en ligne.
[7] Ibid.
[8] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par la Municipalité de Grey Highlands le 7 octobre 2020, (mai 2021), en ligne.
[9] Ibid.
[10] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur les réunions tenues par la Niagara Central Dorothy Rungeling Airport Commission les 8 et 23 avril, 13 mai et 19 et 30 août 2021, (mai 2023), en ligne.
[11] Supra, note 2.
[12] Supra, note 8.