Des leçons sur le long terme

Des leçons sur le long terme

septembre 7, 2023

7 septembre 2023

Enquête sur la surveillance des foyers de soins de longue durée pendant la pandémie de COVID-19 par le ministère des Soins de longue durée pour assurer la conformité avec la loi par le biais de ses inspections

Des leçons sur le long terme

Enquête sur la surveillance des foyers de soins de longue durée pendant la pandémie de COVID-19 par le ministère des Soins de longue durée pour assurer la conformité avec la loi par le biais de ses inspections

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Septembre 2023

 

Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario

Nous sommes

Un bureau indépendant de l’Assemblée législative qui examine et règle les plaintes du public à propos des services fournis par les organismes du secteur public de l’Ontario. Ces organismes comprennent les ministères, les agences, les conseils, les commissions, les sociétés et les tribunaux du gouvernement provincial, ainsi que les municipalités, les universités, les conseils scolaires, les services de la protection de l’enfance et les services en français. L’Ombudsman recommande des solutions aux problèmes administratifs individuels et systémiques.

 

Reconnaissance des territoires et engagement envers la réconciliation

Le travail de l’Ombudsman de l’Ontario s’effectue sur les territoires autochtones traditionnels de la province que nous appelons maintenant l’Ontario, et nous sommes reconnaissant(e)s de pouvoir travailler et vivre sur ces territoires. Nous tenons à souligner que Toronto, où est situé le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, est le territoire traditionnel de nombreuses Nations, dont les Mississaugas de Credit, les Anishnabeg, les Chippewa, les Haudenosaunee et les Wendats, et abrite maintenant de nombreux peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Nous croyons qu’il est important d’offrir une reconnaissance des territoires comme moyen d’attester, de respecter et d’honorer ce territoire, les traités, les premier(ière)s occupant(e)s, leurs ancêtres et le lien historique qu’ils(elles) conservent avec ce territoire.

Dans le cadre de notre engagement envers la réconciliation, nous offrons des occasions de formation pour aider notre personnel à mieux s’informer de notre histoire commune et des préjudices infligés aux peuples autochtones. Nous travaillons à établir des relations mutuellement respectueuses avec les peuples autochtones de la province, et nous continuerons à intégrer les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation dans notre travail. Nous sommes reconnaissant(e)s de la possibilité qui nous est donnée de travailler dans l’Île de la Tortue.

 

Contributeur(trice)s

Directrice, équipe d'intervention spéciale de l'Ombudsman

  • Domonie Pierre

Enquêteur(euse) principal(e)

  • Rosie Dear
  • Chris McCague

Enquêteur(euse)s

  • Emily Ashizawa
  • Armita Bahador
  • Richard Francis
  • Alex Giletski
  • Yvonne Heggie
  • Carmen Kallideen
  • John O’Leary
  • Karyna Pavlenko
  • Dahlia Phillips

Agentes de règlement préventif

  • Angela Alibertis
  • Olivia Hannigan
  • Claudia Rios
  • Kirsten Temporale

Avocate principale

  • Robin Bates

Avocate générale

  • Laura Pettigrew

Conférence de presse

 


Table des matières


 

Résumé

1    Peu de gens ont été épargnés par la pandémie de COVID-19. Lorsque l’éclosion de ce nouveau coronavirus s’est transformée en pandémie mondiale en mars 2020, beaucoup ont cru naïvement qu’il suffirait de quelques semaines pour « aplatir la courbe » et reprendre une vie normale. Ce premier vent d’optimisme s’est toutefois rapidement estompé avec l’arrivée des variants et le déferlement des vagues sur la province. En date du 5 mai 2023, jour où l’Organisation mondiale de la santé a déclaré la fin de l’état d’urgence mondial, le virus avait emporté plus de 15 000 Ontarien(ne)s.

2    Si chaque décès est une tragédie, force est d’admettre que certains groupes vulnérables et à risque élevé ont été disproportionnellement touchés par le virus, dont le personnel et les résident(e)s des foyers de soins de longue durée de l’Ontario. Entre le début de la pandémie et avril 2022, la COVID-19 a mené au décès de 4 335 résident(e)s et 13 membres du personnel de ces foyers, et à l’infection de plus de 41 000 personnes[1]. La première vague a été particulièrement meurtrière, alors qu’on ne savait à peu près rien de la maladie ni de la façon de la maîtriser ou de la traiter. Près de 2 000 décès liés à la COVID-19 dans le secteur des soins de longue durée sont survenus durant la première vague, soit entre le 15 janvier 2020 et le 2 août 2020.

   Le présent rapport découle de la « première vague » dévastatrice de la pandémie. À ce moment, le monde n’avait pas encore pris la mesure de ce virus qui se propageait comme une traînée de poudre – c’était avant que la réaction de l’Ontario à la crise soit examinée à la loupe et fasse l’objet d’une série de recommandations d’améliorations. Depuis, de nombreux changements importants ont été apportés pour consolider la capacité de la province à faire face à une telle situation d’urgence à l’avenir, mais il reste encore beaucoup à faire pour remédier aux graves lacunes de surveillance décrites ici. J’ai axé mon enquête et mes recommandations sur des preuves non révélées dans d’autres examens, ainsi que sur les mesures correctives à prendre pour mieux préparer l’Ontario et mieux protéger sa population.

4    L’Ontario compte plus de 600 foyers de soins de longue durée totalisant près de 80 000 lits. Les résident(e)s de ces foyers ont accès en tout temps à des soins infirmiers et à des soins personnels dans un milieu familial. Ces soins sont essentiels à leur santé et à leur dignité, car la plupart ont besoin d’une aide considérable pour réaliser leurs activités quotidiennes (sortir du lit, manger ou faire leur toilette) et souffrent d’une déficience cognitive ou d’une maladie neurologique. Les foyers sont supervisés par le ministère des Soins de longue durée, qui délivre les permis, reçoit les plaintes, effectue les inspections de conformité et prend des mesures à l’encontre des établissements contrevenant aux exigences prévues par la loi. Outre le Ministère, d’autres entités supervisent les foyers, dont le ministère de la Santé, les bureaux de santé publique locaux et l’Ombudsman des patients de l’Ontario.

5    Lorsque la première vague de la pandémie a déferlé et que les décès attribuables à la COVID-19 se sont multipliés dans le secteur des soins de longue durée, mon Bureau a été submergé par 269 plaintes et demandes de renseignements. Vu le caractère exceptionnel de la situation, des membres des Forces armées canadiennes (FAC) ont été déployé(e)s dans plusieurs foyers de soins de longue durée ontariens en crise. En mai 2020, les FAC faisaient savoir que leur personnel y avait constaté des conditions de vie troublantes.

6    Compte tenu de la gravité de la situation, j’ai lancé de ma propre initiative, le 1er juin 2020, une enquête sur la surveillance exercée sur le secteur par le ministère de la Santé et le ministère des Soins de longue durée pendant la pandémie. J’avais annoncé que mon enquête porterait sur la manière dont les deux ministères avaient assuré la sécurité des résident(e)s et du personnel des établissements. Bien que mon Bureau ait un large pouvoir d’enquête sur les ministères et l’Ombudsman des patients, il ne s’étend pas aux foyers individuels, à leur personnel et aux bureaux de santé publique.

7    Alors que la pandémie continuait de sévir dans la province, d’autres organes, dont la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée et le Bureau de la vérificatrice générale, ont entrepris leurs propres enquêtes et examens globaux. Après avoir envisagé des aspects déjà bien approfondis, j’ai décidé que mon enquête aurait plus de valeur si elle se concentrait sur les activités d’inspection du ministère des Soins de longue durée durant les premières vagues de la pandémie et sur les améliorations apportées depuis. Mon Bureau s’est attaché à cerner les autres changements et améliorations systémiques nécessaires pour que le secteur des soins de longue durée de l’Ontario soit prêt à faire face à la prochaine pandémie ou à une autre crise sanitaire du genre.

8    Le personnel de l’Ombudsman a passé en revue plus de 1,2 million de documents et mené 91 entrevues dans le cadre de cette enquête. Nous avons découvert que le système de surveillance était déjà à rude épreuve bien avant la pandémie et qu’il était mal préparé et totalement incapable de faire face aux contraintes supplémentaires imposées par la COVID-19. Lorsque la pandémie a frappé, tous les mécanismes de surveillance du Ministère se sont largement effondrés, un membre du personnel décrivant la situation comme un « effondrement complet du système ».

9    Durant les premières semaines critiques de la vague initiale, la Direction de l’inspection du Ministère, qui reçoit les plaintes touchant les foyers de soins de longue durée et mène les enquêtes en découlant, a tout simplement mis fin aux inspections sur place. Pendant sept semaines de la mi-mars au début de mai 2020, il n’y avait aucune surveillance indépendante sur place des conditions de vie dans les foyers. La Direction n’a pas communiqué clairement sa décision de mettre fin aux inspections sur place aux autres instances gouvernementales, aux établissements, ni aux personnes ayant porté plainte et au public. Peu de gens savaient que ce mécanisme de surveillance s’était écroulé. Dans une région de la province, il n’y a eu aucune inspection sur place pendant trois mois d’affilée.

10    Les inspections ont cessé parce que le Ministère ne savait pas comment les inspecteur(trice)s pouvaient poursuivre leur travail en toute sécurité en situation de pandémie. La Direction n’avait pas d’équipement de protection individuelle, et le personnel d’inspection n’était pas formé à la prévention et au contrôle des infections. Après la reprise des inspections et durant la majeure partie de la première vague, seul(e)s les inspecteur(trice)s volontaires ont été envoyé(e)s dans les foyers où il y avait des éclosions de COVID-19. C’est pourquoi certaines régions ne pouvaient compter que sur trois ou quatre personnes pour effectuer le travail sur place, alors que la normale se situe entre 20 et 25.

11    Au lieu de leur travail habituel, les inspecteur(trice)s, dont la tâche consiste normalement à faire respecter la législation sur les soins de longue durée, ont fait des appels de « soutien et de suivi » réguliers auprès des foyers de soins de longue durée, mais certains établissements ont refusé de participer. Dans un contexte déjà chaotique, ce changement de rôle et d’approche a semé la confusion tant auprès des foyers que des inspecteur(trice)s, sans oublier que d’autres organismes assumaient déjà cette fonction.

12    La Direction de l’inspection s’est rapidement retrouvée submergée par un nombre sans précédent de plaintes et de questions de familles et de fournisseurs de soins préoccupé(e)s. Le Ministère n’a pas évalué adéquatement ces plaintes ni effectué les inspections nécessaires. Il a plutôt essentiellement compté sur les inspecteur(trice)s pour transmettre des « messages clés » au téléphone et donné à son service de plaintes le nom de « Ligne ACTION pour le soutien aux familles », ce qui a semé la confusion et nui à la fonction d’assurance de la conformité de la Direction.

13    Le Ministère n’a pas vraiment réfléchi à la manière dont son système de triage en fonction du risque évaluerait les plaintes liées à la COVID-19, donc certaines allégations graves n’ont pas été placées dans la catégorie « risque élevé ». Il a également adopté une approche restrictive concernant son mandat. Nous avons découvert que des problèmes très graves liés à la COVID-19, comme la prévention et le contrôle des infections ou le port de l’équipement de protection individuelle, n’ont pas fait l’objet d’une inspection rapide, si tant est qu’il y en ait eu une.

14    Dans un des cas examinés, une personne, Peter[2], s’est plainte au Ministère à quatre reprises entre le 6 avril et le 5 mai 2020 des conditions inquiétantes dans le foyer de soins de longue durée où vivait sa mère. Aucune inspection n’a été effectuée avant octobre 2020, soit plusieurs mois après le décès de sa mère des suites de la COVID-19. Il y a eu au total 53 décès dans ce foyer durant la première vague.

15    Dans un autre cas, Gemma s’est plainte au Ministère en avril 2020 que le foyer de soins de longue durée de ses parents « manquait cruellement » de préposé(e)s aux services de soutien à la personne. Elle a indiqué que les résident(e)s ne recevaient pas d’aide pour s’alimenter, se laver ou prendre leurs médicaments. Un de ses parents a succombé à la COVID-19, et l’autre a contracté le virus. Un(e) inspecteur(trice) du Ministère l’a « rassurée » au téléphone, puis a classé le dossier sans prendre de mesures. Il y a eu 33 décès dans ce foyer durant la première vague. On peut se demander ce qui serait arrivé si les inspecteur(trice)s du Ministère avaient fait un suivi diligent des plaintes de Peter et de Gemma dès leur réception.

16    En plus de procéder à des inspections suivant des plaintes, la Direction fait aussi des inspections à la suite de rapports d’incidents graves reçus directement de la part des foyers de soins de longue durée. Les établissements sont légalement tenus de signaler les « incidents graves », au sens de la législation, ce qui comprend les flambées épidémiques, comme celle de la COVID-19. Avant la pandémie, le Ministère faisait peu de cas des rapports d’incidents graves concernant des éclosions. Lorsque la pandémie a frappé, beaucoup de foyers aux prises avec des éclosions de COVID-19 ne les ont pas signalées comme ils le devaient, et la Direction de l’inspection a presque complètement ignoré ce manquement. Elle n’a pas non plus fait grand-chose, souvent rien même, lorsque des foyers signalaient des éclosions. En ne donnant pas suite à ces rapports d’incidents graves et aux manquements des foyers n’ayant pas signalé les éclosions, le Ministère a perdu une occasion précieuse d’inspecter les établissements aux prises avec des éclosions et d’y intervenir avant que les conditions empirent.

17    Notre enquête a également révélé que le Ministère a pris peu de mesures pour faire respecter les exigences prévues par la loi durant la première vague. La Direction de l’inspection a le pouvoir d’imposer des mesures d’exécution ou des « pénalités » si un(e) inspecteur(trice) établit qu’un foyer contrevient à la loi. Dans bien des cas de la première vague examinés, la Direction a choisi de prendre des mesures d’exécution mineures seulement, même lorsqu’elle constatait des manquements importants et répétés mettant les résident(e)s en danger.

18    Nous avons vu maints cas où les inspecteur(trice)s ont fait usage de leur pouvoir discrétionnaire considérable pour assouplir le mécanisme d’exécution par défaut autrement applicable, même lorsque la situation était très grave, avec peu ou pas d’explications. L’une des mesures les plus strictes que peut imposer le Ministère – un ordre de gestion obligatoire au titre duquel il doit approuver un nouvel exploitant – a rarement été envisagée, son recours ne faisant l’objet d’aucun encadrement clair. Dans bien des cas, les foyers ont pu conclure des ententes de gestion volontaire, qui ne permettent pas le même niveau de surveillance ou de contrôle de la part du Ministère.

19    Même dans les cas où la Direction a pris une mesure d’exécution et exigé des foyers qu’ils se conforment à la législation, ceux-ci ont généralement bénéficié de plusieurs mois pour régler les problèmes graves liés aux soins et à la sécurité des résident(e)s. Nous avons examiné un cas où un(e) inspecteur(trice) avait déterminé qu’un foyer ne respectait pas les exigences de prévention et de contrôle des infections prévues dans la loi, ce qui présentait, selon cette personne, un « danger immédiat » pour les résident(e)s, problème qui était « généralisé » dans l’établissement, ce qui entre dans les catégories d’infractions à la législation les plus « graves » et « étendues ». L’inspecteur(trice) avait également souligné que le foyer avait récemment reçu un avis de non-conformité pour les mêmes raisons. Selon les règles du Ministère, en pareilles circonstances, il doit révoquer le permis du foyer et affecter un gestionnaire intérimaire pendant la réduction progressive des activités de l’établissement. Mais le Ministère a plutôt rendu un ordre de conformité, c’est-à-dire pris une mesure d’exécution de niveau inférieur, et accordé trois mois au foyer pour rectifier la situation.

20    Pour favoriser la transparence et la responsabilisation, les mesures d’exécution et les résultats des inspections du Ministère sont consignés dans les rapports d’inspection publics. Cependant, pendant plus de deux mois durant la première vague, la Direction de l’inspection a cessé de transmettre ces rapports, même pour les inspections réalisées avant la pandémie. Et nous avons constaté que les rapports publiés étaient souvent excessivement longs, truffés d’acronymes et mal structurés. Les renseignements d’intérêt essentiels étaient enfouis dans différentes parties des rapports, ce qui en compliquait la consultation. En outre, le Ministère avait souvent regroupé des plaintes sans lien dans un seul rapport. Toutes ces pratiques ont fait qu’il était très difficile pour le public de savoir si un foyer s’était conformé aux ordres rendus suivant une inspection.

21    Certains diront qu’il s’agit simplement d’une situation ponctuelle et que d’importantes améliorations ont été apportées depuis. Certes, depuis la première vague de la pandémie et à la suite des recommandations faites par d’autres organismes, les pratiques du ministère des Soins de longue durée et la législation régissant les foyers de soins de longue durée ont été quelque peu modifiées. En avril 2022, la Loi sur le redressement des soins de longue durée est entrée en vigueur et prévoit de nouvelles options d’exécution. Une nouvelle « unité des enquêtes », qui se chargera des poursuites pour les contraventions les plus graves, est en voie de création. La législation exige aussi que les foyers de soins de longue durée soient mieux préparés aux pandémies et ajoute plusieurs exigences en lien avec les pratiques de prévention et de contrôle des infections, la formation, les visites, les plans d’urgence et la dotation.

22    En plus de ces changements législatifs, la Direction de l’inspection a aussi pris des mesures pour mieux se préparer aux pandémies. Elle s’est également engagée à inspecter de façon périodique et proactive chaque foyer de soins de longue durée, et le gouvernement a augmenté ses effectifs pour alléger cette charge de travail accrue.

23    Il est toutefois essentiel que le Ministère comprenne parfaitement ce qui s’est produit et tire des leçons de l’incapacité de la Direction de l’inspection d’intervenir adéquatement et rapidement lors de la situation d’urgence survenue dans le secteur des soins de longue durée en mars 2020. Près de 80 000 résident(e)s vulnérables comptent sur le Ministère pour surveiller la sécurité de leurs foyers. Malheureusement, il n’était pas préparé et n’a pas pu assurer la sécurité des résident(e)s et du personnel des foyers durant la première vague de la pandémie. Je suis d’avis que c’était déraisonnable, injuste et erroné selon les alinéas 21(1)b) et d) de la Loi sur l’ombudsman[3].

24    Bien que le Ministère ait déjà pris certaines mesures pour mieux se préparer à la prochaine situation d’urgence, la Direction de l’inspection doit être prête à remplir son mandat, peu importe les circonstances. J’ai fait 76 recommandations dans le présent rapport, dont 72 visant le Ministère, deux invitant le gouvernement de l’Ontario à épauler le Ministère dans ses responsabilités légales et deux exhortant les deux entités à collaborer pour qu’il y ait suffisamment d’inspecteur(trice)s et de personnel à l’avenir. Mon rapport ne vise pas le ministère de la Santé dans sa portée et ses recommandations, celui-ci ayant fait l’objet d’autres examens ayant mené à maintes constatations et recommandations.

25    Selon les spécialistes, il y aura un jour une autre pandémie. Il est de plus en plus évident que l’effet combiné des changements climatiques et de notre empiétement toujours plus grand sur les habitats fauniques augmente le risque de transmission de virus de l’animal à l’humain. [Traduction] « Il y aura une autre pandémie. C’est aussi inévitable que la mort et l’impôt », a dit Allison McGeer, spécialiste des maladies infectieuses et professeure de médecine de laboratoire et de pathobiologie à l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto[4].

26    Il ne s’écoulera sans doute pas des années avant la prochaine pandémie. Comme le souligne le professeur Jacob Lemieux de la Harvard Medical School [traduction] « il y a souvent des pandémies; elles surviennent à quelques années d’intervalle en fait, et pas seulement une fois dans une vie, donc nous devons nous y préparer[5] ». Les décideurs(euses) doivent faire preuve de leadership et d’unité pour lutter contre les futures menaces pour la santé publique. La population de l’Ontario doit pouvoir s’attendre à ce que les services publics tirent des leçons de l’expérience de la COVID-19 et se préparent adéquatement à la prochaine menace à la santé collective.

27    J’espère que ces recommandations fondées sur des données probantes, qui reposent sur les changements entrepris et l’amélioration de la préparation du système d’inspection des foyers de soins de longue aux pandémies, permettront au Ministère de s’acquitter efficacement de sa responsabilité vitale de surveillance durant la prochaine crise sanitaire.

 

Une tragédie d’ampleur épidémique

28    Les conséquences de la pandémie pluriannuelle de COVID-19 sur le secteur des soins de longue durée de l’Ontario ont été graves et funestes. Alors que les résident(e)s des foyers de soins de longue durée représentent une petite fraction de la population ontarienne, ce groupe a enregistré près du tiers des décès attribuables à la COVID-19 dans la province.

29    La première vague du virus a été dévastatrice dans le secteur, s’étant produite en l’absence de vaccins et dans un contexte de rareté. L’équipement de protection individuelle et d’’expertise en prévention et en contrôle des infections. Quelque 1 937 décès attribuables à la COVID-19 sont survenus dans ce secteur durant la première vague, soit entre le 15 janvier 2020 et le 2 août 2020, et la grande majorité des autres se sont produits pendant la deuxième vague, plus longue, qui s’est échelonnée d’août 2020 à février 2021. L’arrivée des vaccins en décembre 2020 a réduit considérablement la gravité de la maladie et le nombre de décès dans les foyers de soins de longue durée[6].

30    Les conséquences de la pandémie n’ont pas été les mêmes dans tous les foyers. Par exemple, le foyer Orchard Villa à Pickering, qui compte 233 lits, a perdu 70 résident(e)s à cause de la COVID-19, tandis que d’autres établissements n’ont pas subi d’éclosion majeure et ont eu peu de décès.

31    L’arrivée de la COVID-19 en Ontario a suscité une réaction sans précédent. Les mesures préventives dans le secteur ont parfois pris le pas sur les droits individuels des résident(e)s, notamment celui d’avoir des visites[7]. Par exemple, le 13 mars 2020, le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario a fortement recommandé que tous les foyers de soins de longue durée permettent les visites uniquement pour les résident(e)s très malades ou en fin de vie[8]. Quelques semaines plus tard, il a exigé que les foyers « limitent les visites aux personnes essentielles[9] », ce qui a compris par la suite les membres de la famille et les bénévoles s’occupant de la santé des résident(e)s. Cette restriction concernant les visites a duré longtemps et privé bien des gens d’un important soutien familial. Comme l’a mentionné une personne vivant dans un foyer :

[Traduction]
« […] mon univers a changé. Je ne faisais plus partie de la société […] Je ne pouvais pas faire de choix, décider comment vivre ma vie. »


32    Les restrictions de mouvements dans les foyers sont venues aggraver l’isolement. Beaucoup de gens étaient essentiellement confinés à leur chambre, ce qui réduisait encore plus les possibilités de contact humain. Une résidente a même comparé ce sentiment à celui d’être « emprisonnée », avant d’ajouter :

[Traduction]
« Je crois que le pire – et je sais que bien des gens sont de mon avis – était l’absence de contacts avec nos familles. C’est ce qui a été, pour moi, le plus difficile de toute la pandémie […] Ma famille m’a tellement manqué. »


33    Les restrictions obligatoires ont également été intensément ressenties par les proches et les ami(e)s des résident(e)s. Avant la pandémie, ces personnes pouvaient non seulement rendre visite aux résident(e)s pour leur apporter soins et soutien, mais aussi observer directement leurs conditions de vie et faire part de leurs préoccupations à la direction et au Ministère. Lorsqu’elles ont été exclues des foyers, elles ont perdu un lien important avec les résident(e)s et une source précieuse d’information sur l’adéquation des soins.

34    De nombreux foyers ont également éprouvé des problèmes d’effectif pendant la pandémie, et l’absence de soutien des familles et autres aidant(e)s naturel(le)s a exacerbé les difficultés engendrées par les pénuries de personnel. Nous avons eu de l’information sur plusieurs foyers où, pendant la première vague, plus de 80 % du personnel avait reçu en même temps un résultat de dépistage positif. La majorité du personnel était donc dans l’incapacité de travailler. Beaucoup d’exemples de répercussions sur les résident(e)s ont été portés à notre attention. En avril 2020, selon un(e) inspecteur(trice) du ministère des Soins de longue durée, un membre du personnel du foyer Orchard Villa, à Pickering, a appelé le Ministère pour signaler [traduction] « […] qu’il n’y avait personne pour donner à manger aux résident(e)s et prendre soin d’eux, et que les conditions de vie étaient abominables ». Les inspecteur(trice)s du Ministère ne sont pas allé(e)s dans les foyers au plus fort de la première vague, donc il y avait peu de surveillance externe lorsque les foyers peinaient à répondre aux besoins fondamentaux des résident(e)s.

35    La première vague a aussi durement mis à l’épreuve le personnel de première ligne des foyers de soins de longue durée. Les militaires des Forces armées canadiennes appelés en renfort dans un foyer ont dit que les travailleur(euse)s étaient surchargé(e)s et surmené(e)s, soulignant que bon nombre « n’avaient pas vu leur famille depuis des semaines ».

36    Des représentant(e)s de la section ontarienne du Syndicat canadien de la fonction publique nous ont dit que beaucoup de leurs membres travaillant dans les foyers étaient physiquement et émotionnellement épuisé(e)s durant la première vague, indiquant que certaines personnes avaient été chargées de mettre les corps des résident(e)s dans des housses mortuaires, ce qui s’éloigne de leurs tâches habituelles, et qu’elles en ressentiraient les effets psychologiques « pendant des années ». Un(e) cadre supérieur(e) de l’Ontario Personal Support Workers’ Association a abondé dans le même sens, comparant les foyers de soins de longue durée au cours de la première vague à des « champs de bataille ». Même si le mandat de mon Bureau n’englobe pas les conditions de vie et de travail dans les foyers, l’expérience épouvantable vécue par bien des membres du personnel et des résident(e)s offre un contexte important pour évaluer le rôle joué par la Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée durant la première vague.

 

Enquête : portée et processus

37    En juin 2020, j’ai avisé le ministère de la Santé et le ministère des Soins de longue durée que mon Bureau enquêterait sur la pertinence de la surveillance exercée par eux sur le secteur des soins de longue durée pendant la pandémie de coronavirus (COVID-19). L’enquête, lancée de mon propre chef, visait à vérifier comment les deux ministères avaient assuré la sécurité des résident(e)s et du personnel des foyers de soins de longue durée. J’avais pris cette décision à la suite de la publication d’une lettre[10] dans laquelle les Forces armées canadiennes (FAC) décrivaient les conditions troublantes dans les foyers qu’elles avaient aidés. J’étais également troublé par le nombre croissant d’éclosions de COVID-19 et de décès liés au virus dans les foyers de la province, ainsi que par l’augmentation des plaintes reçues par mon Bureau.

38    Même si d’autres examens étaient en cours ou avaient été annoncés, j’étais persuadé que la relation privilégiée entretenue par mon Bureau avec les Ontarien(ne)s et le point de vue singulier que nous offrent les consultations directes et la résolution des plaintes individuelles nous permettraient de contribuer de façon unique et précieuse à la recherche de solutions.

39    Une enquête menée par mon Bureau en 2008 sur la surveillance exercée par la province sur le secteur des soins de longue durée avait fait ressortir plusieurs problèmes, qui avaient été exposés dans une lettre déposée auprès de l’Assemblée législative de l’Ontario en novembre 2010[11]. Ces problèmes avaient été examinés par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée du moment, qui avait apporté de nombreux changements législatifs et opérationnels pour moderniser le secteur[12].

 

Une enquête difficile

40    Lorsque j’ai annoncé cette enquête en juin 2020, peu de gens auraient pu se douter des effets qu’aurait la COVID-19 sur notre quotidien dans les années suivantes. À mesure que les répercussions se sont précisées et que d’autres organisations ont entrepris leurs propres enquêtes et examens, j’ai décidé que mon enquête aurait plus d’effet si elle se concentrait sur les activités d’inspection du ministère des Soins de longue durée au début de la pandémie pour recommander des améliorations qui renforceraient la surveillance dans l’avenir et garantiraient une meilleure posture au Ministère et aux foyers de soins de longue durée pour affronter la prochaine pandémie. D’autres enjeux liés à la COVID-19 dans le secteur des soins de longue durée, comme la préparation aux pandémies, les interventions durant les vagues subséquentes, l’octroi de permis aux foyers et les mesures prises par le ministère de la Santé, ont fait l’objet d’enquêtes et de rapports par différentes organisations[13].

41    L’Équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman (ÉISO) a mené l’enquête avec l’équipe généraliste des Règlements préventifs, l’équipe des enquêtes et le personnel des services juridiques.

42    En réponse à nos demandes, nous avons reçu plus de 1,2 million de documents, principalement des courriels et leurs pièces jointes. Nous avons interrogé 91 personnes : membres du personnel du ministère des Soins de longue durée et du ministère de la Santé, autres fonctionnaires, administrateur(trice)s de foyers de soins de longue durée et autres parties concernées. Nous avons aussi obtenu des renseignements des Forces armées canadiennes. De plus, nous avons rencontré virtuellement des fonctionnaires du ministère des Soins de longue durée et du ministère de la Santé à plusieurs reprises pour obtenir de l’information sur leurs activités et être au courant des changements apportés à la législation, aux politiques et à d’autres initiatives pertinentes.

43    Il a été difficile de mener une enquête aussi vaste et complexe en temps de pandémie. Il s’agissait d’une des premières enquêtes menées par l’Ombudsman avec du personnel travaillant à distance; il a donc été nécessaire d’instaurer une nouvelle infrastructure informatique pour permettre au personnel d’effectuer son travail de manière efficace et confidentielle. Si le travail à distance est aujourd’hui naturel pour beaucoup, en juin 2020, c’était un changement majeur par rapport à notre approche habituelle.

44    Notre enquête a également été affectée par la charge de travail du personnel des ministères sur lesquels nous enquêtions. Naturellement, on se préoccupait beaucoup de la façon de contrer les effets continus de la pandémie, d’autant plus que la deuxième vague s’annonçait encore plus dévastatrice que la première. Nous avons également appris que les demandes associées aux autres examens et enquêtes, notamment de la vérificatrice générale, de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée et de l’Ombudsman des patients, entravaient la capacité du personnel de répondre aux nôtres. Nous avons aussi eu du mal à nous entretenir avec plusieurs personnes clés en raison de congés, de départs à la retraite, d’autres priorités urgentes et de nombreux changements de personnel.

45    Conscient(e)s des défis auxquels font face les fonctionnaires, nous avons adopté une approche collaborative pour déterminer comment et quand les documents seraient fournis et les entrevues planifiées. Par exemple, nous avons accepté que les ministères fournissent les documents par tranches successives, ce qui n’est pas notre façon de faire habituelle. Nous avons également permis aux personnes devant être rencontrées de reporter leur entretien si une urgence survenait.

46    Malheureusement, cette approche a eu des répercussions importantes sur les délais de réception de l’information. Par exemple, il a fallu plus de trois mois pour obtenir du Ministère des renseignements simples sur les inspecteur(trice)s, information dont nous avions besoin pour déterminer qui serait appelé en entrevue. Lorsque nous avons finalement reçu une réponse, il était trop tard pour qu’elle soit utile à l’enquête et elle ne contenait pas les renseignements demandés. De plus, sept mois se sont écoulés avant que les fonctionnaires commencent à nous envoyer des copies de certains dossiers d’inspection, essentiels à notre enquête.

47    Plus important encore, le Ministère a mis plus d’un an à nous fournir des copies des courriels pertinents et de leurs pièces jointes. Pendant ce long délai, nous avons travaillé avec diligence avec le Ministère et un fournisseur tiers engagé par lui pour nous fournir les renseignements détaillés demandés. Lorsque des inquiétudes ont été exprimées concernant le volume de courriels à produire, nous avons réduit la période et la portée de notre demande. On nous a indiqué que cela représenterait environ 67 000 courriels, soit un nombre considérable, mais acceptable. Nous avons finalement reçu quelque chose de bien différent : plus d’un million de courriels sans organisation par sujet. Plus de 300 000 documents PDF impropres à la recherche fournis sans contexte ni organisation. L’équipe de la technologie de l’information de mon Bureau a trouvé des solutions, mais compte tenu du volume d’information, il n’était pas possible pour les enquêteur(euse)s de lire tous les courriels et documents. Nous avons plutôt misé sur les filtres, le tri et les recherches ciblées pour sélectionner les documents les plus susceptibles d’être pertinents.

48    Ces retards et le volume d’information produite ont influé sur notre capacité de mener des entrevues en temps opportun, puisque selon notre pratique exemplaire, nous essayons de lire les principaux documents en lien avec les témoins avant les rencontres.

49    Il a également été difficile de confirmer que le Ministère nous avait fourni toute l’information pertinente demandée, car il a retenu ou censuré plus de 38 000 documents parce qu’ils contenaient, selon lui, des renseignements ne devant pas être communiqués, par exemple en raison du secret professionnel. Il est fréquent pour des organisations d’invoquer ce type de privilège au cours des enquêtes de l’Ombudsman, mais ça ne vise généralement pas un grand nombre de documents et une explication détaillée est normalement donnée. En l’espèce, nous n’avons reçu qu’une feuille de calcul contenant des données de base sur les 38 000 dossiers, et peu d’explications quant aux raisons pour lesquelles chaque document retenu était confidentiel. Lorsque nous avons demandé à un(e) haut(e) fonctionnaire du Ministère de préciser comment le gouvernement détermine quels documents sont confidentiels, on nous a été répondu qu’il utilise un logiciel précis pour faire une première recherche, dont les résultats sont « contrôlés » par les juristes du Ministère. Il a donc été impossible pour notre personnel de déterminer si les documents avaient été dûment retenus.

50    Malgré ces obstacles, nous sommes reconnaissant(e)s de la coopération que nous avons reçue des ministères et sommes conscient(e)s des défis importants qu’ils ont dû relever pour lutter contre la pandémie et répondre à notre enquête et aux nombreux autres examens et enquêtes.

51    Cette enquête a requis un travail considérable de planification et de préparation. Le processus – en particulier les entrevues avec les témoins et l’obtention des preuves documentaires – a été considérablement freiné par l’état sanitaire, les problèmes d’effectif et la nécessité d’effectuer une grande partie du travail virtuellement. Néanmoins, il était impératif pour nous de mener une enquête approfondie et rigoureuse examinant la situation sous différents angles.

52    En outre, l’effectif de notre Bureau n’était pas complet durant cette enquête, ce qui a également influé sur le calendrier. Deux grands élargissements du mandat de l’Ombudsman (en 2016 et 2019) ont non seulement étendu considérablement notre champ de compétence, mais aussi augmenté notre charge de travail. Bien que nous ayons recruté du personnel et continuions de le faire, notre unité des ressources humaines n’avait pas la capacité nécessaire pour nous permettre d’atteindre un plein effectif et d’optimiser nos activités.

 

Cas portés à notre connaissance

53    Cette enquête a été lancée de ma propre initiative. Toutefois, mon Bureau a le pouvoir général d’examiner les plaintes sur la conduite administrative du ministère des Soins de longue durée et de l’Ombudsman des patients, dont le mandat comprend l’examen direct des plaintes concernant les foyers de soins de longue durée et d’autres services de santé. Mon Bureau ne s’occupe pas des plaintes relatives à ces établissements, à leur personnel ou aux bureaux de santé publique.

54    Nous avons reçu 269 plaintes et demandes de renseignements concernant les points visés par l’enquête. La plupart l’ont été au plus fort de la première vague de la pandémie et portaient sur la gestion gouvernementale de la crise dans le secteur des soins de longue durée. Beaucoup émanaient de proches de résident(e)s des foyers de soins de longue durée et soulevaient des préoccupations d’ordre général sur la planification et la rapidité d’intervention du gouvernement, ainsi que des questions particulières sur l’équipement de protection individuelle, les tests de dépistage, la prévention et le contrôle des infections, et la restriction des visites. Un nombre important de cas ont aussi été présentés par le personnel des foyers, les conseils des familles et d’autres parties prenantes. Certains concernaient la manière dont le Ministère avait communiqué aux francophones d’importants renseignements sur la pandémie; ces cas ont été traités par l’Unité des services en français de mon Bureau.

55    Bon nombre des cas portés à notre attention touchaient un foyer en particulier, cas que nos agent(e)s de règlement préventif ont renvoyé à la Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée, à l’Ombudsman des patients ou à d’autres ressources, comme l’Advocacy Centre for the Elderly[14]. Plusieurs autres soulevaient des préoccupations sur la démarche d’inspection et de traitement des plaintes du Ministère, notamment des réponses tardives, des enquêtes inadéquates, un manque de communication, un désaccord avec les mesures du Ministère ou l’absence de mesures. Le personnel de l’Ombudsman s’est penché sur ces cas individuels, et les preuves recueillies ont contribué à orienter notre enquête.

56    Nous avons reçu très peu de plaintes directes des résident(e)s de foyers de soins de longue durée, et bien qu’il soit impossible de savoir exactement pourquoi, les raisons possibles sont nombreuses. La plupart des résident(e)s ont besoin d’une aide importante pour réaliser leurs activités quotidiennes, y compris utiliser un téléphone ou un ordinateur. Beaucoup souffrent d’une déficience cognitive ou d’une maladie neurologique pouvant rendre difficile, voire impossible, la communication avec mon Bureau. Pour mieux comprendre le point de vue de ces personnes, les enquêteur(trice)s se sont entretenues avec des résident(e)s de foyers de soins de longue durée et des représentant(e)s de l’Ontario Association of Residents’ Councils et de Conseils des familles Ontario.

57    En plus de recevoir et de résoudre les plaintes individuelles, l’Unité des services en français de mon Bureau s’est également assuré que les besoins et les intérêts des francophones soient pris en compte par la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée, incitant cette dernière à inviter les francophones à venir à sa rencontre pour l’aider à analyser les enjeux particuliers pour ce groupe de la population et à trouver des solutions. Dans son rapport, la Commission reconnaît que les résident(e)s francophones des foyers de soins de longue durée doivent recevoir des soins et services culturellement et linguistiquement appropriés, et a fait deux recommandations concernant les services en français[15].

 

Soins de longue durée en Ontario

58    L’Ontario compte plus de 600 foyers de soins de longue durée totalisant près de 80 000 lits. Ces foyers sont des endroits où les adultes peuvent recevoir de l’aide avec la plupart ou la totalité de leurs activités quotidiennes et obtenir des soins infirmiers et des soins personnels 24 heures sur 24[16]. Les personnes qui y résident font partie des groupes les plus vulnérables de l’Ontario. La grande majorité d’entre elles ont besoin d’une aide importante pour accomplir des tâches comme se lever du lit, manger ou faire leur toilette, et souffrent d’une déficience cognitive ou d’une maladie neurologique.

59    Le secteur des soins de longue durée est vaste et emploie plus de 100 000 personnes dans la province, dont environ 60 % sont des préposé(e)s aux services de soutien à la personne aidant les résident(e)s à se laver, à s’habiller, à manger et à se déplacer dans le foyer. Un autre 25 % fait partie du personnel infirmier (autorisé ou auxiliaire autorisé)[17]. Il y a aussi des médecins et d’autres professionnel(le)s de la santé.

60    Durant la majeure partie de la pandémie, la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée et le Règlement de l’Ontario 79/10 ont régi la prestation des soins de longue durée[18]. En avril 2022, cette loi et ce règlement ont été abrogés, et une nouvelle loi, la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée, est entrée en vigueur[19]. Les deux lois prévoient une structure de prestation des soins de longue durée et de surveillance ministérielle semblable.

 

Ministère des Soins de longue durée

61    Le ministère des Soins de longue durée délivre les permis aux foyers, reçoit les plaintes, effectue les inspections de conformité et prend des mesures d’exécution si un foyer ne respecte pas les exigences prévues par la loi.

62    Depuis mars 2020, la Division des opérations du Ministère s’occupe des inspections, des mesures d’exécution et de la délivrance des permis. Cette division comprend la Direction de l’inspection, qui inspecte les foyers pour s’assurer qu’ils respectent la législation et les directives ministérielles. Lorsqu’un foyer contrevient aux exigences, la Direction décide des mesures d’exécution à prendre.

63    Les foyers de soins de longue durée appartiennent à diverses entités, dont des municipalités, des entreprises à but lucratif et des organismes sans but lucratif. Chaque propriétaire et foyer doit obtenir un permis du ministère des Soins de longue durée[20]. Le Ministère a le pouvoir général de délivrer les permis aux établissements et peut ajouter des conditions à un permis, le modifier et le révoquer, si nécessaire. Au début de la pandémie, la Direction des permis, des politiques et de l’élaboration remplissait cette fonction, qui a été transférée à la Division de l’optimisation des immobilisations dans le secteur des soins de longue durée en juin 2020.

 

Autres sources de surveillance

64    Outre le ministère des Soins de longue durée, d’autres organisations surveillent les foyers de soins de longue durée, notamment le ministère de la Santé, les bureaux de santé publique locaux et l’Ombudsman des patients.

 

Ministère de la Santé

65    En plus de ses maints autres mandats, le ministère de la Santé planifie et coordonne les interventions d’urgence dans l’ensemble du réseau de la santé, y compris le secteur des soins de longue durée. Ce rôle est prévu et encadré par la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence et le Règlement de l’Ontario 380/04[21]. Bien que cette loi confère cette responsabilité uniquement au ministère de la Santé, nous avons appris qu’en pratique, ce dernier travaille de concert avec le ministère des Soins de longue durée.

66    Le Bureau du médecin hygiéniste en chef fait partie du ministère de la Santé et chapeaute la Direction de la gestion des situations d’urgence pour le système de santé. Cette direction est responsable des politiques, des programmes, de la planification et de la coordination en lien avec les situations d’urgence dans l’ensemble du secteur de la santé, notamment les foyers de soins de longue durée.

 

Ombudsman des patients

67    L’Ombudsman des patients reçoit les plaintes sur les soins et l’expérience des résident(e)s des foyers de soins de longue durée, de la patientèle des hôpitaux et des bénéficiaires des Services de soutien à domicile et en milieu communautaire[22]. À l’instar de notre Bureau, il s’agit d’un « dernier recours ». L’Ombudsman des patients tente de résoudre les plaintes relatives aux foyers de soins de longue durée par la médiation et la négociation, ou par des enquêtes, si nécessaire[23]. Il a produit trois « rapports spéciaux » durant la pandémie sur les plaintes à propos des foyers[24].

 

Bureaux de santé publique locaux

68    L’Ontario est divisé en 34 territoires appelés bureaux de santé publique[25]. Chaque bureau est dirigé par un(e) médecin-hygiéniste relevant du conseil de santé local chargé de protéger la santé publique sur le territoire. Ces médecins-hygiénistes locaux et les bureaux de santé publique aident à détecter et à gérer les éclosions de maladies dans les foyers de soins de longue durée et font de la sensibilisation et de l’éducation proactives. Les bureaux de santé publique peuvent aussi inspecter les pratiques de prévention et de contrôle des infections des foyers, mais la plupart ne le font pas proactivement.

69    Au besoin, les médecins-hygiénistes locaux peuvent donner des ordres aux foyers de soins de longue durée en application de la Loi sur la protection et la promotion de la santé exigeant qu’ils prennent (ou s’abstiennent de prendre) des mesures. Durant la première vague de la pandémie, plusieurs bureaux de santé publique ont eu recours à ce pouvoir pour imposer des conditions à des foyers ayant du mal à enrayer les éclosions.

70    La Loi sur la protection et la promotion de la santé exige que les foyers de soins de longue durée signalent dès que possible certaines maladies au bureau de santé publique local, et depuis le 22 janvier 2020, la COVID-19 fait partie des maladies à déclaration obligatoire[26]. Le ministère de la Santé a préparé un guide (Protocole de gestion des éclosions dans les établissements et le milieu institutionnel) qui explique ce que doivent faire les bureaux de santé publique pour enrayer les éclosions déclarées dans certains milieux, y compris les foyers de soins de longue durée[27]. Ce document précise que les bureaux « aident » les établissements, mais que la gestion des éclosions demeure la responsabilité des foyers[28].

71    Durant la première vague de COVID-19, les bureaux de santé publique avaient peu d’indications sur le rôle qu’ils étaient censés jouer en cas de pandémie, en particulier dans les foyers de soins de longue durée. Le Plan ontarien de lutte contre la pandémie de grippe de 2013 donnait quelques indications générales sur les tâches des bureaux, comme la collecte et l’analyse de données locales, la direction des activités de vaccination locales ainsi que la préparation et la remise d’ordres[29]. Toutefois, il n’y avait pas de section précise sur les bureaux de santé publique en contexte de soins de longue durée, et nous avons appris que les différents bureaux n’avaient pas adopté les mêmes approches durant la première vague.

72    Mon Bureau n’a pas le pouvoir d’examiner les plaintes visant les bureaux de santé publique, ce qui nous a empêché(e)s d’enquêter sur 87 cas à ce sujet en 2020-2021. Il s’agissait notamment de questions liées au dépistage de la COVID-19, à la recherche des contacts, aux directives sur le port du masque et la distanciation physique, aux ordres locaux et à l’accès aux vaccins. J’ai souligné ce grave problème dans mon rapport annuel de 2020-2021 :

Les bureaux de santé publique ont joué un rôle central dans la façon dont les Ontariennes et Ontariens ont vécu la pandémie. Ces bureaux sont responsables de multiples éléments, allant de la fermeture des terrains de jeu aux activités de vaccination, en passant par les règles du port des masques. Leur travail est d’une importance cruciale et leurs décisions touchent collectivement des millions de personnes. Et pourtant, ces bureaux fonctionnent sans surveillance : ils ne relèvent ni de la compétence de mon Bureau, ni de celle de l’Ombudsman des patients du ministère de la Santé[30].


73    À ce moment-là, j’avais encouragé le gouvernement provincial à instaurer un mécanisme de surveillance indépendant des bureaux de santé publique. En 2021-2022, nous avons reçu 137 autres demandes les concernant, que nous avons dû rejeter[31].

 

Un sujet d’enquête

74    Plusieurs entités de surveillance aux mandats divers ont effectué des examens et fait des recommandations concernant le secteur des soins de longue durée et la réaction de la province à la pandémie de COVID-19. Elles ont consacré expertise, temps et argent à cet important travail, et mon enquête ne vise pas à faire double emploi, mais bien à s’appuyer sur leurs constatations et recommandations.

 

Enquête Gillese

75    Entre 2007 et 2016, l’infirmière autorisée Elizabeth Wettlaufer a volontairement administré des doses excessives d’insuline à des résident(e)s de foyers de soins de longue durée. Huit personnes en sont mortes et six autres ont été gravement affectées. Après ses aveux, elle a été poursuivie et reconnue coupable[32].

76    Après le procès, le gouvernement de l’Ontario a demandé à l’honorable juge Gillese de mener une enquête publique sur la sécurité des résident(e)s des foyers de la province. L’enquête s’est déroulée de 2017 à 2019, et le rapport final de la juge est paru le 31 juillet 2019[33].

77    Le rapport fait état de trois constatations principales : les événements n’auraient pas été découverts sans les aveux d’Elizabeth Wettlaufer; les événements résultaient de vulnérabilités systémiques dans le réseau des soins de longue durée; le secteur des soins de longue durée « subit de grandes pressions, mais n’est pas cassé », les foyers étant sous pression vu leurs ressources limitées[34].

78    On retrouve dans les nombreuses constatations et recommandations du rapport un appel au ministère de la Santé et des Soins de longue durée du moment pour l’instauration d’une unité spécialisée qui aiderait les foyers de soins de longue durée à se conformer à la loi[35]. Le rapport contient également une série de recommandations concernant le signalement des incidents graves au ministère et sur la manière dont le ministère devrait inspecter les situations les plus à risque. Concrètement, le ministère était invité à modifier ses méthodes d’évaluation du rendement pour accorder plus d’attention aux enjeux présentant un « risque élevé », qui doivent faire l’objet d’une inspection dès que possible afin d’atténuer le risque de préjudice pour les résident(e)s[36]. On lui demandait d’utiliser les données sur le rendement pour déterminer la rapidité d’inspection et d’intervenir lorsque celles-ci indiquent qu’un foyer peine à offrir un environnement sécuritaire[37]. Le Ministère était aussi encouragé à sensibiliser la population aux incidents devant être signalés[38].

79    Le rapport Gillese recommandait aussi que le Ministère mène une étude pour déterminer le niveau de dotation adéquat des foyers[39]. Cette étude a eu lieu essentiellement pendant la première vague de la pandémie, et le rapport a été déposé en juillet 2020. Dans ce dernier, on recommandait une moyenne quotidienne minimale de quatre heures de soins directs par résident(e) et on invitait le gouvernement à verser plus d’argent aux foyers pour leur permettre d’atteindre cet objectif[40]. On recommandait aussi au gouvernement de préparer des lignes directrices sur la dotation (ratios, composition du personnel) et on préconisait une meilleure reconnaissance du rôle des préposé(e)s aux services de soutien à la personne ainsi qu’un recours accru au personnel infirmier praticien. Le rapport contenait également de nombreuses recommandations sur les conditions de travail du personnel des foyers de soins de longue durée. Certaines de ces recommandations ont été incorporées à la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée, en vigueur depuis avril 2022.

 

Commission d’enquête indépendante sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée

80    L’examen le plus important et exhaustif sur la COVID-19 dans le secteur des soins de longue durée a été mené par la Commission d’enquête indépendante sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée. Annoncée en mai 2020 et constituée le 29 juillet de la même année, la Commission avait pour mandat d’enquêter sur le comment et le pourquoi de la propagation de la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée, sur ce qui a été fait pour la prévenir et sur l’effet des éléments clés du système existant sur le phénomène[41]. La Commission a publié des rapports provisoires en octobre et décembre 2020, et son rapport final en avril 2021.

81    Le rapport provisoire d’octobre 2020 contenait des recommandations applicables immédiatement, au moment où la deuxième vague prenait de l’ampleur et se propageait rapidement dans les foyers de soins de longue durée[42]. On y prônait notamment l’augmentation des effectifs et y invitait le gouvernement à aider les foyers à renforcer leurs relations avec les hôpitaux et les bureaux de santé publique locaux[43]. Le rapport proposait que chaque foyer ait un responsable de la prévention et du contrôle des infections et que les inspecteur(trice)s du Ministère vérifient que les établissements appliquent comme il se doit les procédures de prévention et de contrôle des infections[44].

82    La Commission a publié son second rapport provisoire en décembre 2020, au moment où la pandémie continuait de s’aggraver. On y recommandait notamment que les foyers communiquent et publient plus de données, entre autres sur les effectifs et les stocks d’équipement de protection individuelle[45]. On y invitait aussi le ministère des Soins de longue durée à reprendre ses inspections de la qualité des services aux résidents (IQSR) de façon proactive dans tous les foyers et à inclure un examen des pratiques de prévention et de contrôle des infections dans toutes les inspections réactives. Pour réinstaurer ces inspections, on recommandait que le gouvernement verse au Ministère un financement suffisant pour embaucher et former des inspecteur(trice)s capables d’effectuer une IQSR dans chaque foyer tous les ans. On recommandait aussi dans le rapport que le Ministère réagisse plus rapidement lorsqu’il rend des ordonnances de prévention et de contrôle des infections et répond aux questions sur les « plans de soins »[46]. En outre, on y exhortait le ministère des Soins de longue durée, le ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences et les bureaux de santé publique à coordonner leurs inspections et à échanger l’information[47].

83    La Commission a publié, en avril 2021, son rapport final de plus de 400 pages. Ce rapport analyse en détail l’état du secteur des soins de longue durée avant et pendant la pandémie (à la fin de l’enquête) ainsi que les nombreux facteurs ayant influé sur la capacité des foyers à protéger les résident(e)s de la COVID-19, et comprend 85 recommandations[48].

84    Citant abondamment l’expérience des résident(e)s, des membres de leurs familles, des aidant(e)s naturel(le)s et du personnel des foyers de soins de longue durée, la Commission a dit que chaque groupe a « terriblement souffert » pendant la pandémie. Les personnes hébergées étaient « négligées, effrayées, seules et coupées de ceux qu’elles aimaient et dont elles dépendaient ». Pendant ce temps, le personnel des foyers qui pouvait travailler voyait les résident(e)s mourir – et devait parfois s’occuper des corps des défunt(e)s, une expérience traumatisante pour beaucoup[49].

85    La Commission a fait des remarques sévères sur le manque de planification du gouvernement face à une pandémie. Elle a souligné que pendant des années, la province a appliqué d’importantes recommandations issues de rapports antérieurs pour se préparer à une éventuelle pandémie – notamment plusieurs études découlant de la flambée de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003[50]. Cependant, au fil du temps, elle « a relâché sa volonté de faire de la préparation à une pandémie une priorité », d’après la Commission, même s’il était prévisible et inévitable qu’un agent pathogène mortel se propage un jour dans le monde entier[51]. Selon le rapport de la Commission, lorsque la COVID-19 est apparue, la province n’avait pas de plan à jour pour faire face à une pandémie. Le plan existant était axé sur la grippe, n’avait pas été modifié depuis 2013 et ne contenait pas d’orientations précises pour le secteur des soins de longue durée. La province avait plutôt investi des années de travail dans un plan visant à créer un « système de santé résilient et prêt à l’action », lequel n’était pas prêt lorsque la pandémie s’est déclenchée[52]. La Commission soutient que la préparation à une pandémie doit être une priorité constante et a demandé au gouvernement de terminer son plan, de le publier et d’y inclure des orientations précises pour le secteur des soins de longue durée. Elle mentionne aussi que tous les foyers de soins de longue durée devraient avoir leur propre plan d’intervention en cas de pandémie[53].

86    Dans son rapport, la Commission aborde aussi en long et en large la situation des fournitures d’urgence de la province. Elle souligne qu’en 2017, le gouvernement avait constaté que la majeure partie de ses réserves accumulées dans la foulée de l’épidémie de SRAS étaient périmées. Il avait alors ordonné la destruction de 90 % des stocks et passé trois ans à débattre de l’opportunité et de la manière de les remplacer[54]. De plus, les foyers de soins de longue durée n’étaient pas tenus de conserver une réserve précise d’équipement de protection individuelle. Lorsque la COVID-19 a frappé, ses réserves utilisables avaient considérablement diminué, et il n’était pas possible de connaître les stocks des différents foyers. La Commission a recommandé au gouvernement d’adopter une loi encadrant les réserves provinciales et de confier la responsabilité de ces dernières au médecin hygiéniste en chef. Elle a également demandé au gouvernement de gérer activement ses stocks d’urgence et de garantir que les foyers de soins de longue durée bénéficient d’un accès prioritaire[55].

87    La Commission a également constaté que l’incertitude entourant les rôles et responsabilités fragilisait encore plus la situation. Au début de la pandémie, un grand nombre d’organisations étaient en voie d’intégrer l’agence Santé Ontario, laissant certaines responsabilités clés non attribuées ou imprécises. Santé publique Ontario, qui aurait dû jouer un rôle central dans la lutte contre la pandémie, était sous-financée et a été écartée. De plus, parce que le ministère des Soins de longue durée venait d’être créé, ses responsabilités n’étaient pas encore bien définies et le nouveau ministre devait se battre « pour être entendu »[56].

88    Le rapport de la Commission révèle également qu’à l’arrivée du virus, le gouvernement n’avait pas de structure de commandement et qu’il improvisait au jour le jour. Il indique que les fonctionnaires ne savaient pas très bien qui faisait quoi et qui était réellement responsable. Les décisions sanitaires clés n’étaient pas prises par les spécialistes, et la communication entre les différentes « tables » chargées de lutter contre la pandémie était défaillante. En particulier, le gouvernement n’a créé une table pour les soins de longue durée qu’à la fin avril 2020[57].

89    En ce qui concerne le secteur des soins de longue durée, la Commission a constaté que les foyers étaient très vulnérables au début de la pandémie parce que les gouvernements successifs n’avaient pas réussi à régler les problèmes de longue date, notamment le sous-financement chronique, la grave pénurie de personnel, les infrastructures obsolètes et la surveillance inadéquate. À ces problèmes s’ajoute le fait que les foyers étaient mal intégrés au reste du réseau de la santé. Après l’épidémie de SRAS, ils ont perdu leurs liens avec les hôpitaux parce qu’ils étaient censés avoir leurs propres spécialistes de la prévention et du contrôle des infections (PCI). Or, le rôle de responsable interne de la PCI dans les foyers a souvent été confié à « un membre du personnel infirmier par ailleurs occupé » qui ne se consacrait pas essentiellement à cette tâche[58]. La Commission a recommandé au gouvernement d’exiger que les foyers aient leurs propres spécialistes de la PCI à temps plein, offrent une meilleure formation en la matière et aient des liens officiels avec le reste du réseau de la santé[59].

90    La Commission s’est longuement exprimée sur les répercussions du manque de personnel dans les foyers. Elle a constaté que les effectifs existants étaient insuffisants et que les pénuries constantes, les charges de travail excessives, les taux de roulement élevés et la forte dépendance au personnel à temps partiel étaient monnaie courante dans le secteur. Plus particulièrement pour la COVID-19, la Commission a observé que le gouvernement avait été trop lent à limiter le personnel des foyers de soins de longue durée à un seul lieu de travail afin d’éviter la propagation de la maladie entre établissements, et qu’il n’avait aucun plan pour remplacer le personnel absent en cas d’éclosion, ce qui « a fait en sorte que de nombreuses personnes résidentes ont souffert de malnutrition et de déshydratation, parfois avec des conséquences mortelles »[60]. La Commission a exhorté le gouvernement à remédier aux pénuries de personnel et à doter le secteur des soins de longue durée d’une main-d’œuvre plus importante possédant l’éventail des compétences nécessaires[61].

91    En ce qui concerne les inspections, la Commission a constaté que la conséquence de « l’élimination presque totale » des inspections proactives de la qualité des services aux résidents (IQSR), « c’est qu’au début de la pandémie, le ministère des Soins de longue durée avait un portrait très limité de l’état de ces établissements, et pratiquement aucune idée de leur capacité en matière de PCI ni de leur état de préparation aux situations d’urgence »[62]. Elle a fait remarquer que la Direction de l’inspection « brillait par son absence » pendant la pandémie, étant dépourvue d’orientation claire et de capacité d’inspection durant la première vague[63]. Elle a recommandé au ministère d’effectuer plus rapidement des inspections de prévention et de contrôle des infections, et de procéder à une inspection proactive annuelle de chaque foyer. Elle a également exhorté le gouvernement à verser au Ministère suffisamment d’argent pour qu’il ait le nombre nécessaire d’inspecteur(trice)s[64].

92    La Commission a expressément commenté le manque de mise en application par le Ministère lorsque les foyers ne respectent pas la loi. Elle a souligné que le ministère des Soins de longue durée a rarement eu recours aux ordres de la direction et aux amendes, et qu’il prenait plutôt des mesures de faible portée pour la plupart des situations de non-conformité. Elle a dit que l’absence de mesures rigoureuses expliquait probablement le manque d’empressement des exploitant(e)s à se conformer à la loi, et a invité le Ministère à instaurer un régime qui inclurait « des conséquences proportionnées et croissantes en cas de non-conformité »[65].

93    La Commission estime que dans l’ensemble, le gouvernement « n’a pas accordé la priorité aux SLD avant que la maladie ne soit déjà enracinée dans les foyers, avec des conséquences fatales »[66]. Dans son rapport, elle souligne qu’il n’a pas tenu compte des expériences d’autres administrations qui, déjà à la mi-mars 2020, avaient enregistré des taux de mortalité élevés attribuables à la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée. Elle indique qu’il a plutôt continué de dire à la population que le virus présentait un « faible » risque, même après avoir reconnu en privé que la propagation était inévitable[67].

94    Après la publication du rapport, la ministre des Soins de longue durée s’est engagée à lire attentivement les recommandations finales, dans la foulée des efforts déployés par le gouvernement pour régler les problèmes systémiques dans le secteur des soins de longue durée de l’Ontario. Le Ministère a depuis appliqué plusieurs recommandations de la Commission. Par exemple, à la fin de novembre 2021, il a repris les inspections proactives, maintenant appelées « inspections de conformité proactives ».

 

Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario

95    La vérificatrice générale a également publié plusieurs rapports concernant la surveillance des foyers de soins de longue durée par la province.

 

Rapport spécial de 2015 et rapport de suivi 2017

96    Dans un rapport spécial de 2015 sur la surveillance des foyers de soins de longue durée, la vérificatrice générale constatait que le ministère de la Santé et des Soins de longue durée du moment tardait à entreprendre les inspections lorsqu’il recevait des plaintes concernant des risques élevés et des incidents graves dans les foyers de soins de longue durée[68]. Il y était précisé que la situation découlait du fait que le Ministère avait concentré ses ressources sur les inspections proactives annuelles de la qualité des services aux résident(e)s, ce qui avait contribué à l’arriéré de plus en plus important d’inspections relatives aux plaintes et aux incidents graves. Le rapport indiquait aussi que le Ministère ne priorisait pas convenablement ses inspections proactives en fonction du risque présenté par chaque foyer[69].

97    Concernant les inspections réalisées, la vérificatrice générale a souligné que le Ministère donnait aux foyers des délais incohérents pour mettre en œuvre ses ordres et omettait souvent de réinspecter les foyers dans les délais fixés. La durée et l’efficacité des inspections variaient considérablement dans l’ensemble de la province[70]. Le rapport de 2015 invitait précisément le Ministère à adopter des mesures d’exécution plus rigoureuses pour remédier aux problèmes répétés de non-respect dans certains foyers de soins de longue durée[71].

98    En 2017, la vérificatrice générale a fait le point sur cette enquête, indiquant que le Ministère n’avait fait que des progrès fragmentaires sur les enjeux relevés en 2015. Dans le rapport de 2017, elle soulignait que le Ministère avait préparé une version plus courte de son inspection complète de la qualité des services aux résidents (IQSR) et qu’il ne procéderait à une IQSR complète qu’aux trois ans dans les foyers à risque faible plutôt qu’une fois par année. On précisait que le Ministère renvoyait un plus grand nombre de cas de non-conformité à répétition à la direction et prévoyait apporter des modifications législatives pour mettre en œuvre de nouvelles mesures d’application. Toutefois, la vérificatrice générale a constaté que l’arriéré des dossiers de plaintes et d’incidents graves nécessitant des inspections était considérable[72].

 

Audit spécial sur la COVID-19

99    À la suite de la crise de la COVID-19, la vérificatrice générale a effectué un audit spécial sur la réaction de la province et publié ses conclusions dans six « chapitres » distincts en 2020 et 2021[73]. Le chapitre 5 du rapport spécial sur la préparation et la réponse à la pandémie dans les foyers de soins de longue durée traite précisément des répercussions sur le secteur des soins de longue durée. Publié en avril 2021, il couvre la période de janvier 2020 à décembre 2020[74].

100    Ce chapitre fait ressortir trois éléments fondamentaux ayant nui à la capacité du gouvernement de répondre aux besoins des foyers de soins de longue durée. D’abord, le rapport souligne que la province n’a pas pris les mesures nécessaires pour donner suite aux nombreuses observations et recommandations faites après l’épidémie de SRAS pour mieux préparer l’Ontario à la « prochaine fois ». Ensuite, le gouvernement n’a pas remédié, de manière générale, aux lacunes systémiques dans la prestation des soins de longue durée. Enfin, le manque d’intégration des soins de longue durée au reste du secteur de la santé, aggravé par la réorganisation en cours du secteur, a fait que les foyers n’ont pas pu accéder à l’expertise nécessaire de prévention et de contrôle des infections au début de la pandémie[75].

101    Le chapitre fait aussi état d’un certain nombre de préoccupations préexistantes à l’égard de la Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée qui rendaient les foyers plus vulnérables à la maladie. Il indique que la législation sur les foyers de soins de longue durée n’est pas assez stricte ou précise pour que les inspecteur(trice)s puissent vérifier si les foyers ont des programmes adéquats de prévention et de contrôle des infections. De plus, la grande majorité des inspecteur(trice)s n’ont pas les compétences nécessaires pour s’acquitter de cette tâche. Le rapport mentionne que le Ministère a toujours fait très peu d’inspections pour les éclosions de maladies dans les foyers de soins de longue durée et qu’après l’arrêt des inspections proactives, peu de problèmes liés à la PCI ont été relevés par les inspections. Il fait aussi ressortir que la décision du Ministère de suspendre les inspections de la qualité des services aux résidents allait à l’encontre des recommandations faites par la vérificatrice générale en 2015 et mettait en péril sa capacité de surveillance des foyers[76].

102    La vérificatrice générale a aussi fait état de maints problèmes à la Direction de l’inspection du Ministère après le début de la pandémie, notamment l’absence d’inspections sur place pendant une période prolongée. Elle a noté que la Direction avait principalement recours à des mesures d’exécution clémentes, même en cas de non-respect répété de la loi[77].

103    Un autre chapitre du rapport spécial sur la COVID-19 de la vérificatrice générale porte sur la planification et la prise de décisions du gouvernement en lien avec les éclosions dans le secteur de la santé en général. On y mentionne que la province n’avait pas mis à jour son plan de lutte contre les pandémies depuis 2013 et que les personnes prenant les principales décisions n’étaient pas des spécialistes de la santé publique, que Santé publique Ontario avait joué un rôle limité et que le médecin hygiéniste en chef n’avait pas usé de son plein pouvoir. On y soutient que le gouvernement n’a pas appliqué les leçons tirées de l’épidémie de SRAS et qu’il avait qualifié de faible le risque lié à la COVID-19, malgré une propagation inévitable. On y indique aussi que la province a mis trop de temps à obliger le personnel des foyers de soins de longue durée à porter le masque et à travailler à un seul endroit[78].

104    Un autre chapitre, publié en décembre 2021, traite de l’approvisionnement en équipement de protection individuelle (EPI) dans la province. La vérificatrice générale souligne dans ce chapitre que son bureau avait indiqué en 2017 que la majeure partie de la réserve d’EPI de la province était périmée et que le gouvernement avait procédé à sa destruction sans la remplacer. Elle mentionne que l’initiative du gouvernement de centraliser la chaîne d’approvisionnement en EPI n’était pas terminée et que les travailleur(euse)s de la santé, y compris le personnel des foyers de soins de longue durée, n’étaient pas toujours protégé(e)s adéquatement avec de l’EPI[79].

105    Les autres chapitres du rapport spécial de la vérificatrice générale sur la COVID-19 traitent des problèmes de dépistage, de gestion des cas et de recherche des contacts, de dépenses et de planification hors du secteur de la santé[80].

 

Ombudsman des patients

106    L’Ombudsman des patients a un pouvoir de surveillance direct des foyers de soins de longue durée. Le 2 juin 2020, ce bureau a annoncé sa toute première enquête systémique sur l’expérience vécue par les résident(e)s et les soignant(e)s des foyers de soins de longue durée au début de la pandémie[81]. Il a publié trois rapports spéciaux décrivant le genre de plaintes reçues par son bureau[82] ainsi que les résultats d’un sondage mené auprès des résident(e)s, des familles et du personnel[83].

107    Le premier rapport spécial de l’Ombudsman des patients, publié en octobre 2020, résume les plaintes déposées le plus souvent dans le secteur des soins de longue durée durant la première vague[84]. Ces plaintes portaient notamment sur les restrictions relatives aux visites, la prévention et le contrôle des infections ainsi que les problèmes de communication. Le rapport contient quelques recommandations préliminaires, notamment que chaque foyer de soins de longue durée s’associe à une organisation externe, comme un hôpital, pour obtenir les ressources nécessaires à la lutte contre les éclosions de COVID-19. On y recommande aussi que tous les foyers aient un plan de gestion des pénuries de personnel, des éclosions et des enjeux de prévention et de contrôle des infections. L’Ombudsman des patients exhortait aussi le gouvernement à s’assurer que les « soignants essentiels » puissent communiquer avec les résident(e)s et leur rendre visite.

108    Publié en août 2021, le second rapport spécial de l’Ombudsman des patients porte sur les plaintes déposées durant la deuxième et la troisième vague à propos des soins de longue durée, des hôpitaux publics et des soins à domicile et en milieu communautaire. Le rapport fait le point sur les plaintes les plus courantes en matière de soins de longue durée et présente quelques récits de résident(e)s et d’aidant(e)s naturel(le)s. On y recommande que le gouvernement garantisse aux résident(e)s des foyers de soins de longue durée le droit de recevoir des visites, et s’assure que la restriction des visites est nécessaire et fondée sur le risque. On y souligne aussi la nécessité de mieux soutenir les travailleur(euse)s de la santé et on y mentionne que les foyers doivent avoir un plan en place pour communiquer les changements de politique importants qui affectent les résident(e)s et les aidant(e)s naturel(le)s[85].

109    Le troisième rapport spécial de l’Ombudsman des patients, publié en décembre 2021, résume les résultats du sondage sur l’expérience de la pandémie des résident(e)s, de leurs proches et du personnel. On y souligne l’effet du « manque chronique de personnel, ainsi que l’impact de l’isolement prolongé et du manque de stimulation sur la santé émotionnelle et le bien-être des résidents »[86]. On y mentionne que beaucoup de proches avaient toujours de la difficulté à visiter des résident(e)s, et y réitère que l’équilibre entre les mesures de prévention et de contrôle des infections et la qualité de vie des résident(e)s est le défi le plus important[87].

110    Les rapports de l’Ombudsman des patients, de la vérificatrice générale et de la Commission d’enquête indépendante sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée ont considérablement contribué à la compréhension des répercussions de la COVID-19 en Ontario et donné lieu à des recommandations importantes pour améliorer la situation. Bien que l’enquête de mon Bureau ait porté sur le même événement, nous l’avons abordé à la lumière de notre expertise particulière en équité administrative. Nous avons approfondi comment la Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée a réagi à la crise et aux graves préoccupations exprimées par les résident(e)s des foyers de soins de longue durée, leurs familles et les aidant(e)s naturel(le)s. Ce faisant, nous avons pu préciser les problèmes systémiques ayant directement influé sur le caractère opportun et adapté des inspections de la Direction ainsi que sur les mesures correctives prises pour remédier aux problèmes de non-conformité des foyers. Les problèmes systémiques à la Direction ont empiré durant la première vague de la pandémie. Toutefois, beaucoup des problèmes que nous avons découverts découlaient de lacunes administratives préexistantes. Notre enquête a notamment révélé de nouvelles données importantes sur la manière dont la Direction de l’inspection a réagi aux défis de la première vague, et cette information doit être connue.

 

Des inspections inexistantes

111    Comme l’ont démontré d’autres rapports et enquêtes sur la COVID-19, le secteur des soins de longue durée éprouve des problèmes chroniques que la pandémie a exacerbés. L’un des plus grands échecs du ministère des Soins de longue durée durant la première vague a été son incapacité de mobiliser ses inspecteur(trice)s lorsque les foyers de soins de longue durée étaient, les uns après les autres, touchés par des éclosions. Pendant une longue période, le Ministère n’a quasiment pas surveillé le secteur, son principal outil d’évaluation des conditions de vie dans les foyers – les inspections – ayant été mis en suspens.

 

Les inspections à l’arrivée de la COVID-19

112    Le ministère des Soins de longue durée s’appuie sur les inspections pour déterminer si un foyer respecte ses obligations législatives. Avant la pandémie, la Direction de l’inspection effectuait environ 3 000 inspections par année suivant les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée.

113    Les inspecteur(trice)s ont de vastes pouvoirs, comme se rendre dans un foyer à tout moment raisonnable et sans préavis pour examiner les locaux, demander à consulter les dossiers et en faire des copies, interroger les gens, faire des enregistrements, collecter des preuves, faire appel à des spécialistes externes et obtenir des mandats de perquisition, au besoin[88].

114    La personne à la tête de la Direction de l’inspection du Ministère a beaucoup de responsabilités et pouvoirs précis, qui sont énoncés dans la législation. La Direction est divisée en sept bureaux régionaux comptant chacun un(e) chef(fe), deux gestionnaires des inspections, entre 22 et 25 inspecteur(trice)s et du personnel administratif[89]. Quatre cadres supérieur(e)s supervisent le travail des sept bureaux.

115    La Direction mène une inspection si une plainte est déposée, si un incident grave survient ou si un ordre de conformité est rendu par le Ministère. Elle peut aussi procéder à des inspections proactives. Les plaintes et les incidents graves sont d’abord analysés, puis on leur attribue un niveau de risque de 1 à 4, où 4 représente le niveau le plus élevé. En règle générale, la Direction fait des inspections pour les dossiers ayant reçu un niveau de risque par le triage de 3, 3+ ou 4. Au début de la pandémie (mars 2020), la Direction réalisait quatre types d’inspections :

  • Inspection suivant une plainte : Inspection entreprise si une plainte visant un foyer est déposée par une résident(e), une famille ou une autre personne.

  • Inspection suivant un incident grave : Un « incident grave » est un événement particulier devant être signalé au Ministère, selon la loi, ce qui comprend les flambées épidémiques importantes.

  • Inspection de suivi : Inspection visant à vérifier si le foyer a réglé les problèmes que le Ministère lui a demandé de résoudre.

  • Inspection entreprise par le bureau régional de services : Inspection de n’importe quel foyer entreprise de la propre initiative du Ministère.


116    Chaque foyer doit être inspecté au moins une fois par an, généralement sans préavis[90]. Par le passé, la Direction procédait aussi à des inspections de la qualité des services aux résidents ou IQSR. Plus complètes, ces inspections évaluaient une liste normalisée d’aspects dans les foyers. Comme elles nécessitaient beaucoup de ressources, il y avait un arriéré avant la pandémie. La Direction a ensuite adopté une approche fondée sur le risque. La dernière IQSR effectuée avant la pandémie remonte à juillet 2019.

117    Le Ministère indique les résultats d’inspection et les mesures d’exécution associées dans des rapports communiqués aux foyers et publiés, de manière anonymisée, sur son site Web « Rapports sur les foyers de soins de longue durée »[91]. Lorsque la pandémie a frappé, les mesures d’exécution allaient de l’avis écrit, sans suivi du Ministère, à la révocation de permis, ce qui menait à la fermeture du foyer[92].

118    Les inspecteur(trice)s doivent faire partie d’une profession de la santé réglementée, celles d’infirmier(ère) autorisé(e) et de diététiste étant les plus fréquentes. Vers la fin de la première vague en juin 2020, la Direction comptait 152 inspecteur(trice)s, sur une possibilité de 171. Des fonctionnaires du Ministère nous ont expliqué que le maintien d’un effectif réduit était délibéré, vu les contraintes financières internes. La Commission d’enquête indépendante sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée a elle aussi souligné qu’avant la pandémie et durant la première vague, la Direction n’avait pas suffisamment de fonds pour pourvoir tous les postes d’inspecteur(trice)[93].

119    Au début de la pandémie, outre les inspecteur(trice)s, la Direction pouvait compter sur trois conseiller(ère)s en soins de longue durée et inspecteur(trice)s de l’hygiène du milieu pour conseiller et soutenir son personnel sur divers sujets, notamment la prévention et le contrôle des infections, les plans d’urgence et les incidents. Par le passé, on faisait normalement appel à ces spécialistes à la demande du personnel d’inspection, sur approbation d’un(e) chef(fe) de la Direction. En gros, l’inspecteur(trice) de l’hygiène du milieu épaulait, conseillait et formait le reste du personnel d’inspection.

 

Inspections sur place

120    Avant la pandémie, la grande majorité des inspections étaient faites sur place par des inspecteur(trice)s qui s’appuyaient sur un examen des dossiers, leurs observations et des entrevues pour formuler leurs conclusions. Les inspections à distance, basées uniquement sur un examen des documents et sur des entrevues virtuelles, étaient très rares. D’ordinaire, les inspecteur(trice)s tenaient compte des antécédents de conformité du foyer pendant les 36 derniers mois. À l’aide des « protocoles d’inspection » pertinents, ils(elles) évaluaient le respect, par le foyer, de certaines dispositions législatives. Tout cas de non-conformité devait être attesté par au moins deux des trois sources (entrevues, observations et examen des dossiers). Lorsqu’un cas était confirmé, l’inspecteur(trice) devait élargir le champ de son inspection en incluant trois autres résident(e)s.

121    Après une inspection, l’inspecteur(trice) faisait un compte rendu au foyer et communiquait avec les plaignant(e)s dans les deux jours ouvrables. Il(elle) préparait ensuite le rapport d’inspection et le faisait parvenir au foyer, normalement dans les 20 jours ouvrables. Deux jours ouvrables après, il(elle) devait faire de nouveau un suivi auprès des plaignant(e)s.

 

Détermination des foyers « à risque élevé »

122    Avant mars 2020, la Direction de l’inspection utilisait plusieurs méthodes pour identifier les foyers de soins de longue durée susceptibles de présenter un risque plus élevé de non-conformité à la loi. Cela lui permettait de concentrer ses ressources au bon endroit et d’orienter ses inspections.

123    L’un de ses principaux outils était une feuille de pointage appelée « Rapport sur le rendement des foyers de soins de longue durée », qui servait à évaluer le rendement des foyers sur une période donnée au moyen de certains indicateurs concernant les soins aux résident(e)s. Ce rapport indiquait le nombre de fois où certains événements s’étaient produits (constats de non-conformité, ordres de conformité pour des cas à risque élevé, renouvellements d’ordres de conformité, etc.), mais non les causes sous-jacentes (par exemple, prévention et contrôle des infections). La Direction communiquait généralement ces rapports au secteur tous les trois mois, mais on ne sait pas si des mesures étaient prises par la suite.

124    La Direction utilisait aussi un « tableau de bord » pour cerner les foyers à risque élevé. Il s’agissait d’une liste de foyers comprenant l’état des activités de conformité auxquelles avait directement pris part son(sa) directeur(trice).

125    Les inspecteur(trice)s nous ont également parlé d’autres moyens utilisés par la Direction pour repérer les foyers présentant un risque de non-conformité plus élevé, notamment les réunions d’équipe, les analyses de tendances effectuées pour les nouvelles plaintes et les nouveaux incidents graves, et la connaissance générale du rendement de certains foyers au fil du temps.

 

Arrêt immédiat des inspections

126    Le 13 mars 2020, alors que le gouvernement de l’Ontario était de plus en plus préoccupé par la propagation de la COVID-19, la Direction de l’inspection du Ministère a radicalement modifié sa façon d’agir. Ce vendredi-là, le Secrétaire du Conseil des ministres a ordonné aux fonctionnaires de la province de travailler à distance, si possible. Le ministère des Soins de longue durée a demandé à la Direction de se conformer à cette directive, que les chef(fe)s des bureaux régionaux de services ont transmis aux inspecteur(trice)s. Malgré une formulation différente, le message était clair : toutes les inspections devaient cesser sur-le-champ.

127    Le samedi 14 mars, la directrice de la Direction de l’inspection[94] a écrit aux inspecteur(trice)s pour confirmer que le personnel travaillerait à distance pendant trois semaines. Elle leur demandait de faire preuve de patience pendant que la Direction réfléchissait à un plan.

128    Les haut(e)s fonctionnaires de la Direction ont planché sur une marche à suivre. Le plan finalement proposé se trouvait dans un diaporama énonçant les consignes d’inspection suivantes :

Inspections proactives – Suspendues durant la pandémie
Inspections réactives :

  • Inspections de suivi – Les inspections de suivi pour les ordres [de conformité] concernant des cas à risque faible seront reportées. Le suivi sera fait pour les ordres concernant des cas à risque élevé (par exemple, ordres de la direction) au moyen d’une inspection à distance, si possible.

  • Inspections suivant une plainte – Les inspecteur(trice)s feront un suivi auprès des plaignant(e)s pour déterminer le niveau de risque pour les résident(e)s. Nous avons reçu plus de plaintes sur la restriction des visites. Des messages clés ont été communiqués aux inspecteur(trice)s pour les aider à répondre à ces appels. **Il est fortement recommandé de maintenir le contact avec le public au sujet des plaintes.

  • Inspections suivant un incident grave – Les inspecteur(trice)s surveilleront la réception des signalements d’incidents graves et des niveaux de risque pour le triage seront attribués. Les signalements présentant un risque élevé feront l’objet d’une inspection selon le processus le plus approprié. Autant que possible, les inspections se feront à distance.

    • Les inspections pour les signalements présentant un risque élevé comprennent les situations où il y a un risque immédiat pour les résident(e)s.


Il est précisé dans le diaporama que les cas à risque élevé peuvent nécessiter une inspection en personne, mais qu’une inspection à distance est possible.

129    Cette information a été transmise au Bureau du sous-ministre adjoint aux fins d’approbation le 17 mars, et le sous-ministre a appris le 21 mars que le Bureau du Conseil des ministres n’avait « aucune réserve » » sur l’approche et que la Direction de l’inspection « pouvait aller de l’avant ».

130    Plus tard le même jour, le Cabinet du premier ministre a demandé à la Direction combien d’inspections elle prévoyait faire, ce à quoi elle a répondu qu’elle continuerait de mener des inspections pour les situations présentant un risque élevé, soit environ 15 % de son volume habituel. Elle n’a pas précisé si ces inspections se feraient sur place ou à distance. Durant son entrevue avec notre Bureau, le sous-ministre des Soins de longue durée a indiqué que selon le plan de la Direction, les inspecteur(trice)s se rendraient sur place pour les situations présentant un risque élevé.

131    Toutefois, l’approche adoptée par le Ministère a été tout autre. En attendant l’approbation du plan par le Cabinet du premier ministre, la Direction de l’inspection a décidé que les inspections se feraient uniquement à distance, même pour les situations présentant un risque élevé, sauf dans les circonstances les plus « atténuantes ». Cette décision s’est transformée en document distinct (une « stratégie ») des chef(fe)s de la Direction de l’inspection du Ministère. Dans la version du 16 mars de ce document, on peut lire ceci :

[Traduction]
Les inspections se feront à distance et seront axées sur les risques.

N.B. : En présence de circonstances atténuantes et uniquement avec l’aval des chef(fe)s, l’inspecteur(trice) peut se rendre dans un foyer présentant un risque particulièrement élevé pour au moins un(e) résident(e). Les protocoles d’urgence appropriés s’appliqueront.


132    Le 18 mars, la directrice de la Direction de l’inspection a informé les inspecteur(trice)s que les inspections concernant les situations présentant un risque faible étaient « suspendues » et que seules les inspections pour les situations présentant un risque élevé (niveaux 3+ et 4) seraient effectuées de manière « ciblée ».

133    À peu près au même moment (les 18 et 19 mars), la Direction a instauré une « Politique sur les inspections d’urgence en temps de COVID-19 ». Cette politique indique qu’elle adoptera une approche normalisée pour les [traduction] « inspections d’urgence à distance […] selon les circonstances, par exemple en cas d’éclosion ou de pandémie […] » chaque fois qu’il ne sera pas possible de se rendre dans un foyer de soins de longue durée. La politique confirme qu’il y aura seulement des inspections pour les situations présentant un risque élevé (niveaux 3+ et 4) et que règle générale, elles se dérouleront à distance, sauf circonstances atténuantes avec l’aval des chef(fe)s.

134    La directrice a envoyé un courriel au sous-ministre adjoint le 19 mars pour l’informer qu’elle avait [traduction] « autorisé l’activation des processus d’urgence [de la Direction] » quelques jours avant que le Cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil des ministres approuvent officiellement le plan le 21 mars. Selon ces processus, il était clair que l’approche par défaut de la Direction face aux situations présentant un risque élevé – même en cas de « risque immédiat pour les résident(e)s » – reposait sur les inspections à distance.

135    En plus de n’entreprendre aucune nouvelle inspection, la Direction a décidé, le 25 mars, de ne plus faire d’inspections de suivi, même si le problème sous-jacent présentait un risque élevé. Ainsi, les inspecteur(trice)s ne vérifieraient plus si les foyers avaient réglé les problèmes indiqués dans un ordre de conformité du Ministère.

136    Le 16 mars, la Direction de l’inspection a aussi cessé de transmettre les rapports prêts sur les inspections effectuées avant la pandémie. Le 18 mars, elle a obtenu l’autorisation d’acheter un logiciel que les inspecteur(trice)s pourraient utiliser pour préparer leurs rapports et les transmettre électroniquement aux foyers de soins de longue durée, une nouveauté pour le Ministère. On nous a dit que la Direction avait créé des outils pour aider les inspecteur(trice)s avec le nouveau logiciel, mais que l’installation sur les ordinateurs avait été difficile. Au départ, les chef(fe)s de la Direction espéraient que tout soit en place à la mi-avril 2020, mais il a fallu beaucoup plus de temps. Plus d’une centaine de rapports d’inspection sont restés à la Direction pendant plus de deux mois, en attente de leur envoi aux foyers, fonction qui n’a repris que le 21 mai 2020.

 

Absence de planification

137    Si la Direction de l’inspection avait planifié la poursuite de ses activités en cas de pandémie, elle aurait pu éviter la suspension des inspections et de la production des rapports. Toutefois, elle n’avait à peu près rien prévu. Son meilleur guide était le plan élaboré par le gouvernement en prévision d’une pandémie de grippe, dont la dernière mise à jour remontait à 2013 et qui ne traitait pas du fonctionnement du ministère des Soins de longue durée en cas de situation d’urgence en santé publique.

138    Les haut(e)s fonctionnaires à qui nous avons parlé ont reconnu que le Ministère n’avait rien pour le guider dans sa lutte contre une crise de cette nature, une personne indiquant qu’il « improvisait au fur et à mesure ». La directrice a mentionné que la Direction n’était pas préparée à un scénario où les inspecteur(trice)s devraient travailler dans un contexte pandémique. Même entre janvier et mars 2020, alors que la menace de l’éclosion de la COVID-19 à l’échelle mondiale se dessinait, le Ministère n’a rien fait pour préparer la poursuite des inspections.

139    Quelques fonctionnaires de la Direction ont parlé du « « Plan de continuité des opérations » (« PCO ») du ministère des Soins de longue durée, qui explique de façon générale comment fonctionnera le Ministère dans l’éventualité d’une perturbation de ses activités. Le Ministère a mis à jour son PCO le 9 mars 2020 – c’est-à-dire deux jours avant que l’Organisation mondiale de la Santé confirme le statut de pandémie de la COVID-19. Ce plan contenait les coordonnées du personnel clé et des directives sur certaines situations d’urgence pour tous les secteurs du Ministère. Le scénario 3 - Pandémies, énonçait les instructions suivantes :

  • En cas de pandémie ou de risque potentiel pour la santé, le personnel devra emporter chaque jour à son domicile son ordinateur portable, ses dossiers et ainsi de suite pour pouvoir travailler de la maison, au moyen d’un RPV ou d’Office 365.

  • Le personnel devra consulter les sites Web appropriés sur la pandémie et surveiller ses courriels pour obtenir les dernières nouvelles.

  • Le personnel devra prendre les mesures nécessaires pour réduire l’exposition aux maladies et leur transmission (se laver les mains, tousser ou éternuer dans sa manche, éviter de se toucher les yeux, le nez, la bouche, etc.).


140    Il n’y avait pas de détails sur la réalisation des inspections pendant une pandémie ou une autre situation d’urgence.

141    Quelques dirigeant(e)s, chef(fe)s et inspecteur(trice)s de la Direction à qui nous avons parlé se demandaient pourquoi la Direction n’était pas prête à faire face à une pandémie. Selon un(e) chef(fe), un travail considérable de planification en vue d’une pandémie avait été effectué dans le secteur des soins de longue durée après l’épidémie de SRAS en 2003, mais « tout ça avait disparu en même temps que le SRAS ». Un(e) autre a convenu qu’il aurait été utile d’avoir un plan, mais qu’en l’absence d’un tel guide, la Direction avait été « totalement prise au dépourvu », « se débattant tant bien que mal, ne sachant pas trop quoi faire ».

 

Sept semaines perdues

142    Sans plan d’action clair, la Direction de l’inspection a eu de la difficulté à trouver comment son personnel continuerait de travailler après la confirmation de la pandémie. Le plan de dernière minute avalisé par le Cabinet du premier ministre indiquait que la Direction poursuivrait les inspections sur place pour les plaintes suivant une situation présentant un risque élevé ou un incident grave. Mais les inspecteur(trice)s avaient eu comme directive de poursuivre à distance les inspections pour les situations présentant un risque élevé et de se rendre sur place uniquement « sur approbation de la Direction et dans des circonstances atténuantes ». En fait, alors que se multipliaient les éclosions de COVID-19 et que survenaient 720 décès liés au virus dans le secteur des soins de longue durée au début de la première vague, aucune inspection sur place n’a été effectuée pendant sept semaines. Un membre du personnel du Ministère nous a dit ceci :

[Traduction]
Nous ne sortions même pas [pour faire des inspections]. C’était une période vraiment épouvantable […] vraiment. Nous recevions des appels auxquels nous ne pouvions donner suite; nous ne nous rendions pas sur place; personne ne pouvait y aller. Nous n’avions aucune directive. La situation était très grave.


143    Beaucoup de haut(e)s fonctionnaires, notamment au bureau du ministre des Soins de longue durée, le sous-ministre et le(la) commandant(e) des opérations sur le lieu de l’incident du Groupe directeur du système de gestion des incidents pour le secteur des soins de longue durée, ne savaient pas au départ que la Direction avait interrompu les inspections sur place. Il a aussi été difficile pour mon Bureau de parvenir à cette conclusion, même avec du recul. Pour y arriver, nos enquêteur(euse)s ont attentivement analysé maintes sources de données différentes et beaucoup de témoignages contradictoires. Bon nombre de documents nous ayant été transmis ne faisaient pas de distinction entre les inspections sur place et à distance ou regroupaient des données sur de longues périodes pour brouiller l’interruption des inspections pendant sept semaines.

144    Cependant, l’information détaillée fournie par chacun des sept bureaux régionaux de services démontre clairement que les inspections sur place ont cessé tout de suite après le 13 mars 2020. Elle indique aussi quand chaque bureau a repris les inspections sur place (et « mixtes », soit sur place et à distance) :

  • Le bureau de Toronto entreprend sa première inspection sur place le 8 mai 2020.

  • Le bureau d’Ottawa reprend les activités sur place dans le cadre d’inspections mixtes le 8 mai 2020 et effectue sa première inspection entièrement sur place le 22 juin 2020.

  • Le bureau du Centre-Est procède à sa première inspection sur place le 11 mai 2020.

  • Le bureau du Centre-Ouest réalise des inspections mixtes le 14 mai 2020 et effectue sa première inspection entièrement sur place le 20 mai 2020.

  • Le bureau de London reprend les inspections sur place le 19 mai 2020.

  • Le bureau de Sudbury entreprend des inspections sur place et mixtes le 20 mai 2020.

  • Le bureau d’Hamilton entreprend du travail à distance en vue de procéder à des inspections mixtes le 19 mai 2020, mais ne se rend pas sur place avant le 15 juin 2020.


145    D’après les éléments de preuve que nous avons examinés, les premières inspections sur place ont eu lieu le 8 mai 2020, soit sept semaines après leur arrêt. Toutefois, l’interruption a été beaucoup plus longue à certains endroits. À Hamilton, il n’y a eu aucun(e) inspecteur(trice) sur le terrain pendant trois mois.

146    En dehors de la Direction de l’inspection, peu de gens semblaient savoir que les inspections étaient interrompues. Il n’y a pas eu d’annonce publique, et les foyers de soins de longue durée n’ont pas été informés. Il semble même que bien des haut(e)s fonctionnaires ne le savaient pas. Par exemple, le 4 mai 2020, le(la) commandant(e) des opérations sur le lieu de l’incident du Groupe directeur du système de gestion des incidents pour le secteur des soins de longue durée avait demandé au sous-ministre le nombre d’inspections sur place effectuées dans les deux, quatre et six dernières semaines, croyant qu’il y en avait eu durant cette période.

147    La confusion et la mésinformation ont duré des mois. Par exemple, à la mi-juin 2020, des haut(e)s fonctionnaires ont diffusé une note d’information indiquant que le ministère des Soins de longue durée « n’avait pas interrompu les inspections sur place pendant la pandémie ». La Direction avait suggéré de modifier le message. Même plusieurs mois plus tard, quelques haut(e)s fonctionnaires du Ministère et de la Direction ne savaient toujours pas que les inspections sur place avaient cessé. Par exemple, un(e) sous-ministre adjoint(e) et plusieurs cadres supérieur(e)s de la Direction ont dit à nos enquêteur(euse)s que les inspections sur place s’étaient poursuivies durant la première vague.

148    La Loi sur les foyers de soins de longue durée exige que le Ministère fasse des inspections dans les foyers de soins de longue durée dans certaines circonstances, notamment les suivantes :

  • L’administration d’un traitement ou de soins à un résident de façon inappropriée ou incompétente, ce qui a causé un préjudice ou un risque de préjudice au résident.

  • Le mauvais traitement d’un résident de la part de qui que ce soit ou la négligence envers un résident de la part du titulaire de permis ou du personnel, ce qui a causé un préjudice ou un risque de préjudice au résident.

  • Un acte illégal qui a causé un préjudice ou un risque de préjudice au résident[95].


149    Si l’une de ces circonstances « peut » s’être produite et « a causé un préjudice grave ou un risque considérable de préjudice grave à un résident », la Loi prévoit qu’un(e) inspecteur(trice) du Ministère « visite immédiatement le foyer de soins de longue durée en cause[96] ». Des dispositions semblables existent dans la nouvelle Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée[97].

150    Au début de la pandémie, le Ministère n’a pas pu, pendant quelque sept semaines, entreprendre les inspections essentielles prévues par la loi. Il s’agit manifestement d’une situation inacceptable et d’un échec majeur. Pour qu’il s’acquitte adéquatement de sa fonction de protection du bien-être des résident(e)s des foyers de soins de longue durée, il est essentiel que le Ministère s’assure d’avoir en permanence des inspecteur(trice)s pouvant se rendre sur place, parfois sur-le-champ, lorsque les circonstances l’exigent.

 
Recommandation 1

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que la Direction de l’inspection peut en permanence envoyer immédiatement des inspecteur(trice)s dans les foyers de soins de longue durée.



 

Aucune conséquence

151    L’absence d’inspections a également influé sur la capacité du Ministère de prendre des mesures d’exécution à l’encontre des foyers de soins de longue durée. La Direction a cessé toute activité d’exécution lorsque les inspecteur(trice)s ont reçu la consigne de travailler à domicile et que les inspections ont été suspendues. La directrice a confirmé cette approche dans un message envoyé aux inspecteur(trice)s le 27 mars 2020 :

[Traduction]
Je souligne que notre travail et notre rôle, pour le moment, n’auront rien à voir avec la conformité et l’exécution.


152    Deux raisons expliquent pourquoi la Direction ne pouvait pas prendre de mesures d’exécution durant cette période. D’abord, les inspections ayant cessé, aucun nouveau cas de non-conformité nécessitant la prise de mesures d’exécution par le Ministère ne serait communiqué. Ensuite, les inspecteur(trice)s avaient reçu comme consigne de ne pas transmettre les rapports d’inspection aux foyers de soins de longue durée et c’est par ces documents que la Direction leur communique ses mesures d’exécution.

153    La Direction de l’inspection n’a repris l’envoi régulier des rapports d’inspection que le 21 mai 2020. Il n’y avait alors pas eu, pour ainsi dire, de mesures d’exécution pendant plus de deux mois.

 

Inspections à distance

154    Pendant les sept semaines durant lesquelles il n’y a pas eu d’inspections sur place, très peu d’inspections à distance ont eu lieu. Au début de la pandémie, la Direction de l’inspection n’avait pas de politique en place pour les inspections à distance. En date du 19 mars 2020, le Ministère avait rédigé rapidement un document expliquant la tenue des inspections à distance, qui reposaient sur des entretiens et l’examen de documents. Toutefois, les inspecteur(trice)s n’avaient ni démarche ni expérience sur lesquelles s’appuyer. Le 25 mars, le document a été modifié puis renommé « Politique sur les inspections urgentes à distance ».

155    Aucune inspection à distance n’a eu lieu en mars. Le 3 avril, les cadres supérieur(e)s de la Direction ont envisagé la tenue d’inspections à distance pour certaines plaintes sur des situations présentant un risque élevé, mais aucune n’a finalement été réalisée.

156    Deux semaines plus tard, soit le 17 avril, un(e) cadre supérieur(e) a écrit à ses collègues pour leur dire que la Direction entreprendrait des inspections à distance pour les cas « sans doute impossibles à régler au téléphone ». Toutefois, d’après les données fournies par les bureaux régionaux de services, la Direction n’a pas entrepris d’inspections à distance officielles cette semaine-là. Dans un courriel, le Ministère indiquait que les inspecteur(trice)s s’occupaient d’autres choses.

157    La semaine suivante, le bureau régional de services d’Hamilton a réalisé deux inspections à distance – une le 21 avril, l’autre le 24. Ce sont les deux seules qui ont eu lieu en avril.

158    Une semaine plus tard, soit le 1er mai, la Direction a fait parvenir un diaporama aux haut(e)s fonctionnaires du Ministère afin de recommander des inspections pour plusieurs situations présentant un risque élevé. Le diaporama ne précisait toutefois pas si les inspections se feraient sur place ou à distance. Environ une semaine plus tard, un(e) cadre supérieur(e) de la Direction a transmis aux inspecteur(trice)s un nouveau « Document d’orientation sur les inspections pour les situations présentant le plus de risques de niveau 3+ et 4 ». On y indiquait qu’il fallait procéder à des inspections pour toutes les situations présentant un niveau 3+ ou 4, qu’il y ait ou non éclosion de COVID-19, et que les situations de niveau 3 resteraient « en suspens jusqu’à nouvel ordre ». On y précisait aussi que les inspections à distance devaient être privilégiées, celles sur place n’étant permises qu’avec l’aval des chef(fe)s. Tous les bureaux régionaux de services ont entrepris des inspections à distance peu après. Aucune plainte sur une situation de niveau 4 n’a été déposée durant la première vague, mais une de niveau 3+ mentionnait qu’un(e) résident(e) était décédé(e) parce qu’il(elle) avait été nourri(e) par le personnel alors qu’il(elle) était en position couchée. Une plainte de niveau 3 alléguait qu’un(e) résident(e) était décédé(e) de cause inconnue, mais potentiellement en raison d’une non-conformité aux exigences de prévention et de contrôle des infections.

159    Les inspections à distance posaient beaucoup de nouveaux défis à un moment déjà difficile. Les inspecteur(trice)s nous ont dit qu’il est souvent complexe de parler au téléphone avec les résident(e)s de foyers de soins de longue durée, car certain(e)s ont des problèmes d’audition ou n’ont pas d’endroit pour répondre à l’appel en privé. Un(e) inspecteur(trice) a parlé d’une inspection commencée avant la pandémie qui a dû être transformée en inspection à distance en mai 2020. L’inspecteur(trice) a indiqué que le(la) résident(e) concerné(e) avait d’importantes difficultés sur le plan de la communication verbale. Il(elle) avait demandé au(à la) chef(fe) d’autoriser l’inspection sur place, ce qui avait été refusé. En fin de compte, la personne avait quitté le foyer avant que l’inspecteur(trice) puisse s’y rendre. On nous a dit que lorsque les inspecteur(trice)s ont finalement pu se rendre sur place, il(elle)s ont été bouleversé(e)s par les conditions observées.

160    Les inspecteur(trice)s ont également mentionné qu’il était difficile d’avoir accès aux dossiers des foyers de soins de longue durée à distance. On nous a indiqué dans une région que les inspecteur(trice)s avaient eu accès à distance aux dossiers des foyers au début de la pandémie, mais qu’il leur avait fallu, plus tard, demander à ce que les documents pertinents soient imprimés pour être collectés en personne. Quelques inspecteur(trice)s ont aussi eu le sentiment que leurs demandes de documents n’étaient pas priorisées par les foyers, ce qui nuisait aux délais de réception de l’information.

161    Si les inspections à distance étaient préférables à aucune inspection, bien des gens ont émis d’importantes réserves quant à leur efficacité. Lorsqu’il a appris que les inspecteur(trice)s ne se rendaient pas dans les foyers, un très haut fonctionnaire nous a dit être tombé à la renverse. Il se demandait comment il était possible d’inspecter virtuellement un foyer de soins de longue durée. Il a dit craindre que les foyers dans la pire situation n’aient pas été honnêtes à propos de ce qui se passait. Selon lui, une inspection à distance ou « virtuelle » « n’indique pas au foyer l’importance accordée à cette responsabilité et n’envoie pas non plus au personnel le message que nous allons identifier les problèmes et les régler ».

162    Beaucoup de parties prenantes à qui nous avons parlé ont convenu que les inspecteur(trice)s doivent se rendre dans les foyers pour voir ce qui s’y passe. Le Groupe directeur du système de gestion des incidents pour le secteur des soins de longue durée de la province en est venu à la même conclusion en juillet 2020 lors d’une discussion sur les « leçons à retenir », soulignant ceci :

[Traduction]
Il est difficile d’évaluer virtuellement un foyer; les évaluations à distance pourraient compléter les visites sur place, mais ne suffisent pas à elles seules. Lorsqu’un foyer ou un résident est en situation de crise, il n’est pas possible de bien évaluer le milieu sans se rendre sur place.


163    En février 2022, le manuel des inspecteur(trice)s contenait toujours une « politique sur les inspections à distance ». Son préambule prévoit ceci :

[Traduction]
Par défaut, les inspections suivant une plainte, en lien avec le Système de rapport d’incidents critiques (SIC) et de suivi se font sur place, dans le foyer de soins de longue durée (FSLD). En cas d’urgence déclarée, notamment une inondation, un incendie ou une pandémie, l’inspection peut se faire à distance si l’inspecteur(trice) peut, au moyen d’entrevues et d’un examen des documents, recueillir toute l’information nécessaire pour établir la conformité.


164    La politique décrit certains facteurs que les chef(fe)s de la Direction doivent prendre en compte pour décider si une inspection à distance est appropriée. On y précise que toute situation de « niveau 4 » ou question litigieuse doit faire l’objet d’une inspection sur place et que toute inspection à distance doit être approuvée par un(e) chef(fe). Le Ministère nous a dit que malgré ce que dit la politique, des inspections à distance peuvent être réalisées dans des situations non urgentes, en fonction de facteurs tels que la nature du problème, le niveau de risque et les sources d’information. On nous a aussi dit qu’un(e) inspecteur(trice) peut déterminer si des observations sur place sont nécessaires et modifier l’inspection en conséquence.

165    Bien que certaines situations puissent se prêter aux inspections à distance, les dossiers du Ministère révèlent qu’elles sont plutôt rares. Le ministère des Soins de longue durée devrait appliquer une politique définissant clairement le type de situations pouvant faire l’objet d’une inspection à distance ou d’une inspection mixte (à distance et sur place). Cette politique devrait aussi préciser quand une inspection sur place est invariablement nécessaire. Pour concrétiser cette politique, le Ministère doit collaborer avec les foyers de soins de longue durée afin de s’assurer que la Direction de l’inspection puisse accéder à distance et sans délai à leurs dossiers. Une marche à suivre devrait aussi être préparée pour s’entretenir à distance avec le personnel et les résident(e)s des foyers, en tenant compte notamment du respect de la vie privée dans les vidéocommunications. Les inspections à distance doivent être l’exception plutôt que la règle, mais ces mesures permettront de préparer les inspecteur(trice)s et les foyers à leur tenue, au cas où elles seraient nécessaires.

 
Recommandation 2

Le ministère des Soins de longue durée devrait préparer une politique définissant clairement les types de situations pouvant faire l’objet d’une inspection à distance ou d’une inspection mixte (à distance et sur place). Cette politique devrait aussi préciser quand une inspection sur place est invariablement nécessaire.

 
Recommandation 3

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’arranger avec les foyers de soins de longue durée pour que la Direction de l’inspection puisse accéder à distance et sans délai à leurs dossiers.

 
Recommandation 4

Le ministère des Soins de longue durée devrait collaborer avec les foyers de soins de longue durée pour établir une procédure d’entretien à distance avec le personnel et les résident(e)s qui tient compte de l’importance du respect de la vie privée dans les vidéocommunications.



 

Une reprise difficile des inspections

166    On nous a donné plusieurs raisons pour expliquer la suspension des inspections et le temps nécessaire à leur reprise. La directrice de la Direction nous a dit que les inspecteur(trice)s n’étaient pas prêt(e)s à faire face à une pandémie, donc il(elle)s n’avaient pas suivi de formation sur la prévention et le contrôle des infections (PCI), ce qui leur aurait permis de revêtir et d’enlever en toute sécurité l’équipement médical nécessaire pour se protéger et protéger les autres. Elle nous a aussi dit qu’avant la pandémie, le programme de formation des recrues n’abordait pas la PCI ni l’équipement de protection individuelle (EPI) parce que ce « n’était pas nécessaire ».

167    Même si les inspecteur(trice)s avaient su comment utiliser l’EPI, il n’y en avait pas à leur disposition au départ. La Direction de l’inspection n’avait pas non plus de stratégie de dépistage de la COVID-19 ni de mécanisme de planification des visites pour éviter que les inspecteur(trice)s propagent involontairement le virus d’un foyer à l’autre.

168    Le syndicat des inspecteur(trice)s a fortement insisté pour que ces questions soient examinées et réglées avant la reprise des inspections sur place. Le président a indiqué dans un courriel le 22 avril 2020 qu’il était [traduction] « mal avisé de mettre en péril la santé des résident(e)s et des inspecteur(trice)s [en reprenant les inspections] à ce moment-ci ». Le sous-ministre nous a dit que le gouvernement avait passé « au moins deux semaines » à essayer de répondre aux inquiétudes du syndicat et d’en arriver à un consensus. On nous a dit que cela n’avait pas été possible parce que le syndicat était contre la reprise des inspections sur place, quelles que soient les conditions offertes par le Ministère. Des haut(e)s fonctionnaires ont indiqué que les inspections auraient repris plus tôt si le syndicat avait donné son feu vert. Dans notre enquête, nous n’avons trouvé aucune preuve d’un refus de travail de la part du syndicat ou des inspecteur(trice)s, bien qu’il soit clair que diverses préoccupations, notamment celles exprimées par le syndicat, ont influé sur la reprise des inspections sur place.

169    Finalement, le Ministère s’est associé à Santé publique Ontario pour former les inspecteur(trice)s à l’utilisation adéquate de l’EPI et aux mesures générales de prévention et de contrôle des infections, formation qui a eu lieu le 21 avril 2020. Un(e) cadre supérieur(e) nous a dit que ce partenariat était nécessaire parce que le Ministère n’avait pas de spécialistes de la PCI et de l’EPI. Le 30 avril, la Direction a produit un formulaire devant être signé par chaque inspecteur(trice) pour confirmer la participation à la formation obligatoire à la reprise des inspections sur place et devant être suivie tous les six mois.

170    À la mi-avril 2020, le gouvernement faisait face à une grave pénurie d’EPI, et les foyers de soins de longue durée en crise peinaient à se procurer des stocks devant durer plus de quelques jours. Pour que l’EPI soit envoyé là où on en avait le plus besoin, le groupe de contrôle de la province avait un cadre pour l’aider à établir les priorités, mais il ne faisait aucunement mention des inspecteur(trice)s du secteur des soins de longue durée. Le 16 avril, la Direction a demandé au Ministère d’attribuer de l’EPI aux inspecteur(trice)s. Le 21 avril, elle a été informée que les inspecteur(trice)s pouvaient obtenir des masques et des gants, mais que les blouses disponibles étaient « vieilles », que les écrans et lunettes étaient « périmés » et que les stocks de lingettes et de désinfectant étaient « épuisés ». Toutefois, le 29 avril, la Direction a réussi à se procurer l’EPI dont elle avait besoin, malgré la pénurie à l’échelle de la province. Ces fournitures avaient été envoyées par messagerie aux inspecteur(trice)s, la livraison devant se faire le 30 avril. À peu près au même moment, la Direction a envoyé aux inspecteur(trice)s un document expliquant le port de l’EPI. Les fonctionnaires du Ministère, y compris le sous-ministre des Soins de longue durée, ont reconnu que le temps qu’il a fallu pour fournir l’EPI aux inspecteur(trice)s a influé sur la reprise des inspections.

 

Dépistage et isolement

171    Faire subir des tests de dépistage de la COVID-19 aux inspecteur(trice)s durant la première vague a aussi été difficile pour la Direction. À ce moment-là, la capacité de dépistage était très limitée, et les résultats tardaient à arriver. La Direction avait indiqué aux inspecteur(trice)s qu’il(elle)s pouvaient se rendre dans les centres de dépistage, mais n’étaient pas tenu(e)s de le faire et que leurs résultats ne seraient pas considérés comme prioritaires par le système provincial. Au début de juillet 2020, la Direction a publié un document de « questions-réponses » à l’intention des inspecteur(trice)s dans lequel il était dit que les inspecteur(trice)s « pouvaient » se faire tester et que quiconque avait besoin de modifier son horaire de travail pour ce faire devait parler à son(sa) supérieur(e). Ce document confirmait la possibilité de se déplacer d’un foyer à l’autre si l’inspecteur(trice) portait le bon EPI et suivait les pratiques de PCI.

172    Pendant ce temps, certains foyers ont tenté d’imposer leurs propres exigences de dépistage aux inspecteur(trice)s qui souhaitaient y entrer. Cette approche n’était pas soutenue par la Direction, qui a fait remarquer que la législation sur les soins de longue durée exige que les foyers permettent aux inspecteur(trice)s d’accéder à l’établissement sans délai.

173    En décembre 2020 – au cœur de la deuxième vague – le Ministère a commencé à exiger que les inspecteur(trice)s subissent régulièrement un dépistage. À partir du 16 décembre 2020, les inspecteur(trice)s devant se rendre dans des foyers dans des régions assujetties à des restrictions renforcées devaient faire un test de dépistage chaque semaine; dans les autres régions, c’était toutes les deux semaines.

174    Pour se préparer à une éventuelle pandémie ou flambée épidémique, la Direction devrait, en collaboration avec les organismes gouvernementaux concernés, élaborer et codifier sa politique de dépistage pour les inspecteur(trice)s des foyers de soins de longue durée. Cette politique devrait être communiquée au secteur des soins de longue durée, au syndicat des inspecteur(trice)s et aux autres parties prenantes.

 
Recommandation 5

Le ministère des Soins de longue durée devrait élaborer, de concert avec les organismes gouvernementaux concernés, une politique sur le dépistage des maladies infectieuses à l’intention des inspecteur(trice)s.

 
Recommandation 6

Le ministère des Soins de longue durée devrait communiquer la politique prévue à la recommandation 5 au secteur des soins de longue durée, au syndicat des inspecteur(trice)s et aux autres parties prenantes.



 

175    Pendant qu’il définissait sa politique de dépistage des inspecteur(trice)s, le Ministère n’a pas restreint le nombre de foyers pouvant être visités. En fait, sa politique mentionnait que les inspecteur(trice)s pouvaient passer immédiatement d’un foyer faisant face à une éclosion de COVID-19 à un foyer où il n’y en avait pas. En comparaison, le personnel des foyers de soins de longue durée a fini par se faire imposer des restrictions de déplacement au moyen d’une directive gouvernementale les obligeant à travailler dans un seul établissement.

176    L’approche du Ministère, combinée à sa décision de ne pas exiger de dépistage pour les inspecteur(trice)s, a augmenté le risque de propagation du virus entre foyers. Beaucoup d’inspecteur(trice)s et de foyers ont exprimé des inquiétudes à cet égard, certains foyers essayant, en vain, d’obliger les inspecteur(trice)s à se faire tester avant de pouvoir entrer. Nous avons appris que certains bureaux régionaux de services, conscients du risque de transmission entre foyers, ont demandé aux inspecteur(trice)s s’étant rendu(e)s dans un foyer où il y avait une éclosion de COVID-19 d’attendre 14 jours avant de se rendre dans un autre foyer. Toutefois, il ne s’agissait pas d’une pratique généralisée.

177    Pour réduire le risque que les inspections du Ministère propagent des maladies infectieuses en période de flambée, la Direction devrait élaborer une politique précisant quand et comment le personnel d’inspection peut se rendre dans un autre foyer après avoir visité un établissement faisant face à une éclosion.

 
Recommandation 7

La Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée devrait élaborer une politique encadrant les déplacements entre foyers des inspecteur(trice)s ayant visité un établissement où sévit une éclosion de maladie infectieuse.



 

L’avenir des inspections dans les foyers de soins de longue durée

178    Depuis que la première vague a décimé les foyers de soins de longue durée et interrompu le travail de la Direction de l’inspection, cette dernière a pris des mesures pour mieux se préparer à une éventuelle pandémie et à d’autres situations d’urgence. L’essentiel de son plan se trouve dans une politique sur la « Préparation aux inspections sur site en période de pandémie ». Une politique semblable a été préparée pour d’autres situations d’urgence.

179    On explique dans le préambule de la politique sur les pandémies qu’une pandémie peut poser un risque pour la sécurité des inspecteur(trice)s et que les inspections du Ministère [traduction] « sont considérées comme un service essentiel et doivent se poursuivre de manière sécuritaire ».

180    Selon cette politique, en août chaque année, les bureaux régionaux de services doivent :

  • Prendre connaissance des modifications apportées aux plans pandémiques du Ministère et de la fonction publique de l’Ontario et s’assurer que les canaux de communication indiqués dans ces documents sont à jour.

  • S’assurer que les recrues et les membres du personnel ont suivi la formation sur les inspections en période de pandémie (les inspecteur(trice)s doivent la suivre tous les six mois).

  • S’assurer d’avoir une réserve d’équipement de protection individuelle de trois mois (le personnel doit vérifier que l’EPI n’est pas périmé et essayer les respirateurs N95 pour en vérifier l’ajustement tous les deux ans).

  • Vérifier d’avoir les bonnes coordonnées des organismes avec lesquels la Direction de l’inspection doit avoir des contacts réguliers en période de pandémie.


181    Le document contient aussi une longue liste de vérification que la Direction doit consulter en cas de signes annonciateurs d’une pandémie :

  • Faire l’acquisition de l’EPI adapté à la pandémie dont elle pourrait avoir besoin;

  • Donner la formation nécessaire en fonction de la maladie ou du virus;

  • Déterminer le nombre d’inspecteur(trice)s suppléant(e)s dont elle pourrait avoir besoin;

  • Appliquer le « principe de précaution », s’il y a lieu, pour réduire le risque, même en l’absence d’une déclaration de pandémie officielle. (Dans ce cas, le principe de précaution signifie que les inspecteur(trice)s doivent prendre des mesures supplémentaires pour se protéger et assurer la protection d’autrui en attendant que la menace soit établie et analysée.)


182    Il existe une liste de vérification semblable que la Direction doit consulter en cas de pandémie ainsi qu’une autre à utiliser après l’événement pour faire le bilan et tirer des leçons. Toutefois, malgré tous ces détails, la politique n’explique pas comment la Direction déterminera si les inspections seront effectuées sur place ou à distance pendant une éventuelle pandémie, et les facteurs de sécurité qui seront pris en considération pour prendre cette décision.

183    Cette politique est un pas dans la bonne direction, mais il est préoccupant de constater que la Direction n’a pas établi de cadre pour déterminer si les inspections lors d’une pandémie doivent avoir lieu sur place ou à distance. En l’absence de critères clairs, les cadres de la Direction pourraient très bien se retrouver dans la même situation qu’à la mi-mars 2020 – ne sachant pas quoi faire face à la crise. Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier sa politique pour préciser quand les inspecteur(trice)s devront travailler sur place ou à distance pendant une pandémie ou une autre crise semblable, ainsi que les critères qui entreront en ligne de compte dans la décision. La politique devrait également indiquer qui prendra cette décision et comment elle sera communiquée aux foyers de soins de longue durée et au public. Cette préparation aidera à garantir que la Direction peut faire face à la prochaine pandémie.

 
Recommandation 8

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier sa politique sur la Préparation aux inspections sur site en période de pandémie pour préciser quand les inspecteur(trice)s devront travailler sur place ou à distance pendant une pandémie et d’autres crises semblables, ainsi que les critères à prendre en compte pour prendre cette décision.

 
Recommandation 9

Le ministère des Soins de longue durée devrait aussi modifier cette politique pour indiquer qui prendra les décisions concernant les inspections sur site et à distance pendant une pandémie et comment ces décisions seront communiquées aux foyers de soins de longue durée et au public.



 

184    De la même façon, la nouvelle exigence de la Direction de l’inspection voulant que chaque bureau régional de services ait une réserve de trois mois d’EPI est une mesure importante pour garantir que les inspecteur(trice)s pourront poursuivre leur travail lorsque la prochaine pandémie frappera. Toutefois, au-delà de ce grand objectif, le Ministère doit disposer de l’infrastructure nécessaire pour que les préparatifs concernant l’EPI se concrétisent de manière permanente.

185    En prévision de la prochaine pandémie, le Ministère devrait préparer et appliquer une politique sur l’achat, le stockage et l’utilisation d’EPI. Il devrait veiller à ce que son approche permette aux inspecteur(trice)s d’avoir accès à une quantité suffisante d’EPI pour poursuivre leurs activités, même en période de grave pénurie, c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas nécessairement possible de reconstituer facilement les stocks. Le Ministère devrait aussi mobiliser proactivement les autres organismes provinciaux chargés de gérer les réserves stratégiques d’EPI pour que les besoins des inspecteur(trice)s soient dûment priorisés en cas de pandémie.

 
Recommandation 10

Le ministère des Soins de longue durée devrait préparer et appliquer une politique sur l’achat, le stockage et l’utilisation d’équipement de protection individuelle (EPI). Il devrait veiller à ce que son approche permette aux inspecteur(trice)s d’accéder à une quantité suffisante d’EPI pour poursuivre les activités du Ministère, même en période de grave pénurie.

 
Recommandation 11

Le ministère des Soins de longue durée devrait mobiliser proactivement les autres organismes provinciaux chargés de gérer les réserves stratégiques d’EPI pour que les besoins des inspecteur(trice)s soient dûment priorisés lors d’une pandémie.



 

Nouvelles priorités des inspecteur(trice)s

186    Lorsque les inspections ont été suspendues pendant la première vague, les fonctionnaires du Ministère ont confié d’autres tâches aux inspecteur(trice)s. Après discussion, le 28 mars 2020, le gouvernement provincial a publié un communiqué résumant les changements apportés au rôle des inspecteur(trice)s :

[…] le ministère des Soins de longue durée met également en place une nouvelle approche pour redéployer ses inspectrices et inspecteurs hautement qualifiés. Ces infirmières et infirmiers, diététistes et physiothérapeutes apporteront un soutien sur le terrain aux foyers de soins de longue durée en assurant la dotation en personnel, en coordonnant les soins, en servant de personnes-ressources de la santé publique, en aidant les foyers à prévenir et à contenir les infections et en accomplissant de nombreuses autres tâches nécessaires pour assurer la sûreté et la sécurité des personnes résidentes[98].


187    Cette annonce s’est révélée trop optimiste, car trois semaines plus tard, aucun(e) inspecteur(trice) n’avait été redéployé(e) pour apporter un soutien « sur le terrain » aux foyers. Plusieurs questions pratiques, comme le besoin de formation et l’accès à l’EPI, n’étaient toujours pas réglées. Finalement, aucun(e) inspecteur(trice) n’a redéployé(e) pour épauler les foyers.

188    Toutefois, les inspecteur(trice)s ont fini par soutenir les foyers d’autres manières. Dans le cadre d’un nouveau processus d’« appels de soutien et de suivi », les inspecteur(trice)s se sont régulièrement entretenu(e)s avec les responsables de la plupart des foyers pour recueillir de l’information sur leur situation.

189    Le 17 mars 2020, la Direction de l’inspection a fait parvenir un diaporama au Bureau du sous-ministre pour expliquer ce qu’elle envisageait de faire :

  • Soutien et suivi – Les inspecteur(trice)s joueront un rôle essentiel dans la collecte de renseignements qui seront transmis aux groupes appropriés pour que l’aide soit apportée aux foyers en ayant besoin. Voici les principaux suivis assurés :

    • Résident(e)s ou membres du personnel ayant un diagnostic confirmé ou potentiel de COVID-19;

    • Pénuries de personnel;

    • Refus de travailler;

    • Pénuries d’EPI.


Dans le diaporama, on confirmait que les inspecteur(trice)s auraient [traduction] « des contacts réguliers avec les foyers de soins de longue durée pour protéger la santé et la sécurité des résident(e)s pendant la pandémie de COVID-19 ». Selon la directrice, ce nouveau rôle ne devait durer qu’une « très courte période » et la Direction de l’inspection avait accepté cette responsabilité parce que « personne d’autre ne voulait le faire ».

190    Le 18 mars, la directrice a écrit à l’ensemble du personnel de la Direction de l’inspection pour lui mentionner que des équipes de deux d’inspecteur(trice)s seraient affectées au soutien et suivi auprès des foyers de soins de longue durée. Elle demandait aux équipes de communiquer régulièrement avec les foyers auxquels elles étaient affectées pour vérifier comment ils composaient avec la COVID-19. La plupart des inspecteur(trice)s devaient s’occuper d’environ quatre foyers, mais certaines personnes ont dit en avoir eu jusqu’à dix. Le Ministère n’avait pas fait savoir aux foyers que des inspecteur(trice)s allaient les contacter.

191    La directrice suggérait deux appels par semaine et demandait aux inspecteur(trice)s de communiquer leurs coordonnées aux foyers. Elle avait aussi dit de limiter la durée des entretiens et plus particulièrement, de rassurer les foyers qu’« il ne s’agissait pas d’un exercice de vérification de la conformité ».

192    Cette nouvelle approche a été approuvée par le Bureau du Conseil des ministres le 21 mars. La Direction de l’inspection a préparé une politique sur « qui explique ce nouveau rôle. La version du 25 mars 2020 indique que les inspecteur(trice)s doivent adopter une « approche normalisée » lors des appels, mais donne peu de détails supplémentaires par rapport à l’information déjà fournie. Les inspecteur(trice)s devaient appeler les foyers « pour offrir du soutien et faire le suivi de la situation » ainsi que pour surveiller les éclosions d’infections respiratoires et de COVID-19. On leur avait demandé de poser des questions précises et de consigner l’information recueillie dans un outil central de « suivi », notamment :

  • si le foyer faisait face à une éclosion de COVID-19;

  • le nombre de cas de COVID-19 chez les résident(e)s et le personnel;

  • si le foyer manquait de personnel;

  • si des membres du personnel avaient refusé de travailler;

  • s’il y avait une pénurie d’équipement de protection individuelle;

  • si des problèmes étaient survenus à cause de la restriction des visites.


193    La politique comprenait une liste de questions pour orienter les discussions des inspecteur(trice)s ainsi qu’un scénario pour le premier appel. Elle indiquait également qu’il fallait demander aux foyers s’ils souhaitaient continuer à recevoir ces appels et, dans l’affirmative, établir à quelle fréquence et la méthode à privilégier.

194    Nous avons appris que les inspecteur(trice)s avaient fait environ 1 000 appels de soutien et de suivi par semaine au début de la première vague. Beaucoup de foyers, mais pas tous, avaient accepté l’offre « de soutien et de suivi » du personnel de la Direction de l’inspection, mais certains avaient des craintes à l’idée de communiquer aux inspecteur(trice)s de l’information qui pourrait par la suite être utilisée contre eux lors d’une inspection.

195    Quelques grands joueurs du secteur des soins de longue durée, dont Extendicare, Sienna Senior Living et Jarlette, n’ont pas participé au départ à l’initiative du Ministère. Cela représentait un grand nombre de foyers – probablement plus d’une centaine au total. Plus tard, certains ont accepté de fournir une « réponse globale de l’organisation » par jour au Ministère. Il n’est pas étonnant que certains foyers aient hésité à participer à ces appels, compte tenu des circonstances difficiles auxquelles ils faisaient face et du manque de clarté quant à l’objectif de la démarche. On nous a dit que la démarcation entre le travail de vérification de la conformité et celui « de soutien et de suivi » était parfois floue, et que les messages étaient contradictoires. Par exemple, nous avons appris que dans bien des cas, les inspecteur(trice)s posaient des questions sur des plaintes précises pendant les appels de « soutien et de suivi ». Certains foyers se sont également inquiétés que les appels réduisent le temps nécessaire pour s’occuper des résident(e)s, et que le processus de soutien et de suivi recueille des renseignements déjà fournis par d’autres moyens, comme les rapports aux bureaux de santé publique. Quelques inspecteur(trice)s ayant fait des appels nous ont dit avoir aussi eu l’impression de recueillir de l’information déjà communiquée autrement. Les appels bihebdomadaires ont diminué au fil du temps et la fréquence a ultimement été établie en fonction du risque posé par la COVID-19 pour le foyer. Vers la fin de la première vague, cette approche avait été incluse dans la politique du Ministère, qui faisait le lien entre la fréquence des appels et les différents niveaux de risque présentés par la COVID-19.

 

Surabondance de données

196    Les données recueillies par le Ministère dans le cadre des appels de soutien et de suivi ont été consignées par les inspecteur(trice)s dans un outil de suivi, puis converties en rapport. On nous a dit que le rapport reposait uniquement sur les données auto-déclarées par les foyers, qui n’avaient pas été vérifiées.

197    Néanmoins, un jour ou deux après sa création, le rapport de la Direction était largement diffusé au sein du gouvernement. Selon des haut(e)s fonctionnaires du Ministère, le rapport a joué un rôle déterminant dans l’évaluation faite par le gouvernement du risque posé par la COVID-19 pour chaque foyer, en particulier dans les premiers jours de la pandémie.

198    En plus de saisir les données dans l’outil de suivi, les chef(fe)s de la Direction, lorsqu’ils(elles) avaient connaissance d’une éclosion de COVID-19 dans un foyer, envoyaient aux haut(e)s fonctionnaires un « courriel d’alerte » détaillant la situation et les besoins. Lorsque la situation d’un foyer changeait, le personnel de la Direction envoyait un courriel de suivi. En avril 2020, les courriels ont proliféré au rythme des éclosions de COVID-19. La sous-ministre adjointe, Division des opérations relatives aux soins de longue durée, nous a dit qu’à l’instar de l’outil de suivi, le contenu des courriels avait grandement contribué au niveau de risque attribué par le gouvernement à chaque foyer. Elle a souligné que le Groupe directeur du système de gestion des incidents pour le secteur des soins de longue durée avait aussi parlé du contenu de ces courriels.

 

Des inquiétudes grandissantes

199    La Direction de l’inspection nous a dit que les appels de soutien et de suivi fournissaient de l’information qui servait aux décideur(euse)s, mais qui incitait aussi parfois les fonctionnaires à redoubler d’efforts pour que certains foyers obtiennent l’aide dont ils avaient besoin.

200    Par exemple, la directrice a dit avoir contacté le Centre des opérations d’urgence du ministère de la Santé pour tenter d’obtenir de l’équipement de protection individuelle pour des foyers en ayant cruellement besoin. Elle a aussi mentionné avoir communiqué avec divers organismes au sujet des pénuries de personnel de certains foyers.

201    Un exploitant majeur de foyers de soins de longue durée nous a dit que ce genre de soutien était utile et que les inspecteur(trice)s du Ministère avaient parfois réussi à aider les foyers à obtenir de l’EPI pendant les périodes critiques de la première vague. Toutefois, certains foyers nous ont dit avoir trouvé le Ministère inutile.

 

Du soutien pour le foyer Orchard Villa

202    Dans le cas d’Orchard Villa, un foyer de soins de longue durée de 233 lits situé à Pickering, les appels de soutien et de suivi n’ont pas permis de déceler qu’il avait désespérément besoin d’aide. Ce foyer a eu son premier cas de COVID-19 au début du mois d’avril 2020. Le bureau de santé publique local avait déclaré une éclosion à cet endroit le 13 avril et en avait fait part au Ministère le même jour.

203    Le 14 avril, le « courriel d’alerte » de la Direction de l’inspection décrivait ce que les inspecteur(trice)s avaient appris sur la situation au foyer Orchard Villa. On pouvait notamment y lire ceci :

[Traduction]

  • 50 résident(e)s ont reçu un diagnostic de COVID-19, 17 sont en attente du résultat.

  • Sept membres du personnel ont reçu un diagnostic positif.

  • Le foyer a entamé le protocole de gestion des éclosions.

  • Aucune pénurie d’EPI ou de personnel à signaler pour le moment.

  • La gestion et le soutien du foyer sont assurés par Extendicare Assist.


204    Le même jour, le bureau de santé publique a organisé un appel pour informer divers partenaires, y compris le ministère de la Santé et le ministère des Soins de longue durée, de la situation au foyer Orchard Villa. Selon un courriel du ministère de la Santé à propos de cet appel, les autorités sanitaires avaient indiqué « qu’au moins 40 membres du personnel avaient été placés en isolement volontaire » et que d’autres avaient « invoqué l’anxiété et la peur comme motifs pour refuser de travailler ».

205    Malgré cette information préoccupante, les courriels internes du ministère des Soins de longue durée dans les jours qui ont suivi indiquaient que la situation était maîtrisée. Il y avait beaucoup d’incohérence dans les renseignements recueillis lors des appels quotidiens de soutien et de suivi. Le foyer fournissait des comptes rendus contradictoires – disant qu’il n’y avait pas de pénurie d’EPI ou de personnel une journée, et qu’il en manquait le lendemain.

206    Le 17 avril, à l’insu de la Direction de l’inspection, le directeur général de l’entreprise propriétaire du foyer Orchard Villa avait envoyé une lettre urgente au réseau local d’intégration des services de santé[99] pour demander le déploiement rapide d’une équipe au foyer. Il indiquait que l’établissement avait un urgent besoin de cinq infirmier(ère)s autorisé(e)s, 10 infirmier(ère)s auxiliaires autorisé(e)s, 20 préposé(e)s aux services de soutien à la personne, 15 aides soignant(e)s et 10 aides en diététique – soit 60 personnes en tout.

207    La lettre avait été envoyée en copie conforme à la ministre des Soins de longue durée, à la directrice des relations avec les intervenants du Ministère, à plusieurs représentant(e)s d’hôpitaux locaux et à d’autres personnes. Toutefois, si l’on en juge par les noms indiqués à la fin de la lettre, le PDG n’avait mis en copie aucun membre de la Direction de l’inspection. Il semble donc que la Direction n’ait pas pris la mesure de la situation concernant le personnel. Dans une feuille de calcul préparée le lendemain, elle avait précisément noté que le foyer Orchard Villa n’avait pas de « pénurie grave » d’EPI ou de personnel.

208    Il a fallu plusieurs jours, soit jusqu’au 20 avril, et diverses communications pour que la Direction de l’inspection se rende compte de l’ampleur et des répercussions de la pénurie de personnel à Orchard Villa. Tout d’abord, la lettre du PDG demandant une aide d’urgence a été transmise à la Direction par le Bureau de la ministre. Ensuite, la directrice de la Direction a reçu les résultats d’une évaluation de la prévention et du contrôle des infections effectuée par un hôpital local le 18 avril. Cette évaluation faisait état de graves problèmes de personnel et suggérait que l’armée, la Croix-Rouge canadienne ou des membres du personnel hospitalier soient envoyés en renfort de toute urgence. Enfin, un(e) membre du personnel du foyer Orchard Villa a dit à un(e) inspecteur(trice) qu’il n’y avait plus personne pour nourrir les résident(e)s et en prendre soin, et que les conditions de vie étaient « infernales ». L’information est rapidement parvenue aux cadres supérieur(e)s de la Direction de l’inspection, qui ont rapidement communiqué avec le foyer et l’exploitant.

209    Dès le lendemain, la gravité de la situation avait poussé les autorités locales et provinciales à prendre des mesures draconiennes. Le médecin-hygiéniste de la région de Durham avait donné un ordre aux termes de la Loi sur la protection et la promotion de la santé pour qu’un hôpital local prête main-forte au foyer. Il s’agissait du premier « ordre local » donné à un foyer de soins de longue durée depuis le début de la pandémie. Dans son témoignage à la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée, le médecin-hygiéniste avait indiqué s’être rendu compte qu’il était urgent d’agir et qu’il avait avisé le ministère des Soins de longue durée de l’éclosion une semaine avant de donner son ordre. Il ajoutait que la Direction de l’inspection du Ministère « brillait par son absence », d’où la nécessité de l’ordre.

210    Le ministère des Soins de longue durée, le ministère de la Santé et les Forces armées canadiennes se sont réunis pour discuter de la manière dont les FAC pouvaient aider les foyers de soins de longue durée. Peu après, le gouvernement a officiellement demandé l’aide des FAC pour le foyer Orchard Villa et quatre autres établissements. L’équipe des FAC est arrivée au foyer Orchard Villa une semaine plus tard, soit le 28 avril 2020.

211    Le soutien de l’hôpital et des FAC a permis de stabiliser la situation et d’améliorer les niveaux d’effectif. Toutefois, ce n’est que le 11 juin que le bureau de santé publique a déclaré que l’éclosion était terminée. En tout, le virus a causé la mort de 70 résident(e)s – soit le plus haut total dans un foyer ontarien durant la première vague.

212    Le 13 juin, le ministère des Soins de longue durée a approuvé une entente de gestion volontaire du foyer, même si l’éclosion était terminée. L’hôpital qui avait épaulé l’établissement a géré le foyer Orchard Villa pendant 90 jours.

213    Le processus de soutien et de suivi de la Direction était mal adapté pour donner l’alarme de la crise qui se dessinait. D’autres organismes, comme le réseau local d’intégration des services de santé, Santé Ontario et le bureau de santé publique local, étaient mieux placés pour se rendre compte de la situation, donner l’alerte et aider le foyer à obtenir les ressources nécessaires. La stratégie de soutien et de suivi n’a pas vraiment permis à la Direction de percevoir l’évolution rapide des conditions au foyer Orchard Villa, et au bout du compte, elle a été parmi les derniers à apprendre que la situation était désespérée.

 

Une stratégie de soutien et de suivi durant la deuxième vague et au-delà

214    Après la reprise des inspections en mai 2020, la Direction a demandé aux inspecteur(trice)s qui ne se rendaient pas sur place (en raison de mesures d’adaptation liées à des contraintes médicales ou autres) de poursuivre la fonction de soutien et de suivi, ce qui a permis d’établir une distinction un peu plus claire entre son travail de vérification de la conformité et son rôle de soutien et de suivi.

215    En 2022, les appels de soutien et de suivi se sont poursuivis pour les foyers touchés par des éclosions de COVID-19 ou présentant un risque élevé d’éclosion. Toutefois, le processus a été modifié après la première vague de la pandémie. Les inspecteur(trice)s ont organisé des appels réunissant l’« équipe de gestion des éclosions », soit des représentant(e)s du Ministère, des Services de soutien à domicile et en milieu communautaire, du bureau de santé publique local et du foyer aux prises avec l’éclosion. Nous avons appris que le personnel de la Direction de l’inspection dirigeait parfois ces réunions, qui visaient à simplifier la communication entre le foyer de soins de longue durée et les entités de surveillance et de réglementation.

216    Au début, les appels de soutien et de suivi constituaient une réponse extraordinaire à une situation d’urgence. Le ministère des Soins de longue durée et le gouvernement en général avaient besoin d’accéder rapidement à des données précises sur des centaines de foyers de soins de longue durée. Une solution, même imparfaite, devait être mise en place rapidement. À l’avenir, si le Ministère doit recueillir des renseignements auprès des foyers pour surveiller les situations d’urgence et intervenir, il devrait, pour éviter la confusion et les messages contradictoires, confier le travail à des personnes ne participant pas aux activités de vérification de la conformité de la Direction de l’inspection. Il devrait aussi collaborer avec d’autres organismes qui recueillent ou utilisent ce genre de renseignements, comme les bureaux de santé publique locaux, pour garantir une meilleure communication et un partage plus efficace de l’information, et éviter le double emploi.

 
Recommandation 12

Le ministère des Soins de longue durée devrait faire une distinction claire entre les responsabilités pour que les fonctions sans lien avec les inspections et la conformité ne soient pas confiées à des inspecteur(trice)s afin d’éviter la confusion et les messages contradictoires par rapport aux inspections.

 
Recommandation 13

Si le ministère des Soins de longue durée a besoin d’obtenir des données auprès des foyers de soins de longue durée pour surveiller les situations d’urgence et intervenir, il devrait collaborer avec les autres organismes qui recueillent ou utilisent ce genre de renseignements, comme les bureaux de santé publique locaux, pour garantir une meilleure communication et un partage plus efficace de l’information, et éviter le double emploi.



 

Processus de plainte chaotique

217    Au début de la pandémie, il y a eu une hausse significative du nombre de plaintes pour des problèmes graves nécessitant une inspection dans les foyers de soins de longue durée. Certains des problèmes les plus graves recensés durant dans notre enquête étaient associés au traitement des plaintes par la Direction de l’inspection durant la première vague. La tentative du Ministère d’abandonner les inspections sur site et les changements fondamentaux apportés à son processus de réception des plaintes ont mené à un effondrement du système qui l’a rendu largement sans réponse aux multiples problèmes graves compromettant la sécurité des résident(e)s des foyers.

218    Le Ministère n’était pas préparé au déluge de plaintes qu’il recevait en lien avec la COVID-19 et a donné peu de directives à ses inspecteur(trice)s à propos de l’influence de la pandémie sur le processus de triage et d’évaluation des risques. Très rarement, les préoccupations concernant la prévention et le contrôle des infections, l’équipement de protection individuelle et la dotation ont été considérées comme présentant un risque élevé. Par ailleurs, l’explosion du nombre de plaintes a mis au jour de graves lacunes dans les pratiques de consignation et de communication, à un moment où la Direction avait le plus besoin de renseignements précis et complets.

 

Les plaintes avant la pandémie

219    Avant la pandémie, les personnes qui souhaitaient signaler un problème au Ministère pouvaient, entre autres, utiliser son service de plaintes, la « Ligne ACTION des Soins de longue durée ». Il était aussi possible d’écrire à la directrice de la Direction de l’inspection. En outre, les foyers de soins de longue durée devaient aussi avoir un processus de dépôt de plaintes et acheminer au Ministère toute plainte écrite sur les soins aux résident(e)s ou le fonctionnement de l’établissement.

220    La Direction de l’inspection devait évaluer et trier les plaintes, puis inspecter le foyer. Avant la pandémie, le Ministère recevait annuellement environ 4 000 plaintes. La plupart des activités de la Direction étaient associées aux plaintes. Par exemple, en 2019, plus du tiers des inspections ont été réalisées à la suite d’une plainte.

221    La Direction recevait la grande majorité des plaintes via sa Ligne ACTION des Soins de longue durée. Les appels étaient gérés par le personnel de ServiceOntario, qui transmettait ensuite les dossiers de plainte au ministère des Soins de longue durée. Avant la pandémie, l’équipe chargée de recevoir ces dossiers et de procéder au triage était l’Équipe centrale de réception, d’évaluation et de triage de la Direction de l’inspection, qui comptait habituellement de 9 à 10 agent(e)s d’évaluation et de triage et un(e) chef(fe) d’équipe.

222    La Direction de l’inspection avait une politique détaillée sur la façon dont son personnel devait analyser les plaintes et y répondre. Les principales étapes n’ont pas changé à l’arrivée de la pandémie.

223    D’abord, un(e) agent(e) de triage fait suivre à la plainte le processus « d’évaluation et de triage ». Une fois que le personnel a créé un dossier de plainte dans le système du Ministère avec toute l’information reçue, l’agent(e) communique avec le(la) plaignant(e) pour confirmer les renseignements pertinents. Au début de la pandémie, le personnel du Ministère avait deux jours ouvrables pour le faire.

224    Après avoir parlé au(à la) plaignant(e), l’agent(e) doit déterminer si la plainte concerne une contravention potentielle à la législation. Certaines plaintes – par exemple sur le coût du stationnement à un foyer – n’ont rien à voir avec les exigences législatives pouvant mener à une inspection de la Direction. Si le problème sort du mandat de la Direction, le personnel doit l’expliquer au(à la) plaignant(e) avant de l’aiguiller vers les bonnes ressources et de classer le dossier.

225    Si, au contraire, il y a une possible non-conformité à la législation, l’agent(e) de triage doit évaluer la situation et lui attribuer un « niveau de risque pour le triage ».

226    La Direction a un document d’orientation définissant les cinq niveaux de risque pour le triage et les délais à respecter pour l’inspection ou l’enquête. Les représentant(e)s de la Direction peuvent changer le niveau de risque plus tard, si de nouvelles données sont obtenues. Voici les différents niveaux :

[Traduction]
NIVEAU 1        Aucun préjudice ou risque
Situation n’ayant eu aucune incidence négative sur les résident(e)s et ne posant aucun risque de préjudice*. Il est considéré comme étant raisonnable de mener une enquête dans les 90 jours ouvrables[100].

NIVEAU 2        Préjudice ou risque minimal
Situation menant à un léger désagrément pour les résident(e)s ou ne posant qu’un infime risque de préjudice*. Il est considéré comme étant raisonnable de mener une enquête dans les 90 jours ouvrables.

NIVEAU 3        Préjudice ou risque réel
Situation entraînant un préjudice réel pour les résident(e)s si rien n’est fait, menant à un risque réel de préjudice ou associée à une série d’incidents contribuant au risque ou au préjudice. Peut comprendre les situations où le(la) titulaire de permis ou le personnel du foyer de soins de longue durée, après avoir constaté le risque ou le préjudice réel, a pris des mesures pour limiter le risque ou éviter que la situation se reproduise ou s’aggrave. Il est considéré comme étant raisonnable de mener une enquête dans les 60 jours ouvrables*.

NIVEAU 3+        Préjudice ou risque réel considérable
Situation ayant de graves répercussions sur la santé, la qualité de vie ou la sécurité d’au moins un(e) résident(e), ou posant un important risque de préjudice réel considérable ou un risque réel considérable pour la santé, la qualité de vie ou la sécurité d’au moins un(e) résident(e). Une inspection doit être réalisée dans les 30 jours ouvrables [...]

NIVEAU 4        Préjudice grave ou risque immédiat
Situation plaçant un(e) résident(e) ou un groupe de résident(e)s en danger immédiat (risque) parce qu’elle a entraîné (ou risque d’entraîner) de graves conséquences, blessures, préjudices ou incapacités, ou pourrait mener ou a mené au décès d’au moins un(e) résident(e) du foyer de soins de longue durée. Sont comprises les situations où le(la) titulaire de permis ne fait rien pour rectifier la situation ou n’a pris aucune mesure pour la prévenir. Ce niveau comprend les situations où il faut se rendre immédiatement au foyer.

Inspection immédiate
Une « inspection immédiate » […] est requise dans l’un ou l’autre des cas suivants ayant causé un préjudice grave ou un risque considérable de préjudice grave à un(e) résident(e) :

  • L’administration d’un traitement ou de soins à un(e) résident(e) de façon inappropriée ou incompétente;

  • Le mauvais traitement d’un(e) résident(e) par quiconque ou la négligence envers un(e) résident(e) par le(la) titulaire de permis ou le personnel;

  • Un acte illégal[101].

[Les passages en gras, en italique et soulignés sont tirés du document.]

227    Les niveaux de risque pour le triage aident la Direction à déterminer la suite des choses. Habituellement, pour les plaintes de niveaux 1 et 2 non résolues, un(e) inspecteur(trice) enquêtera auprès du foyer sans inspection. Toutefois, avant que l’inspecteur(trice) communique avec les responsables du foyer, un(e) agent(e) de triage fera une recherche dans le système du Ministère pour savoir si le problème a déjà été signalé au moins trois fois dans les six derniers mois pour ce foyer (ce qui comprend la nouvelle plainte). Pour les plaintes touchant un(e) résident(e), un problème sera considéré comme une « tendance » s’il a été signalé trois fois dans les six derniers mois pour le(la) même résident(e). Dans ce cas, l’agent(e) de triage indiquera qu’il s’agit d’un risque de niveau 3 nécessitant une inspection.

228    Les plaintes ayant reçu le niveau 3 ou plus requièrent habituellement une inspection. Plus le niveau est élevé, plus l’inspection doit avoir lieu rapidement. Il n’y a aucune norme sur la rapidité d’exécution d’une enquête ou inspection.

 

Avec la COVID-19, les plaintes et questions se multiplient

229    Avant la pandémie, la Direction recevait habituellement de 250 à 400 plaintes par mois, mais en moyenne environ 300. En mars 2020, ce nombre a dépassé les 600, au moment où le gouvernement imposait des restrictions aux foyers de soins de longue durée, qui commençaient à connaître des flambées de COVID-19.

230    À la mi-mars 2020, devant l’afflux de questions, de demandes de renseignements et de plaintes, la Direction de l’inspection a apporté plusieurs changements à son processus de réception et de triage. Le 18 mars, elle a retiré la responsabilité de la réception des plaintes à son Équipe centrale de réception, d’évaluation et de triage pour la confier aux inspecteur(trice)s des bureaux régionaux de services, qui devaient communiquer avec les plaignant(e)s et décider de la suite des choses. Ce changement a eu pour effet de réduire considérablement le rôle administratif des agent(e)s de triage dans les nouvelles plaintes.

231    La directrice de la Direction de l’inspection nous a dit qu’elle était responsable de ce nouveau processus et trouvait important que les inspecteur(trice)s aient un premier contact avec les plaignant(e)s au début de la pandémie. Elle a fait observer que les inspecteur(trice)s sont des travailleur(se)s de la santé pouvant obtenir de l’information auprès des foyers. Elle a ajouté que grâce au changement, les plaignant(e)s n’auraient pas à discuter du problème avec plusieurs personnes (avant, les plaintes téléphoniques étaient traitées par une personne de ServiceOntario, un[e] agent[e] de triage et un[e] inspecteur[trice]).

232    Cette nouvelle approche a modifié davantage le rôle des inspecteur(trice)s durant le chaos du début de la pandémie. Plutôt que de faire des inspections, ils(elles) devaient recevoir les plaintes des plaignant(e)s par téléphone et faire des appels de soutien et de suivi auprès des foyers de soins de longue durée. Pour leur part, les agent(e)s de triage ont dû, durant la première vague, mener un projet d’entrée de données sans lien avec la pandémie. Ils(elles) ont recommencé à recevoir les plaintes seulement à la fin de 2020, soit au moment de commencer à rendre des comptes directement aux bureaux régionaux de services.

233    Le graphique suivant montre le nombre de plaintes reçues en 2019 et au début de 2020 comparativement au début de la première vague :

Nombre mensuel de plaintes reçues par la Direction de l’inspection de janvier 2019 à mai 2020

Charte - Nombre mensuel de plaintes reçues par la Direction de l’inspection de janvier 2019 à mai 2020


234    En avril 2020, le Ministère recevait presque quatre fois plus de plaintes qu’à l’habitude, à mesure que la COVID-19 se propageait. Le nombre de plaintes a commencé à baisser en mai 2020, bon nombre d’éclosions de la première vague étant terminées, mais il est resté anormalement élevé jusqu’à la fin de la vague.

235    Cette hausse des plaintes n’a pas été égale partout dans la province, contrairement à la période prépandémie. Proportionnellement, le Bureau régional de services de Toronto a reçu beaucoup plus de plaintes qu’à l’habitude durant la première vague – à son maximum, plus du double des autres bureaux. La pression était donc très forte sur les inspecteur(trice)s de Toronto, ce qui a poussé la Direction à demander des renforts dans d’autres régions.

236    Malgré cette hausse colossale, certaines des personnes à qui nous avons parlé estimaient que ces chiffres étaient légèrement trompeurs, puisque beaucoup de « plaintes » étaient en fait des questions, des demandes de renseignements ou un besoin de se faire rassurer. La Direction ne faisait pas de distinction entre les plaintes et les demandes de renseignements. Quoi qu’il en soit, ces deux types d’appels alourdissaient la charge de travail, et le personnel de la Direction a fait remarquer que la gestion des demandes de renseignements était difficile et chronophage.


 

De l’ACTION au soutien

237    Pendant qu’on redéfinissait le rôle des inspecteur(trice)s et des agent(e)s de triage, le ministère des Soins de longue durée renommait son service de plainte. Dans les premières semaines de la pandémie, il a changé la « vocation » de sa ligne ACTION pour en faire une « ligne de soutien aux familles ».

238    Dans un diaporama à l’intention des haut(e)s fonctionnaires préparé autour du 17 mars 2020, la Direction de l’inspection expliquait ainsi ce changement :

[Traduction]
Transformation de la ligne Action en ligne de soutien aux familles – Les inspecteur(trice)s devront gérer le soutien aux familles et travailler directement avec les foyers, si nécessaire. Nous ferons un suivi du volume quotidien d’appels en lien avec la COVID 19.


239    Le « soutien » renvoyait aux appels « de soutien et de suivi » que la Direction de l’inspection faisait aux foyers de soins de longue durée. Le sous-ministre des Soins de longue durée a dit à nos enquêteur(trice)s que l’intention générale était d’épauler tant les foyers que les familles qui appelaient le Ministère pour obtenir des réponses.

240    La ministre des Soins de longue durée a publié un gazouillis sur le changement de nom le 3 avril 2020. Selon le graphique qui l’accompagnait, il s’agissait maintenant de la « Ligne ACTION pour le soutien aux familles », qui combinait l’ancien et le nouveau nom[102]. La ministre précisait que les appelant(e)s pourraient parler à un(e) inspecteur(trice) de foyers de soins de longue durée ayant de l’expérience « [traduction] pouvant répondre à leurs questions, les aider à trouver des solutions ou simplement discuter avec eux en cette période de pandémie évolutive ». La directrice de la Direction de l’inspection a informé le personnel du nouveau nom le 6 avril.

241    Comme la plupart des fonctionnaires de la Direction de l’inspection ne se sont pas prononcés sur la nouvelle approche, ceux(celles) qui l’ont fait ont surtout exprimé des réserves. Par exemple, un(e) gestionnaire des inspections s’est dit(e) en désaccord avec le changement de nom parce que la Direction ne fournit pas de « soutien »; elle fait des inspections. Un(e) résident(e) a abondé dans le même sens, disant ne pas chercher du soutien, mais plutôt des actions.

 

Messages clés

242    La pandémie était au cœur des préoccupations des personnes appelant la nouvelle Ligne ACTION pour le soutien aux familles. Selon un(e) chef(fe) de la Direction, 90 % des appels reçus durant la première vague portaient sur la COVID. Le tableau suivant montre la répartition ministérielle des « plaintes et questions » reçues en lien avec la COVID-19 durant cette période.

Nombre de « plaintes et questions » en lien avec la COVID-19 reçues par la Direction de l’inspection au 31 juillet 2020, par catégorie.

Catégorie Nombre de plaintes et de questions reçues au 31 juillet 2020
Protocoles sur la COVID-19 1 247
Visites  701
Sécurité des résident(e)s 676
Admissions/congés/absences 349
Dotation en personnel 213
Contrôle des infections 187
Dépistage 158
Total  3 531
















243    Pour aider les inspecteur(trice)s à répondre aux plaintes et questions du public concernant la COVID-19, les cadres de la Direction de l’inspection ont préparé un document de « messages clés ». Ces messages provenaient généralement d’une autre source sans mise en contexte ni interprétation. La première version du document, datée du 18 mars, comprenait les « messages clés » suivants :

  • Les personnes âgées et celles ayant des affections sous-jacentes sont plus à risque de présenter des complications.

  • Pour la sécurité des résident(e)s des foyers de SLD, le médecin hygiéniste en chef a récemment conseillé aux établissements d’autoriser uniquement les visites essentielles jusqu’à nouvel ordre.

  • Le Ministère suit la situation de près et fera le point sur les directives vers le 5 avril 2020.

  • Le Ministère s’attend à ce que les FSLD [foyers de soins de longue durée] suivent les conseils de Santé publique Ontario et du médecin hygiéniste en chef pour tout ce qui touche aux éclosions ainsi qu’à la prévention et au contrôle des infections, et les soutient dans cette démarche.

  • Le personnel des FSLD doit suivre la formation sur la prévention et le contrôle des infections, et respecter la marche à suivre en cas d’éclosion, conformément aux pratiques exemplaires de Santé publique Ontario.

  • Les visites essentielles s’entendent des visites aux résident(e)s très malades ou aux soins palliatifs. Aucune autre visite n’est autorisée.


244    La directrice de la Direction a envoyé les premiers messages clés aux inspecteur(trice)s le 18 mars 2020, en leur demandant de s’en servir pour leurs échanges avec les plaignant(e)s et de « ne pas en déroger ni de donner de conseils autres que ceux dans le document ». À partir de cette date, les inspecteur(trice)s se sont fortement inspiré(e)s des messages clés – les citant souvent directement – lors des appels avec les plaignant(e)s. Cette interaction représentait un contraste marqué avec leurs responsabilités habituelles.

245    Durant la première vague, la Direction a régulièrement mis à jour les messages clés à la lumière des directives et orientations gouvernementales. Au fil du temps, le document a gagné en longueur, couvrant une plus grande diversité de sujets.

246    Malheureusement, avec sa nouvelle approche de réception et de triage, et sa difficulté à mobiliser des inspecteur(trice)s sur une longue période durant la première vague, le Ministère a vu s’affaiblir sa capacité de cerner rapidement les problèmes graves influant sur les résident(e)s des foyers de soins de longue durée et d’intervenir promptement.

 

« Effondrement complet du système »

247    Alors que le Ministère subissait de plein fouet les conséquences de la pandémie et de sa façon de faire, la Direction de l’inspection peinait à composer avec la situation. Sa directrice l’a dit sans détour : « Le système s’est complètement effondré. Vraiment, pour vrai. »

248    Nos enquêteur(trice)s ont examiné des centaines de dossiers de plainte pour évaluer le travail de la Direction durant la première vague. Nous avons constaté que malgré l’expérience différente de chaque plaignant(e), le Ministère ne considérait pas les plaintes liées à la COVID-19 comme étant à risque élevé et ne s’est pas penché adéquatement sur leur tri. En outre, la Direction n’avait pas assez d’inspecteur(trice)s pour gérer le torrent de plaintes, et ses pratiques de consignation et de communication étaient largement lacunaires.

 

« Frustration, tristesse et même colère »

249    Pendant ce temps, beaucoup des personnes qui appelaient le Ministère pour faire part de craintes étaient peu soutenues, puisque les inspecteur(trice)s se contentaient de répéter les « messages clés ».

250    Gemma l’a constaté personnellement. Ses deux parents vivaient au foyer Mon Sheong Home for the Aged, à Toronto[103]. Le 22 avril 2020, elle a appelé la Ligne ACTION pour le soutien aux familles pour dire que sa mère était décédée de la COVID-19 – l’un des 22 décès associés au virus survenus dans ce foyer en date du 22 avril. Nous avons examiné les notes au dossier du Ministère pour cet appel et les suivants. Selon ces notes, Gemma avait mentionné qu’il y avait une « grave pénurie » de préposé(e)s aux services de soutien à la personne (PSSP) et de personnel infirmier au foyer, et qu’il n’y avait aucun(e) PSSP la nuit. Elle avait indiqué que les résident(e)s « ne recevaient ni nourriture, ni bain, ni médicament ». Elle avait demandé au Ministère d’envoyer d’« urgence des renforts » au foyer, car elle était inquiète pour son père, qui demeurait au foyer et avait reçu un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19.

251    Le 24 avril, un(e) inspecteur(trice) du Ministère a appelé Gemma. Selon les notes au dossier, traduites ici, il n’y avait « aucune préoccupation concernant le personnel et les soins fournis ». Gemma était en désaccord avec cette évaluation, implorant l’inspecteur(trice) d’envoyer de l’aide au foyer, ajoutant : « nous ne pouvons pas juste laisser nos parents mourir là. » Elle a réitéré qu’il fallait plus de personnel et qu’il fallait laver, nourrir et donner à boire aux résident(e)s. Selon les notes, l’inspecteur(trice) a tenté de « rassurer » Gemma en lui disant qu’il était normal de « ressentir de la frustration, de la tristesse et même de la colère devant la situation ». Il(elle) a ensuite parlé du Plan d’action contre la COVID-19 du Ministère pour le secteur des soins de longue durée et donné de l’information générale sur les mesures prises par le Ministère. On a dit à Gemma que ses préoccupations concernant les lacunes dans le dépistage et le manque de personnel seraient « transmises aux personnes concernées ». L’inspecteur(trice) a ensuite dit que le dossier de plainte serait classé. Selon ce dernier, rien de plus n’a été fait concernant les préoccupations et les appels à l’aide de Gemma.

 

La persévérance ne porte pas toujours ses fruits

252    Peter a aussi vécu beaucoup de frustration dans ses nombreuses communications avec le Ministère durant la première vague.

253    Le premier contact a eu lieu le 6 avril 2020, lorsqu’il a signalé que le foyer Altamont Care Community, où résidait sa mère, débordait et n’envoyait pas les patient(e)s atteint(e)s de la COVID-19 à l’hôpital ce qui, selon lui, augmentait le risque d’infection des autres résident(e)s; il s’inquiétait beaucoup pour la santé de sa mère.

254    Le 8 avril, un inspecteur du Ministère a appelé Peter pour lui dire que le foyer travaillait avec le bureau de santé publique local, qui connaissait la configuration du foyer et savait qu’il fallait isoler les résident(e)s infecté(e)s par la COVID-19 des autres. Selon les documents que nous avons examinés, l’inspecteur a noté que Peter ne s’inquiétait pas des soins prodigués à sa mère et a indiqué avoir « désamorcé » la situation, donc qu’il n’y avait « rien de plus à faire ». Il a classé le dossier le jour même, sans attribuer un niveau de risque à la plainte.

255    Le 14 avril, Peter a rappelé. Il a dit ne pas pouvoir obtenir d’information des responsables du foyer au sujet de sa mère malgré l’éclosion de COVID-19 et avoir entendu dire que les personnes infectées et non infectées étaient regroupées ensemble.

256    Le 16 avril, l’inspecteur a consulté deux chef(fe)s, qui lui ont conseillé d’utiliser « les messages clés ». Il a donc dit à Peter que la santé publique aidait le foyer à isoler les personnes infectées des autres, et lui a donné de l’information sur le plan d’action provincial pour les soins de longue durée. Après, il a de nouveau classé le dossier sans autre intervention ni précision du niveau de risque pour le triage.

257    Le 22 avril, Peter a déposé une troisième plainte. Le foyer l’avait informé que sa mère était très malade et avait un bas taux d’oxygène, et il avait demandé aux responsables de l’envoyer à l’hôpital. On lui avait alors répondu que sa mère était « sur le point de mourir ». Haussant le ton, il leur avait dit d’appeler immédiatement une ambulance, ce qui a été fait. Il n’a pas reçu immédiatement de réponse du Ministère après sa plainte.

258    Le 5 mai, Peter a déposé une quatrième plainte suivant le décès de sa mère. (Au total, 53 résident(e)s et un(e) préposé(e) aux services de soutien du foyer Altamont sont décédé(e)s durant la première vague.) Il s’est plaint que le foyer ne voulait pas lui remettre le dossier médical de sa mère.

259    Deux semaines plus tard, soit le 19 mai, un(e) inspecteur(trice) du Ministère a répondu à la quatrième plainte de Peter, qui avait dit qu’il tenterait d’obtenir le dossier médical avec l’aide d’un(e) avocat(e). L’inspecteur(trice) a classé le dossier le jour même sans autre intervention.

260    Pendant ce temps, la troisième plainte de Peter, datée du 22 avril, était demeurée ouverte et sans réponse. Ce n’est que le 11 juin – soit après 50 jours – que la Direction avait finalement confié la plainte du 22 avril à la même personne qui avait traité la plainte du 19 mai. Selon les notes au dossier, Peter est devenu « très contrarié » lorsque l’inspecteur(trice) a demandé des nouvelles de sa mère, décédée depuis de la COVID-19. Peter avait dit avoir appelé au Ministère, mais que cela n’avait « rien donné ». Il avait refusé d’en dire plus à l’inspecteur(trice). Le(la) chef(fe) de l’inspecteur(trice) avait recommandé une inspection. Le dossier s’était vu attribuer le niveau de risque 3 (« préjudice » ou « risque réel »).

261    Le 20 octobre, la Direction a commencé son inspection, quelque six mois après le dépôt de la plainte, un délai bien supérieur à ce qui est recommandé pour les plaintes de niveau 3 (60 jours ouvrables).

262    L’inspecteur(trice) a communiqué les résultats de l’inspection à Peter le 17 novembre. On lui a dit que le foyer avait été jugé comme étant en non-conformité parce qu’il n’avait pas aiguillé sa mère vers un(e) diététicien(ne), malgré son alimentation déficiente. Le Ministère n’avait pas trouvé de manques de conformité pour les autres volets de sa plainte.

263    Lorsque nos enquêteur(trice)s ont questionné le Ministère sur le traitement des plaintes de Peter, on leur a dit que les inspecteur(trice)s étaient « débordé(e)s » à ce moment-là et qu’il n’était pas clair si la Direction devait procéder à une inspection en raison des préoccupations de Peter sur la cohabitation de personnes infectées et non infectées et l’incapacité d’isoler les malades en raison de la configuration du foyer. De toute manière, le Ministère n’était pas en mesure de procéder à une inspection en avril 2020.

264    Lors d’un entretien de suivi avec mon Bureau, le Ministère a reconnu que la Direction aurait pu procéder à une inspection en lien avec les problèmes de négligence soulevés par Peter dans ses premières plaintes. Concernant le délai de réponse à la troisième plainte, le Ministère a indiqué que durant la première vague, il avait demandé aux inspecteur(trice)s d’essayer d’appeler les plaignant(e)s dans les 24 à 48 heures, ne serait-ce que pour confirmer la réception de la plainte et prévoir un moment pour un entretien en bonne et due forme. Il arrivait cependant que ce ne soit pas possible. Selon un(e) membre du personnel du Ministère, « il n’y avait tout simplement personne, pas de ressources ».

 

Ignorance du nouveau risque

265    Bien qu’elle ait modifié maints aspects de ses processus au début de la pandémie, la Direction de l’inspection n’a rien changé à la façon dont les inspecteur(trice)s évaluaient le niveau de risque associé aux plaintes. Les interactions de Peter avec la Direction, et la faible attention accordée à ses préoccupations, illustrent bien les répercussions sur les plaignant(e)s.

266    La Direction attribue à chaque plainte « susceptible de donner lieu à une inspection » un niveau de risque pour le triage, le plus élevé étant 4. Le niveau représente le risque que pose le problème allégué pour les résident(e)s et permet de déterminer les mesures à prendre et le délai d’intervention. En mars 2020, la « Politique sur les inspections d’urgence en temps de COVID-19 » du Ministère exigeait que les inspecteur(trice)s utilisent le cadre existant de la Direction pour établir le niveau de risque pour le triage de chaque plainte. Les niveaux de risque et leur justification sont restés les mêmes avec l’arrivée de la pandémie, et les inspecteur(trice)s n’ont reçu aucune directive ni formation sur la prise en compte de la COVID-19 dans le système en place.

267    On constate facilement ce manquement, par la Direction, de tenir compte des risques uniques posés par la COVID-19 dans son plan de travail officiel créé au début de la pandémie. Les 17 et 18 mars 2020, la Direction de l’inspection a préparé un plan pour le Bureau du sous-ministre établissant les types de « scénarios présentant des risques élevés » que les inspecteur(trice)s devraient surveiller durant la pandémie, notamment :

  • Mauvais traitements entraînant des blessures graves ou le décès;

  • Agression sexuelle d’un(e) résident(e);

  • [Départ] d’un(e) résident(e) happé(e) par une voiture ayant entraîné des blessures graves ou le décès;

  • Suicide d’un(e) résident(e);

  • Piégeage dans les côtés de lit ayant entraîné des blessures ou le décès;

  • Étouffement ayant entraîné une hospitalisation ou le décès du(de la) résident(e);

  • Erreur dans l’administration des médicaments ayant entraîné une hospitalisation ou le décès du(de la) résident(e).


268    Bien qu’il s’agisse manifestement de scénarios graves, rien n’était directement lié aux risques posés par la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée. Aucune mention des flambées majeures et mortelles de COVID 19, des mesures inadéquates de prévention et de contrôle des infections, du défaut d’isoler les personnes infectées des autres ou des risques potentiels de pénuries criantes de personnel.

269    Nous avons parlé aux haut(e)s fonctionnaires du Ministère qui ont préparé et approuvé le plan, qui nous ont dit qu’à ce moment-là, on ignorait les conséquences qu’aurait la COVID-19 sur les foyers. Or, bien qu’on puisse comprendre que le Ministère n’avait jamais vécu pareille situation auparavant, la Direction était au fait des flambées de COVID-19 ainsi que des nombreux décès de résident(e)s et des pénuries de personnel dans les foyers ailleurs en Amérique du Nord et dans le monde avant de préparer son plan[104]. Si le Ministère avait soigneusement pris en compte les leçons tirées d’ailleurs, il aurait été mieux à même de prévoir ce qui allait se produire en Ontario.

270    Comme la Direction de l’inspection n’avait pas intégré les risques directement associés à la COVID-19 à son système de triage, les plaintes concernant le virus n’étaient pas considérées, par les inspecteur(trice)s, comme présentant un « risque élevé » ». En fait, des centaines de plaintes liées à la COVID-19 reçues par le Ministère durant la première vague, aucune n’avait obtenu le niveau de risque le plus élevé (niveau 4). Selon le système de triage, aucune inspection immédiate n’était requise pour les plaintes liées à la COVID 19 à ce moment-là.

271    Même le second niveau de risque le plus élevé (3+) n’a été attribué que quelques dizaines de fois durant la première vague. L’information que nous avons obtenue était fragmentaire et incohérente, mais selon un des documents examinés, la Direction avait dit aux haut(e)s fonctionnaires du Ministère n’avoir reçu que trois plaintes classées de niveau 3+ entre le 16 mars et le 30 avril 2020. La Direction avait précisé que ces plaintes portaient sur des « cas de mauvais traitements ou de négligence ayant mené au décès », mais on ne sait pas trop si les risques étaient directement attribuables à la COVID-19. Vu les critères établis par le Ministère, on ignore pourquoi la Direction a attribué le niveau de risque 3+ plutôt que 4, puisqu’il était question de mauvais traitements ou de négligence ayant mené au décès dans un foyer. Selon la politique du Ministère, ce type de plainte doit être de niveau 4 et faire l’objet d’une inspection immédiate.

272    Par ailleurs, certaines plaintes formulées durant la première vague, après le 30 avril, et ayant le niveau 3+, semblaient présenter un niveau de risque extrêmement élevé; on ignore donc pourquoi elles n’ont pas été considérées comme étant de niveau 4. Voici la description de cinq de ces plaintes fournie par la Direction :

[Traduction]

  • « […] des préoccupations concernant le manque de personnel et la négligence dans les soins prodigués à la mère […] et à d’autres résidents en raison de l’éclosion ou de la pandémie de COVID-19. Aucune tendance. »

  • « […] les militaires ont observé des cas de mauvais traitements, de négligence, de violation des droits des résidents et de défaut d’administrer les médicaments ainsi que des lacunes sur le plan nutritionnel et un manque de personnel et de leadership. »

  • « La plaignante dit n’avoir reçu aucune information sur l’affaire : [le préposé aux services de soutien] a nourri la personne résidente […] alors qu’elle était sur le dos, ce qui a causé son décès. »

  • « La personne à l’origine de la plainte s’inquiète de l’entretien, des infections de peau et des soins des plaies, de la déshydratation importante des résidents, des variations (pertes) de poids, et des mesures de prévention et de contrôle des infections. »

  • « La personne ayant formulé la plainte […] des préoccupations concernant la négligence à l’endroit d’une personne résidente […] qui a entraîné son décès. »


273    Chacune de ces plaintes présentait potentiellement des risques graves pour les résident(e)s. Dans deux cas, le(la) plaignant(e) avait allégué que le décès du(de la) résident(e) était directement attribuable aux actions ou à l’inaction du personnel, et pourtant, on n’avait pas attribué à ces plaintes le niveau de risque le plus élevé.

274    La Direction de l’inspection a commis une erreur fatale en omettant de tenir compte de la COVID-19 dans son système d’établissement des niveaux de risque pour le triage. Le personnel aurait dû recevoir des directives claires et de la formation sur les répercussions de cette nouvelle réalité sur le travail essentiel d’évaluation du niveau de risque associé aux plaintes. À l’avenir, le Ministère devra absolument vérifier que le personnel opérationnel comprend les risques posés par les nouvelles menaces à la santé et à la sécurité des résident(e)s et du personnel des foyers de soins de longue durée. Il devra donner des directives claires au personnel de la Direction sur la façon d’évaluer concrètement ces risques, notamment à l’aide d’exemples, pour trier les différents pans de la nouvelle menace. Ces exemples viseront à aider les inspecteur(trice)s à se servir de leur expertise en soins de santé et à leur jugement professionnel face aux nouvelles menaces.

 
Recommandation 14

Devant une menace nouvelle ou émergente dans les foyers de soins de longue durée, comme une maladie, le ministère des Soins de longue durée devrait donner aux inspecteur(trice)s et aux autres membres du personnel des directives et de la formation sur le risque que cela posera pour les résident(e)s des établissements.

 
Recommandation 15

En cas de menaces nouvelles ou émergentes actives, le ministère des Soins de longue durée devrait adapter les niveaux de risque pour le triage afin de refléter le risque posé pour les résident(e)s des foyers de soins de longue durée.

 
Recommandation 16

Le ministère des Soins de longue durée devrait fournir au personnel des exemples concrets des types de problèmes associés à la nouvelle menace devant être triés selon chaque niveau de risque.



 

Absence de niveau de risque

275    Outre les nombreux cas où le niveau de risque attribué par les inspecteur(trice)s du Ministère ne reflétait pas la gravité du problème soulevé, nous avons, dans notre enquête, découvert beaucoup d’exemples de plaintes pour lesquelles aucun niveau de risque pour le triage n’avait été attribué, notamment plusieurs de celles formulées par Peter.

276    Durant la première vague, un « outil de travail » compris dans le manuel des inspecteur(trice)s exigeait que le niveau de risque pour le triage soit consigné avant de classer un dossier. Il s’agissait de bien plus qu’un détail technique, puisqu’à défaut de réfléchir au risque et de lui attribuer un niveau, les inspecteur(trice)s risquaient davantage de classer un dossier concernant un problème à risque élevé sans prendre les mesures nécessaires.

277    En novembre 2021, la Direction a éliminé cet outil de travail et cette exigence. Selon la liste des changements apportés aux politiques du Ministère, la décision était justifiée par le fait qu’il « n’était désormais plus applicable et qu’on retrouvait l’information dans les documents d’orientation des politiques ». Or, nous n’avons trouvé, lors de notre enquête, aucune exigence de ce type dans les autres politiques de la Direction. Pourtant, il est essentiel, pour intervenir adéquatement, de comprendre et de consigner le risque inhérent à chaque plainte. Le Ministère devrait s’assurer que les inspecteur(trice)s indiquent clairement le niveau de risque associé à une plainte avant de classer un dossier. Il devrait aussi envisager d’ajouter à son système un champ où inscrire cette information avant de clore un dossier.

 
Recommandation 17

Le ministère des Soins de longue durée devrait obliger les inspecteur(trice)s à inscrire le niveau de risque avant de classer un dossier de plainte dans le système.



 

Trop peu trop tard

278    Raheem a eu à peu près les mêmes préoccupations que Peter concernant le foyer Altamont Care Community. Il a appelé la Ligne ACTION pour le soutien aux familles le 6 avril 2020 pour se plaindre que les mêmes préposé(e)s aux services de soutien s’occupaient à la fois des résident(e)s ayant la COVID-19 et des autres. Comme ses deux parents habitaient au foyer, il s’inquiétait pour leur santé.

279    Le 8 avril, une inspectrice du Ministère a appelé Raheem, qui lui a demandé pourquoi les résident(e)s atteint(e)s de la COVID-19 étaient placé(e)s en quarantaine dans des chambres où se trouvaient aussi des résident(e)s non infecté(e)s. Elle a répondu qu’une enquête auprès du foyer était prévue concernant ses pratiques. Selon les documents que nous avons examinés, l’inspectrice a envoyé un courriel au bureau de santé publique de Toronto le jour même pour demander un « retour rapide » afin de discuter de « quelques » plaintes concernant Altamont. Des 517 dossiers de plainte du Ministère que nous avons examinés, il s’agissait d’un des deux seuls cas où un(e) inspecteur(trice) indiquait avoir communiqué avec les autorités sanitaires pour une plainte.

280    Le 9 avril, l’inspectrice a procédé à une enquête téléphonique auprès de la personne responsable de l’administration et de la direction des soins, et consigné ceci au dossier :

[Traduction]
Selon la configuration de la chambre, il est impossible pour certain(e)s résident(e)s, même en ayant des lits sur roues placés aussi loin que possible les uns des autres, de respecter la distance de deux mètres; par contre, les rideaux sont tirés pour créer une zone d’isolement, et chaque résident(e) est traité(e) de façon isolée. [Le foyer] a envisagé de regrouper les résident(e)s en cohortes, mais il y aurait un risque de contamination par gouttelettes lors du déplacement. Selon [le(la) directeur(trice) des soins], si un(e) résident(e) obtenait un résultat positif à un test de dépistage, il en allait de même pour ses cochambreur(se)s, donc il n’y avait actuellement aucun cas de résidents infecté(e)s dans la même chambre que des résident(e)s non infecté(e)s. Il n’y a aucun endroit possible où isoler les personnes infectées.


281    Le 14 avril, Raheem a déposé une deuxième plainte à la Ligne ACTION pour le soutien aux familles, demandant pourquoi les résident(e)s atteint(e)s de la COVID 19 ne pouvaient pas être sorti(e)s du foyer. La Direction a ajouté la plainte au dossier déjà ouvert, et l’inspectrice a appelé Raheem pour lui faire part des « stratégies de gestion » du foyer. Elle a aussi écrit au dossier que le bureau de santé publique de Toronto n’avait pas répondu à son courriel du 8 avril, et qu’elle avait fait part à son(sa) chef(fe) de ses « préoccupations concernant l’impossibilité pour le foyer d’isoler les résident(e)s ». Malgré cela, elle a classé le dossier contenant les deux plaintes de Raheem. Elle n’a pris aucune autre mesure, et n’a pas inscrit le niveau de risque pour les résident(e)s.

282    Le 12 mai, Raheem a appelé la Ligne ACTION une troisième fois. Son père avait contracté la COVID-19 au foyer. Raheem avait fait venir une ambulance deux fois au foyer, mais chaque fois, elle avait dû repartir vide. Il a ajouté que son père est décédé de la COVID-19 au foyer, et étant gravement déshydraté, et que le foyer refusait de lui remettre le dossier médical. De plus, sa mère avait maintenant contracté la COVID-19 au foyer et était hospitalisée. Selon les notes au dossier, Raheem « suppliait le Ministère d’aider ce foyer ». En réponse à cette plainte, un(e) agent(e) de triage a noté les manquements potentiels sur divers plans et inscrit au dossier « Niveau de risque 3; inspection requise ».

283    Le 14 mai, un(e) inspecteur(trice) a appelé Raheem, qui disait être très en colère parce que le foyer n’ait pas permis à son père d’aller à l’hôpital avant sa mort, et envisager des poursuites. La Direction a procédé à une inspection, qui a commencé le 21 mai, soit dans les délais prescrits par le Ministère. Celle-ci a permis de constater la non-conformité du foyer à plusieurs égards. Le rapport d’inspection n’a toutefois été publié que le 29 juillet. L’inspecteur(trice) aurait appelé Raheem pour lui transmettre les résultats de l’enquête, mais il n’y a aucune note sur la teneur de leur conversation dans le dossier du Ministère.

284    Lorsque nous avons questionné le Ministère sur le traitement des plaintes de Raheem, un(e) chef(fe) nous a dit que la Direction aurait pu lancer une inspection sur place dès le début, mais que cela aurait « probablement été trop tard ». Il(elle) a ajouté que la situation était vraiment chaotique et que c’est quelque chose qu’il(elle) ne voulait pas revivre.

285    À la question de savoir pourquoi la plainte s’était vu attribuer un niveau de risque 3, un(e) autre chef(fe) a reconnu que l’incapacité d’isoler les résident(e)s et de contrôler la propagation de la COVID-19 constituait un « terrible risque ». Il(elle) a cependant ajouté que la Direction de l’inspection « n’avait aucune solution » à ce stade, « ne savait pas quoi faire » et « n’avait personne de formé ». Il(elle) a aussi émis des doutes quant à ce qu’il était possible d’inspecter; en effet, l’âge et la configuration du foyer étaient des facteurs, et la décision du foyer de ne pas laisser les résident(e)s aller à l’hôpital reposait sur la décision clinique d’un(e) médecin.

 

Interprétation stricte

286    Les échanges entre Raheem et la Direction de l’inspection ressemblaient beaucoup à ceux entre cette dernière et Peter. Dans les deux cas, on constate la stricte interprétation par la Direction de son propre mandat durant la première vague, même lorsque la sécurité des résident(e)s était sérieusement en jeu.

287    Dans chaque cas, le(la) gestionnaire des inspections avait dit qu’il était impossible pour le foyer de soins de longue durée d’isoler les résident(e)s atteint(e)s de COVID-19 des autres en raison de sa « capacité » et de sa configuration. Il(elle) nous a par ailleurs dit que le Ministère ne pouvait mener une inspection à ce sujet. De plus, quelques chef(fe)s nous ont dit que la Direction ne pouvait pas enquêter sur la décision des foyers d’envoyer ou non les résident(e)s à l’hôpital.

288    On ignore toutefois comment le Ministère en est venu à ces conclusions. L’article 5 de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée (la loi en vigueur à ce moment-là) précise que les résident(e)s ont droit à un milieu sûr et sécuritaire[105]. Selon le « protocole d’inspection » qu’utilise la Direction lorsqu’un problème est signalé, intitulé « Foyer sûr et sécuritaire », un « environnement non sécuritaire » peut découler de toute situation comportant un risque de préjudice, soit :

Tout effet, situation ou circonstance entourant et touchant le résident qui peut causer des blessures physiques ou entraîner un risque de blessure[106].


289    Avec une si large définition, la Direction aurait pu faire des inspections pour à peu près tout problème posant un risque pour les résident(e)s. Or, dans les cas de Peter et Raheem, le Ministère n’a pas inspecté la cohabitation de résident(e)s infecté(e)s et non infecté(e)s, et n’avait donc aucun moyen de savoir si la capacité et la configuration du foyer étaient les seuls facteurs expliquant la propagation du virus. En outre, dans le cas de Raheem, le Ministère n’a pas non plus colligé de preuves pour justifier sa conclusion selon laquelle la non-hospitalisation de son père relevait d’une décision clinique.

290    La Direction de l’inspection ne devrait pas limiter indûment son pouvoir d’inspection lorsqu’une plainte allègue un risque pour un(e) résident(e). Si un(e) plaignant(e) soulève des préoccupations sur une question de sécurité, de mauvais traitements ou de négligence, la Direction devrait user de son pouvoir législatif pour procéder à une inspection et, au besoin, prendre les mesures d’exécution appropriées.

 
Recommandation 18

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier les politiques et protocoles de la Direction de l’inspection pour obliger les inspecteur(trice)s à adopter une approche large et inclusive des problèmes justifiant une inspection, et énoncer clairement le pouvoir d’inspection de la Direction suivant une plainte indiquant qu’un(e) résident(e) pourrait subir un préjudice en raison des actes ou omissions du foyer.



 

Notes manquantes

291    L’expérience de Raheem démontre aussi la difficulté du Ministère à consigner adéquatement les appels et autres communications liés aux plaintes.

292    La Direction de l’inspection n’enregistre pas ses appels avec les plaignant(e)s, mais a une politique obligeant les inspecteur(trice)s à prendre des notes sur les échanges téléphoniques. Lors de notre examen de centaines de dossiers de plainte du Ministère, nous avons découvert que les inspecteur(trice)s modifiaient invariablement les données dans le système suivant un appel. Par contre, la qualité des notes variait grandement d’un dossier à l’autre, et plusieurs éléments consignés ne donnaient aucune information pertinente sur le but ou la teneur de la discussion.

293    Dans le cas de Raheem, on sait que la dernière communication de l’inspecteur(trice) avec lui a eu lieu « au téléphone », mais il n’y a aucune note à ce sujet. On ignore donc ce que l’inspecteur(trice) lui a dit et ce qu’il a répondu.

294    Nous avons repéré des problèmes semblables pour d’autres types d’échanges. Les appels aux bureaux de santé publique étaient mal consignés et on ne trouvait habituellement aucune information pertinente concernant les appels de soutien et de suivi auprès des foyers de soins de longue durée dans les dossiers de plainte. Il s’agit d’un problème, puisque certain(e)s chef(fe)s se rappelaient de situations où la Direction s’était fiée à cette information pour décider de l’intervention. Sans détail, il est impossible d’évaluer la pertinence de l’intervention de la Direction suivant une plainte.

295    Nous-mêmes, en tant que tierce partie, avons trouvé difficile d’utiliser ces notes pour reconstituer le récit de chaque dossier, vu les énormes écarts de qualité. Sans compter que si les notes sont de mauvaise qualité, la Direction n’est pas en mesure de bien évaluer le travail de son personnel, de préparer des documents d’information sur des problèmes particuliers et de suivre les tendances.

296    Un processus d’inspection rigoureux et fiable requiert une consignation minutieuse. Le Ministère devrait s’assurer que toutes les activités pertinentes sont consignées dans les dossiers de plainte, y compris la teneur des communications avec les plaignant(e)s, les foyers de soins de longue durée et les tiers. Les chef(fe)s gagneront aussi à avoir des notes détaillées, puisqu’ils(elles) doivent vérifier 5 % des dossiers d’inspection et d’enquête.

297    Le Ministère devrait envisager d’enregistrer les appels avec les plaignant(e)s pour avoir un compte rendu détaillé des échanges et faciliter la tâche des cadres vérifiant les dossiers à des fins de qualité et de formation.

298    Il devrait aussi s’assurer que toute l’information servant à la prise de décisions concernant les interventions suivant une plainte, comme les appels de soutien et de suivi auprès des foyers de soins de longue durée, est clairement consignée dans le dossier de plainte.

 
Recommandation 19

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que toutes les communications pertinentes sont minutieusement consignées dans les dossiers de plainte, notamment celles avec les plaignant(e)s, les foyers de soins de longue durée et les tiers.

 
Recommandation 20

Le ministère des Soins de longue durée devrait envisager d’enregistrer les appels entre la Direction et les plaignant(e)s, et verser ces enregistrements dans les dossiers de plainte afin de garantir des dossiers plus précis et plus complets et de faciliter la tâche des cadres vérifiant les dossiers à des fins de qualité et de formation.

 
Recommandation 21

Le ministère des Soins de longue durée devait s’assurer que toute l’information servant à la prise de décisions concernant les interventions suivant une plainte est clairement consignée dans le dossier de plainte.



 

« Échec lamentable »

299    Le 18 mai 2020, Soren a appelé la Ligne ACTION pour le soutien aux familles pour se plaindre du nombre croissant de cas de COVID-19 au foyer Extendicare Guildwood où habitait son père. Il avait remarqué que le personnel infirmier passait des zones d’infection aux zones sans contamination et vice-versa. Soren craignait que tout le foyer soit infecté d’ici la fin de la semaine.

300    Le 22 mai, Soren a rappelé la Ligne ACTION pour dire que personne n’avait fait de suivi avec lui. Il craignait que le virus se propage et voulait s’assurer que le foyer suivait les bonnes directives.

301    Le 28 mai, Soren a rappelé une troisième fois, disant que 10 jours s’étaient écoulés depuis son premier appel et qu’il n’avait toujours eu aucune nouvelle. Il a dit qu’il y avait eu 20 décès de résident(e)s en 10 jours et qu’il voulait obtenir de l’information avant de retirer son père du foyer.

302    Le 4 juin – soit plus de deux semaines après la première plainte de Soren – un inspecteur du Ministère l’a appelé, lui a lu quelques « messages clés » et lui a dit que le gouvernement et les autorités sanitaires locales étaient régulièrement en communication avec le foyer. L’inspecteur a ajouté que l’hôpital local avait récemment évalué les pratiques de contrôle et de prévention des infections du foyer et faisait le suivi pour assurer la sécurité des résident(e)s. Soren a soulevé beaucoup de problèmes, notamment le fait que les membres du personnel ne portaient pas toujours de gants, les délais de réception des résultats aux tests de dépistage, des résident(e)s voulant boire de l’eau mais n’arrivant pas à trouver de personnel, un manque de personnel « alarmant » et sa propre difficulté à obtenir un test de dépistage pour son père. L’inspecteur a reconnu la frustration et les craintes de Soren, disant que c’était une période difficile, avant d’annoncer que le dossier serait classé. Selon les notes, Soren aurait eu du mal à réprimer un rire sarcastique, s’exprimant sur le délai de réponse du Ministère :

« Je ne pense pas qu’il devrait y avoir le mot ACTION dans le nom de votre ligne [de service]. »


303    Lorsqu’il a classé le dossier, l’inspecteur a écrit que le « problème de contrôle de l’infection était réglé ». Il a aussi noté que Soren allait discuter avec les responsables du foyer concernant un test pour son père, et rappellerait le Ministère si d’autres problèmes survenaient. Mais dans son commentaire de classement du dossier, l’inspecteur n’a pas noté le niveau de risque pour le triage pour la plainte de Soren.

304    Questionné sur sa gestion du dossier, le Ministère nous a répondu que la Direction aurait dû exiger une inspection dans ce cas.

305    Nous avons demandé à un(e) fonctionnaire du Ministère son avis sur le temps qu’avait mis la Direction à répondre à Soren, ce à quoi il(elle) a répondu : « C’est un échec lamentable. C’est, oui, le genre de cas qui me brise le cœur. »

 

Le Ministère en action

306    Bien que les inspecteur(trice)s du Ministère aient souvent rappelé dans les jours suivants, il est arrivé – comme dans le cas de Soren – que des plaignant(e)s attendent des semaines, voire des mois, avant d’obtenir une réponse.

307    Durant la première vague, les inspecteur(trice)s du Ministère devaient répondre aux plaintes dans les deux jours ouvrables. Nous avons constaté bien des cas où, malgré le nombre considérable de dossiers à traiter, ce délai a été respecté.

308    Par contre, ce n’était pas systématique. La Direction a mis plus de deux semaines pour communiquer avec Soren concernant la flambée de COVID-19 ayant coûté la vie de 48 résident(e)s. Il a appelé la Ligne ACTION pour le soutien aux familles trois fois en 10 jours avant qu’on lui réponde.

309    Dans le cas de Peter, sa troisième plainte est restée sans réponse de la Direction pendant 50 jours, délai dans lequel sa mère est décédée.

310    On nous a aussi parlé d’un(e) plaignant(e) ayant envoyé un courriel au premier ministre le 9 avril 2020 parce qu’il(elle) n’arrivait pas à faire passer un test de dépistage à un de ses parents malades habitant un foyer de soins de longue durée. Le bureau du premier ministre a acheminé le courriel à la Direction de l’inspection dans la même semaine, pourtant quatre semaines se sont écoulées avant qu’un(e) inspecteur(trice) appelle le(la) plaignant(e).

311    Durant cette période, le traitement des plaintes graves sans lien avec la COVID 19 accusait aussi des retards. Par exemple, il a fallu plus de deux mois à la Direction pour communiquer avec un(e) plaignant(e) ayant appelé à la fin mars 2020 pour déposer une telle plainte. Cette personne avait rappelé trois autres fois dans l’espoir d’obtenir un service plus rapide. Dans un autre cas, une résidente d’un foyer de soins de longue durée avait appelé le 24 avril 2020, alléguant avoir été agressée par un(e) autre résident(e). Elle n’a reçu une réponse d’un(e) inspecteur(trice) que le 16 juin, soit 53 jours plus tard.

312    Lorsque la Direction ne rappelait pas, il arrivait que les plaignant(e)s prennent les choses en main. Une femme a appelé deux fois la Ligne ACTION pour le soutien aux familles en mai 2020 pour un problème d’éclosion de COVID-19 au foyer de soins de longue durée Heron Terrace. Étant sans nouvelle après une semaine, elle a écrit directement à un(e) haut(e) fonctionnaire du Ministère pour lui faire part de sa déception à l’égard des inspecteur(trice)s de la Direction. Le(la) haut(e) fonctionnaire a transféré le message à la directrice de la Direction de l’inspection, précisant avoir parlé directement à la plaignante. Un(e) inspecteur(trice) a finalement appelé cette dernière quelques jours plus tard.

313    Un(e) membre du personnel du Ministère a fait ce commentaire : « Nous aurions dû pouvoir répondre plus rapidement… Vous savez, nous avons vraiment laissé tomber beaucoup de gens. »

314    On nous a dit que parfois, les délais de réponse du Ministère étaient attribuables à une confusion administrative, soit la difficulté de savoir si quelqu’un avait appelé le(la) plaignant(e); la Direction avait depuis modifié son système pour que le personnel puisse déterminer plus facilement les personnes à joindre.

315    Or, la plupart du temps, la lenteur de la réponse s’expliquait par la pénurie de personnel à la Direction durant cette période. Le nombre important de plaintes, combiné au manque de personnel pour y répondre, a occasionné des retards susceptibles d’avoir de graves conséquences. La Direction de l’inspection n’a pas toujours l’information nécessaire pour évaluer les risques si elle ne s’est pas entretenue en bonne et due forme avec le(la) plaignant(e). C’est pourquoi il est essentiel de communiquer avec les plaignant(e)s rapidement.

316    En février 2023, le gouvernement a annoncé l’embauche de 193 personnes supplémentaires pour les inspections dans les foyers de soins de longue durée, dont 156 inspecteur(trice)s. La Direction de l’inspection a aussi changé sa politique pour préciser qu’elle répondra aux plaintes en un jour ouvrable. Si la Direction maintient son niveau de dotation, les inspecteur(trices) recrues devraient pouvoir aider le Ministère à atteindre ses objectifs. Pour encadrer la rapidité des services, la Direction doit faire vérifier régulièrement ses dossiers afin de s’assurer de respecter la norme de service d’un jour ouvrable pour répondre aux plaintes.

 
Recommandation 22

Le ministère des Soins de longue durée devrait vérifier régulièrement ses dossiers afin de s’assurer de respecter la norme de service d’un jour ouvrable pour répondre aux plaintes.



 

Coordination avec les bureaux de santé publique

317    Lors de notre examen, nous avons relevé peu d’indications selon lesquelles les inspecteur(trice)s du Ministère avaient communiqué avec d’autres organismes, comme les bureaux de santé publique, concernant les problèmes soulevés dans les plaintes. Sur les 517 dossiers de plainte examinés, nous n’avons trouvé que deux cas où un(e) inspecteur(trice) l’a fait. Le cas de Raheem était une exception notable; les dossiers du Ministère indiquent pour ces plaintes que le bureau de santé publique n’a pas répondu au courriel d’avril 2020 de l’inspectrice, qui n’a jamais fait de suivi.

318    Nous avons questionné le Ministère sur son approche pour faire part d’un problème aux autorités sanitaires. Nous avons appris qu’il y avait eu un manque de coordination et de communication durant la première vague de la pandémie. On nous a parlé de cas où des inspecteur(trice)s ont tenté en vain de communiquer avec leurs homologues de la santé publique. Certains responsables de bureaux de santé publique avaient demandé une lettre d’autorisation avant de prendre les appels. On nous a aussi dit que les inspecteur(trice)s et leurs chef(fe)s ne savaient souvent pas qui contacter lorsque la pandémie a commencé. Il s’agissait d’un défi, car on compte 34 bureaux de santé publique ayant chacun leurs personnes-ressources.

319    Les fonctionnaires du Ministère nous ont d’abord dit qu’aucune politique ni aucun processus ne traitait des échanges avec les bureaux de santé publique ou les tiers concernant une plainte, notamment des situations où il faut le faire et de la marche à suivre. En revanche, la communication s’est graduellement améliorée dans les vagues subséquentes. En avril 2022, le Ministère nous a dit qu’il travaillait sur des « propositions de cadres de règles » pour l’échange d’information avec les bureaux.

320    Vu l’importance de l’échange d’information, le Ministère doit adopter une politique énonçant clairement quand les inspecteur(trice)s doivent faire appel aux bureaux de santé publique en lien avec une plainte. Cette politique doit aussi préciser l’information pouvant leur être transmise.

 
Recommandation 23

Le ministère des Soins de longue durée devrait adopter une politique énonçant clairement quand les inspecteur(trice)s doivent faire appel aux bureaux de santé publique en lien avec une plainte et l’information pouvant leur être transmise, selon la situation.



 

321    Même si les inspecteur(trice)s du Ministère avaient réussi à communiquer régulièrement avec les bureaux de santé publique concernant les plaintes durant la première vague, on ignore comment ceux-ci auraient répondu. Le plan provincial actuel relatif aux pandémies – Plan ontarien de lutte contre la pandémie de grippe de 2013 – ne précise pas le rôle que devraient jouer les bureaux de santé publique advenant une flambée dans un foyer de soins de longue durée ni la façon de coordonner leurs interventions avec le ministère des Soins de longue durée. En effet, les versions antérieures du plan comportaient un chapitre sur les foyers, mais le gouvernement l’a éliminé dans la version de 2013. Pourtant, une définition claire des rôles, des responsabilités et des ententes de coordination aurait été utile durant le chaos du début de la première vague de COVID-19.

322    Le ministère des Soins de longue durée devrait travailler avec les bureaux de santé publique pour clarifier le rôle de ces derniers dans les inspections des foyers de soins de longue durée lors de futures urgences de santé publique. Il devrait aussi les informer en amont du rôle de la Direction de l’inspection, notamment en donnant des exemples de plaintes devant lui être acheminées.

 
Recommandation 24

Le ministère des Soins de longue durée devrait travailler avec les bureaux de santé publique pour clarifier le rôle de ces derniers dans les inspections des foyers de soins de longue durée lors de futures urgences de santé publique.

 
Recommandation 25

Le ministère des Soins de longue durée devrait informer en amont les bureaux de santé publique du rôle de la Direction de l’inspection, notamment en donnant des exemples de plaintes devant lui être acheminées.



 

Limites des « messages clés » et du « soutien »

323    Lorsque Soren a appelé la Ligne ACTION pour le soutien aux familles, il voulait de toute évidence se plaindre de problèmes précis dans le foyer de soins de longue durée où habitait son père. Or, plutôt que de donner suite à ses préoccupations en lançant une inspection, l’inspecteur(trice) lui a plutôt récité des « messages clés » » avant de classer son dossier de plainte.

324    L’expérience de Soren n’est pas unique. Selon les dossiers de plainte que nous avons examinés, durant la première vague, la Direction de l’inspection a classé beaucoup de dossiers après un seul appel au(à la) plaignant(e), sans autre intervention.

325    On nous a dit que c’était parce qu’une grande proportion des appels étaient en fait des questions, des préoccupations ou des plaintes sur les directives gouvernementales en général, et que dans ces cas, les inspecteur(trice)s ne pouvaient faire un peu plus que juste lire les messages clés approuvés. Un(e) gestionnaire des inspections nous a dit que dans ces cas, les inspecteur(trice)s donnaient l’information, expliquaient à l’appelant(e) que la Direction ne pouvait faire une inspection pour ce type de problème, puis classaient le dossier.

326    Dans les notes que nous avons examinées, il était parfois difficile de déterminer si les messages clés étaient la bonne réaction ou si une inspection aurait dû avoir lieu. Le propre système du Ministère ne distingue pas les « plaintes réelles », qui requièrent un triage et potentiellement une inspection, et les questions ou les demandes de renseignements où de l’information générale peut suffire. Cette confusion a probablement été amplifiée par le changement de nom pour « Ligne ACTION pour le soutien aux familles ».

327    Bien qu’il ait été extrêmement pertinent durant la première vague de pouvoir accéder à une ressource gouvernementale pour répondre aux questions sur les soins de longue durée, il y avait une confusion générale concernant la décision de confier cette tâche aux inspecteur(trice)s du Ministère. Les personnes appelant dans l’espoir qu’il y ait une inspection à la suite de leur plainte recevaient plutôt du « soutien », et les inspecteur(trice)s, réalisant habituellement les inspections de conformité, devaient épauler les appelant(e)s durant une période de crise difficile.

328    À ce jour, la ligne téléphonique pour formuler une plainte sur les soins de longue durée s’appelle toujours la Ligne ACTION pour le soutien aux familles. Or, considérant le rôle de la Direction de l’inspection, le Ministère devrait retirer le terme « soutien » du nom et adopter un nom reflétant mieux le mandat réel de la Direction.

 
Recommandation 26

Le ministère des Soins de longue durée devrait retirer le terme « soutien » du nom de son service de plainte et adopter un nom reflétant mieux la fonction de la ligne, soit permettre aux personnes de formuler une plainte en vue d’un examen et d’une prise de mesures par le Ministère.



 

329    Nous avons examiné de nombreux dossiers où des plaignant(e)s comme Soren ont soulevé des problèmes qui, au premier abord, semblaient poser un risque grave pour la santé et la sécurité des résident(e)s, mais ont été classés après que l’inspecteur(trice) ait fait part aux plaignant(e)s des « messages clés ». Dans bien des cas, on ignore pourquoi ces messages étaient considérés comme une réponse appropriée au problème soulevé. Le Ministère devrait établir des critères précis pour différencier les plaintes des demandes de renseignements plus générales. Il devrait aussi exiger que son personnel traite tous les dossiers n’étant clairement pas des questions ou des demandes de renseignements comme des plaintes nécessitant un triage et une inspection. En outre, s’il s’agit d’une question ou d’une demande de renseignements, il faudrait l’écrire clairement, et compiler séparément les statistiques pour ces cas. Ainsi, le Ministère serait mieux en mesure de distinguer les dossiers de plainte des simples questions et demandes de renseignements, et de s’assurer que les inspecteur(trice)s ont bien évalué s’il s’agissait d’une question, d’une demande de renseignements ou d’une plainte.

 
Recommandation 27

Le ministère des Soins de longue durée devrait établir des critères pour différencier les plaintes des questions et demandes de renseignements, et exiger que son personnel traite tous les dossiers n’étant clairement pas une question ou une demande de renseignements comme des plaintes nécessitant un triage et une inspection.

 
Recommandation 28

Le ministère des Soins de longue durée devrait demander à son personnel d’écrire clairement dans le dossier s’il s’agit d’une question, d’une demande de renseignements ou d’une plainte.

 
Recommandation 29

Le ministère des Soins de longue durée devrait compiler séparément les statistiques concernant les plaintes et celles des demandes de renseignements.



 

Enquêtes accélérées

330    Même lorsqu’elle fonctionne normalement, la Direction de l’inspection peut mener une « enquête » auprès d’un foyer de soins de longue durée – plutôt qu’une inspection – pour les plaintes non résolues, mais présentant un « faible risque ». La procédure est à peu près la même que celle des rapports d’incidents graves. En 2019, la Direction a fait entrer plus de 8 000 dossiers dans la catégorie des enquêtes. Habituellement, une plainte donne lieu à une enquête du Ministère si, au triage, elle se voit attribuer le niveau de risque 1 ou 2. Une enquête vise à vérifier si le foyer respecte la législation et ne débouche pas sur la publication d’un rapport officiel. La marche à suivre est prévue dans les lois encadrant les soins de longue durée, qui précisent que le Ministère doit « effectuer une inspection ou mener une enquête » dans certains cas[107]. Tous les dossiers ne menant pas à une inspection sont qualifiés de « dossiers d’enquête », même si l’inspecteur(trice) ne fait rien.

 

Processus d’enquête habituel

331    Le Ministère a instauré un processus écrit pour les dossiers devant mener à une enquête. L’inspecteur(trice) procède à une enquête seulement si le problème n’est pas résolu, présente un faible risque et n’a pas récemment donné lieu à une inspection. Dans un dossier de plainte, la Direction permet d’abord au(à la) plaignant(e) d’essayer de régler le problème directement avec le foyer. Si cette option est retenue, la Direction classe le dossier sans enquêter.

332    Après confirmation qu’il y aura enquête, l’inspecteur(trice) prépare un plan et décide si l’enquête se fera « sur place » (au foyer de soins de longue durée) ou « à distance ». Par défaut, les enquêtes se font à distance, normalement dans les 90 jours ouvrables.

333    Lors d’une enquête à distance sur une plainte, l’inspecteur(trice) utilise le questionnaire existant pour interroger les membres du personnel du foyer. S’il y a lieu, il(elle) demande les documents pertinents, comme les programmes de soins ou les procès-verbaux des réunions.

334    L’inspecteur(trice) établit ensuite les étapes suivantes. Dans la plupart des cas, le dossier est classé ou mène à une inspection. Après l’enquête, l’inspecteur(trice) est censé(e) appeler le(la) plaignant(e) dans les deux jours ouvrables pour discuter des résultats. Si des cas de non-conformité présentant un faible risque sont repérés, il faut en informer le(la) plaignant(e).

 

Enquêtes durant la pandémie

335    Si les enquêtes étaient monnaie courante avant la pandémie, la Direction y a recouru de façon aussi inattendue qu’inédite durant la première vague de la pandémie.

336    Autour du 20 mars 2020, un changement interne a été apporté au processus du Ministère, et tous les cas liés à la COVID-19 ont d’abord été intégrés à la catégorie des « enquêtes », non pas parce que chaque dossier était considéré comme présentant un faible risque, mais plutôt en raison d’une méthode administrative de transfert des dossiers aux inspecteur(trice)s, désormais chargé(e)s de recevoir les plaintes.

337    Même si ces dossiers entraient dans la catégorie des « enquêtes », les inspecteur(trice)s du Ministère n’étaient pas supposé(e)s enquêter auprès des foyers de soins de longue durée sur des dossiers en particulier. Cette directive avait été communiquée aux inspecteur(trice)s le 18 mars 2020 par la directrice de la Direction de l’inspection, puis les chef(fe)s des bureaux régionaux de services l’avaient ensuite répétée.

338    Même si quelques inspecteur(trice)s à qui nous avons parlé se rappelaient avoir mené des enquêtes durant cette période, nous avons constaté dans beaucoup de dossiers qu’on avait dit aux plaignant(e)s qu’il n’était pas possible de communiquer avec un foyer donné en raison d’un moratoire sur les enquêtes. Dans un dossier daté du 27 mars 2020, un(e) inspecteur(trice) écrivait [traduction] « le Ministère ne mène pas d’enquêtes en ce moment, donc l’inspecteur ne peut s’informer de ce résident en particulier ». Dans un autre dossier, un inspecteur avait indiqué le 4 mai avoir dit à un(e) plaignant(e) que le Ministère avait temporairement « suspendu les enquêtes et les inspections en raison de la pandémie ».

339    Toutefois, on nous a aussi dit que des inspecteur(trice)s s’informaient des préoccupations des plaignant(e)s lors des appels de soutien et de suivi. Dans les dossiers de plainte de la fin mars 2020 que nous avons examinés, des inspecteur(trice)s avaient demandé aux foyers si les visites essentielles étaient justifiées pour des résident(e)s en particulier, si les visites non essentielles étaient toujours autorisées, si les absences de courte durée étaient permises malgré leur interdiction par le gouvernement et si des résident(e)s s’étaient vu refuser l’accès au foyer après une absence. Plusieurs « enquêtes » avaient aussi eu lieu en avril 2020.

340    Nous avons aussi passé en revue les courriels du Ministère concernant des cas où des chef(fe)s de la Direction avaient expressément demandé aux inspecteur(trice)s d’enquêter auprès de foyers sur des problèmes, malgré la directive générale opposée.

341    Puisque des inspecteur(trice)s avaient poursuivi les enquêtes durant la première vague, certaines enquêtes sur des problèmes présentant un faible risque ont eu lieu bien avant les inspections pour des plaintes présentant un risque élevé. Durant la première vague, beaucoup des enquêtes étaient entreprises par les inspecteur(trice)s un ou deux jours ouvrables après que la Direction de l’inspection ait reçu la plainte, parfois le jour même. En revanche, la Direction avait mis des semaines, voire des mois, à intervenir face à certains problèmes présentant un risque élevé vu l’interruption des inspections sur place et les retards accumulés. Cette priorisation inversée va à l’encontre de la politique du Ministère, qui exige la tenue d’inspections sur les problèmes présentant un risque élevé bien avant la réalisation d’enquêtes sur des questions présentant un risque faible.

 

Nécessité d’un faible enjeu

342    Les enquêtes sont censées être réservées aux dossiers présentant un risque faible. Mais durant la première vague, la Direction de l’inspection a enquêté sur des plaintes liées à la COVID-19 semblant présenter un risque grave pour les résident(e)s. Dans le cas de Raheem, un(e) inspecteur(trice) du Ministère avait enquêté auprès du foyer à propos de la propagation de la COVID-19 et la capacité de l’établissement à isoler les personnes infectées des autres. L’inspecteur(trice) avait appris que le foyer ne pouvait pas isoler les gens et que le virus se propageait facilement entre les personnes infectées et leurs cochambreur(se)s. La situation semblait avoir préoccupé l’inspecteur(trice), qui avait alerté un(e) gestionnaire des inspections, avant de classer le dossier sans autre intervention.

343    Dans un autre cas datant d’avril 2020, un(e) inspecteur(trice) avait enquêté sur la présumée agression d’un(e) résident(e) par un(e) membre du personnel qui aurait mené à une hospitalisation. Nous ignorons pourquoi ce cas a d’abord été inclus dans la catégorie des enquêtes; sans doute parce qu’aucune inspection n’était menée à ce moment-là et que le seul moyen pour l’inspecteur(trice) de faire la lumière sur cette grave allégation était d’appeler le foyer[108].

344    Le Ministère devrait s’assurer que les inspecteur(trice)s évaluent tous les dossiers conformément aux critères du niveau de risque pour le triage établis dans la politique de la Direction et ne recourent aux enquêtes que pour les enjeux présentant un risque faible ou nul pour les résident(e)s.

 
Recommandation 30

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer qu’il y a une enquête seulement dans les cas présentant un risque faible ou nul pour les résident(e)s des foyers de soins de longue durée. Les enjeux présentant un risque plus élevé devraient mener à une inspection, conformément à la politique du Ministère.



 

345    Pour évaluer le niveau de risque d’une situation touchant un(e) résident(e), la Direction vérifie uniquement si le même problème a déjà été signalé trois fois dans les six derniers mois pour cette même personne. Le Ministère ne cherche donc pas à savoir si des plaintes semblables ont été déposées pour d’autres résident(e)s. Concernant les problèmes d’ordre opérationnel ou environnemental touchant le foyer, le Ministère les considère comme une « tendance » s’ils ont été signalés trois fois en six mois. Même si ce seuil semble approprié pour certains problèmes, d’autres ont plutôt une nature cyclique ou durent plus longtemps (p. ex., températures saisonnières ou éclosions de maladie). Pour établir qu’un problème présente un risque faible, le Ministère doit s’assurer d’avoir analysé de façon sérieuse les tendances et tenu compte des différentes manifestations possibles du problème dans un foyer. Par exemple, si le problème a été soulevé pour plusieurs résident(e)s d’un même foyer sur une courte période, il pourrait s’agir d’une tendance digne d’inspection.

346    Pour être sûre qu’un problème présente un risque faible – donc requiert une enquête plutôt qu’une inspection –, la Direction doit avoir fait suffisamment de recherches pour confirmer qu’il ne s’inscrit pas dans une tendance plus générale observée au foyer. Le Ministère doit améliorer sa démarche d’évaluation des tendances pour qu’elle tienne compte des situations où le même problème a été soulevé pour plusieurs résident(e)s d’un même foyer. Il doit aussi s’assurer que les inspecteur(trice)s ont la latitude nécessaire pour évaluer les tendances à long terme.

 
Recommandation 31

Le ministère des Soins de longue durée devrait améliorer sa démarche d’évaluation des tendances pour tenir compte des situations où le même problème a été soulevé pour plusieurs résident(e)s d’un même foyer.

 
Recommandation 32

Le ministère des Soins de longue durée devrait aussi s’assurer que les inspecteur(trice)s ont la latitude nécessaire pour évaluer les tendances à long terme si un problème risque d’être saisonnier.



 

347    Les cadres de la Direction de l’inspection devraient jouer un rôle prépondérant dans l’assurance que seuls les problèmes présentant un risque faible débouchent sur une enquête. Nous avons découvert lors de notre enquête que les chef(fe)s n’examinent ou n’approuvent pas toujours les dossiers classés comme relevant d’une enquête, ce qui signifie que rien n’est fait pour vérifier qu’aucun problème présentant un risque élevé n’est oublié.

348    Cela s’est produit dans le cas de Soren. Il avait signalé des problèmes graves dans le foyer où habitait son père : membres du personnel ne portant pas de gants, retards dans l’obtention des résultats aux tests de dépistage, manque « alarmant » de personnel, etc. L’inspecteur(trice) avait traité ce cas comme un dossier d’enquête et l’avait classé sans même qu’il y ait eu enquête. Après avoir lu le dossier, un(e) haut(e) fonctionnaire du Ministère nous a dit : « Un cas comme celui-là ne devrait jamais être considéré comme [un dossier d’]enquête. »

349    La Direction a bien, en théorie, un processus de vérification permettant de repérer après coup les dossiers d’enquête classés par erreur. Conformément à ses politiques, les chef(fe)s doivent examiner 5 % des dossiers d’inspection et 5 % des dossiers d’enquête. Pour ces derniers, la vérification doit déterminer si la décision de classer le dossier sans exiger d’inspection était appropriée et si l’inspecteur(trice) a communiqué avec le(la) plaignant(e) avant et après l’enquête. Au moins un(e) des gestionnaires des inspections avec qui nous avons parlé ignorait qu’il y avait une exigence de vérification pour les enquêtes; il(elle) nous a dit que la Direction ne vérifiait que les dossiers débouchant sur une inspection.

350    Vu les graves conséquences associées à l’assignation de la mauvaise catégorie à une plainte, le Ministère doit en faire plus pour valider que les dossiers d’enquête classés visent réellement un problème présentant un risque faible. Il devrait améliorer son programme de vérification actuel pour que l’ensemble des chef(fe)s connaissent et respectent l’obligation de vérifier les dossiers d’enquête. Il devrait aussi accroître la surveillance, par les cadres, de la fermeture des dossiers d’enquête, entre autres en exigeant que les chef(fe)s approuvent le dossier avant son classement ou vérifient un pourcentage plus élevé de dossiers classés.

 
Recommandation 33

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les chef(fe)s de la Direction connaissent et respectent l’obligation de vérifier les dossiers d’enquête.

 
Recommandation 34

Le ministère des Soins de longue durée devrait accroître la surveillance, par les cadres, de la fermeture des dossiers d’enquête, par exemple exiger que les chef(fe)s approuvent un dossier avant son classement ou vérifient un pourcentage plus élevé de dossiers.



 

351    Si une non-conformité présentant un risque faible est relevée lors d’une enquête, l’inspecteur(trice) doit, selon la politique du Ministère, consigner cette donnée sans enquêter ni rédiger de rapport d’inspection. Ces types de cas sont donc exclus de l’historique de conformité du foyer et des décisions de la Direction concernant d’éventuelles mesures d’exécution. Plusieurs chef(fe)s et inspecteur(trice)s avec qui nous avons parlé ont émis des réserves sur cette approche. Par le passé, les inspecteur(trice)s devaient au moins informer le foyer des occurrences de non-conformité relevées durant une enquête, mais ont reçu la directive de ne plus le faire à la fin de 2021.

352    Les répercussions de ces occurrences devraient être minimes puisque seuls les problèmes présentant un risque faible doivent mener à une enquête. Cependant, le défaut d’informer les foyers de ces cas et de les inclure dans leur historique de conformité va à l’encontre du rôle de supervision du Ministère et de l’esprit de la législation. Le Ministère devrait obliger les inspecteur(trice)s à informer les foyers des occurrences de non-conformité relevées durant les enquêtes, à bien les consigner et à les prendre en compte dans l’historique de conformité.

 
Recommandation 35

Le ministère des Soins de longue durée devrait obliger les inspecteur(trice)s à informer les foyers des occurrences de non-conformité relevées durant les enquêtes, à bien les consigner et à les prendre en compte dans l’historique de conformité.



 

Des plaintes non exprimées

353    Durant la première vague, la Direction de l’inspection a reçu, à juste titre, beaucoup plus de plaintes qu’à l’habitude. Toutefois, nous avons constaté lors de notre enquête que beaucoup de personnes directement touchées par la pandémie – les résident(e)s des foyers de soins de longue durée – avaient trouvé difficile de faire part de leurs préoccupations en raison d’obstacles structurels.

354    Bien des résident(e)s ont passé de longues périodes en confinement dans leur chambre. Ceux(celles) n’ayant ni téléphone ni connexion Internet ont donc été coupé(e)s du processus de plainte, et les autres n’avaient pas l’aide nécessaire pour utiliser ces dispositifs vu les restrictions imposées aux visites et la pénurie de personnel.

355    Beaucoup de résident(e)s parlent de leurs préoccupations concernant leurs conditions de vie aux membres de leur famille, à leurs proches, aux accompagnateur(trice)s rémunéré(e)s et aux préposé(e)s aux services de soutien à la personne, qui les transmettent ensuite au Ministère. Mais durant la première vague, ces personnes avaient très peu de contacts avec les résident(e)s[109]. Par ailleurs, les conseils des résident(e)s[110] de nombreux foyers ont cessé leurs activités durant la première vague, n’étant pas jugés essentiels par les établissements et le Ministère, même s’ils jouent habituellement une fonction essentielle en communiquant les préoccupations des résident(e)s.

356    De plus, le Ministère ayant interrompu les inspections sur place pendant plus de sept semaines, les résident(e)s ne pouvaient donc pas parler de leurs préoccupations de vive voix avec un(e) inspecteur(trice), et ces dernier(ère)s ne pouvaient pas observer les problèmes.

357    Les résident(e)s des foyers de soins de longue durée doivent en tout temps avoir un moyen concret d’exprimer leurs préoccupations concernant leur sécurité et leurs soins. Au cours d’une future urgence de santé publique, le Ministère devrait faire tout ce qui est raisonnablement possible pour qu’ils(elles) puissent accéder aux mécanismes habituels pour les plaintes relatives à leur sécurité et à leurs soins. Pour cela, il doit notamment s’assurer qu’ils(elles) peuvent communiquer directement avec lui lors d’une éclosion et de toute autre situation d’urgence.

 
Recommandation 36

Le ministère des Soins de longue durée devrait vérifier que les résident(e)s des foyers de soins de longue durée ont véritablement accès aux mécanismes de plainte habituels lors d’une flambée épidémique et de toute autre situation d’urgence.



 

358    Nos enquêteur(euse)s ont aussi entendu que des lanceur(euse)s d’alerte potentiel(le)s ne se sentaient pas suffisamment protégé(e)s pour communiquer avec la Direction de l’inspection dans les premiers jours de la pandémie.

359    La Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée et la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée qui l’a remplacée visent à protéger le personnel et les résident(e)s des foyers de soins de longue durée ainsi que les membres de leur famille et d’autres personnes contre les représailles suivant le dépôt d’une plainte auprès de certains organismes. Plus particulièrement, la législation interdit à quiconque d’exercer (ou de menacer d’exercer) des représailles contre une personne communiquant de l’information à un(e) inspecteur(trice) du Ministère, au(à la) directeur(trice) de la Direction de l’inspection ou dans le cadre d’une instance au titre des lois sur les soins de longue durée ou de la Loi sur les coroners[111]. Elle interdit aussi aux foyers de soins de longue durée et à leur personnel d’essayer de dissuader quelqu’un de signaler un problème. Constitue une infraction le fait d’exercer des représailles contre une personne portant plainte ou de tenter d’empêcher le dépôt d’une plainte.

360    Dans notre enquête, nous avons recensé peu de plaintes déposées par personnel auprès de la Direction de l’inspection durant la première vague. En avril 2020, un(e) membre du personnel d’un foyer de soins de longue durée avait directement appelé un(e) inspecteur(trice) du Ministère pour l’informer que le foyer n’avait plus de personnel pour nourrir les résident(e)s ou en prendre soin. L’inspecteur(trice) avait demandé à la personne d’appeler la Ligne ACTION pour le soutien aux familles pour porter plainte, ce qu’elle a refusé avant de raccrocher. L’information a toutefois fait son chemin jusqu’aux cadres supérieurs(e)s de la Direction de l’inspection, qui ont participé aux appels avec le foyer et son exploitant(e).

361    Lors des entrevues avec les inspecteur(trice)s du Ministère, on nous a parlé d’autres plaintes du personnel durant la première vague :

  • Plainte anonyme voulant qu’un foyer ne respecte pas les directives de dépistage;

  • Préoccupation au sujet des mesures de prévention et de contrôle des infections ainsi que des protocoles de dépistage d’un foyer;

  • Préoccupation relative à la consigne d’un foyer disant au personnel de ne pas porter le masque.


362    Nous avons obtenu peu d’information sur la réponse du Ministère à ces plaintes. On nous a dit que dans le premier cas, l’inspecteur(trice) avait appelé le(la) lanceur(euse)s d’alerte pour lui expliquer les mesures de protection prévues par la législation et l’inviter à rappeler en cas de représailles à son égard. On nous a aussi dit qu’en général, pour les préoccupations au sujet de protocoles en lien avec la COVID-19, les inspecteur(trice)s appelaient le foyer de soins de longue durée pour expliquer les directives gouvernementales.

363    Certain(e)s lanceur(euse)s d’alerte ont aussi communiqué avec notre Bureau, plutôt qu’avec le Ministère, de crainte de ne pas être protégé(e)s si la plainte était faite directement au foyer de soins de longue durée ou au Ministère. Par exemple, une personne travaillant pour un foyer nous a dit en juin 2020 que l’état de santé des résident(e)s déclinait étant donné que depuis plus de deux mois, ils(elles) étaient confiné(e)s à leur chambre, sans stimulation mentale. Cette personne a dit que le foyer n’avait pas suffisamment de personnel et d’équipement de protection individuelle. Elle craignait aussi de perdre son emploi si elle signalait le problème à la direction du foyer. Notre personnel l’a aiguillée vers les ressources appropriées.

364    Des parties prenantes nous ont parlé de craintes semblables, indiquant que beaucoup d’employé(e)s de foyers de soins de longue durée avaient vu des collègues se faire congédier pour avoir signalé un problème, ajoutant ne pas croire que le Ministère pouvait efficacement prévenir les représailles.

365    Dans les premières semaines de la pandémie, le personnel des foyers de soins de longue durée était le mieux placé pour constater les conditions internes réelles en l’absence d’inspecteur(trice)s du Ministère et de la plupart des visites externes. Nous ne saurons jamais combien de membres du personnel auraient pu porter des problèmes graves à l’attention du ministère des Soins de longue durée, mais ne se sont pas senti(e)s en sécurité pour le faire.

366    D’autres organismes de surveillance ont reconnu le problème, et tant l’Ombudsman des patients que la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée ont demandé au gouvernement de mieux protéger les lanceur(euse)s d’alerte. Bien que la loi prévoie certaines protections, notamment pour les témoignages lors d’une instance[112], notre enquête a davantage démontré que beaucoup de membres du personnel craignent de signaler les problèmes dans les foyers de soins de longue durée. Le Ministère devrait s’assurer que les protections pour les lanceur(euse)s d’alerte sont les plus rigoureuses possible et travailler avec le gouvernement de l’Ontario pour qu’elles couvrent de façon claire les plaintes au sujet de foyers déposées auprès de tout organisme compétent, dont le ministère des Soins de longue durée, le ministère du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences[113], les bureaux de santé publique, l’Ombudsman des patients, notre Bureau et les foyers eux-mêmes. Plus particulièrement, le gouvernement devrait user des pouvoirs de réglementation conférés au lieutenant-gouverneur en conseil (c’est-à-dire le Conseil des ministres, avec l’approbation officielle de la lieutenante-gouverneure) à l’alinéa 41(2)(s) de la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée pour modifier l’article 117 du Règlement de l’Ontario 246/22 afin de prévoir d’autres mécanismes de plainte protégeant les lanceur(euse)s d’alerte.

 
Recommandation 37

Le gouvernement de l’Ontario devrait revoir les protections offertes aux lanceur(euse)s d’alerte à l’article 117 du Règlement de l’Ontario 246/22 pris en application de la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée afin qu’elles couvrent de façon claire les préoccupations au sujet d’un foyer de soins de longue durée signalées à un organisme compétent, dont le ministère des Soins de longue durée, les bureaux de santé publique, l’Ombudsman des patients, le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario et les foyers eux-mêmes.



 

367    La Direction de l’inspection devrait aussi prendre des mesures pour améliorer la confiance du personnel des foyers de soins de longue durée et des autres parties dans sa capacité de répondre efficacement aux lanceur(euse)s d’alerte. Elle devrait notamment avoir des procédures pour protéger l’identité et le dossier des lanceur(euse)s d’alerte, et publier l’information sur ces procédures et les lois applicables sur son site Web.

 
Recommandation 38

Le ministère des Soins de longue durée devrait avoir un processus écrit pour mieux protéger l’identité des lanceur(euse)s d’alerte, notamment leurs dossiers, et publier l’information sur ce processus et les lois applicables sur son site Web.



 

368    La Direction de l’inspection doit aussi vérifier, par une inspection, les allégations voulant qu’un foyer ait contrevenu aux mesures de protection des lanceur(euse)s d’alerte s prévues dans la loi. Le Ministère devrait améliorer son processus de traitement des allégations de représailles. Actuellement, selon la politique de la Direction, il faut produire une preuve manifeste de représailles issue de deux des trois sources (entrevues, observations et examen des dossiers), ce qui n’est pas facile. Cette exigence s’explique par le fait que les allégations de représailles sont traitées de la même façon que les autres plaintes, qui exigent ce genre de preuve pour confirmer une non-conformité.

369    Or, les circonstances uniques des plaintes pour représailles et de leurs sources possibles exigent une approche personnalisée. La Direction devrait modifier sa politique sur les allégations de représailles pour donner plus de latitude aux inspecteur(trice)s, notamment éliminer l’obligation de produire une preuve issue de deux sources.

 
Recommandation 39

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier sa politique sur les allégations de représailles pour donner plus de latitude aux inspecteur(trice)s au sujet des preuves démontrant les représailles.



 

Incidents graves

370    Outre répondre aux plaintes, la Direction procède à des inspections suivant le dépôt d’un « rapport d’incident grave » » par un foyer de soins de longue durée. Les incidents graves sont parmi les principaux motifs d’inspection du Ministère. Avant la pandémie, près de la moitié (49 %) des inspections découlaient d’un rapport d’incident grave. Le système d’inspection du Ministère repose donc majoritairement sur le signalement des problèmes graves par les foyers eux-mêmes.

371    Selon la réglementation, les foyers de soins de longue durée doivent signaler tout « incident grave » » au Ministère[114]. Pour les maladies infectieuses – y compris la COVID-19 –, les foyers doivent « immédiatement » signaler l’éclosion en donnant le plus de détails possible dans les circonstances. Si le Ministère apprend qu’un foyer a omis de signaler un tel incident alors que la loi l’exige, la Direction de l’inspection peut procéder à une inspection sur cette omission.

372    Un(e) cadre supérieur(e) de la Direction nous a confié qu’avant la pandémie, toute éclosion de maladie infectieuse déclarée dans un foyer de soins de longue durée était habituellement « surveillée » par le Ministère jusqu’à ce que le bureau de santé publique en confirme la fin. La Direction classait ensuite le dossier d’incident grave. On nous a dit qu’une inspection avait lieu « au besoin » durant la période de surveillance, mais on ignore les critères servant à la décision.

373    Selon les données que nous avons examinées, il était rare, avant la pandémie, que le Ministère mène une inspection à la suite d’un rapport d’incident grave concernant une éclosion. Cela cadre avec les données analysées par la vérificatrice générale, qui confirme que de 2016 à 2019, le Ministère a réalisé des inspections dans seulement 6 % des déclarations d’éclosions d’infections aiguës des voies respiratoires[115]. Dans 4 % des cas, le Ministère a fait une enquête téléphonique auprès du foyer. Et dans 90 % des éclosions, le Ministère n’a rien fait et a classé le dossier.

 

Incidents graves durant la première vague

374    L’approche adoptée par le Ministère pour les rapports d’incidents graves concernant des maladies infectieuses est restée essentiellement la même durant la première vague. Les foyers de soins de longue durée devaient signaler au Ministère toute éclosion de COVID-19 et les décès attribuables. Tôt dans la pandémie, les foyers ont dû improviser pour faire part des éclosions puisque l’option « COVID-19 » était inexistante du système de déclaration (elle n’a été ajoutée qu’en septembre 2020).

375    Dans notre enquête, nous avons recensé un seul cas où le Ministère a fait un suivi auprès d’un foyer – Altamont Care Community – parce qu’il n’avait pas soumis de rapport d’incident grave concernant une éclosion de COVID-19 dans les délais prescrits; il l’aurait présenté avec plus de deux mois de retard. Les inspecteur(trice)s lui avaient remis un « avis écrit » pour le retard, soit la mesure d’exécution la plus clémente, qui n’exige aucun suivi de la Direction.

376    À d’autres occasions, la Direction s’était contentée de « rappeler » aux foyers qu’ils doivent présenter un rapport d’incident grave lors d’une éclosion de COVID-19, plutôt que de prendre des mesures d’exécution. On nous a dit qu’elle avait souvent adopté une approche similaire si un foyer omettait de déclarer les décès attribuables à la COVID 19, normalement considérés comme des incidents graves parce que les décès étaient soudains ou inattendus.

377    Le Ministère n’a pas entrepris d’inspection sur les incidents graves liés à une éclosion avant juin 2020, mois au cours duquel il en a mené trois. Interrogés sur ce faible nombre, les fonctionnaires de la Direction ont dit avoir pris d’autres mesures qu’une inspection officielle à la suite d’un rapport d’incident grave. Un(e) gestionnaire des inspections a mentionné que les inspecteur(trice)s appelaient le foyer concerné pour demander si le bureau de santé publique local avait confirmé l’éclosion, en savoir plus et proposer de l’aide. D’autres ont dit avoir quotidiennement fait un suivi jusqu’à ce que l’éclosion soit terminée. Pour d’autres encore, ces conversations avaient lieu lors des appels de « soutien et de suivi » officiels par les inspecteur(trice)s.

 

Préparation aux pandémies

378    En janvier 2021, la Direction a présenté deux nouvelles politiques influant sur la façon dont les inspecteur(trice)s abordent les incidents graves liés à la COVID-19. Suivant la réception d’un rapport d’incident grave concernant une éclosion de maladie, l’inspecteur(trice) devait déterminer si les mesures de prévention et de contrôle des infections (PCI) du foyer avaient été évaluées dans les six derniers mois. Cette évaluation pouvait avoir été réalisée par le foyer, une tierce partie ou un(e) inspecteur(trice) du Ministère.

379    Sans évaluation au cours des six derniers mois, la Direction devait attribuer un niveau de risque 4 au dossier et exiger une inspection immédiate.

380    Cette approche est meilleure que ce que faisait la Direction pour les incidents graves liés aux éclosions de COVID-19 durant la première vague. Cependant, même cette nouvelle politique comporte des lacunes. Un foyer de soins de longue durée peut éviter une inspection immédiate s’il a évalué ses mesures de PCI dans les six mois précédents, quels que soient la rigueur ou les résultats de cette évaluation. En l’absence de freins et de contrepoids pour vérifier la qualité de ces évaluations, le Ministère devrait exclure ces dernières lorsqu’il détermine si une inspection immédiate est requise suivant un rapport d’incident grave à propos d’une éclosion.

 
Recommandation 40

Le ministère des Soins de longue durée ne devrait pas tenir compte des évaluations réalisées antérieurement par un foyer de soins de longue durée pour déterminer si une inspection immédiate est requise suivant un rapport d’incident grave à propos d’une éclosion.



 

381    Bien que le Ministère ait déjà considérablement changé sa politique sur les incidents graves liés aux éclosions, une réflexion plus approfondie sur le processus de déclaration des incidents graves permettrait de mieux adapter ce dernier aux situations d’urgence actuelles et à venir. Lors d’une crise, les pires risques pour les résident(e)s peuvent changer. Outre la liste des événements devant être déclarés en tant qu’incidents graves que l’on retrouve dans la réglementation, le gouvernement devrait ajouter une catégorie générale couvrant toute situation dans laquelle des résident(e)s risquent de subir des préjudices graves, quelle qu’en soit la cause. Lors d’une pandémie, les dangereuses pénuries de personnel ou d’EPI devraient être déclarées par les foyers comme des incidents graves. Un tel processus pourrait éliminer la nécessité d’instaurer un processus de soutien et de suivi distinct (et volontaire) pour recueillir ce type d’information.

 
Recommandation 41

Le gouvernement de l’Ontario devrait modifier les règlements pris en application de la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée pour ajouter une catégorie couvrant les situations dans lesquelles les résident(e)s risquent de subir des préjudices graves, quelle qu’en soit la cause, à la liste des situations obligeant les foyers de soins de longue durée à déposer un rapport d’incident grave auprès du ministère des Soins de longue durée.



 

Inspections durant la première vague

382    Lorsque les inspections ont repris en mai 2020, la Direction a dû déterminer celles qui étaient prioritaires. Comme nous l’a expliqué la directrice, nous étions loin de la « routine habituelle », et certains bureaux régionaux de services devaient gérer beaucoup de foyers en éclosion.

383    Le 7 mai 2020, le sous-ministre des Soins de longue durée a demandé à la Direction d’entreprendre des inspections dans les foyers de soins de longue durée jugés les plus à risque de COVID-19 par un des groupes consultatifs interministériels. Selon lui, le Ministère devait « savoir ce qui se passait sur le terrain » pour déterminer comment intervenir. Il a demandé à la Direction de procéder à ces inspections le lendemain (8 mai) et le lundi suivant.

384    Le jour suivant, la directrice de la Direction de l’inspection a demandé aux cadres supérieur(e)s de chercher les plaintes sur des foyers ayant reçu les deux plus hauts niveaux de risque ainsi que les rapports d’incident critique concernant des mauvais traitements ou de la négligence dans des foyers considérés comme étant à risque élevé. En réponse, les cadres supérieur(e)s de la Direction ont préparé l’échéancier des inspections prévues en priorité en mai.

385    Il s’agissait d’un virage important pour la Direction. Avant la pandémie, elle avait l’habitude de se fier à son propre système de niveau de risque pour le triage afin de déterminer les délais d’inspection. Son système repose sur le risque de préjudice pour les résident(e)s. À l’inverse, le modèle d’évaluation des risques des groupes consultatifs se fondait sur le risque que posait la COVID-19 – et seulement la COVID-19 – pour le foyer, sans nécessairement tenir compte des autres problèmes.

386    La Direction a pu entreprendre très rapidement l’inspection de certains des foyers les plus à risque, bien que plusieurs semaines se soient écoulées pour d’autres. L’une des plus grandes difficultés était que les foyers les plus à risque n’étaient pas répartis uniformément dans la province. En date du 8 mai, 14 des 30 foyers les plus à risque se trouvaient à Toronto, et 8 autres, dans le Centre-Est. Les cinq autres bureaux régionaux de services, quant à eux, comptaient collectivement 8 foyers à ce niveau de risque.

387    En date du 21 mai, soit environ deux semaines après la reprise des inspections, la Direction peinait toujours à envoyer ses inspecteur(trice)s dans les foyers à risque élevé. Sur les 30 foyers compris dans cette catégorie, elle n’avait réussi qu’à terminer 5 inspections et à en commencer 11. Pourtant, à la même date, des inspections étaient en cours dans des foyers de secteurs durement touchés où le risque était moyen, ainsi que dans des foyers à risque faible en dehors de Toronto. La directrice de la Direction nous a expliqué que certains bureaux régionaux de services – ceux ayant peu de foyers à risque élevé – avaient pu reprendre les inspections habituelles dans les foyers où il n’y avait pas d’éclosion.

388    Environ une semaine plus tard (le 27 mai), le nombre de foyers à risque élevé était descendu à 21, certains étant sortis de l’éclosion, mais la Direction peinait toujours à y faire entrer des inspecteur(trice)s. Seules trois des inspections des foyers les plus à risque étaient terminées, et neuf étaient en cours[116]. En date du 12 juin, il restait toujours un foyer à risque élevé qui n’avait pas pu être visité.

 

Difficultés de dotation

389    Selon notre enquête, la pénurie d’inspecteur(trice)s était en partie attribuable à une décision prise par la Direction avant la pandémie de laisser des postes vacants et à sa décision initiale de s’en remettre au volontariat lorsque les inspections sur place ont repris en mai 2020.

390    Au début de la première vague, la Direction comptait, en théorie, 171 postes d’inspecteur(trice)s, mais seuls 152 étaient pourvus. De ce nombre, uniquement 54 inspecteur(trice)s ont initialement accepté de faire des inspections sur place lorsque celles-ci ont repris. Il n’y en avait que quatre à Toronto, où l’on retrouvait près de la moitié des foyers à risque élevé. Hamilton – aussi durement frappée par les éclosions – n’avait que de trois personnes pour les inspections sur place. Lors d’un entretien avec nos enquêteur(euse)s, la directrice de la Direction de l’inspection a mentionné qu’il n’y avait « vraiment pas assez » d’inspecteur(trice)s durant la première vague pour réaliser les inspections pourtant si nécessaires, surtout à Toronto. Le sous-ministre exprimait les mêmes préoccupations dans son courriel du 10 juin 2020 au Conseil du Trésor. Un(e) autre fonctionnaire du Ministère nous l’a dit sans détour :

[Traduction]
Il n’y avait personne [de volontaire] pour inspecter… Nous étions en situation de crise et décidions en fonction de la situation. Nous étions tout simplement en très mauvaise posture.


391    On nous a dit que le 29 avril, pour ramener plus rapidement les inspecteur(trice)s sur le terrain malgré les préoccupations constantes de leur syndicat, le Ministère avait fait appel aux volontaires pour réaliser les inspections sur place. Le 8 mai, il avait demandé aux inspecteur(trice)s qui ne s’étaient pas porté(e)s volontaires – mais n’avaient pas demandé de mesures d’adaptation – de commencer à inspecter les foyers eux(elles) aussi. Malgré cela, l’effectif était toujours insuffisant parce que beaucoup d’inspecteur(trice)s (76 sur 152) avaient demandé et obtenu des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou autres. Même en juillet 2020, Toronto et Hamilton n’avaient respectivement que quatre inspecteur(trice)s se rendant volontairement dans les foyers aux prises avec une éclosion de COVID-19. On nous a dit que des inspecteur(trice)s d’autres régions étaient venu(e)s prêter main-forte.

392    Le 4 août 2020, des cadres supérieur(e)s ont diffusé la stratégie officielle d’établissement des horaires des inspecteur(trice)s. Cette stratégie invitait la Direction à continuer de déployer d’abord les inspecteur(trice)s volontaires pour inspecter les foyers en éclosion de COVID-19, mais aussi à envisager d’affecter ceux(celles) n’ayant rien les en empêchant de faire des inspections sur place. La Direction avait aussi décidé que les inspecteur(trice)s s’étant vu accorder des mesures d’adaptation pour des motifs non médicaux seraient déployé(e)s dans les foyers ne faisant pas l’objet d’une éclosion, et que ceux(celles) qui avaient des motifs médicaux feraient des tâches adaptées.

393    Il a fallu des mois pour améliorer les problèmes de dotation en inspecteur(trice)s, ce qui a nui à l’efficacité de la Direction lors des vagues subséquentes. La pénurie a eu des répercussions importantes et durables sur sa capacité à réaliser son mandat.

394    La pénurie d’inspecteur(trice)s, combinée à l’interruption des inspections, a entraîné des retards de plus en plus importants dans le traitement des plaintes, et un nombre grandissant d’inspections incomplètes durant la majeure partie de la première vague. À la fin de février 2020, il y avait 395 inspections en attente. Quatre mois plus tard, ce nombre avait plus que triplé, s’établissant à 1 211.

395    La Direction a préparé un diaporama en septembre 2020 présentant les répercussions de ces retards. À ce stade, on estimait que chaque inspecteur(trice) disponible devrait travailler 272 jours pour que les inspections en attente soient réalisées. Sans compter les inspections qui continueraient de s’ajouter. Selon les lignes directrices du Ministère et le niveau de priorité attribué à une plainte ou à un incident grave, une inspection doit être entamée sur-le-champ ou dans les 30 à 60 jours ouvrables (il n’y a pas de délai pour terminer l’inspection). Vu l’ampleur des retards, la Direction n’a pas pu respecter ces délais pour une grande partie des plaintes et incidents graves. La situation était d’autant plus complexe que les inspections à réaliser n’étaient pas réparties uniformément dans la province. Bien que certaines régions aient fait d’importants progrès à l’été 2020, les retards ont continué de s’accumuler à Toronto. En octobre 2020, le bureau de cette région avait plus de 300 inspections en attente.

396    À la reprise des inspections, la Direction a tout de même réussi à inspecter assez rapidement certains foyers où le risque était le plus élevé. En revanche, certains dossiers ont demandé beaucoup de temps, des mois dans certains cas. Une plainte de février 2020 concernant la chute d’un(e) résident(e) au Yee Hong Centre de Mississauga s’était vu attribuer le niveau de risque 3. L’inspection aurait dû commencer à la mi-mai 2020, mais les inspecteur(trice)s n’ont commencé le travail qu’à la fin de juin 2020, soit six semaines après la norme de 60 jours. Dans un autre cas datant de mai 2020, une femme s’était plainte de la mort de cause inconnue de son mari au foyer Bradford Valley Care Community. La Direction avait établi le niveau de risque à 3, avec possible non-conformité aux mesures de prévention et de contrôle des infections, mais l’inspection n’a commencé qu’à la mi-septembre, soit environ un mois de plus que le délai attendu par le Ministère.

397    Puisque la Direction ne surveille pas systématiquement le moment où commence une inspection, il est difficile de savoir à quelle fréquence les délais établis dans les directives ministérielles sont respectés. Certain(e)s employé(e)s avec qui nous avons parlé disaient ne pas vraiment savoir comment interpréter ces directives et si elles exigeaient qu’une inspection commence ou se termine dans un certain délai. Toutefois, à la fin 2020, le(la) gestionnaire du Bureau régional de services de Hamilton avait dit à notre Bureau compter une centaine d’inspections « en retard » à ce moment-là, et que la région de London avait affecté quatre de ses inspecteur(trice)s pour l’aider à rattraper ce retard. On nous a aussi dit qu’à Toronto, il y avait 227 dossiers d’inspection en retard en novembre 2020.

398    Une résidente d’un foyer de soins de longue durée avec qui nous avons parlé a exprimé sans ménagement sa frustration à propos des retards dans les inspections :

[Traduction]
Pourquoi faudrait-il utiliser le numéro de téléphone du Ministère? Il ne se passera strictement rien […] Les résidents et les familles se demandent à quoi bon faire une plainte si rien n’est fait par la suite. Lorsqu’une plainte est déposée, il faut une éternité pour qu’un inspecteur se présente sur place pour examiner la situation.


399    Le Ministère fixe des délais d’inspection pour s’assurer de répondre rapidement à toutes les préoccupations, en priorisant les situations les plus graves. Il devrait faire un suivi constant du moment où commence une inspection pour vérifier si les délais sont respectés et prendre les mesures correctives nécessaires. Il devrait aussi clarifier auprès du personnel comment interpréter ces délais.

 
Recommandation 42

Le ministère des Soins de longue durée devrait faire un suivi constant à partir du moment où commence une inspection, vérifier si les délais sont respectés et prendre les mesures correctives nécessaires.

 
Recommandation 43

Le ministère des Soins de longue durée devrait aussi clarifier auprès du personnel la façon d’interpréter les délais d’inspection.



 

400    Même en 2021, le Ministère a eu de la difficulté à rattraper les retards. On nous a dit que la Direction avait réalisé 2 046 inspections du 1er janvier 2021 au 31 janvier 2022 (période de 13 mois), pour une moyenne mensuelle de 157 inspections, bien en deçà de celle de 2019, qui était de 240.

401    En février 2022, le nombre d’inspecteur(trice)s avait baissé à 148. De ce nombre, uniquement 116 ont pu réaliser des inspections sur place. En février 2023, le Ministère a annoncé l’embauche de 193 employé(e)s pour inspecter les foyers de soins de longue durée, dont 156 inspecteur(trice)s. La Direction de l’inspection devrait donc être mieux préparée aux urgences et aux plaintes ainsi qu’aux inspections quotidiennes dans les délais établis. Il est important d’accroître le nombre d’inspecteur(trice)s en raison de l’annonce du gouvernement concernant la planification, l’aménagement et l’ouverture de 31 000 nouveaux lits de soins de longue durée et la modernisation de 28 000 lits autres.

402    Lorsque la première vague de la pandémie a frappé, il y avait un manque flagrant de personnel à la Direction de l’inspection. Je suis convaincu que l’engagement du gouvernement d’embaucher plus de personnel à la Direction contribuera à lui donner les ressources dont elle a besoin pour mener à bien son mandat dans les années à venir. Pour s’en assurer, le gouvernement de l’Ontario et le Ministère devraient collaborer et prendre les mesures nécessaires à l’embauche et à la rétention d’un effectif suffisant – inspecteur(trice)s et autres – pour réaliser les inspections requises dans les délais établis. Le Ministère devrait aussi faire un suivi minutieux des postes vacants -et planifier les embauches- pour les pourvoir rapidement de sorte que la Direction maintienne son effectif.

 
Recommandation 44

Le gouvernement de l’Ontario et le ministère des Soins de longue durée devraient collaborer pour que la Direction de l’inspection ait, à l’avenir, suffisamment d’employé(e)s – inspecteur(trice)s et autres – pour mener à bien son mandat et réaliser les inspections dans les délais établis.

 
Recommandation 45

Le ministère des Soins de longue durée devrait faire un suivi minutieux des postes vacants pour les pourvoir rapidement, et planifier les embauches, de sorte que la Direction de l’inspection maintienne son effectif dans les années à venir.



 

Documents manquants

403    Le Ministère aura finalement mené des centaines d’inspections sur place, à distance et « mixtes » durant la première vague de la COVID-19. Selon les meilleures données disponibles, la Direction de l’inspection a entamé 328 nouvelles inspections durant la première vague et en a terminé de 45 à 60 autres qui avaient été interrompues au début de la pandémie.

404    Dans bien des cas, le manque de documents concernant les soins prodigués aux résident(e)s des foyers de soins de longue durée a compliqué les choses pour les inspecteur(trice)s. En effet, à partir du 27 mars 2020, les foyers n’étaient plus tenus de consigner certains renseignements sur les soins. Le gouvernement a notamment introduit le Règlement de l’Ontario 95/20, qui prévoit ceci :

[Traduction]
Les titulaires de permis ne sont pas tenus de consigner d’information, sauf s’il s’agit d’un incident important ou si elle est nécessaire à la prestation adéquate des soins et à l’assurance de la sécurité d’un résident.

Ils ne sont pas non plus tenus de consigner immédiatement les changements apportés au programme de soins d’un résident… sauf s’il s’agit de changements importants ou devant être immédiatement connus du personnel et des autres parties concernées[117].


405    Le gouvernement n’a pas défini le terme « de nature importante », et les exigences habituelles de consignation sont redevenues en vigueur le 15 juillet 2020[118]. Dans un communiqué de presse annonçant le nouveau règlement « Rationalisation des exigences pour les foyers de soins de longue durée», on expliquait que ces changements visaient à « veiller à ce qu’il y ait suffisamment de personnel pour prendre soins [sic] des personnes résidentes »[119].

406    Or, les documents concernant les soins sont une importante source d’information pour les inspecteur(trice)s, et s’ils sont manquants, il est plus difficile pour ces derniers(ières) de déterminer si un foyer respecte la loi, surtout longtemps après les faits. Par exemple, plusieurs inspecteur(trice)s nous ont dit qu’il était très difficile de faire des inspections sur l’alimentation d’un(e) résident(e), un type de plainte fréquent. L’une a mentionné que des jours, voire des mois, s’étaient écoulés sans que les préposé(e)s aux services de soutien à la personne ne consignent quoi que ce soit sur l’alimentation des résident(e)s. Ce manque d’information, combiné au roulement de personnel durant cette période, rendait difficile toute évaluation de la conformité du foyer à la législation.

407    D’autres inspecteur(trice)s ont eu une expérience similaire, ce qui illustre bien l’incidence considérable qu’a eue sur les inspections la décision du gouvernement de permettre aux foyers de ne pas consigner l’information. Comme plusieurs l’ont indiqué, les inspecteur(trice)s s’appuient sur les données et les notes consignées à des moments précis pour tracer l’évolution de la condition d’un(e) résident(e) et déterminer si un foyer a pris les mesures imposées par la loi. Sans cette information cruciale, les inspecteur(trice)s étaient souvent incapables de confirmer la conformité. Vu l’importance des renseignements sur les soins prodigués aux résident(e)s pour les inspecteur(trice)s, le Ministère et le gouvernement de l’Ontario devraient éviter de changer les exigences de consignation des soins aux résident(e)s lors d’éventuelles situations d’urgence.

 
Recommandation 46

Le ministère des Soins de longue durée et le gouvernement de l’Ontario devraient éviter de changer les exigences de consignation des soins aux résident(e)s lors d’éventuelles situations d’urgence.



 

Inspections de la prévention et du contrôle des infections

408    En janvier 2022, un(e) cadre supérieur(e) de la Direction de l’inspection nous a dit lors d’une séance d’information que la Direction avait intégré la prévention et le contrôle des infections (PCI) dans ses inspections dès le début de la pandémie. Il(elle) a ajouté que les inspecteur(trice)s passaient de quatre à six heures à remplir une liste de vérification relative à la PCI dans chaque foyer, quel que soit le type d’inspection. On nous a dit que toute non-conformité relevée en la matière était incluse dans le rapport d’inspection.

409    On nous a aussi dit que tôt durant la première vague, les inspecteur(trice)s du ministère avaient effectué, avec leurs homologues de la santé publique, des évaluations coordonnées des mesures de PCI dans maints foyers de soins de longue durée. Ces évaluations visaient à identifier les problèmes et à proposer des solutions en dehors du cadre d’inspection officiel.

410    Notre enquête a révélé une tout autre histoire. Nous n’avons recensé que quelques cas – peut-être une douzaine – de collaboration entre les inspecteur(trice)s du Ministère et les autorités sanitaires pour évaluer les mesures de PCI. Les problèmes de dotation, le manque d’EPI pour les inspecteur(trice)s et la réticence de ces dernier(ère)s à participer aux évaluations ont contribué à freiner ces efforts conjoints. Même lorsque les inspections à visée sanitaire avaient lieu sans le concours du Ministère, il n’y avait aucune procédure officielle pour informer ce dernier des résultats afin qu’il en tienne compte dans ses activités de conformité. Récemment, le Ministère a dit étudier la possibilité de mener des projets pilotes avec les bureaux de santé publique sur différents modèles de coordination et de collaboration officiels, mais rien n’a encore été proposé.

411    Les enquêteur(euse)s du Bureau de l’Ombudsman ont trouvé de nombreux exemples où les inspecteur(trice)s du Ministère n’ont pas évalué les problèmes de PCI alors qu’ils(elles) se trouvaient dans un foyer de soins de longue durée pour une autre raison. Nous n’avons pas consulté chaque rapport d’inspection, certes, mais nous avons passé en revue ceux de 2020 et 2021 d’un échantillon aléatoire représentatif de 55 foyers de soins de longue durée. Selon notre analyse, de mai à décembre 2020, les inspecteur(trice)s n’ont pas inspecté les mesures de PCI dans la vaste majorité des cas. Ce n’est qu’en 2021 que la conformité des mesures de PCI a été régulièrement évaluée durant les inspections.

412    Lorsque nous avons transmis cette information aux fonctionnaires du Ministère, ils(elles) ont confirmé que la Direction de l’inspection a commencé à évaluer les mesures de PCI seulement le 18 janvier 2021, bien après la fin de la première vague. Après cette date, les inspecteur(trice)s du Ministère ont utilisé divers documents d’orientation et listes de vérification, selon la présence ou non d’une éclosion de maladie respiratoire au foyer. La plupart de ces documents avaient été préparés par des conseiller(ère)s en soins de longue durée ou des inspecteur(trice)s de l’hygiène du milieu du Ministère, qui sont des inspecteur(trice)s des soins de longue durée et de la santé publique certifié(e)s ayant de l’expertise en hygiène du milieu ou en santé publique.

413    Durant la première vague, la Direction avait trois inspecteur(trice)s de l’hygiène du milieu pouvant répondre aux questions sur la PCI lors d’une inspection. Malheureusement, selon un courriel d’un(e) cadre supérieur(e) de la Direction, les chef(fe)s se sont rappelé que ces personnes pouvaient aider avec les inspections sur place seulement le 3 juin 2020. Ce jour-là, le(la) gestionnaire avait avisé ses collègues qu’ils(elles) pouvaient en affecter deux sur les trois aux inspections sur place, ce qu’ils(elles) ont fait occasionnellement par la suite. Par exemple, le 5 juin, des chef(fe)s de la Direction ont demandé à un(e) inspecteur(trice) de l’hygiène du milieu d’aider les inspecteur(trice)s avec les questions de PCI au foyer Woodbridge Vista Care Community. Dans un autre cas, le même mois, un(e) inspecteur(trice) de l’hygiène du milieu a assisté l’inspecteur(trice) lors de l’inspection du foyer Pinecrest de Bobcaygeon, qui était beaucoup axée sur des problèmes de PCI. En général, par contre, il était assez rare qu’on demande l’aide de ces inspecteur(trice)s spécialisé(e)s. Selon les registres de la Direction, leur aide a été sollicitée pour des questions sur la PCI à 10 occasions seulement de novembre 2019 à novembre 2020[120].

414    Nous avons entendu des avis contradictoires concernant le rôle que devraient jouer les inspecteur(trice)s pour s’assurer que les foyers de soins de longue durée maintiennent des pratiques adéquates de PCI. Certain(e)s estimaient que les bureaux de santé publique avaient une plus grande expertise dans le domaine et étaient mieux placés pour faire ce travail, alors que d’autres croyaient qu’il devrait y avoir une approche coordonnée entre la Direction de l’inspection, les bureaux de santé publique et les inspecteur(trice)s du ministère du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences[121]. D’autres suggéraient que ce travail cadrait clairement avec le mandat du ministère des Soins de longue durée d’assurer la sécurité des résident(e)s des foyers de soins de longue durée.

415    Même s’il a rarement recouru aux inspecteur(trice)s de l’hygiène du milieu dans le passé, le Ministère a récemment pris des mesures pour accroître l’expertise de la Direction en matière de PCI en en embauchant d’autres. On nous a dit que ces postes seraient répartis également dans la province.

416    Comme l’a clairement fait ressortir la pandémie, il est essentiel d’avoir des pratiques rigoureuses de prévention et de contrôle des infections pour protéger la santé et la sécurité des résidents(e)s des foyers de soins de longue durée. C’est pourquoi le Ministère doit avoir l’expertise nécessaire pour inspecter adéquatement les mesures de prévention et de contrôle des infections. La Direction devrait s’assurer que les inspecteur(trice)s communiquent au besoin avec ses spécialistes à l’interne – conseiller(ère)s en soins de longue durée et inspecteur(trice)s de l’hygiène du milieu, entre autres – et ceux(celles) des bureaux de santé publique. Elle devrait aussi instaurer une politique sur la façon d’accéder à ces ressources et quand il faut le faire.

417    En outre, le Ministère devrait coordonner ses activités avec celles d’autres organismes, comme les bureaux de santé publique, pour recevoir les rapports et évaluations sur la prévention et le contrôle des infections dans les foyers de soins de longue durée. Il devrait aussi établir clairement dans une politique comment ses inspecteur(trice)s utiliseront l’information contenue dans les rapports de ces tierces parties.

 
Recommandation 47

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que son personnel possède l’expertise nécessaire pour inspecter les mesures de prévention et de contrôle des infections.

 
Recommandation 48

La Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les inspecteur(trice)s communiquent au besoin avec les spécialistes de la prévention et du contrôle des infections à l’interne et des bureaux de santé publique.

 
Recommandation 49

Le ministère des Soins de longue durée devrait préparer une politique énonçant les attentes sur la façon dont les inspecteur(trice)s feront appel aux spécialistes de la prévention et du contrôle des infections à l’interne et des bureaux de santé publique et précisant quand le faire, ainsi que les responsabilités de chaque organisme.

 
Recommandation 50

Le ministère des Soins de longue durée devrait coordonner ses activités avec celles d’autres organismes, comme les bureaux de santé publique, pour recevoir les rapports et évaluations sur la prévention et le contrôle des infections dans les foyers de soins de longue durée.

 
Recommandation 51

Le ministère des Soins de longue durée devrait établir clairement dans une politique comment ses inspecteur(trice)s utiliseront l’information contenue dans les rapports de tierces parties, comme les bureaux de santé publique.



 

Réponse aux préoccupations des Forces armées canadiennes

418    Le 28 avril 2020, les Forces armées canadiennes (FAC) ont commencé à affecter des militaires dans cinq des foyers de soins de longue durée les plus touchés de la province (Altamont Care Community, Eatonville Care Centre, Holland Christian Homes – Grace Manor de Brampton, Hawthorne Place Care Centre et Orchard Villa) pour épauler le personnel. Le 14 mai, les FAC écrivaient aux haut(e)s dirigeant(e)s militaires et aux fonctionnaires du gouvernement fédéral à propos des conditions graves et atroces dans ces foyers[122]. Le 24 mai 2020, ces observations ont été communiquées au ministère des Soins de longue durée, qui les a transmises à la Direction de l’inspection. Lorsqu’elles ont été publiées quelques jours plus tard, beaucoup de cadres supérieur(e)s du gouvernement ont demandé à la Direction de proposer un plan pour évaluer les plus graves et y répondre.

419    La Direction a immédiatement préparé un plan énonçant les éléments préoccupants à inspecter pour chaque foyer et l’approche à privilégier. Avant ce plan, il y avait déjà des inspections dans quatre des cinq foyers recevant l’aide des FAC. Le 27 mai, le gouvernement de l’Ontario a publié un communiqué de presse pour dire que les inspecteur(trice)s du Ministère se rendraient dans les cinq foyers pour procéder, « sur une période de deux semaines, à [une] inspection approfondie et rigoureuse »[123]. Ces inspections ont commencé le 28 mai et, selon les documents que nous avons examinés, les inspecteur(trice)s ont suivi les processus et protocoles d’inspection habituels de la Direction de l’inspection pour évaluer les problèmes soulevés par les FAC.

420    On nous a dit que les inspecteur(trice)s du Ministère avaient eu beaucoup de difficulté à évaluer ces problèmes. En général, il n’y avait ni nom ni date rattachés aux observations des FAC, et le personnel militaire était au départ hésitant à parler avec les inspecteur(trice)s. La directrice de la Direction nous a dit que les inspecteur(trice)s avaient découvert que certaines observations des FAC reposaient sur des opinions personnelles plutôt que sur des faits vérifiables, ce que les FAC avaient reconnu plus tard. La directrice a aussi mentionné que bien des observations des FAC faisaient état de problèmes graves pouvant faire l’objet d’une inspection.

421    En fin de compte, les inspections dans ces foyers ont pris beaucoup plus de temps que les deux semaines promises vu la quantité de problèmes à examiner dans chaque foyer. Les rapports d’inspection ont été publiés entre le 9 juillet et le 26 août. Quelques membres du personnel de la Direction de l’inspection avec qui nous avons parlé ont indiqué que beaucoup des problèmes signalés par les FAC cadraient avec les constats déjà établis dans des rapports d’inspection du Ministère. Ils(elles) reconnaissaient le contenu effroyable des rapports publiés durant la première vague et la portée désastreuse des conséquences de cette dernière. Toutefois, ils(elles) ne comprenaient pas pourquoi le gouvernement et le public croyaient qu’il s’agissait de nouveaux problèmes. Un(e) inspecteur(trice) a fait ce commentaire :

[Traduction]
Le premier ministre Ford a dit que les rapports des FAC mettaient au jour les conditions de vie horribles et atroces des personnes âgées. Nous savons pourtant que ces choses se trouvaient dans nos rapports depuis des années.


422    Dans un document du début de juin 2020 que nous avons examiné, un(e) cadre supérieur(e) de la Direction disait à peu près la même chose à ses collègues :

[Traduction]
Les inspecteur(trice)s soulèvent des préoccupations semblables depuis des années. Tout se trouve dans les rapports d’inspection publiés. Je pense que l’enjeu réside dans le fait que le rapport des FAC a été annoncé à une conférence de presse du premier ministre, donc a reçu beaucoup plus d’attention. Mais nous avons toujours indiqué dans nos rapports d’inspection les problèmes de [non-conformité] dans les foyers.


423    En effet, beaucoup de foyers ayant reçu l’aide des FAC dans les premiers jours de la pandémie avaient déjà fait l’objet de nombreuses inspections par les inspecteur(trice)s du Ministère qui avaient constaté des non-conformités de façon répétée, sans amélioration claire pour les problèmes graves nuisant à la santé et à la sécurité des résident(e)s. Les observations des FAC, ainsi que les inspections et constats subséquents du Ministère, dressent un portrait effrayant des conditions dans certains foyers durant la première vague et de la difficulté du Ministère à exercer son rôle de surveillance.

 

Altamont

424    Le foyer Altamont Care Community, un des foyers inspectés par le Ministère dans la foulée du rapport des FAC, est un établissement de 159 lits situé à Scarborough. Les FAC y ont notamment observé qu’on omettait de servir des repas aux résident(e)s, que des plaies étaient non soignées et que certaines personnes étaient confinées à leur lit depuis plusieurs semaines. Les FAC ont aussi noté un effectif instable ou insuffisant, des employé(e)s qui omettaient de donner aux résident(e)s leurs médicaments, des pratiques non sécuritaires chez le personnel infirmier et bien plus.

425    La Direction de l’inspection a traité les observations des FAC comme une « plainte » à laquelle elle a attribué le niveau 3+ dans son système de niveaux de risque pour le triage. Apparemment, elle n’estimait pas que le plus haut niveau de risque (4) était justifié, malgré les risques graves de préjudices pour les résident(e)s allégués dans le rapport.

426    Il y a eu des inspecteur(trice)s du Ministère au foyer Altamont du 21 mai au 30 juin 2020. Le 29 juillet, la Direction a publié un rapport d’inspection de 179 pages dans lequel elle relevait des non-conformités dans 17 domaines relevant de la législation[124]. Voici quelques-unes des principales observations contenues dans le rapport :

  • Durant une journée en avril, un(e) préposé(e) aux services de soutien à la personne a été responsable de 97 résident(e)s dans trois ailes différentes.

  • Les résident(e)s à risque de plaies ne sont pas repositionné(e)s. Un(e) résident(e) ayant une plaie de pression[125] « pleurait de douleur ». Un(e) autre se plaignait de « douleurs atroces » après avoir été laissé(e) dans un fauteuil roulant pendant une longue période. Le personnel a dit aux inspecteur(trice)s que les résident(e)s ne pouvant pas se mouvoir seul(e)s sont généralement laissé(e)s dans leur lit lorsqu’il manque du personnel.

  • Des résident(e)s malades sont placé(e)s dans la même chambre que des résident(e)s en santé, même s’il y a des chambres libres dans des zones inoccupées du foyer.

  • Les résident(e)s ont les « mains sales, des crottes d’yeux, la bouche sale, des vêtements ou un fauteuil roulant sales ou tachés, ou les pieds sales », et n’ont pas eu droit à un bain ou une douche depuis longtemps. Après que le foyer a autorisé à nouveau les bains et douches, une équipe externe spécialisée dans la prévention et le contrôle des infections (PCI) a déterminé que les douches sont insalubres à l’utilisation.

  • En général, on ne note pas la quantité de liquide consommée par les résident(e)s dans leur programme de soins parce que selon le(la) diététicien(ne) du foyer, « l’administration du foyer Sienna Senior Living a retiré, il y a quelques années, l’état d’hydratation des résident(e)s des éléments à consigner dans les programmes de soins ».

  • Le foyer n’a pas signalé au Ministère que l’éclosion de COVID-19 était un « incident grave » pendant plus de deux mois parce que le(la) responsable des mesures de PCI croyait à tort que ce genre de signalement n’était pas requis en temps de pandémie.


427    Le rapport d’inspection précise aussi que les choses étaient probablement pires auparavant. En effet, durant les mois de mai et juin 2020, le foyer avait moins de résident(e)s et plus d’employé(e)s qu’à l’habitude, grâce au soutien des FAC, de l’hôpital local et d’un organisme.

428    Nous avons aussi passé en revue les rapports d’inspection publiés par le Ministère avant la pandémie au sujet du foyer Altamont. Bien que la pandémie ait amplifié la portée des préjudices subis par les résident(e)s, le foyer avait déjà été jugé non conforme pour ce qui est de la prévention et du contrôle des infections ainsi que des soins de la peau et des plaies à la suite des inspections de février et de novembre 2019. Selon ces rapports, les inspecteur(trice)s avaient notamment relevé des exemples d’employé(e)s ne consignant pas les symptômes d’infection chez les résident(e)s à chaque quart de travail, ne portant pas l’équipement de protection individuelle (EPI) approprié, ne se lavant pas les mains, ne réévaluant pas les résident(e)s à risque de lésions cutanées et n’intervenant pas immédiatement pour aider un(e) résident ayant une plaie.

429    Le 4 août 2020 – juste après la publication du rapport d’inspection sur le foyer Altamont par la Direction –, les FAC ont présenté un « rapport de sortie » au Ministère. Elles y confirmaient que la plupart des problèmes initialement soulevés pour ce foyer avaient été réglés, ou du moins, que la situation s’était améliorée. Cependant, on y notait que les problèmes persistaient pour le regroupement en cohortes de résident(e)s, les erreurs dans les dossiers, la consommation de liquide par les résident(e)s et la disponibilité de certaines fournitures. Nous n’avons rien trouvé indiquant que le Ministère a publié des rapports d’inspection sur le foyer Altamont dans la foulée du rapport de sortie des FAC.

 

Hawthorne Place Care Centre

430    Sur les cinq foyers ayant initialement reçu l’aide des FAC et fait l’objet du rapport de mai 2020, c’était le Hawthorne Place Care Centre, un établissement de 269 lits de North York, qui comportait la plus longue liste de problèmes. Les FAC ont notamment observé de nombreux cas où le personnel n’utilisait pas l’EPI de façon appropriée, des infestations d’insectes, des résident(e)s souillé(e)s et développant des plaies parce que le personnel mettait trop de temps à les changer, des « transferts forcés et agressifs », des résident(e)s « alimenté(e)s de force », une bouteille d’alimentation ayant traîné tellement longtemps que son contenu avait « coagulé et fétide », du personnel ayant mis plus de deux heures à répondre à des résident(e)s demandant désespérément de l’aide, un manque de fournitures pour le soin des plaies et un faible ratio personnel-résident(e)s.

431    L’inspection du Ministère pour ce foyer s’est échelonnée du 28 mai au 24 juin 2020. La Direction a publié son rapport d’inspection de 91 pages deux mois plus tard, un délai qu’un(e) fonctionnaire du Ministère attribuait à la lenteur d’écriture d’un(e) inspecteur(trice) recrue ainsi qu’à la nécessité de collaborer et aux examens internes requis[126]. L’inspecteur(trice) avait noté dans le rapport un manque de conformité dans six domaines relevant de la législation :

  • Quelques résident(e)s n’ont pas de programme de soins précisant ce que doit faire le personnel pour répondre à leurs besoins ou que le personnel doit collaborer adéquatement aux soins.

  • Le personnel n’intervient pas rapidement si les résident(e)s appellent ou utilisent la sonnette d’alarme.

  • Le foyer ne s’assure pas que les résident(e)s sont tourné(e)s et repositionné(e)s régulièrement, ou reçoivent des soins immédiats pour leurs plaies. Un(e) employé(e) a dit être trop occupé(e) à servir les collations pour repositionner un(e) résident(e).

  • Le foyer ne s’assure pas que le personnel participe au programme de prévention et de contrôle des infections. Les inspecteur(trice)s ont vu du personnel utiliser l’équipement de protection individuelle de façon inappropriée, y compris ne pas porter le masque.

  • Le foyer ne sert pas d’aliments et de boissons appropriés et salubres à quelques résident(e)s. Deux fois, les inspecteur(trice)s ont vu le personnel donner à des résident(e)s des boissons auxquelles ils(elles) étaient allergiques.


432    Comme pour le foyer Altamont, les problèmes observés au foyer Hawthorne Place Care Centre n’auraient rien dû avoir de surprenant. Le Ministère avait déjà relevé, dans des rapports d’inspection, un non-respect des exigences de prévention et de contrôle des infections, de soin de la peau et de soin des plaies.

433    Une des observations des FAC n’avait toutefois pas fait l’objet d’une inspection par le Ministère. Les FAC attribuaient des décès à la déshydratation et à la malnutrition des résident(e)s. Cette information n’est apparue que dans le rapport final de la Commission ontarienne d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée de la fin avril 2021, soit près d’un an après le premier rapport des FAC[127].

434    La Direction de l’inspection ne peut pas enquêter sur la cause du décès d’un(e) résident(e). Toutefois, les inspecteur(trice)s du Ministère ont obtenu l’information auprès du Bureau du coroner en chef et refait, de mai à juillet 2021, une inspection du foyer. Ils(elles) ont examiné les dossiers médicaux des résident(e)s décédé(e)s durant une période précise afin de trouver des indices de non-conformité à la législation sur les soins de longue durée. Ils(elles) ont notamment constaté que le personnel du foyer n’avait pas collaboré à l’évaluation d’un(e) résident(e) de retour de l’hôpital qui avait de la difficulté à boire et à manger. Les inspecteur(trice)s du Ministère ont remis un avis écrit au foyer pour ce manquement, soit la mesure d’exécution la plus clémente ne requérant aucun suivi[128]. Le Ministère n’a relevé aucune autre non-conformité durant son inspection de 2021.

 

Downsview

435    Les FAC ont commencé à épauler le foyer Downsview Long Term Care Centre, un établissement de 252 lits de North York, plus tard que les autres dans la première vague. Dans ce cas, le Ministère avait inspecté le foyer avant l’arrivée des FAC, soit du 8 au 19 mai 2020. Selon le rapport d’inspection, le foyer n’était pas conforme à la législation parce qu’il n’offrait pas un milieu sûr et sécuritaire aux résident(e)s[129]. Les inspecteur(trice)s avaient recensé une série de manquements dans les pratiques de prévention et de contrôle des infections du foyer. Ils(elles) avaient donné un ordre de conformité, puis renvoyé le dossier à la directrice de la Direction de l’inspection. Ils(elles) avaient aussi donné des ordres de conformité pour d’autres problèmes de prévention et de contrôle des infections et de soins de fin de vie. La semaine après l’inspection, la directrice avait donné au foyer un ordre de gestion obligatoire pour qu’il confie temporairement sa gestion à l’hôpital local.

436    Près d’un an plus tard, on apprenait que les FAC avaient soulevé des préoccupations concernant les soins reçus par les résident(e)s avant même l’arrivée des militaires. En 2021, la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée reprenait, dans son rapport final, les propos de membres du personnel militaire dénonçant le « décès de 26 personnes de déshydratation avant l’arrivée de l’équipe des FAC vu un manque de personnel pour prodiguer les soins. Ces personnes sont mortes alors qu’elles n’avaient besoin que “d’eau et d’un brin de toilette” »[130].

437    Comme dans le cas du foyer Hawthorne Place, la Direction de l’inspection a demandé au Bureau du coroner en chef de l’information sur les décès survenus à Downsview et commencé sa propre inspection. Lors de cette dernière, qui s’est déroulée de mai à juillet 2021, les inspecteur(trice)s du Ministère ont cherché des preuves de non-conformité à la législation sur les soins de longue durée. Selon le rapport d’inspection, le foyer était non conforme dans quatre domaines : absence d’évaluations nutritives pour les résident(e)s; défaut de protéger les résident(e)s de la négligence; défaut de s’occuper des résident(e)s conformément à leurs programmes de soins; et non-respect des mesures de prévention et de contrôle des infections. Les inspecteur(trice)s ont donné des ordres de conformité au foyer pour les deux premiers éléments[131].

438    Vu le mandat de la Direction, le rapport d’inspection n’abordait pas la cause du décès des résident(e)s et ne comportait aucun commentaire à ce sujet. Récemment, les FAC se sont rétractées concernant leur commentaire sur la mort de 26 résident(e)s de Downsview suivant une déshydratation. Dans une note à l’intention de notre Bureau, elles précisaient que cette allégation [traduction] « ne reposait pas sur des observations directes de membres des FAC, mais plutôt sur des préoccupations exprimées dans une discussion informelle ». Elles ont ajouté qu’aucun(e) membre de leur équipe n’avait enquêté sur des décès de résident(e)s ni fait d’autopsie.

 

Omission de faire rapport

439    Bien que les préoccupations des FAC aient fini par être transmises à la Direction de l’inspection, il est inquiétant que le Ministère ne les ait pas informées qu’en vertu de la loi, cela aurait dû être fait sur-le-champ.

440    Au moment où les FAC aidaient les foyers, l’article 24 de la Loi sur les foyers de soins de longue durée exigeait que quiconque[132] fasse « immédiatement » rapport à la direction du ministère des Soins de longue durée des « motifs raisonnables de soupçonner » qu’une certaine conduite a eu lieu, par exemple :

  • L’administration d’un traitement ou de soins à un résident de façon inappropriée ou incompétente, ce qui a causé un préjudice ou un risque de préjudice au résident.

  • Le mauvais traitement d’un résident de la part de qui que ce soit ou la négligence envers un résident de la part du titulaire de permis ou du personnel, ce qui a causé un préjudice ou un risque de préjudice au résident.

  • Un acte illégal qui a causé un préjudice ou un risque de préjudice à un résident[133].


441    Maintes observations des FAC datées du 28 avril au 11 mai 2020 portaient sur des cas de négligence ou de traitements ou de soins inappropriés ayant causé un préjudice ou un risque de préjudice à un(e) résident(e)s. Les FAC ont documenté et signalé ces préoccupations conformément aux ordres militaires et les ont partagées avec les foyers de soins de longue durée concernés. Cependant, le Ministère n’en a été informé que le 24 mai.

442    Nous avons demandé aux FAC si quelqu’un au gouvernement leur avait expliqué « l’obligation de faire rapport » au Ministère dans les cas précisés dans la législation. On nous a répondu que le personnel des FAC n’avait reçu aucune formation particulière sur les obligations au titre de l’article 24 de la Loi sur les foyers de soins de longue durée ou le rôle de la Direction de l’inspection.

443    La directrice de la Direction de l’inspection nous a dit avoir été « choquée » par les observations des FAC et expliqué avoir immédiatement contacté ces dernières pour les informer de l’obligation de faire rapport au Ministère. On nous a aussi dit que le comité provincial des opérations d’urgence avait demandé aux FAC de rendre compte de leurs préoccupations concernant les foyers de soins de longue durée directement au Ministère et à d’autres « dans les plus brefs délais ».

444    Ces demandes semblent avoir porté fruit. Nous avons vu de nombreux exemples par la suite où les FAC ont fait part immédiatement et directement de leurs préoccupations au Ministère. Cependant, du 28 avril au 24 mai 2020 – alors que la COVID-19 frappait de plein fouet les résident(e)s des foyers de soins de longue durée –, les FAC l’ont fait à retardement. Le Ministère devrait s’assurer que les tiers qui aident les foyers dans leurs activités de fonctionnement ou de gestion connaissent leur obligation, selon la loi, de lui rapporter immédiatement certains problèmes. Il devrait aussi valider que ces organismes connaissent les dispositions pertinentes de la législation et savent quels cas signaler et la façon de le faire.

 
Recommandation 52

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que tous les organismes aidant les foyers de soins de longue durée dans leurs activités de fonctionnement ou de gestion connaissent leur obligation, selon la loi, de signaler immédiatement certains problèmes au Ministère.

 
Recommandation 53

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que tous les organismes aidant les foyers de soins de longue durée avec leurs activités de fonctionnement ou de gestion savent quels cas signaler et la façon de le faire.



 

Faire observer

445    La Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée conférait à la Direction de l’inspection du Ministère le pouvoir d’imposer diverses mesures d’exécution, ou « pénalités », à un foyer contrevenant à la loi. Les inspecteur(trice)s et la directrice avaient toute la latitude pour décider de la mesure à imposer pour différents cas de non-conformité. Selon notre enquête, les inspecteur(trice)s optaient souvent pour des mesures plus clémentes. Nous avons aussi constaté qu’ils(elles) avaient tendance à choisir une mesure d’exécution plus indulgente que celle qui se serait appliquée par défaut, même pour de graves infractions à la loi.

446    Durant la première vague, lorsque la Direction imposait des mesures pour exiger qu’un foyer corrige les non-conformités relevées, il arrivait que l’inspecteur(trice) laisse à ce dernier des mois pour régler des problèmes graves semblant nuire aux soins et à la sécurité des résident(e)s. Depuis, le gouvernement a apporté des changements pour renforcer la sévérité et l’efficacité des options d’exécution du Ministère. Il est toutefois important que la Direction applique attentivement ces améliorations pour obtenir les résultats attendus.

 

ABC de la conformité

447    Durant la première vague de la COVID-19, les inspecteur(trice)s devaient imposer une ou plusieurs mesures d’exécution aux foyers en cas de non-conformité à la loi[134].

448    La Direction de l’inspection utilisait un « modèle d’exécution fondé sur le risque » pour intensifier les mesures imposées si un foyer de soins de longue durée avait du mal à respecter la loi. Ce modèle consiste en trois pyramides à bandes rouges, jaunes et vertes.

449    Si un foyer observait très bien la loi, le Ministère consacrait moins de ressources à l’exécution. Si l’observation était modérée, il en consacrait plus pour « favoriser et renforcer la conformité ». Si elle était faible, il déployait beaucoup de ressources pour « une exécution efficace, accrue et significative ».

450    À ce moment, le Ministère ne manquait pas de mesures d’exécution pour faire corriger les problèmes de non-conformité :

  • Avis écrit : Mesure minimale prise par les inspecteur(trice)s pour les cas de non-conformité. Figurent dans l’avis écrit la disposition législative visée et les motifs du constat de non-conformité. Le foyer n’a rien à faire de particulier.

  • Plan de redressement volontaire : Mesure exigeant que le(la) titulaire de permis prépare un plan de redressement pour se conformer à la loi. Ce plan n’a pas à être transmis à l’inspecteur(trice) ou présenté lors des inspections suivantes. En avril 2022, le plan de redressement volontaire n’était plus une mesure d’exécution valide[135].

  • Ordre de conformité : L’inspecteur(trice) ou la directrice de la Direction peut ordonner au(à la) titulaire de permis d’un foyer de soins de longue durée de faire ou de cesser de faire quelque chose pour se conformer à une exigence de la loi. Le(la) titulaire peut aussi devoir préparer, produire et appliquer un plan à cette fin. Les foyers peuvent demander à la directrice de réexaminer un ordre de conformité, qui sera confirmé, modifié ou annulé. Il est possible d’interjeter appel de la décision de la directrice devant la Commission d’appel des services de santé[136].


451    Un(e) inspecteur(trice) peut aussi faire un renvoi à la direction, ce qui n’a aucune conséquence immédiate pour le foyer, mais peut déboucher sur les mesures d’exécution les plus sévères. Les inspecteur(trice)s doivent d’abord consulter la direction avant de prendre cette mesure. Lorsqu’un renvoi est fait, la direction peut, à sa discrétion, rendre des ordres, notamment exiger la nomination d’une autre personne pour gérer le foyer ou encore suspendre le financement du foyer ou révoquer son permis[137]. Il est possible pour les foyers d’interjeter appel des ordres de la direction devant la Commission d’appel et de révision des services de santé, qui peut les annuler, les confirmer ou les modifier[138].

452    Certaines infractions prévues par la législation sur les soins de longue durée peuvent entraîner des poursuites au titre de la Loi sur les infractions provinciales. Par exemple, constitue une infraction provinciale le défaut de se conformer à certains ordres, quelle que soit la raison ayant poussé le Ministère à les donner. Généralement, dans ces cas, les personnes physiques, les administrateur(trice)s et les dirigeant(e)s des foyers de soins de longue durée s’exposent à des amendes ou à une peine d’emprisonnement. En cas de récidive, les personnes physiques peuvent recevoir une amende maximale de 200 000 $, et les personnes morales, de 500 000 $[139]. On nous a dit qu’il est très rare que le Ministère intente des poursuites : en effet, il n’y en a eu aucune durant la décennie d’application de la Loi sur les foyers de soins de longue durée. Le sous-ministre nous a dit que le Ministère n’avait pas la capacité réelle de préparer une poursuite.

453    Depuis 2017, la législation sur les soins de longue durée comportait aussi un outil d’exécution, les pénalités administratives, qui permettait au gouvernement d’imposer une pénalité maximale de 100 000 $ suivant un constat de non-conformité[140]. Ces dispositions n’ont toutefois pas pris effet avant la pandémie. Le Ministère peut désormais s’en prévaloir au titre de la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée[141].

454    Les diverses mesures d’exécution du Ministère sont assorties d’un échéancier, sauf les avis écrits, qui ne font l’objet d’aucun suivi. Si le foyer a reçu l’ordre de préparer un plan de conformité, il a habituellement 10 jours ouvrables pour le présenter au Ministère, qui fixe aussi une « date limite de conformité » aux éléments indiqués dans l’ordre. Au moment de notre enquête, ces dates limites étaient de 7, 21, 90 ou 120 jours ouvrables, selon le caractère prioritaire du problème et les échanges avec le foyer. La Direction planifie une inspection de suivi – de 30 à 60 jours ouvrables après la date limite – pour s’assurer que le foyer a rectifié le tir.

455    Cependant, il arrive parfois que la conformité soit urgente, auquel cas un(e) inspecteur(trice) peut rendre un ordre immédiat. Au début de la pandémie, les inspecteur(trice)s devaient le faire dans « toute situation causant un préjudice ou un risque réel considérable, un préjudice grave ou posant un danger (risque) immédiat ». Le foyer devait alors régler le problème avant le lendemain ou le départ de l’inspecteur(trice).

456    Nous avons examiné un nombre considérable de données sur les types de mesures d’exécution prises par la Direction pour régler les problèmes de non-conformité avant la pandémie. Le tableau ci-dessous présente celles utilisées en 2019 (en ordre croissant de sévérité).

Nombre de mesures d’exécution prises par le ministère des Soins de longue durée en 2019

Charte - Nombre de mesures d’exécution prises par le ministère des Soins de longue durée en 2019


457    Selon la politique sur les transferts de la Direction de l’inspection, la quasi-totalité des cas de non-conformité mènent à un avis écrit (qui s’ajoute parfois à d’autres mesures); leur nombre n’a donc rien de surprenant. Plus de la moitié des constats de non-conformité débouchent sur l’obligation de produire un plan de redressement volontaire, qui ne requiert aucun suivi du Ministère. En 2019, moins de 20 % de ces constats ont donné lieu à un ordre de conformité, à un renvoi à la direction ou à un ordre de la direction, qui nécessitent tous un suivi. Pour les 80 % de cas restants, le Ministère n’a donc fait aucun suivi, et ne savait pas si le problème avait été réglé par le foyer.

 

 

« Matrice de jugement » éclairé

458    Durant la première vague de la COVID-19, pour décider des mesures d’exécution à prendre pour corriger une non-conformité, les inspecteur(trice)s du Ministère se fiaient à une « matrice de jugement » éclairé (voir l’annexe B ci-jointe). Le Ministère utilise maintenant un autre modèle décisionnel qui reprend beaucoup de critères pertinents de la matrice.

459    Avec la matrice, l’inspecteur(trice) devait d’abord attribuer deux notes à chaque constat de non-conformité :

  • Gravité : Risque de préjudice pour les résident(e)s. Les notes, qui vont de 1 (moins grave) à 4 (plus grave), ont essentiellement la même signification que les niveaux de risque pour le triage, sauf qu’il n’y a pas de niveau 3+.

  • Portée : Degré de généralisation du problème dans le foyer allant de 1 (problème « isolé ») à 3 (problème « généralisé »).


460    L’inspecteur(trice) pouvait modifier ou hausser la note attribuée si le problème se trouvait dans la liste des « principaux indicateurs de risque » (problèmes posant un risque accru de préjudice pour les résident(e)s de foyers de soins de longue durée), comme la prévention et le contrôle des infections.

461    La matrice proposait ensuite diverses mesures d’exécution en fonction des notes, dont une par défaut. Les inspecteur(trice)s pouvaient opter pour une autre mesure que celle par défaut, selon les antécédents de conformité du foyer dans les 36 mois précédents, par exemple imposer une mesure plus contraignante en cas de récurrence.

462    Les inspecteur(trice)s devaient consigner leur décision dans une matrice de jugement éclairé / un outil de détermination de la date limite de conformité.  Si un ordre de conformité était rendu, l’inspecteur(trice) devait aussi indiquer comment la date limite de conformité avait été déterminée. Les inspecteur(trice)s avaient une bonne marge de manœuvre pour décider des mesures d’exécution à prendre pour régler les problèmes de non-conformité.

 

Renvois à la direction

463    La mesure d’exécution la plus sévère pouvant être imposée est le renvoi du problème au(à la) directeur(trice) de la Direction de l’inspection du Ministère. Durant la première vague de la pandémie, il y a eu 12 renvois, car la politique du Ministère prévoyait un renvoi « automatique » dans les cas suivants :

  • il y a un sérieux risque pour les résident(e)s (plusieurs ordres sont donnés pour des problèmes présentant un « risque élevé »);

  • il s’agit du troisième ordre de conformité consécutif donné au foyer pour la même non-conformité;

  • l’intervention nécessaire suivant un constat de non-conformité n’est pas du ressort de l’inspecteur(trice).


464    La politique sur les renvois à la direction a changé au fil de la pandémie. Depuis février 2022, aucune situation n’appelle un renvoi « automatique ». La politique revue impose à l’inspecteur(trice) et au(à la) chef(fe) de prendre en compte quatre facteurs : la mesure d’exécution suggérée dans la matrice de jugement éclairé, la récidive de la non-conformité, le risque posé par la situation (risque élevé?) et le ressort d’intervention de l’inspecteur(trice).

465    Avant de renvoyer un cas à la direction, les inspecteur(trice)s doivent consulter les chef(fe)s. Si le renvoi est retenu, l’inspecteur(trice) donne un ordre au foyer, remplit un formulaire à l’intention des chef(fe)s de la Direction décrivant les problèmes et prépare les documents à l’appui. L’inspecteur(trice) et les chef(fe)s rencontrent ensuite le(la) directeur(trice) de la Direction, qui décide s’il faut aller de l’avant. Si cette personne établit qu’aucune mesure n’est requise, le dossier est classé. Elle peut prendre sa décision n’importe quand et n’a pas à consigner les raisons la justifiant.

466    Le(la) directeur(trice) peut imposer plusieurs mesures, par exemple demander au foyer de préparer un plan de conformité pour rectifier la situation (à transmettre au Ministère pour publication sur son site Web), donner divers ordres et révoquer un permis. Il lui est aussi possible de rencontrer l’exploitant(e) du foyer de soins de longue durée pour discuter des problèmes et expliquer ce qui doit être fait pour assurer la conformité.

467    Avant la pandémie, les problèmes de non-conformité liés à la prévention et au contrôle des infections étaient rarement portés à l’attention de la directrice de la Direction de l’inspection. En 2019, il n’y a eu qu’un seul renvoi à la direction : le cas du foyer Village at St. Clair de Windsor, qui n’avait pas surveillé les symptômes d’infection chez les résident(e)s à chaque quart de travail et n’avait pas réglé le problème malgré deux ordres de conformité antérieurs du Ministère[142]. Suivant ce renvoi, la directrice avait choisi de ne pas donner d’ordre; elle avait plutôt demandé au foyer de présenter un plan de conformité et de rencontrer les fonctionnaires du Ministère. Après une inspection de suivi, le foyer avait été jugé conforme, donc le dossier avait été classé.

468    En 2020, il n’y a eu qu’un renvoi à la direction, pour des problèmes de prévention et de contrôle des infections. Ce renvoi remontait à tout juste avant le début de la pandémie et, fait étonnant, le dossier est resté ouvert durant toute la première vague. Il visait une grave flambée de maladie respiratoire au foyer Midland Gardens Care Community de Scarborough et faisait suite à une série d’inspections.

 

Midland Gardens

469    En 2019, le foyer Midland Gardens Care Community – un établissement de 299 lits géré par Sienna Senior Living Inc. – a connu une grave flambée de maladie respiratoire. Trois plaintes concernant la prévention et le contrôle des infections avaient été déposées à la Direction de l’inspection du Ministère, donnant lieu à une inspection.

470    Selon le rapport d’inspection du Ministère concernant cette flambée, le foyer avait attendu plusieurs jours avant de signaler au Ministère et au bureau de santé publique local que des résident(e)s et des membres du personnel présentaient des symptômes de maladie respiratoire[143]. Le rapport précisait que si le signalement avait été fait plus tôt, le bureau de santé publique aurait déclaré la flambée et imposé des mesures pour « aider à limiter la propagation et maîtriser plus rapidement l’éclosion ». Un(e) résident(e) serait décédé(e). L’inspecteur(trice) avait conclu à une infraction à la loi parce que le foyer ne s’était pas assuré que son personnel participe au programme de prévention et de contrôle des infections.

471    Dans ce dossier, l’inspecteur(trice) avait donné un avis écrit et un ordre de conformité au foyer, puis renvoyé l’affaire à la directrice de la Direction de l’inspection pour la suite. Il(elle) avait préparé un document interne pour justifier le renvoi, indiquant que le foyer avait « omis de signaler les signes d’éclosion » au bureau de santé publique. Il y était mentionné que le personnel ne savait « ni quand ni comment prendre des mesures pour surveiller adéquatement les éclosions » et que « rien » ne confirmait que le foyer avait formé et sensibilisé son personnel comme l’avait recommandé le bureau de santé publique. On y notait aussi qu’un constat semblable avait été fait pour ce foyer en 2017, ce qui avait mené à la préparation d’un plan de redressement volontaire. Selon l’inspecteur(trice), le renouvellement rapide de la direction du foyer avait rendu difficile la résolution des problèmes, qui présentaient un « risque grave et généralisé » pour les résident(e)s.

472    L’inspecteur(trice) avait recommandé une « cessation des admissions » au foyer jusqu’à ce que la Direction puisse confirmer qu’il s’était conformé au dernier ordre reçu. Le foyer n’aurait donc pas pu accueillir de nouvelles personnes résidentes. Un autre document de la Direction réitérait que le foyer présentait « un risque élevé de non-conformité » et proposait, outre l’interdiction de nouvelles admissions, un ordre de gestion obligatoire.

473    Des fonctionnaires du Ministère avaient tenu une réunion en février 2020 pour discuter de ces problèmes graves. Or, bien qu’on l’ait informée de la « désorganisation » et de la « paralysie » de la direction, et de sa participation à une « culture toxique » (selon le procès-verbal), la directrice de la Direction de l’inspection n’avait donné aucun ordre ni mis frein aux admissions. Elle avait plutôt choisi de tenir des « réunions de mise au point » régulières avec le foyer.

474    Le 11 mars 2020, la directrice et d’autres fonctionnaires de la Direction ont officiellement rencontré le(la) dirigeant(e) de Midland Gardens pour lui confirmer que plutôt que d’opter pour un ordre de gestion obligatoire et la suspension des admissions, il y aurait des réunions régulières de mise au point, sous forme de « projet pilote ». Selon les notes de la Direction, ces réunions ne constitueraient pas des inspections de suivi. La Direction y voyait plutôt une « occasion de partenariat et de collaboration » avec le foyer pour l’aider à se conformer.

475    Le moment choisi pour ce projet pilote ne pouvait pas tomber plus mal. En quelques jours, la COVID-19 est devenue la priorité de la Direction, qui devait soutenir les foyers de soins de longue durée de la province et faire le suivi auprès d’eux. Le dossier de renvoi à la direction de l’affaire du foyer Midland Gardens est resté ouvert, mais à l’évidence, rien n’a été fait de mars à juin 2020. Durant cette période, ce foyer était débordé en raison d’une maladie respiratoire causée par la COVID-19. L’éclosion avait commencé le 6 avril 2020. Le 14 juin, le foyer comptait plus d’une centaine de cas de COVID-19, et 42 décès attribuables au virus chez les résident(e)s.

476    À la reprise des inspections, les inspecteur(trice)s du Ministère avaient relevé plus de problèmes de prévention et de contrôle des infections au foyer. À la fin de juin 2020, ils(elles) avaient constaté que les membres du personnel ne portaient pas le masque ou le portaient sous le nez, ne portaient pas de lunettes protectrices et n’utilisaient pas de barrière pour le dépistage des visiteur(se)s. Ils(elles) avaient aussi vu du personnel passer d’un(e) résident(e) à l’autre sans se laver les mains. Or, même ces constats en pleine pandémie n’avaient pas poussé la Direction à imposer de mesures d’exécution sévères. L’inspecteur(trice) avait plutôt donné un avis écrit, soit la mesure la plus clémente. Le renvoi à la direction sur cette même question était resté ouvert; nous ignorons si la Direction en a tenu compte pour décider des mesures à prendre.

477    À la fin de juillet 2020, la directrice de la Direction avait envoyé une lettre aux responsables du foyer Midland Gardens à propos du dossier ouvert, confirmant que la prochaine étape serait des « réunions de mise au point » ordinaires pour les épauler avec le plan de conformité, qu’on voulait durable, conformément à ce qui avait été dit à la réunion de mars. Nous n’avons pas pu confirmer si ces réunions ont eu lieu ni quand, le cas échéant. Cependant, la Direction avait envoyé, en novembre 2020, une autre lettre indiquant que le foyer avait été jugé conforme à la suite des inspections de suivi de septembre et d’octobre, et que le renvoi à la direction serait classé.

478    Les problèmes de contrôle des infections avaient toutefois continué au foyer. Selon les inspections d’avril et de mai 2021 – et pour la quatrième fois depuis 2017 –, le foyer ne respectait pas les exigences de prévention et de contrôle des infections. Malgré cette contravention répétée aux dispositions réglementaires, seul un plan de redressement volontaire avait été imposé, ce qui signifie que la Direction n’avait pas à retourner sur place pour vérifier si le foyer avait réglé le problème.

479    Nous avons questionné plusieurs fonctionnaires du Ministère sur ce dossier pour mieux comprendre pourquoi la Direction de l’inspection n’avait pas recouru à des mécanismes d’exécution plus contraignants contre le foyer Midland Gardens. Malheureusement, ces discussions ne nous ont pas vraiment éclairé(e)s.

480    Il nous a aussi été impossible de clarifier si le dossier de renvoi à la direction ouvert avait influé sur l’évaluation des risques au foyer par la Direction au début de la pandémie. Selon les dossiers que nous avons examinés, même après le début de la flambée de COVID-19 au foyer, le Ministère avait indiqué le plus faible niveau de risque dans son outil de suivi. Il n’y avait aucune mention du renvoi à la direction concernant les mesures de PCI ni des ordres de conformité déjà donnés pour ce problème.

481    À l’automne 2021, le Ministère a mis à jour son processus pour évaluer les risques liés à la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée pour que soient expressément pris en compte les renvois à la direction ouverts ou les ordres de conformité en cours pour des problèmes de prévention et de contrôle des infections. Si une telle politique avait été en place au début de 2020, le dossier de renvoi ouvert pour Midland Gardens aurait peut-être poussé le Ministère à en faire plus, et plus tôt, et la réaction du foyer aurait peut-être été plus efficace durant la première vague.

 

Mesures d’exécution au foyer Altamont

482    Un autre cas pour lequel nous avons remis en question la raison d’être d’un renvoi à la direction est celui du foyer Altamont Care Community, à Scarborough, qui avait reçu l’aide des FAC et où l’on avait recensé 53 décès de résident(e)s durant la première vague de la COVID 19. Lors de son inspection réalisée dans la foulée du rapport du printemps 2020 des FAC, le Ministère avait relevé des non-conformités dans 17 domaines relevant de la législation et dressé 26 constats distincts[144].

483    Pour 20 de ces 26 constats, l’inspecteur(trice) du Ministère avait imposé une mesure d’exécution moins sévère que celle établie « par défaut » dans la matrice de jugement éclairé. Beaucoup de ces constats découlaient de problèmes entrant dans les principaux indicateurs de risque.

484    Selon les dossiers du Ministère, pour 12 des 26 constats, la mesure d’exécution par défaut était un renvoi à la direction. Les inspecteur(trice)s avaient toutefois choisi une mesure d’exécution moins sévère dans tous ces cas. La plupart du temps, la raison de cette dérogation était l’absence d’ordre de conformité au dossier pour le même problème. Dans un des cas où un tel ordre avait été donné antérieurement, mais où le renvoi à la direction avait été écarté, la seule justification était « j’en discuterai avec [les gestionnaires des inspections] ». Rien n’indique que cette discussion a eu lieu ni ce qui en est ressorti, le cas échéant. Questionné(e) à ce sujet lors de nos entrevues, le(la) chef(fe) n’avait aucun souvenir d’une telle discussion.

485    Il est difficile de savoir pourquoi les inspecteur(trice)s avaient décidé de ne pas procéder à des renvois à la direction dans certains cas. Le rapport d’inspection comptait notamment beaucoup de pages sur les pratiques laxistes du foyer en matière de PCI. On y notait que le personnel ne se lavait pas les mains, ne respectait pas la distanciation physique et ne portait pas adéquatement l’équipement de protection individuelle (EPI) ainsi qu’un manque d’EPI et le regroupement de personnes infectées et de personnes non infectées par la COVID-19. Selon le rapport, ces problèmes de PCI étaient généralisés dans le foyer. En outre, il s’agissait de la troisième infraction aux exigences de PCI en deux ans pour le foyer. Selon les notes attribuées par les inspecteur(trice)s, la mesure par défaut était un renvoi à la direction. Le rapport faisait aussi état d’autres problèmes dans le foyer, dont l’absence d’aires de refroidissement pour les résident(e)s.

486    Mais malgré la sévérité des cotes attribuées et l’historique de non-conformité du foyer en matière de PCI, les inspecteur(trice)s avaient ignoré la mesure par défaut, soit le renvoi à la direction, et avaient plutôt donné un « ordre de conformité », un choix écartant les mesures plus sévères pour régler les problèmes, comme un ordre de la direction. La raison évoquée était que la Direction n’avait jamais donné d’ordre de conformité au foyer pour ce problème.

487    En plus des 12 constats où le renvoi à la direction par défaut (au sens de la matrice de jugement éclairé) avait été délaissé au profit d’une mesure moins sévère, les inspecteur(trice)s avaient opté pour des mesures d’exécution plus clémentes à huit autres reprises. Dans tous ces cas, la mesure par défaut était un ordre de conformité, mais les inspecteur(trice)s avaient plutôt opté pour un plan de redressement volontaire, qui ne requiert aucune inspection de suivi pour confirmer que le foyer a réglé le problème.

488    Les inspecteur(trice)s auraient aussi pu, pour certains constats dans au moins deux situations, choisir une mesure plus sévère que celle par défaut vu l’historique de conformité du foyer, mais ne l’ont pas fait.

489    Pour 11 des 12 ordres de conformité donnés, les inspecteur(trice)s avaient accordé deux mois au foyer Altamont pour rectifier le tir. En ce qui concerne le 12e ordre, celui sur l’absence d’aires de refroidissement, le foyer avait eu environ trois semaines pour faire ce qui s’imposait. Ces échéanciers n’étaient justifiés nulle part. L’« outil décisionnel » utilisé par les inspecteur(trice)s comporte une section pour inscrire les raisons, mais dans tous les cas, elle était vierge.

490    Nous avons posé des questions aux fonctionnaires du Ministère sur le processus décisionnel relatif à cette inspection : leurs réponses étaient variées. Un(e) a fait observer qu’au moment de l’inspection, il y avait une entente de gestion volontaire en place au foyer, ce qui veut dire que la gestion changeait quotidiennement. D’autres ont dit avoir confiance dans le jugement des inspecteur(trice)s, qui avaient beaucoup d’expérience. Aucune de ces explications ne figurait dans les dossiers du Ministère.

491    En fin de compte, le foyer Altamont avait reçu :

  • 17 avis écrits – un pour chaque domaine d’infraction à la législation;

  • 9 demandes de plan de redressement volontaire;

  • 12 ordres de conformité.


492    En novembre 2020, le Ministère avait fait le suivi de certains constats de non-conformité figurant dans le rapport d’inspection de juillet 2020, dont les problèmes de PCI. Les inspecteur(trice)s avaient déterminé que le foyer était maintenant conforme pour les points soulevés, mais avaient relevé de nouvelles non-conformités en matière de PCI[145]. Même si c’était la quatrième fois en deux ans que le foyer Altamont contrevenait aux exigences de PCI, les inspecteur(trice)s avaient demandé la préparation d’un autre plan de redressement volontaire, ce qui ne requiert aucune inspection de suivi.

493    Lorsque nous avons parlé de cette décision avec le personnel du Ministère, il n’était initialement pas en mesure d’expliquer pourquoi la Direction n’avait pas intensifié les mesures d’exécution, vu la récurrence des non-conformités au foyer. Toutefois, lorsque nous avons mentionné que la quatrième inspection, effectuée en novembre 2020, avait fait ressortir des infractions à des dispositions légèrement différentes de la législation, on nous a répondu que c’était ça le motif. Le Ministère considère qu’une non-conformité est récurrente seulement si elle vise la même disposition. Selon un(e) fonctionnaire, c’est ainsi « sinon certains foyers seraient constamment visés par des ordres ».

 

Mesures d’exécution au foyer Pinecrest

494    Le Ministère a montré le même manque d’empressement dans un autre foyer, où les inspecteur(trice)s avaient relevé de graves problèmes de PCI durant la première vague de la COVID-19.

495    Le foyer de soins de longue durée Pinecrest, de Bobcaygeon, est relativement petit, avec quelque 65 lits. Il a été le premier de la province à connaître une importante flambée épidémique qui aura emporté 28 résident(e)s sur 65 (plus de 40 %).

496    Le Ministère a commencé son inspection du foyer Pinecrest le 8 juin 2020, une fois la flambée terminée. Le rapport du 30 juin décrivait une foule de problèmes de PCI, dont les suivants :

  • Il y a des membres du personnel et des résident(e)s assi(se)s à proximité des un(e)s des autres sans masque.

  • Il y a des membres du personnel qui ne changent pas leurs gants lorsqu’ils(elles) se déplacent dans le foyer.

  • Il y a des membres du personnel qui ne savent pas comment mettre et enlever l’équipement de protection individuelle de façon appropriée.

  • On a placé un(e) résident(e) faisant l’objet de mesures de précaution contre les gouttelettes ou les contacts dans la même chambre que quelqu’un d’autre à son retour de l’hôpital même s’il y avait des chambres libres[146].


497    Au terme de l’inspection, il avait été déterminé que le foyer ne respectait pas les pratiques de PCI, et la conclusion suivante avait été ajoutée au rapport :

[Traduction]
La cote de gravité s’élevait à 4, vu le préjudice immédiat [pour les résident(e)s] recensé, et celle de la portée était de 3, soit un problème généralisé, vu l’incidence de la prévention et du contrôle des infections sur les résident(e)s et le personnel. L’historique de conformité était de niveau 3 puisque le foyer avait déjà eu des problèmes de non-conformité au titre de la même disposition.


498    Pour des cotes de gravité et de portée aussi élevées, la matrice de jugement éclairé recommande au Ministère de révoquer le permis du foyer et de nommer un(e) dirigeant(e) par intérim pendant le processus de fermeture. Selon la politique ministérielle, vu l’historique récent de non-conformité à la PCI du foyer, les inspecteur(trice)s ne pouvaient pas imposer une mesure moins sévère.

499    Malgré ces constats et les exigences de la matrice, la directrice n’avait pas révoqué le permis du foyer Pinecrest. En fait, il n’y avait même pas eu de renvoi à la direction. Les inspecteur(trice)s avaient plutôt opté pour un ordre de conformité obligeant le foyer à :

  • revoir ses politiques de PCI pour qu’elles reflètent les pratiques exemplaires;

  • former de nouveau son personnel sur divers sujets, comme l’hygiène des mains, l’EPI, le dépistage, la surveillance, la distanciation physique et l’auto-isolement, et tenir un registre des personnes formées;

  • instaurer un mécanisme pour valider le respect de la PCI.


500    Malgré le constat que les problèmes causaient un « préjudice immédiat », les inspecteur(trice)s ont donné au foyer jusqu’au 30 septembre 2020 – soit trois mois – pour régler les trois problèmes mentionnés dans l’ordre de conformité.

 

Beaucoup de latitude, peu d’empressement

501    Notre Bureau a constaté de nombreux autres cas où le Ministère a imposé des mesures minimales suivant des problèmes de non-conformité graves durant la première vague et accordé aux foyers vraiment beaucoup de temps pour se conformer. Un rapport d’inspection d’août 2020 faisait état de 11 constats de non-conformité au foyer Hawthorne Place Care Centre, qui avait obtenu l’aide des Forces armées canadiennes[147]. Pour deux de ces constats, l’inspecteur(trice) avait pris une mesure d’exécution moins sévère que celle recommandée dans la matrice de jugement éclairé. Cette décision, selon le personnel du Ministère, s’expliquait en partie par l’importance accordée par la Direction aux appels de soutien et de suivi, à l’impossibilité de procéder à une inspection de suivi et à la consultation des chef(fe)s de la Direction. Le foyer avait eu sept semaines pour se conformer à certaines choses.

502    Les inspecteur(trice)s du Ministère peuvent donner des « ordres immédiats » dans certaines circonstances, lorsque les foyers de soins de longue durée doivent prendre des mesures urgentes pour régler les problèmes. Ces types d’ordres sont extrêmement rares. Nous n’en avons trouvé que deux entre mars et décembre 2020. Selon la politique ministérielle actuelle, rien n’oblige les inspecteur(trice)s à donner un « ordre immédiat », quelles que soient les conditions prévalant dans le foyer. Les inspecteur(trice)s ont un large pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de fixer la date limite de conformité.

503    Bien qu’il soit pertinent pour les inspecteur(trice)s d’avoir un pouvoir discrétionnaire et pour les foyers d’avoir une occasion raisonnable de rectifier la situation, l’octroi de longs délais de conformité fait que les résident(e)s sont susceptibles de vivre dans des conditions médiocres pendant des semaines, voire des mois. Pour changer les choses, le Ministère devrait s’assurer que la Direction de l’inspection donne toujours un ordre de conformité immédiate si au moins un(e) résident(e) est exposé(e) en continu à un risque de préjudice grave. En l’absence de risque immédiat, la Direction devrait s’assurer que les inspecteur(trice)s n’accordent pas de délais de conformité supérieurs à ce qui est recommandé, sauf en présence d’un motif évident et incontestable pour le faire. L’inspecteur(trice) devrait consigner ce motif, et le Ministère exiger que toute prolongation du délai soit approuvée par un(e) chef(fe).

 
Recommandation 54

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que la Direction de l’inspection donne toujours un ordre de conformité immédiate si au moins un(e) résident(e) est exposé(e) en continu à un risque de préjudice grave.

 
Recommandation 55

En l’absence de risque immédiat, la Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les inspecteur(trice)s n’accordent pas de délais de conformité supérieurs à ce qui est recommandé, sauf en présence d’un motif évident et incontestable pour le faire.

 
Recommandation 56

Le ministère des Soins de longue durée devrait exiger que les inspecteur(trice)s consignent leur motif évident et incontestable pour accorder un délai de conformité supérieur à ce qui est recommandé et qu’un(e) chef(fe) approuve cette décision.



 

504    Nous avons aussi vu de nombreux cas où les inspecteur(trice)s du Ministère ont opté pour une mesure d’exécution plus clémente que celle recommandée. Bien que la politique confère aux inspecteur(trice)s le pouvoir discrétionnaire d’imposer, dans certains cas, des mesures plus sévères, notre enquête a révélé que cette pratique est plutôt rare; la plupart du temps, les mesures sont assouplies et non durcies. Le choix d’y aller avec une mesure d’exécution plus clémente était lourd de conséquences, influant sur les mesures que le foyer devait prendre pour régler le problème ainsi que sur son dossier de conformité en général. Comme les mesures d’exécution antérieures déterminent les suivantes, les conséquences de ce choix se combinent avec le temps.

505    Selon un diaporama préparé par la Direction de l’inspection à l’intention du Bureau du ministre, les inspecteur(trice)s devaient « s’en tenir aux [mesures d’exécution recommandées] médianes ou par défaut, à moins d’avoir un motif solide pour y déroger ». Or, selon les dossiers d’inspection du Ministère que nous avons examinés, les inspecteur(trice)s ont régulièrement fait fi des mesures par défaut au profit de mesures plus clémentes sans justification apparente.

506    Il semble que le gouvernement ait reconnu ce problème durant l’enquête menée par mon Bureau. En effet, selon la nouvelle politique du Ministère, en date d’avril 2022, les inspecteur(trice)s n’ont plus la latitude de changer la mesure d’exécution applicable. Cela devrait contribuer à solidifier et à uniformiser l’approche en matière d’exécution.

507    Toutefois, une grande ambiguïté demeure quant aux types de problèmes devant être renvoyés à la directrice de la Direction de l’inspection. Au début de 2022, la politique sur les renvois à la direction précisait quatre critères. Outre les directives de la matrice de jugement éclairé, on parle de la récurrence des infractions suivant un ordre de conformité, de l’existence d’un risque élevé p et du ressort d’intervention de l’inspecteur(trice) suivant un constat de non-conformité.

508    Plusieurs de ces critères sont de nature fondamentalement subjective, et les inspecteur(trice)s ont peu de consignes sur les types de situations visés par la politique. Le transfert à la direction est la mesure la plus sévère que peuvent imposer les inspecteur(trice)s, et il est important qu’ils(elles) comprennent comment exercer ce pouvoir. Le Ministère devrait donner aux chef(fe)s et aux inspecteur(trice)s des directives plus claires sur les cas où il faut envisager un transfert. La Direction devrait donner des exemples des différentes situations présentant un risque élevé devant être portées à l’attention du(de la) directeur(trice), ainsi que des conseils sur les cas exigeant des mesures hors du ressort de l’inspecteur(trice).

 
Recommandation 57

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier la politique sur les transferts à la direction pour mieux expliquer quand les inspecteur(trice)s doivent envisager un transfert.

 
Recommandation 58

La version révisée de la politique sur les transferts à la direction du ministère des Soins de longue durée devrait définir ce qu’est une « situation présentant un risque élevé » et contenir des exemples concrets.

 
Recommandation 59

La version révisée de la politique sur les transferts à la direction du ministère des Soins de longue durée devrait contenir des directives claires sur les cas exigeant des mesures hors du ressort de l’inspecteur(trice).



 

509    La politique sur les transferts à la direction ne fixe pas d’échéancier pour les différentes étapes du processus de transferts et n’exige pas que le(la) directeur(trice) justifie ses décisions. Dans le cas du foyer Midland Gardens, il s’est écoulé près d’un an entre le début de l’inspection ayant mené au renvoi et le classement du dossier. Aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi la directrice a décidé de ne pas imposer d’autres mesures d’exécution, malgré le nombre élevé d’infractions aux exigences de prévention et de contrôle des infections.

510    Toute non-conformité menant à un transfert à la direction est intrinsèquement grave; il est donc primordial que la Direction traite rapidement et pleinement tous les transferts. La Direction de l’inspection du Ministère devrait établir un échéancier clair pour ce processus et l’indiquer dans la politique. Les délais devraient être choisis pour que la Direction traite ces dossiers importants dès que possible afin de limiter le risque de préjudice pour les résident(e)s. Le Ministère devrait s’assurer que la direction consigne toutes ses décisions relatives aux mesures d’exécution et les justifications connexes. Pour plus de transparence, le Ministère devrait publier ces justifications sur son site Web. Le public comprendrait ainsi mieux les étapes suivies à la suite d’un constat de non-conformité et leur motif.

 
Recommandation 60

Le ministère des Soins de longue durée devrait préparer une politique établissant un échéancier clair pour le transfert à la direction afin de s’assurer que les dossiers importants sont traités dès que possible en vue de limiter le risque de préjudice pour les résident(e)s.

 
Recommandation 61

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que la personne dirigeant la Direction de l’inspection consigne les motifs de ses décisions pour chaque dossier qui lui est renvoyé.

 
Recommandation 62

Pour plus de transparence, le ministère des Soins de longue durée devrait publier sur son site Web les décisions prises à la suite des transferts à la direction ainsi que leurs motifs.



 

Une nouvelle ère d’exécution

511    Lors de son entrée en vigueur en avril 2022, la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée a considérablement changé la façon dont le Ministère fait respecter les dispositions législatives. La Direction de l’inspection a aussi mis en place une nouvelle politique et un nouveau processus pour établir quelles mesures d’exécution imposer. Conformément à cette politique, les inspecteur(trice)s doivent, pour chaque constat de non-conformité, évaluer trois facteurs : la gravité, la portée et l’historique de conformité.

512    L’inspecteur(trice) détermine, en fonction de ces facteurs, les mesures d’exécution à prendre en se référant à un outil décisionnel pour les « cas de non-conformité » intégré à un modèle (voir l’annexe C).

513    Conformément à la nouvelle politique décisionnelle, les plans de redressement volontaires ne sont plus une option, car ils ont été retirés de la liste des mesures d’exécution dans la législation, à l’instar des transferts à la direction et des divers ordres de la direction. La politique exige plutôt que les inspecteur(trice)s envisagent un transfert à la direction lorsqu’un avis écrit ou un ordre de conformité est donné. Si l’inspecteur(trice) croit qu’un transfert à la direction est justifié, il(elle) doit en discuter avec un(e) chef(fe). Si le transfert est l’option retenue, la direction peut décider de la suite des choses, par exemple donner un ou plusieurs ordres. Les inspecteur(trice)s ne peuvent toutefois plus changer la mesure d’exécution choisie à la fin du processus.

514    L’outil décisionnel pour les non-conformités est conçu de façon à ce que dans la vaste majorité des cas, le niveau de gravité détermine la mesure d’exécution appropriée, quels que soient les autres facteurs. Vu l’importance de cette détermination, la Direction de l’inspection devrait confirmer que les inspecteur(trice)s suivent une formation approfondie sur l’évaluation de la gravité des préjudices causés aux résident(e)s des foyers de soins de longue durée par divers types de problèmes de non-conformité. Pour établir la « gravité » d’un problème particulier, les inspecteur(trice)s doivent s’attarder à la santé et au bien-être des résident(e)s et prendre en compte le préjudice subi ou le risque de préjudice.

 
Recommandation 63

Le ministère des Soins de longue durée devrait confirmer que les inspecteur(trice)s suivent une formation approfondie sur l’évaluation de la gravité des préjudices causés aux résident(e)s des foyers de soins de longue durée par divers types de problèmes de non-conformité.

 
Recommandation 64

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que ses politiques et procédures exigent que pour établir la « gravité » d’un problème en particulier, les inspecteur(trice)s s’attardent à la santé et au bien-être des résident(e)s et prennent en compte le préjudice subi ou le risque de préjudice.



 

515    La nouvelle méthode pour évaluer l’historique de non-conformité est de choisir entre deux options : « non-conformité par le passé » et « aucune non-conformité ». Le processus pour déterminer qu’il y a eu « non-conformité par le passé » est très technique et dépend de la façon dont les constats de non-conformité ont été classées par le Ministère dans les 36 mois précédents. La législation sur les soins de longue durée est extrêmement détaillée, et bon nombre de ses articles, paragraphes et alinéas couvrent des sujets très similaires. Par exemple, si un foyer a enfreint l’alinéa 6(10)(b) de la législation qui porte sur les programmes de soins, mais que lors d’une inspection subséquente, il est établi qu’il a contrevenu aux alinéas 6(10)(a) et 6(10)(c), l’infraction antérieure ne sera pas considérée comme faisant partie des cas de « non-conformité par le passé », même si tous ces alinéas portent sur les programmes de soins.

516    Comme certains articles de la loi comportent des dizaines de paragraphes et d’alinéas, cela pourrait donner des résultats absurdes. Plutôt que de regarder uniquement les dispositions législatives, le Ministère devrait modifier sa politique pour que les inspecteur(trice)s considèrent tous les constats de non-conformité antérieurs d’un foyer dans un même domaine que le problème relevé. Au minimum, les constats de non-conformité relevés dans les 36 mois précédents au titre d’une même disposition devraient être pris en compte dans l’historique de non-conformité.

 
Recommandation 65

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier sa politique pour que les inspecteur(trice)s considèrent tous les constats de non-conformité antérieurs d’un foyer dans un même domaine que le problème relevé. Au minimum, les constats de non-conformité relevés dans les 36 mois précédents au titre d’une même disposition devraient être pris en compte dans l’historique de non-conformité.



 

Nouveaux outils d’exécution

517    Outre l’outil décisionnel révisé, la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée a instauré de nouveaux outils d’exécution et modifié les options existantes. Selon la Loi, un(e) inspecteur(trice) du Ministère ou le(la) directeur(trice) de la Direction de l’inspection « peut » imposer une pénalité administrative à un foyer en infraction. La Loi et le nouveau règlement précisent les modalités, dont les amendes maximales. En général, plus un foyer a de la difficulté à corriger le tir suivant une inspection, plus les amendes risquent d’être élevées[148].

518    Les fonctionnaires de la Direction ont généralement un pouvoir discrétionnaire sur l’imposition de pénalités administratives, mais doivent le faire lorsque :

  • le Ministère donne un ordre de conformité pour un des problèmes listés et constate lors d’une inspection de suivi que le foyer ne s’y est pas conformé;

  • le Ministère détermine que le foyer est non conforme sur un élément ayant fait l’objet d’un ordre de conformité dans les trois années précédentes[149].


519    La nouvelle politique sur les mesures d’exécution de la Direction explique aux inspecteur(trice)s comment imposer des pénalités administratives dans ces situations.

520    La Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée impose aussi des amendes plus lourdes aux foyers déclarés coupables d’une infraction, bien que le cadre sur les poursuites demeure le même[150]. En mai 2022, le Ministère nous a dit mettre sur pied une « unité des enquêtes » qui aura pour mandat d’enquêter sur les dispositions concernant les infractions dans la nouvelle loi. Cette nouvelle unité devrait aider le gouvernement à traiter les cas de non-conformité graves et répétés des exploitant(e)s des foyers de soins de longue durée.

521    Je trouve encourageant que le gouvernement et le Ministère aient pris des mesures pour offrir plus d’options de mesures d’exécution et de pénalités sévères. Beaucoup de fonctionnaires du gouvernement et de parties prenantes du secteur des soins de longue durée ont exprimé des doutes sur l’ancienne approche du Ministère, qui contribuait peu à dissuader ou à punir les foyers mal gérés. Un(e) cadre supérieur(e) a mentionné que même les foyers ayant une « terrible feuille de route » ne faisaient face qu’à des conséquences « limitées ». La vérificatrice générale et la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée ont fait à peu près les mêmes observations et recommandations sur cette question[151].

522    La Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée a aussi introduit trois nouveaux outils d’exécution. Avec le premier, le(la) directeur(trice) de la Direction et le ministère des Soins de longue durée peuvent suspendre, avec effet immédiat, le permis d’un foyer[152].

523    Le deuxième permet au Ministère de nommer un(e) superviseur(e) pour gérer un foyer. Parfois, cette personne joue essentiellement le même rôle que le(la) « gestionnaire intérimaire » que pouvait nommer le(la) directeur(trice) de la Direction de l’inspection sous le régime de l’ancienne loi. Cependant, au titre de la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée, le lieutenant-gouverneur en conseil peut aussi nommer un(e) superviseur(e), en prenant soin de préciser ses fonctions et l’étendue de ses pouvoirs, lorsque le Ministère décide de suspendre le permis d’un foyer. Le Ministère peut aussi donner des directives au(à la) superviseur(e)[153].

524    Le troisième nouvel outil est l’imposition de « frais de réinspection » de 500 $. Selon le règlement, ceux-ci sont imposés à un foyer si un(e) inspecteur(trice) doit y retourner plus d’une fois pour faire le suivi d’un ordre de conformité[154].

525    En même temps, la nouvelle législation prévoit une façon pour les inspecteur(trice)s d’éviter d’imposer des mesures d’exécution suivant un constat de non-conformité. Si un foyer de soins de longue durée corrige le tir alors que l’inspecteur(trice) du Ministère est toujours sur place, il est possible de ne pas imposer de mesures d’exécution si le problème n’a causé aucun préjudice ou risque de préjudice – ou un risque minimal – aux résident(e)s. L’inspecteur(trice) doit quand même consigner la non-conformité[155].

526    La façon dont la Direction choisira de concrétiser ce changement pourrait avoir un effet domino sur les mesures d’exécution à venir, puisqu’elles dépendent souvent de celles déjà prises à l’encontre d’un foyer. Le Ministère devrait s’assurer que les constats de non-conformité n’ayant pas entraîné de mesures d’exécution sont pris en compte dans l’évaluation des mesures ultérieures à imposer à un foyer de soins de longue durée.

 
Recommandation 66

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les constats de non-conformité n’ayant pas entraîné de mesures d’exécution sont pris en compte dans l’évaluation des mesures ultérieures à imposer à un foyer de soins de longue durée.



 

Rapports d’inspection

527    Le rapport d’inspection est le moyen officiel du Ministère pour imposer des mesures d’exécution aux foyers de soins de longue durée et rendre compte par écrit des résultats du travail des inspecteur(trice)s. Lorsqu’un ordre de conformité est donné à un foyer, il en est presque toujours fait mention dans le rapport d’inspection. Il s’agit donc d’un outil important pour aider les foyers, les résident(e)s et leur famille, et le public en général à comprendre pourquoi le Ministère estime qu’un foyer respecte ou non les exigences législatives et les raisons justifiant la mesure d’exécution imposée.

528    Durant notre enquête, le personnel de notre Bureau a lu des centaines de rapports d’inspection. Or, malgré l’avis du Ministère que ces rapports devaient être accessibles et rédigés dans un langage « aussi clair que possible », beaucoup ne l’étaient pas.

529    Bien des rapports que nous avons examinés étaient longs, remplis d’acronymes et mal structurés. Les renseignements d’intérêt étaient parsemés dans différentes sections. La personne voulant consulter toute l’information sur un sujet en particulier devait fouiller dans tout le rapport, sans table des matières ni résumé. Une grande partie du contenu de ces rapports est généré automatiquement dans un modèle tiré du logiciel du Ministère, qui est en refonte.

530    Les rapports d’inspection sont susceptibles d’intéresser un vaste public, dont les responsables et le personnel des foyers de soins de longue durée, les inspecteur(trice)s du Ministère ainsi que les résident(e)s et leurs proches. Il serait dans l’intérêt de toutes ces personnes que les rapports soient plus faciles à consulter et à comprendre. Pour ce faire, la Direction de l’inspection du Ministère devrait ajouter au début de chaque rapport un résume précisant les domaines de non-conformité et les mesures d’exécution prises, possiblement les pages à consulter pour en savoir plus sur un domaine en particulier, si des ordres de conformité ont été donnés au terme de l’inspection, et où trouver l’information dans le rapport.

 
Recommandation 67

Le ministère des Soins de longue durée devrait ajouter au début de chaque rapport d’inspection un résumé précisant les domaines de non-conformité et les mesures d’exécution prises ainsi qu’une table des matières pour aider la personne qui en fait la lecture à repérer l’information sur chaque problème soulevé.



 

531    Si possible, le Ministère devrait aussi s’assurer que les rapports d’inspection sont d’une longueur raisonnable. Le rapport sur la plainte des Forces armées canadiennes concernant le foyer Altamont Care Community, par exemple, fait 179 pages. Certains de ces rapports sont extrêmement longs entre autres parce que le Ministère a l’habitude de rendre compte de plusieurs plaintes et incidents graves en même temps, même s’ils visent des problèmes différents. Par exemple, le rapport d’inspection de juillet 2020 sur le foyer Extendicare Guildwood englobe 10 plaintes différentes. Cette pratique contribue non seulement à alourdir le rapport, mais aussi à compliquer la tâche aux plaignant(e)s qui cherchent à repérer les constats qui les intéressent. L’anonymisation des rapports ajoute potentiellement encore plus à la confusion.

532    On nous a dit que le Ministère admet certains de ces problèmes et a formé, en août 2020, les inspecteur(trice)s à la rédaction de rapports. Il devrait continuer d’améliorer la clarté et la lisibilité des rapports d’inspection.

 
Recommandation 68

La Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les rapports d’inspection sont aussi clairs et concis que possible, et rédigés pour que les plaignant(e)s puissent facilement savoir comment le Ministère a abordé leurs préoccupations.



 

533    Actuellement, lorsqu’un(e) inspecteur(trice) du Ministère constate une non-conformité, le rapport contient peu d’information pour soutenir ou expliquer cette conclusion. C’est pourquoi les plaignant(e)s – souvent des proches des résident(e)s – ne savent pas pourquoi leurs préoccupations sont restées sans réponse. En effet, s’il est important de consigner le motif de non-conformité du foyer à la législation, il est aussi très pertinent d’expliquer le processus suivi par le Ministère pour en arriver à ce constat. En outre, la justification claire du respect d’un aspect particulier de la loi par le foyer contribuerait aussi à renforcer la confiance du public dans le foyer et dans la surveillance du Ministère.

 
Recommandation 69

Lorsqu’une inspection permet de conclure qu’un foyer de soins de longue durée respecte la législation, le ministère des Soins de longue durée devrait expliquer ce constat.



 

534    Il peut aussi être difficile de savoir si les ordres de conformité donnés à un foyer ont été respectés. La seule façon concrète de le confirmer est de recouper le numéro d’inspection et le « numéro de l’ordre de conformité » et de chercher ces numéros dans tous les rapports d’inspection publiés par la suite sur le foyer. Quelques personnes ayant de la chance trouveront dans un rapport ultérieur distinct un tableau indiquant que le foyer s’est conformé, mais rien de plus. Si l’inspecteur(trice) constate que le foyer n’est toujours pas conforme, il n’y a pas de façon simple d’en faire le suivi dans les rapports subséquents.

535    Plutôt que de présenter les résultats du suivi de la conformité en complément de rapports d’inspection sans lien, le Ministère devrait en rendre compte dans des rapports d’inspection distincts et autonomes. Ceux-ci pourraient inclure un résumé du domaine de non-conformité ainsi qu’un lien vers le rapport original, et expliquer pourquoi le foyer est (ou non) en conformité. On pourrait les appeler « inspections de suivi » sur le site Web du Ministère; ils seraient donc plus faciles à trouver.

 
Recommandation 70

Le ministère des Soins de longue durée devrait officialiser les inspections de suivi dans des rapports distincts appelés « rapports d’inspection de suivi » qui décriraient clairement le problème à l’origine de l’ordre de conformité, expliqueraient pourquoi le foyer est conforme ou non, et préciseraient les autres mesures d’exécution prises, le cas échéant.

 
Recommandation 71

Le ministère des Soins de longue durée devrait publier tous les rapports d’inspection de suivi visés à la recommandation 70 sur son site Web.



 

536    Il est parfois nécessaire pour le Ministère de modifier les rapports d’inspection après leur publication. C’est souvent le cas lorsque l’ordre de conformité donné par l’inspecteur(trice) est annulé ou modifié par le(la) directeur(trice) suivant une demande de réexamen présentée par le foyer de soins de longue durée. Le(la) directeur(trice) peut, par exemple, décider de changer la date limite de conformité pour le foyer. Lorsque le Ministère modifie un rapport d’inspection, il publie la nouvelle version avec une nouvelle date, sans expliquer, ou presque, la raison du changement. Il retire aussi le rapport original de son site Web. Cela peut semer la confusion, surtout chez le public, qui fait habituellement référence aux rapports d’inspection au moyen de leur date de publication.

537    Le Ministère devrait faire ce qu’il faut pour dissiper cette confusion en veillant à ce que les rapports d’inspection modifiés soient faciles à trouver et liés à la version originale. Il devrait aussi mieux expliquer ce qui a changé dans la nouvelle version et justifier les changements, en plus de valider que les plaignant(e)s savent qu’une autre version du rapport a été publiée.

 
Recommandation 72

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que tout rapport d’inspection modifié est clairement lié à la version originale et qu’il est facile d’accéder aux deux rapports sur son site Web.

 
Recommandation 73

Le ministère des Soins de longue durée devrait mieux expliquer les modifications apportées aux rapports d’inspection en indiquant clairement ce qui a changé et pourquoi.

 
Recommandation 74

Le ministère des Soins de longue durée devrait informer les plaignant(e)s lorsqu’un rapport sur une plainte est modifié.



 

Ordres et ententes de gestion

538    Dans les premières vagues de la pandémie, le gouvernement a demandé aux hôpitaux de gérer temporairement des dizaines de foyers de soins de longue durée. La plupart du temps, cet arrangement était officialisé par un ordre de gestion obligatoire ou une entente de gestion volontaire. Le premier est une mesure d’exécution habituellement associée à certaines infractions relevées lors de l’inspection d’un foyer. Une entente de gestion volontaire n’est pas une mesure d’exécution, mais plutôt un contrat privé conclu entre un foyer et un(e) gestionnaire temporaire, avec l’aval du Ministère.

539    Contrairement à ce qu’ont rapporté certains médias, il ne s’agit pas d’une « prise de contrôle par le gouvernement », car celui-ci ne s’est pas interposé comme gestionnaire des foyers. En facilitant les ententes de gestion volontaire, il a plutôt joué un rôle crucial de soutien des foyers peinant à maîtriser les éclosions de COVID-19. Par contre, les critères servant à déterminer quand un ordre de gestion obligatoire devenait nécessaire n’étaient pas toujours clairs. Durant la première vague, alors que le gouvernement tentait d’intervenir rapidement pour améliorer les conditions difficiles dans lesquelles se trouvaient les foyers de soins de longue durée, la ligne entre entente de gestion volontaire et ordre de gestion obligatoire était de plus en plus mince.

 

Ordres de gestion obligatoire

540    Les ordres de gestion obligatoire font partie des ordres de la direction et sont considérés comme l’une des mesures d’exécution les plus sévères pouvant être imposées à un foyer de soins de longue durée. Ils visent la nomination d’un(e) autre gestionnaire pour le foyer. Le Ministère doit avaliser la personne choisie, qui est payée par le(la) propriétaire (titulaire du permis) du foyer[156].

541    Au début de la première vague, le Ministère pouvait, selon la Loi sur les foyers de soins de longue durée, donner un ordre de gestion obligatoire :

  • si le(la) titulaire de permis ne respectait pas une exigence prévue par la Loi; et

  • s’il existait des motifs raisonnables de croire qu’il(elle) ne pouvait pas gérer ou ne gérait pas le foyer convenablement, ou ne pouvait le faire sans aide[157].


542    Au début de la pandémie, le Ministère ne menait plus d’inspections, donc ne pouvait pas savoir si les foyers respectaient la loi. Vu l’incapacité à vérifier le premier critère, l’ordre de gestion obligatoire était exclu. Il était donc impossible de forcer les foyers ayant refusé l’aide malgré leur situation manifeste de crise à accepter une nouvelle gestion.

543    Mais le 12 mai 2020, le gouvernement a introduit le Règlement de l’Ontario 210/20[158] qui donnait à la directrice de la Direction de l’inspection le pouvoir étendu de donner un ordre de gestion obligatoire dès le premier cas de COVID-19 confirmé en laboratoire.

544    Ce changement éliminait la nécessité pour le Ministère d’avoir une preuve de non-conformité pour donner un ordre de gestion obligatoire. Durant la première vague, il a utilisé ce pouvoir à trois occasions :

  • Le 25 mai 2020 : foyer Downsview, à North York.

  • Le 25 mai 2020 : foyer River Glen Haven, à Sutton West.

  • Le 2 juin 2020 : foyer Forest Heights, à Kitchener.


545    On nous a dit que c’est le Groupe directeur du système de gestion des incidents pour le secteur des soins de longue durée, de concert avec les ministères de la Santé et des Soins de longue durée, qui recommandait les foyers devant être assujettis à un ordre de gestion obligatoire. Créé en avril 2020, le Groupe directeur a tenu plusieurs réunions pour orienter la réponse du gouvernement aux problèmes découlant de la pandémie dans le secteur des soins de longue durée. Ne pouvant pas donner directement d’ordres de gestion obligatoire, il a donc appuyé la recommandation pour que la directrice de la Direction de l’inspection le fasse.

546    Les ordres donnés durant la première vague exigeaient que les hôpitaux locaux gèrent les foyers pendant 90 jours, avec possibilité de prolongement. Les foyers devaient transmettre au Ministère un contrat de gestion répondant à certaines exigences juridiques ainsi qu’un « plan de gestion du redressement ».

547    Le Ministère nous a dit que les ordres de gestion obligatoire découlant de la COVID-19 seraient généralement exclus de l’historique de conformité des foyers puisqu’ils pouvaient être donnés sans qu’une inspection confirme un constat de non-conformité.

 

Ententes de gestion volontaires

548    Le 4 juin 2020, le Ministère a commencé à approuver des ententes de gestion volontaires pour certains des foyers touchés par une éclosion de COVID-19[159].

549    L’existence de ces ententes remonte à avant la pandémie, et des tiers ont géré maints foyers de soins de longue durée en Ontario pendant des années. Avant la pandémie, diverses raisons menaient à une entente de gestion volontaire; certains foyers préféraient ce type de gestion, d’autres avaient juste besoin d’aide.

550    Le rôle du Ministère dans ces ententes est habituellement limité. Le personnel de la direction délivrant les permis doit examiner l’entente pour valider qu’elle satisfait aux exigences de base, puis l’approuver.

551    Durant la pandémie, ce processus n’a pas changé, mais les ententes de gestion volontaires ont pris une nouvelle forme. Contrairement aux anciennes – qui visaient souvent de longues périodes et ne relevaient pas d’une urgence mondiale –, les ententes conclues durant la pandémie étaient de courte durée (90 jours), répondaient directement aux répercussions de la COVID-19 et le gestionnaire tiers était toujours un hôpital. Les hôpitaux ne sont généralement pas spécialisés en gestion des soins de longue durée, et le Ministère nous a dit que c’était la première fois qu’il approuvait des hôpitaux comme gestionnaires temporaires de foyers de soins de longue durée. Les ententes ne précisaient ni leur raison d’être ni les conditions dans le foyer au moment de leur conclusion.

552    Durant la première vague, sept foyers ont conclu des ententes de gestion volontaires avec des hôpitaux, avec l’aval de la direction délivrant les permis. Beaucoup d’autres leur ont emboîté le pas dans les vagues suivantes.

 

Volontaire, vraiment?

553    Durant la première vague de la COVID-19, les ententes de gestion volontaires et les ordres de gestion obligatoire avaient maintes caractéristiques en commun. Leur libellé était similaire, et on les excluait de l’historique de conformité du foyer. Mais un(e) cadre supérieur(e) du Ministère nous a dit que les foyers considéraient généralement qu’une entente de gestion volontaire était préférable du point de vue des relations publiques, sans compter qu’elle laissait plus de place à la négociation des conditions qu’un ordre de gestion obligatoire.

554    Le Ministère nous a donné différentes raisons pour expliquer pourquoi il avait donné des ordres de gestion obligatoire à certains foyers en difficulté et permis à d’autres de conclure des ententes de gestion volontaires. On nous a dit que les ententes étaient applicables plus rapidement : certains hôpitaux pouvaient commencer à épauler les foyers avant même que l’entente soit signée. D’autres ont dit qu’un des principaux facteurs était la réponse du foyer aux problèmes soulevés par la Direction de l’inspection. Des haut(e)s fonctionnaires siégeant au Groupe directeur du système de gestion des incidents pour le secteur des soins de longue durée ont mentionné que certains foyers avaient accepté de leur plein gré de conclure une entente pour éviter l’ordre de gestion obligatoire. Il a été ajouté que ces décisions tenaient compte de tout autre ordre donné au foyer par un(e) médecin-hygiéniste local(e) en application de la Loi sur la protection et la promotion de la santé.

555    On nous a dit que la Direction de l’inspection surveillait étroitement chaque foyer faisant l’objet d’une entente et que son équipe de gestion se réunissait souvent pour discuter des problèmes dans les foyers et des progrès réalisés. Lorsqu’une entente de gestion volontaire ou un ordre de gestion obligatoire arrivait à échéance, la Direction devait évaluer si la gestion pouvait être retransférée aux responsables du foyer. La Direction avait instauré un processus normalisé, sous forme de « Liste de vérification pour la transition et la durabilité », qui tenait compte de facteurs comme la dotation, la formation sur la PCI et le respect des mesures de PCI, les plans d’urgence et les soins cliniques. Vu les résultats à ces évaluations, les hôpitaux ont continué de gérer officiellement plusieurs foyers de soins de longue durée – et d’en soutenir informellement beaucoup d’autres – bien après le délai de 90 jours.

556    En juin 2021, la Direction de l’inspection a mis en place une nouvelle « Politique sur les ordres et décisions de la direction en lien avec la COVID-19 » pour officialiser sa participation aux ordres obligatoires et aux ententes volontaires. Pour bénéficier d’une telle entente, un foyer devait faire face à une éclosion de COVID-19. Selon la politique, les décisions devaient être prises au « cas par cas », mais être cohérentes. La politique indiquait des procédures et processus différents pour les ententes de gestion volontaires et les ordres de gestion obligatoire. Dans les deux cas, le(la) gestionnaire temporaire devait, dans les cinq jours de sa nomination, présenter un « plan de gestion du redressement » à la directrice de la Direction de l’inspection. Quinze jours avant l’échéance de l’entente, il(elle) devait aussi lui soumettre un plan de transition pour examen et approbation.

557    La Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée confère au Ministère un pouvoir discrétionnaire beaucoup plus grand relativement aux ordres de gestion obligatoire. Comme avant, il peut en donner un si un foyer n’a pas respecté une exigence de la Loi. Mais il peut aussi depuis cette loi en donner un si un foyer entre en situation d’urgence – comme une flambée épidémique d’importance sur le plan sanitaire – ou si une situation en son sein cause des « préjudices » à la santé, à la sécurité ou au bien-être des résident(e)s. La Loi de 2021 donne aussi au Ministère la possibilité de nommer quelqu’un d’autre pour gérer l’ensemble des activités du foyer ou un problème particulier[160]. Ces changements lui laissent plus de latitude pour donner des ordres de gestion obligatoire aux foyers de soins de longue durée.

558    Ce qu’il manque dans ce nouveau cadre, ce sont des directives sur la façon dont le Ministère exercera ces pouvoirs. Pour favoriser l’uniformité et la prévisibilité décisionnelles, le Ministère devrait vérifier qu’il y a des critères précis en place pour guider la délivrance des ordres de gestion obligatoire, y compris un renvoi à la façon de tenir compte des données d’inspection dans la décision, le rôle de la Direction de l’inspection dans le suivi des ordres et l’incidence de ces ordres sur l’historique de conformité du foyer.

 
Recommandation 75

Le ministère des Soins de longue durée devrait vérifier qu’il y a des critères précis en place pour guider la délivrance des ordres de gestion obligatoire, y compris un renvoi à la façon de tenir compte des données d’inspection dans la décision, le rôle de la Direction de l’inspection dans le suivi des ordres et l’incidence de ces ordres sur l’historique de conformité du foyer.



 

Opinion

559    Le ministère des Soins de longue durée a pour mandat de protéger la sécurité et le bien-être des quelque 80 000 personnes habitant les foyers de soins de longue durée. Faisant partie des groupes les plus vulnérables en Ontario, les résident(e)s de ces foyers dépendent largement d’autrui pour satisfaire leurs besoins fondamentaux. Même avant la pandémie, le réseau arrivait tant bien que mal à garantir la réponse aux besoins. Selon l’enquête Gillese, le secteur des soins de longue durée « subit de grandes pressions, mais n’est pas cassé »[161].

560    La COVID-19 a perturbé ce fragile équilibre, et en quelques mois, près de 2 000 résident(e)s ont succombé au virus. À mesure que se déroulait cette tragédie, les inspecteur(trice)s du Ministère étaient presque invisibles. Pendant au moins sept semaines – jusqu’à trois mois dans une région –, il n’y a eu aucune inspection sur place, malgré l’avalanche de plaintes et de questions concernant des problèmes graves et potentiellement mortels. Le Ministère était terriblement mal préparé à mener des inspections en temps de pandémie, n’ayant jamais envisagé une telle situation. Les inspecteur(trice)s n’avaient pas suivi de formation sur la prévention et le contrôle des infections, et le Ministère n’avait pas d’équipement de protection individuelle en stock pour les protéger. Même une fois ces problèmes réglés, il n’avait aucun plan d’affectation des inspecteur(trice)s, et pendant longtemps, il a compté sur quelques volontaires pour inspecter les nombreux foyers aux prises avec des éclosions de COVID-19.

561    Notre enquête a révélé des problèmes avec presque tous les aspects de la façon de faire de la Direction de l’inspection durant la première vague de la COVID-19. Le Ministère n’était pas prêt à recevoir un flot de plaintes et de questions liées à la COVID-19 et n’avait donné aux inspecteur(trice)s aucune directive concrète sur la façon d’adapter le processus de triage et d’évaluation des risques au contexte pandémique. Les problèmes d’EPI, de dotation en personnel et de prévention et de contrôle des infections étaient rarement considérés comme présentant un risque élevé. Beaucoup de gens ayant tenté de porter plainte à propos des conditions de vie de leurs proches dans les foyers de soins de longue durée se sont fait répondre à l’aide de « messages clés » par les inspecteur(trice)s et ont vu leur dossier classé sans examen ni inspection. La hausse du nombre de plaintes a aussi mis au jour d’importantes lacunes de consignation et de communication à la Direction, qui l’ont empêché d’avoir de l’information cruciale à un moment critique. Les plaintes orientent le travail de la Direction, et l’effondrement du système pour les recevoir, les évaluer et y répondre a eu des répercussions majeures sur la capacité de la Direction à assurer la sécurité du personnel et des résident(e)s des foyers de soins de longue durée durant la pandémie.

562    De plus, le Ministère n’a mené aucune inspection sur des incidents critiques impliquant des épidémies de COVID jusqu’en juin 2020, et a pris des mesures coercitives limitées en réaction aux foyers qui ne soumettaient pas de rapports d’incidents critiques tel que pourtant requis. Bien qu’il soit impossible de savoir la différence qu’aurait pu faire un processus plus rigoureux, le Ministère a manifestement perdu une belle occasion d’inspecter les foyers déclarant des éclosions et d’y intervenir.

563    Lorsque le Ministère a fini par reprendre les inspections et relevé des infractions à la loi, il a souvent imposé des mesures d’exécution limitées. Selon notre enquête, la Direction de l’inspection optait souvent pour les mesures les plus clémentes. Il n’était pas rare non plus que les inspecteur(trice)s choisissent des mesures moins sévères que les mesures par défaut, même dans des cas de non-conformité extrêmement graves. Durant la première vague, lorsque la Direction prenait des mesures pour que les foyers règlent les problèmes relevés lors de l’inspection, on leur donnait des mois pour le faire, même si la situation était grave. En outre, les inspections et les mesures d’exécution prises faisaient partie de rapports longs, remplis d’acronymes et mal structurés.

564    Au fond, l’inspection et la prise de mesures d’exécution visent à protéger les résident(e)s et le personnel des foyers de soins de longue durée. L’objectif du Ministère devrait toujours être de vérifier que les foyers respectent les exigences législatives et, dans le cas contraire, de les inciter à le faire dès que possible, tout en promouvant la conformité future. La mission première de la Direction doit être d’assurer la sécurité des résident(e)s et du personnel, ce qui doit se refléter dans sa culture organisationnelle.

565    Bien que plusieurs organisations supervisent les foyers de soins de longue durée, c’est le ministère des Soins de longue durée qui a pour tâche principale de garantir que les soins aux résident(e)s sont conformes à la loi. Durant la première vague de la pandémie, probablement au pire de la situation, le Ministère, qui était mal préparé, ne pouvait pas assurer la sécurité des résident(e)s et du personnel des foyers. Je suis d’avis que c’était déraisonnable, injuste et erroné selon les alinéas 21(1)(b) et (d) de la Loi sur l’ombudsman[162].

566    Durant notre enquête, le gouvernement a apporté de nombreux changements influant sur le travail de la Direction de l’inspection. La nouvelle loi donne aux inspecteur(trice)s plus d’outils pour assurer le respect de la législation, et le gouvernement a considérablement augmenté l’effectif de la Direction. J’ai espoir que ces changements contribueront à résoudre les problèmes relevés dans mon enquête, et mon Bureau surveillera étroitement l’engagement du gouvernement à l’égard de ces initiatives, alors que s’estomperont de notre mémoire les premiers jours de la pandémie.

567    J’ai aussi demandé au gouvernement de l’Ontario de prendre des mesures additionnelles pour épauler le secteur des soins de longue durée et accroître sa capacité d’intervention lors de situations de crise. À cette fin, j’ai recommandé la révision de la législation pour mieux protéger les personnes qui dénoncent et l’élargissement des situations où les foyers doivent signaler les incidents graves. J’ai invité le gouvernement à collaborer avec le Ministère pour que la Direction de l’inspection ait suffisamment de personnel pour réaliser les inspections et toute autre tâche nécessaire à son mandat. J’ai aussi recommandé d’éviter, à l’avenir, de retirer aux foyers la responsabilité de bien consigner les renseignements sur les soins aux résident(e)s.

568    La COVID-19 ne sera pas la dernière pandémie à frapper dans les foyers de soins de longue durée de l’Ontario. Le ministère des Soins de longue durée doit continuer d’apporter d’importantes améliorations et s’engager à tirer des leçons de cette expérience pour assurer la sécurité des résident(e)s et du personnel lorsqu’une autre menace pèsera sur nous. Le personnel des foyers de soins de longue durée, les résident(e)s et leurs proches, et la population de l’Ontario ne méritent rien de moins.

569    Je vais suivre les progrès du ministère des Soins de longue durée dans l’application de mes recommandations.

 
Recommandation 76

Le ministère des Soins de longue durée devrait, dans six mois, présenter à mon Bureau un compte rendu des progrès réalisés dans l’application de mes recommandations, et le refaire tous les six mois par la suite jusqu’à ce que je sois convaincu que les mesures adéquates ont été prises pour y donner suite.



 

Recommandations

570    La prochaine pandémie pourrait survenir plus tôt qu’on ne le pense et être plus meurtrière que la COVID-19. Il est crucial de bien se préparer et d’assurer une surveillance étroite pour réduire les risques.

571    Je fais les recommandations suivantes pour poursuivre sur la lancée du travail réalisé jusqu’à présent et continuer à améliorer la surveillance, par le ministère des Soins de longue durée, des foyers de soins de longue durée, donc de la santé et de la sécurité des résident(e)s et du personnel.

 

Recommandation 1

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que la Direction de l’inspection peut en permanence envoyer immédiatement des inspecteur(trice)s dans les foyers de soins de longue durée.

 
Recommandation 2

Le ministère des Soins de longue durée devrait préparer une politique définissant clairement les types de situations pouvant faire l’objet d’une inspection à distance ou d’une inspection mixte (à distance et sur place). Cette politique devrait aussi préciser quand une inspection sur place est invariablement nécessaire.

 
Recommandation 3

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’arranger avec les foyers de soins de longue durée pour que la Direction de l’inspection puisse accéder à distance et sans délai à leurs dossiers.

 
Recommandation 4

Le ministère des Soins de longue durée devrait collaborer avec les foyers de soins de longue durée pour établir une procédure d’entretien à distance avec le personnel et les résident(e)s qui tient compte de l’importance du respect de la vie privée dans les vidéocommunications.

 
Recommandation 5

Le ministère des Soins de longue durée devrait élaborer, de concert avec les organismes gouvernementaux concernés, une politique sur le dépistage des maladies infectieuses à l’intention des inspecteur(trice)s.

 
Recommandation 6

Le ministère des Soins de longue durée devrait communiquer la politique prévue à la recommandation 5 au secteur des soins de longue durée, au syndicat des inspecteur(trice)s et aux autres parties prenantes.

 
Recommandation 7

La Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée devrait élaborer une politique encadrant les déplacements entre foyers des inspecteur(trice)s ayant visité un établissement où sévit une éclosion de maladie infectieuse.

 
Recommandation 8

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier sa politique sur la Préparation aux inspections sur site en période de pandémie pour préciser quand les inspecteur(trice)s devront travailler sur place ou à distance pendant une pandémie et d’autres crises semblables, ainsi que les critères à prendre en compte pour prendre cette décision.

 
Recommandation 9

Le ministère des Soins de longue durée devrait aussi modifier cette politique pour indiquer qui prendra les décisions concernant les inspections sur site et à distance pendant une pandémie et comment ces décisions seront communiquées aux foyers de soins de longue durée et au public.

 
Recommandation 10

Le ministère des Soins de longue durée devrait préparer et appliquer une politique sur l’achat, le stockage et l’utilisation d’équipement de protection individuelle (EPI). Il devrait veiller à ce que son approche permette aux inspecteur(trice)s d’accéder à une quantité suffisante d’EPI pour poursuivre les activités du Ministère, même en période de grave pénurie.

 
Recommandation 11

Le ministère des Soins de longue durée devrait mobiliser proactivement les autres organismes provinciaux chargés de gérer les réserves stratégiques d’EPI pour que les besoins des inspecteur(trice)s soient dûment priorisés lors d’une pandémie.

 
Recommandation 12

Le ministère des Soins de longue durée devrait faire une distinction claire entre les responsabilités pour que les fonctions sans lien avec les inspections et la conformité ne soient pas confiées à des inspecteur(trice)s afin d’éviter la confusion et les messages contradictoires par rapport aux inspections.

 
Recommandation 13

Si le ministère des Soins de longue durée a besoin d’obtenir des données auprès des foyers de soins de longue durée pour surveiller les situations d’urgence et intervenir, il devrait collaborer avec les autres organismes qui recueillent ou utilisent ce genre de renseignements, comme les bureaux de santé publique locaux, pour garantir une meilleure communication et un partage plus efficace de l’information, et éviter le double emploi.

 
Recommandation 14

Devant une menace nouvelle ou émergente dans les foyers de soins de longue durée, comme une maladie, le ministère des Soins de longue durée devrait donner aux inspecteur(trice)s et aux autres membres du personnel des directives et de la formation sur le risque que cela posera pour les résident(e)s des établissements.

 
Recommandation 15

En cas de menaces nouvelles ou émergentes actives, le ministère des Soins de longue durée devrait adapter les niveaux de risque pour le triage afin de refléter le risque posé pour les résident(e)s des foyers de soins de longue durée.

 
Recommandation 16

Le ministère des Soins de longue durée devrait fournir au personnel des exemples concrets des types de problèmes associés à la nouvelle menace devant être triés selon chaque niveau de risque.

 
Recommandation 17

Le ministère des Soins de longue durée devrait obliger les inspecteur(trice)s à inscrire le niveau de risque avant de classer un dossier de plainte dans le système.

 
Recommandation 18

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier les politiques et protocoles de la Direction de l’inspection pour obliger les inspecteur(trice)s à adopter une approche large et inclusive des problèmes justifiant une inspection, et énoncer clairement le pouvoir d’inspection de la Direction suivant une plainte indiquant qu’un(e) résident(e) pourrait subir un préjudice en raison des actes ou omissions du foyer.

 
Recommandation 19

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que toutes les communications pertinentes sont minutieusement consignées dans les dossiers de plainte, notamment celles avec les plaignant(e)s, les foyers de soins de longue durée et les tiers.

 
Recommandation 20

Le ministère des Soins de longue durée devrait envisager d’enregistrer les appels entre la Direction et les plaignant(e)s, et verser ces enregistrements dans les dossiers de plainte afin de garantir des dossiers plus précis et plus complets et de faciliter la tâche des cadres vérifiant les dossiers à des fins de qualité et de formation.

 
Recommandation 21

Le ministère des Soins de longue durée devait s’assurer que toute l’information servant à la prise de décisions concernant les interventions suivant une plainte est clairement consignée dans le dossier de plainte.

 
Recommandation 22

Le ministère des Soins de longue durée devrait vérifier régulièrement ses dossiers afin de s’assurer de respecter la norme de service d’un jour ouvrable pour répondre aux plaintes.

 
Recommandation 23

Le ministère des Soins de longue durée devrait adopter une politique énonçant clairement quand les inspecteur(trice)s doivent faire appel aux bureaux de santé publique en lien avec une plainte et l’information pouvant leur être transmise, selon la situation.

 
Recommandation 24

Le ministère des Soins de longue durée devrait travailler avec les bureaux de santé publique pour clarifier le rôle de ces derniers dans les inspections des foyers de soins de longue durée lors de futures urgences de santé publique.

 
Recommandation 25

Le ministère des Soins de longue durée devrait informer en amont les bureaux de santé publique du rôle de la Direction de l’inspection, notamment en donnant des exemples de plaintes devant lui être acheminées.

 
Recommandation 26

Le ministère des Soins de longue durée devrait retirer le terme « soutien » du nom de son service de plainte et adopter un nom reflétant mieux la fonction de la ligne, soit permettre aux personnes de formuler une plainte en vue d’un examen et d’une prise de mesures par le Ministère.

 
Recommandation 27

Le ministère des Soins de longue durée devrait établir des critères pour différencier les plaintes des questions et demandes de renseignements, et exiger que son personnel traite tous les dossiers n’étant clairement pas une question ou une demande de renseignements comme des plaintes nécessitant un triage et une inspection.

 
Recommandation 28

Le ministère des Soins de longue durée devrait demander à son personnel d’écrire clairement dans le dossier s’il s’agit d’une question, d’une demande de renseignements ou d’une plainte.

 
Recommandation 29

Le ministère des Soins de longue durée devrait compiler séparément les statistiques concernant les plaintes et celles des demandes de renseignements.

 
Recommandation 30

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer qu’il y a une enquête seulement dans les cas présentant un risque faible ou nul pour les résident(e)s des foyers de soins de longue durée. Les enjeux présentant un risque plus élevé devraient mener à une inspection, conformément à la politique du Ministère.

 
Recommandation 31

Le ministère des Soins de longue durée devrait améliorer sa démarche d’évaluation des tendances pour tenir compte des situations où le même problème a été soulevé pour plusieurs résident(e)s d’un même foyer.

 
Recommandation 32

Le ministère des Soins de longue durée devrait aussi s’assurer que les inspecteur(trice)s ont la latitude nécessaire pour évaluer les tendances à long terme si un problème risque d’être saisonnier.

 
Recommandation 33

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les chef(fe)s de la Direction connaissent et respectent l’obligation de vérifier les dossiers d’enquête.

 
Recommandation 34

Le ministère des Soins de longue durée devrait accroître la surveillance, par les cadres, de la fermeture des dossiers d’enquête, par exemple exiger que les chef(fe)s approuvent un dossier avant son classement ou vérifient un pourcentage plus élevé de dossiers.

 
Recommandation 35

Le ministère des Soins de longue durée devrait obliger les inspecteur(trice)s à informer les foyers des occurrences de non-conformité relevées durant les enquêtes, à bien les consigner et à les prendre en compte dans l’historique de conformité.

 
Recommandation 36

Le ministère des Soins de longue durée devrait vérifier que les résident(e)s des foyers de soins de longue durée ont véritablement accès aux mécanismes de plainte habituels lors d’une flambée épidémique et de toute autre situation d’urgence.

 
Recommandation 37

Le gouvernement de l’Ontario devrait revoir les protections offertes aux lanceur(euse)s d’alerte à l’article 117 du Règlement de l’Ontario 246/22 pris en application de la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée afin qu’elles couvrent de façon claire les préoccupations au sujet d’un foyer de soins de longue durée signalées à un organisme compétent, dont le ministère des Soins de longue durée, les bureaux de santé publique, l’Ombudsman des patients, le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario et les foyers eux-mêmes.

 
Recommandation 38

Le ministère des Soins de longue durée devrait avoir un processus écrit pour mieux protéger l’identité des lanceur(euse)s d’alerte, notamment leurs dossiers, et publier l’information sur ce processus et les lois applicables sur son site Web.

 
Recommandation 39

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier sa politique sur les allégations de représailles pour donner plus de latitude aux inspecteur(trice)s au sujet des preuves démontrant les représailles.

 
Recommandation 40

Le ministère des Soins de longue durée ne devrait pas tenir compte des évaluations réalisées antérieurement par un foyer de soins de longue durée pour déterminer si une inspection immédiate est requise suivant un rapport d’incident grave à propos d’une éclosion.

 
Recommandation 41

Le gouvernement de l’Ontario devrait modifier les règlements pris en application de la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée pour ajouter une catégorie couvrant les situations dans lesquelles les résident(e)s risquent de subir des préjudices graves, quelle qu’en soit la cause, à la liste des situations obligeant les foyers de soins de longue durée à déposer un rapport d’incident grave auprès du ministère des Soins de longue durée.

 
Recommandation 42

Le ministère des Soins de longue durée devrait faire un suivi constant à partir du moment où commence une inspection, vérifier si les délais sont respectés et prendre les mesures correctives nécessaires.

 
Recommandation 43

Le ministère des Soins de longue durée devrait aussi clarifier auprès du personnel la façon d’interpréter les délais d’inspection.

 
Recommandation 44

Le gouvernement de l’Ontario et le ministère des Soins de longue durée devraient collaborer pour que la Direction de l’inspection ait, à l’avenir, suffisamment d’employé(e)s – inspecteur(trice)s et autres – pour mener à bien son mandat et réaliser les inspections dans les délais établis.

 
Recommandation 45

Le ministère des Soins de longue durée devrait faire un suivi minutieux des postes vacants pour les pourvoir rapidement, et planifier les embauches, de sorte que la Direction de l’inspection maintienne son effectif dans les années à venir.

 
Recommandation 46

Le ministère des Soins de longue durée et le gouvernement de l’Ontario devraient éviter de changer les exigences de consignation des soins aux résident(e)s lors d’éventuelles situations d’urgence.

 
Recommandation 47

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que son personnel possède l’expertise nécessaire pour inspecter les mesures de prévention et de contrôle des infections.

 
Recommandation 48

La Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les inspecteur(trice)s communiquent au besoin avec les spécialistes de la prévention et du contrôle des infections à l’interne et des bureaux de santé publique.

 
Recommandation 49

Le ministère des Soins de longue durée devrait préparer une politique énonçant les attentes sur la façon dont les inspecteur(trice)s feront appel aux spécialistes de la prévention et du contrôle des infections à l’interne et des bureaux de santé publique et précisant quand le faire, ainsi que les responsabilités de chaque organisme.

 
Recommandation 50

Le ministère des Soins de longue durée devrait coordonner ses activités avec celles d’autres organismes, comme les bureaux de santé publique, pour recevoir les rapports et évaluations sur la prévention et le contrôle des infections dans les foyers de soins de longue durée.

 
Recommandation 51

Le ministère des Soins de longue durée devrait établir clairement dans une politique comment ses inspecteur(trice)s utiliseront l’information contenue dans les rapports de tierces parties, comme les bureaux de santé publique.

 
Recommandation 52

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que tous les organismes aidant les foyers de soins de longue durée dans leurs activités de fonctionnement ou de gestion connaissent leur obligation, selon la loi, de signaler immédiatement certains problèmes au Ministère.

 
Recommandation 53

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que tous les organismes aidant les foyers de soins de longue durée avec leurs activités de fonctionnement ou de gestion savent quels cas signaler et la façon de le faire.

 
Recommandation 54

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que la Direction de l’inspection donne toujours un ordre de conformité immédiate si au moins un(e) résident(e) est exposé(e) en continu à un risque de préjudice grave.

 
Recommandation 55

En l’absence de risque immédiat, la Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les inspecteur(trice)s n’accordent pas de délais de conformité supérieurs à ce qui est recommandé, sauf en présence d’un motif évident et incontestable pour le faire.

 
Recommandation 56

Le ministère des Soins de longue durée devrait exiger que les inspecteur(trice)s consignent leur motif évident et incontestable pour accorder un délai de conformité supérieur à ce qui est recommandé et qu’un(e) chef(fe) approuve cette décision.

 
Recommandation 57

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier la politique sur les transferts à la direction pour mieux expliquer quand les inspecteur(trice)s doivent envisager un transfert.

 
Recommandation 58

La version révisée de la politique sur les transferts à la direction du ministère des Soins de longue durée devrait définir ce qu’est une « situation présentant un risque élevé » et contenir des exemples concrets.

 
Recommandation 59

La version révisée de la politique sur les transferts à la direction du ministère des Soins de longue durée devrait contenir des directives claires sur les cas exigeant des mesures hors du ressort de l’inspecteur(trice).

 
Recommandation 60

Le ministère des Soins de longue durée devrait préparer une politique établissant un échéancier clair pour le transfert à la direction afin de s’assurer que les dossiers importants sont traités dès que possible en vue de limiter le risque de préjudice pour les résident(e)s.

 
Recommandation 61

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que la personne dirigeant la Direction de l’inspection consigne les motifs de ses décisions pour chaque dossier qui lui est renvoyé.

 
Recommandation 62

Pour plus de transparence, le ministère des Soins de longue durée devrait publier sur son site Web les décisions prises à la suite des transferts à la direction ainsi que leurs motifs.

 
Recommandation 63

Le ministère des Soins de longue durée devrait confirmer que les inspecteur(trice)s suivent une formation approfondie sur l’évaluation de la gravité des préjudices causés aux résident(e)s des foyers de soins de longue durée par divers types de problèmes de non-conformité.

 
Recommandation 64

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que ses politiques et procédures exigent que pour établir la « gravité » d’un problème en particulier, les inspecteur(trice)s s’attardent à la santé et au bien-être des résident(e)s et prennent en compte le préjudice subi ou le risque de préjudice.

 
Recommandation 65

Le ministère des Soins de longue durée devrait modifier sa politique pour que les inspecteur(trice)s considèrent tous les constats de non-conformité antérieurs d’un foyer dans un même domaine que le problème relevé. Au minimum, les constats de non-conformité relevés dans les 36 mois précédents au titre d’une même disposition devraient être pris en compte dans l’historique de non-conformité.

 
Recommandation 66

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les constats de non-conformité n’ayant pas entraîné de mesures d’exécution sont pris en compte dans l’évaluation des mesures ultérieures à imposer à un foyer de soins de longue durée.

 
Recommandation 67

Le ministère des Soins de longue durée devrait ajouter au début de chaque rapport d’inspection un résumé précisant les domaines de non-conformité et les mesures d’exécution prises ainsi qu’une table des matières pour aider la personne qui en fait la lecture à repérer l’information sur chaque problème soulevé.

 
Recommandation 68

La Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que les rapports d’inspection sont aussi clairs et concis que possible, et rédigés pour que les plaignant(e)s puissent facilement savoir comment le Ministère a abordé leurs préoccupations.

 
Recommandation 69

Lorsqu’une inspection permet de conclure qu’un foyer de soins de longue durée respecte la législation, le ministère des Soins de longue durée devrait expliquer ce constat.

 
Recommandation 70

Le ministère des Soins de longue durée devrait officialiser les inspections de suivi dans des rapports distincts appelés « rapports d’inspection de suivi » qui décriraient clairement le problème à l’origine de l’ordre de conformité, expliqueraient pourquoi le foyer est conforme ou non, et préciseraient les autres mesures d’exécution prises, le cas échéant.

 
Recommandation 71

Le ministère des Soins de longue durée devrait publier tous les rapports d’inspection de suivi visés à la recommandation 70 sur son site Web.

 
Recommandation 72

Le ministère des Soins de longue durée devrait s’assurer que tout rapport d’inspection modifié est clairement lié à la version originale et qu’il est facile d’accéder aux deux rapports sur son site Web.

 
Recommandation 73

Le ministère des Soins de longue durée devrait mieux expliquer les modifications apportées aux rapports d’inspection en indiquant clairement ce qui a changé et pourquoi.

 
Recommandation 74

Le ministère des Soins de longue durée devrait informer les plaignant(e)s lorsqu’un rapport sur une plainte est modifié.

 
Recommandation 75

Le ministère des Soins de longue durée devrait vérifier qu’il y a des critères précis en place pour guider la délivrance des ordres de gestion obligatoire, y compris un renvoi à la façon de tenir compte des données d’inspection dans la décision, le rôle de la Direction de l’inspection dans le suivi des ordres et l’incidence de ces ordres sur l’historique de conformité du foyer.

 
Recommandation 76

Le ministère des Soins de longue durée devrait, dans six mois, présenter à mon Bureau un compte rendu des progrès réalisés dans l’application de mes recommandations, et le refaire tous les six mois par la suite jusqu’à ce que je sois convaincu que les mesures adéquates ont été prises pour y donner suite.


 

Réponse

572    Le ministère des Soins de longue durée et le ministère de la Santé ont eu l’occasion d’examiner une copie préliminaire de mon rapport, y compris mes conclusions, mon opinion et mes recommandations, et d’y répondre. Les Forces armées canadiennes ont également eu l'occasion d'examiner et de répondre aux parties du rapport liées à leur organisation. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte lors de la préparation de ce rapport final.

573    Au nom des deux ministères, la sous-ministre des Soins de longue durée a accepté toutes mes recommandations. La sous-ministre a déclaré que plus de la moitié des recommandations ont déjà été entièrement ou partiellement mises en œuvre et que le Ministère s'engage à évaluer les autres afin de déterminer la meilleure façon de les mettre en œuvre. Elle a expliqué que le Ministère a entrepris un travail important ces dernières années et que d’autres améliorations seront éclairées par les recommandations de ce rapport. La sous-ministre a conclu en soulignant que le Ministère est déterminé à travailler en partenariat avec mon Bureau, les foyers de soins de longue durée et d'autres ministères pour garantir que chaque resident(e) de soins de longue durée bénéficie de la meilleure qualité de vie possible, soutenu(e) par des soins sécuritaires, des soins et de haute qualité. Une copie de la réponse du Ministère est annexée au présent rapport.

574    Je suis content de la réponse positive du Ministère à mon rapport et de son engagement à améliorer sa surveillance du secteur des soins de longue durée. Le Ministère a accepté de fournir à mon Bureau des mises à jour tous les six mois, et nous surveillerons de près ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations.

____________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario


 

Annexe A : Chronologie de la crise

Chronologie des principaux événements ayant influé sur le travail de la Direction de l’inspection du ministère des Soins de longue durée durant la première vague de la pandémie de COVID-19.

Mars 2020  
9 mars En raison des préoccupations croissantes liées à la COVID-19, le ministère des Soins de longue durée et sa Direction de l’inspection modifient leur « Plan de continuité des opérations ». La nouvelle version ne donne aucune directive sur les inspections en temps de pandémie.
11 mars L’Organisation mondiale de la Santé confirme le statut de pandémie de la COVID-19.
13 mars Le Secrétaire du Conseil des ministres ordonne aux fonctionnaires de la province – dont la Direction de l’inspection – de travailler à distance pendant trois semaines. Les inspections sont immédiatement suspendues.
16 mars Les inspecteur(trice)s du ministère des Soins de longue durée commencent à faire du télétravail. Ils(elles) terminent leurs rapports d’inspection en cours et attendent des instructions. La Direction de l’inspection leur demande de ne pas mener d’enquête auprès des foyers et de ne pas envoyer de rapports d’inspection.
17 mars La Direction de l’inspection prépare un plan pour le Bureau du sous-ministre. Ce plan propose de poursuivre, essentiellement à distance, uniquement les inspections pour les cas présentant un risque élevé. La COVID-19 est absente de la liste des scénarios de ces cas.
18 mars La directrice de la Direction de l’inspection demande aux inspecteur(trice)s de commencer les appels de « soutien et de suivi » auprès des foyers de soins de longue durée pour recueillir de l’information. Elle leur demande aussi de commencer à communiquer directement avec les plaignant(e)s et à recevoir les plaintes. Avant, c’était les agent(e)s de triage qui s’en chargeaient. La directrice présente des « messages clés » aux inspecteur(trice)s pour les aider dans leurs communications avec les plaignant(e)s.
18 et 19 mars La Direction de l’inspection instaure sa « Politique sur les inspections d’urgence en temps de COVID-19 », qui impose des inspections à distance, sauf dans les circonstances les plus atténuantes. Aucune inspection à distance n’est réalisée.
21 mars Le Cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil des ministres approuvent le plan de la Direction de l’inspection concernant les inspections durant la pandémie. Le sous-ministre pensait que certaines inspections sur place se poursuivaient.
25 mars La « Politique sur les inspections urgentes » de la Direction de l’inspection devient la « Politique sur les inspections urgentes à distance », bien qu’aucune inspection à distance n’ait été entreprise.
27 mars Entrée en vigueur du Règlement de l’Ontario 95/20, qui permet aux foyers de soins de longue durée de ne plus consigner certains renseignements sur les soins.
   
Avril 2020  
3 avril Le ministère des Soins de longue durée annonce que son service de plaintes, la « ligne ACTION », s’appellera désormais la « Ligne ACTION pour le soutien aux familles ».
16 avril En prévision de la reprise des inspections sur place, la Direction essaie de trouver de l’équipement de protection individuelle (EPI) pour les inspecteur(trice)s.
21 avril Santé publique Ontario donne aux inspecteur(trice)s une formation en ligne sur la prévention et le contrôle des infections ainsi que sur l’EPI.
21 avril Le Bureau régional de services d’Hamilton entame sa première inspection à distance depuis le début de la pandémie.
27 et 28 avril À la demande du gouvernement provincial, les Forces armées canadiennes viennent aider dans cinq foyers de soins de longue durée.
29 avril Le gouvernement informe le syndicat des inspecteur(trice)s que les inspections, lorsqu’elles reprendront, seront faites par des volontaires.
30 avril La Direction de l’inspection fournit de l’EPI aux inspecteur(trice)s.
   
Mai 2020  
8 mai Toronto et Ottawa commencent à faire des inspections sur place et à distance. La directrice de la Direction de l’inspection décide que les inspecteur(trice)s qui n’ont pas besoin de mesures d’adaptation pourront être envoyé(e)s dans les foyers.
Du 11 au 14 mai Les sept bureaux régionaux de services commencent les inspections à distance. Quatre reprennent aussi les inspections sur place.
12 mai Entrée en vigueur du Règlement de l’Ontario 210/20, qui confère à la directrice de la Direction de l’inspection le pouvoir de donner un ordre de gestion obligatoire dès qu’un cas de COVID 19 est confirmé dans un foyer.
14 mai Les Forces armées canadiennes envoient une lettre aux chefs militaires et aux fonctionnaires du gouvernement fédéral concernant cinq foyers qu’elles ont aidés. Le ministère des Soins de longue durée ne reçoit les observations contenues dans cette lettre que 10 jours plus tard.
20 mai Le Bureau du ministre autorise la Direction à recommencer à envoyer les rapports d’inspection aux foyers. Aucune mesure d’exécution n’a été imposée pendant plus de deux mois. La Direction commence à envoyer les rapports le lendemain.
24 mai  Les observations des Forces armées canadiennes sont portées à l’attention du sous-ministre des Soins de longue durée. Les fonctionnaires du Ministère les transmettent à la Direction de l’inspection.
25 mai La Direction donne ses premiers ordres de gestion obligatoire liés à la COVID-19 aux foyers Downsview et River Glen Haven.
28 mai Des inspections sont en cours dans les cinq foyers aidés par les Forces armées canadiennes.
   
Juin 2020  
1er juin Paul Dubé, Ombudsman de l’Ontario, annonce le déclenchement de la présente enquête[163].
2 juin La directrice de la Direction de l’inspection donne un ordre de gestion obligatoire lié à la COVID-19 au foyer Forest Heights. Il s’agit du dernier ordre de ce type donné durant la première vague.
4 juin Le ministère des Soins de longue durée approuve la première entente de gestion volontaire liée à la COVID 19. Six autres le seront durant la première vague.
15 juin Le Bureau régional de services d’Hamilton reprend les inspections sur place – il est le dernier à le faire.
   
Juillet 2020  
Du 9 juillet au 26 août La Direction envoie ses rapports d’inspection concernant les préoccupations soulevées par les Forces armées canadiennes dans cinq foyers.
15 juillet Les foyers de soins de longue durée doivent recommencer à consigner les renseignements sur les soins.
29 juillet  Le gouvernement provincial annonce la création de la Commission ontarienne d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée.





    

 

Annexe B : Grille d’évaluation

Annexe B : Grille d’évaluation

N.B. : Les codes des trois colonnes de droite renvoient à la mesure pouvant être imposée pour régler la non-conformité. Ces mesures sont décrites ci-dessous, de la plus clémente à la plus sévère :

  • AE = Avis écrit

  • PRV = Plan de redressement volontaire

  • OC = Ordre de conformité

  • OTA = Ordre : travaux et activités

  • RD = Transfert à la direction

  • SF = « Sanctions financières » (suspension du financement ou obligation de le rembourser)

  • OGO = Ordre de gestion obligatoire

  • RP/GI = Révocation du permis / gestionnaire par intérim


Les codes soulignés correspondent à la mesure « par défaut » ou « médiane » selon la non-conformité. Plus d’une mesure peut être imposée pour un même problème.

 

Annexe C : Nouveaux critères décisionnels pour le choix des mesures d’exécution

Le Ministère a un nouvel outil pour déterminer la mesure d’exécution à imposer : l’outil décisionnel concernant les non-conformités (Non-Compliance Decision Making Tool). Cet outil repose sur les critères décisionnels suivants. L’inspecteur(trice) détermine le niveau de gravité du problème (élevé, modéré ou faible), et s’il s’agit d’un problème « isolé » ou non. Il(elle) vérifie ensuite s’il y a eu d’autres constats de non-conformité à la même disposition de loi dans les 36 mois précédents (« constat » ou « aucun »). Une fois ces renseignements consignés, l’outil propose une mesure d’exécution dans la colonne de droite.

Annexe C : Nouveaux critères décisionnels pour le choix des mesures d’exécution

Voici les mesures d’exécution possibles (colonne de droite) :

  • AE = Avis écrit

  • OC = Ordre de conformité

  • OC (HP) = Ordre de conformité hautement prioritaire. Habituellement, cet ordre doit être appliqué dans les 7 à 21 jours ouvrables, un délai plus court que pour les autres types d’ordres de conformité.



[1] Le suivi systématique des données a pris fin en avril 2022. Le nombre réel de décès et d’infections est fort probablement plus élevé, car certaines infections n’ont pas été détectées durant la pandémie, surtout les premières semaines, avant que le dépistages à grande échelle soit disponible et priorisé dans les foyers de soins de longue durée.
[2] Pour des raisons de confidentialité, les noms utilisés dans le présent rapport sont des pseudonymes, et le genre employé pour désigner les gens et leurs proches a été choisi au hasard. Pour les autres personnes citées et mentionnées aux présentes (inspecteur(trice)s du ministère des Soins de longue durée, autres fonctionnaires, etc.), nous avons vérifié les pronoms, dans la mesure du possible, mais parfois, des pronoms genrés ou non binaires ont été choisis au hasard ou utilisés pour protéger l’identité des personnes.
[3] Loi sur l’ombudsman, LRO 1990, c O.6.
[4] Megan Ogilvie, « We know there will be another pandemic. Here’s what four leading Canadian scientists are doing about it », Toronto Star (27 mars 2023), en ligne.
[5] Catherine Caruso, « COVID-19’s Lessons for Future Pandemics » (17 novembre 2022), Harvard Medical School, en ligne.
[6] L’annexe A du présent rapport dresse une chronologie des effets de la pandémie sur les soins de longue durée pendant la première vague.
[7] L’Ontario a prévu une déclaration des droits des résidents à l’article 3 de l’ancienne et de la nouvelle législation sur les foyers de soins de longue durée. Voir la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée, LO 2021, c 39, annexe 1 [Loi sur le redressement des soins de longue durée] et la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, LO 2007, c 8 (abrogée en avril 2022) [Loi sur les foyers de soins de longue durée].
[8] Note de service de David Williams, médecin hygiéniste en chef, aux foyers de soins de longue durée, maisons de retraite, logements supervisés, centres de soins palliatifs et autres habitations collectives (13 mars 2020), en ligne.
[9] Directive no 3 publiée en application de l’article 77.7 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé, LRO 1990, c H.7 [Loi sur la protection et la promotion de la santé] par le médecin hygiéniste en chef David Williams (30 mars 2020), page 4 [directive du MHC du 30 mars], Ontario Hospital Association, en ligne.
[10] Une copie de cette lettre a été publiée plus tard dans les médias; voir la lettre du brigadier-général C.J.J. Mialkowski (14 mai 2020) sur TVO Today, « COVID-19: Read the Canadian Forces report on long-term care » (26 mai 2020) [Lettre des FAC de mai 2020], TVO Today, en ligne.
[11] Ombudsman Ontario, communiqué de presse, « L’Ombudsman constate des retards, des incohérences et un manque de transparence dans la surveillance des foyers de soins de longue durée » (21 décembre 2010), en ligne.
[12] Lettre d’André Marin, Ombudsman de l’Ontario, à l’Assemblée législative de l’Ontario (21 décembre 2010), en ligne.
[13] Pour le rapport final de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée et les deux rapports provisoires, voir le document Commission ontarienne d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée : rapport final (30 avril 2021) (président : l’honorable Frank N. Marrocco) [Rapport final de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les FSLD], en ligne. Pour les chapitres 1 à 5 du rapport spécial sur la COVID-19 du Bureau de la vérificatrice générale, voir « Rapports spéciaux » (dernière modification le 16 mai 2023) [Rapports spéciaux de la vérificatrice générale], Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, en ligne. Pour le chapitre 6 figurant en annexe du rapport annuel 2021 de la vérificatrice générale, voir Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, Audit de l’optimisation des ressources : approvisionnement en équipement de protection individuelle lié à la COVID-19 (décembre 2021) [Rapport de la vérificatrice générale – Chapitre 6], en ligne. Pour les trois rapports spéciaux de l’Ombudsman des patients, voir « Communiqués spéciaux » [Communiqués spéciaux de l’Ombudsman des patients], en ligne.
[14] L’Advocacy Centre for the Elderly est une clinique juridique spécialisée offrant divers services juridiques aux personnes âgées à faible revenu de l’Ontario : conseils et représentation de particuliers et de groupes, éducation juridique publique, réforme du droit et activités de développement communautaire.
[15] Rapport final de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les FSLD, supra note 13, page 351.
[16] Examinez vos options de soins : foyers de soins de longue durée (mis à jour : 24 août 2022), ministère des Soins de longue durée, en ligne.
[17] Les données de ce paragraphe proviennent du rapport de 2020 du ministère des Soins de longue durée sur les effectifs. Ministère des Soins de longue durée, Effectifs des foyers de soins de longue durée, Groupe consultatif pour l’étude sur les effectifs des foyers de soins de longue durée (30 juillet 2020), page 2 [Rapport sur les effectifs des foyers de soins de longue durée], en ligne.
[18] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7; Règl de l’Ont 79/10.
[19] La nouvelle loi est assortie d’un nouveau règlement. Voir la Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7; Règl de l’Ont 246/22.
[20] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 95(1); Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 98(1).
[21] Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence, LRO 1990, c E.9 [Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence]; Règl de l’Ont 380/04.
[22] Loi de 2010 sur l’excellence des soins pour tous, LO 2010, c 14, art 13.1(2).
[23] Foire aux questions : Comment m’aiderez-vous?, Ombudsman des patients, en ligne.
[24] Pour les trois rapports spéciaux sur la COVID-19 de l’Ombudsman des patients, voir « Communiqués spéciaux de l’Ombudsman des patients », supra note 13.
[25] Les bureaux de santé publique et les territoires qu’ils desservent sont prévus par le Règl 553, RRO 1990, pris en application de la Loi sur la protection et la promotion de la santé, supra note 9. Pour une carte et une liste des bureaux, voir « Public Health Units », alPHa: Association of Local Public Health Agencies, en ligne.
[26] Loi sur la protection et la promotion de la santé, supra note 9, arts 27(2) et (3), et Règl de l’Ont 135/18, art 1, tableau, rangée 18.1.
[27] Ministère de la Santé et des Soins de longue durée, Protocole de gestion des éclosions dans les établissements et le milieu institutionnel, 2018, préparé par la Division de la santé de la population et de la santé publique (1er janvier 2018), en ligne.
[28] Ibid.
[29] Plan ontarien de lutte contre la pandémie de grippe de 2013 (9 août 2018), ministère de la Santé/ministère des Soins de longue durée, en ligne.
[30] Ombudsman de l’Ontario, Rapport annuel 2020-2021, (29 juin 2021), page 5, en ligne.  
[31] L’Ombudsman a un pouvoir limité concernant l’acceptation des plaintes sur les réunions des conseils de santé, dont relèvent les bureaux de santé publique, et le respect des exigences de réunion publique énoncées aux articles 238 et 239 de la Loi de 2001 sur les municipalités, LO 2001, c 25. Voir Ombudsman de l’Ontario, Rapport annuel 2021-2022, (10 août 2022), page 56, en ligne.
[32] Ontario, Enquête publique sur la sécurité des résidents des foyers de soins de longue durée : rapport final, vol. 1 (Toronto, 2019) (présidente : l’honorable Eileen E. Gillese), page 1 [Rapport final de l’enquête Gillese], en ligne.
[33] Ibid, page 9.
[34] Ibid, pages 13 et 16 à 18.
[35] Voir la recommandation 62, ibid, page 41.
[36] Voir les recommandations 25 et 26, ibid, page 30.
[37] Voir les recommandations 27 et 28 ibid, pages 30 et 31.
[38] Voir les recommandations 23 et 24, ibid, pages 29 et 30.
[39] Voir la recommandation 85, ibid, page 47.
[40] Effectifs des foyers de soins de longue durée, supra note 17, pages 31 et 32.
[41] L’honorable Frank Marrocco et coll., « Déclaration des commissaires », mise à jour (30 juillet 2020), Commission ontarienne d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée, en ligne.
[42] Lettre de l’honorable Frank N. Marrocco, président, Commission ontarienne d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée et coll., adressée à Merrilee Fullerton, ministre des Soins de longue durée (22 octobre 2020), en ligne.
[43] Voir les recommandations 1 à 4, ibid, pages 2 et 3.
[44] Voir les recommandations 1 et 2, ibid, pages 3 et 4.
[45] Voir les recommandations sous « 2. Indicateurs de rendement », dans la lettre de l’honorable Frank N. Marrocco, président, Commission ontarienne d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée et coll., adressée à Merrilee Fullerton, ministre des Soins de longue durée (4 décembre 2020), pages 3 et 4, en ligne.
[46] Ibid, page 5.
[47] Ibid, page 6.
[48] Rapport final de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les FSLD, supra note 13, pages 329 à 374.
[49] Ibid, pages 2, 22, 55 et 245 à 249.
[50] Ibid, pages 1111-118.
[51] Ibid, pages 10 à 13.
[52] Ibid, pages 134 à 144.
[53] Ibid, pages 332 à 336.
[54] Ibid, pages 12 et 155 à 162.
[55] Voir les recommandations 17 à 21, ibid, pages 341 et 342.
[56] Ibid, pages 132 à 134, 143 et 144, 165 à 167, 191, 416 et 424.
[57] Ibid, pages 20, 209 à 211 et 272.
[58] Ibid, page 70.
[59] Voir les recommandations 24 à 28 et 51 d), ibid, pages 6 et 7, 88 et 89, 343 à 346, et 357 [rec. 51d)].
[60] Ibid, page 147.
[61] Voir les recommandations 9a, et 40 à 48, ibid, pages 56 à 75, 249 à 251, 337 et 352 à 355.
[62] Ibid, page 80.
[63] Ibid, pages 239 à 241.
[64] Voir les recommandations 9c, 76 et 77, ibid, pages 80 et 81, 175, 239 à 241, 337 et 338, 369 et 371.
[65] Voir la recommandation 78a, ibid, pages 82 et 83 et 371.
[66] Ibid, page 183.
[67] Ibid, pages 15 et 196 à 198.
[68] Le rapport annuel 2015 de la vérificatrice générale a été publié avant la création du ministère des Soins de longue durée en tant qu’entité distincte du ministère de la Santé. Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, Rapport annuel 2015, chap. 3.09 « Programme d’inspection de la qualité des foyers de soins de longue durée » (2 décembre 2015), pages 423 et 430, en ligne.
[69] Ibid, page 424.
[70] Ibid, pages 424 et 425.
[71] Voir la recommandation 6, ibid, page 442.
[72] Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, Rapport annuel 2017, vol. 2, chap. 1.09, « Programme d’inspection de la qualité des foyers de soins de longue durée : suivi des audits de l’optimisation des ressources, section 3.09 du Rapport annuel 2015 » (6 décembre 2017), pages 137 et 138, en ligne.
[73] La vérificatrice générale a inclus un diagramme montrant les différents aspects de son examen au chapitre 5. Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, chapitre 5 du document Préparation et gestion en lien avec la COVID-19 : rapport spécial sur la préparation et la réponse à la pandémie dans les foyers de soins de longue durée (avril 2021), page 7 [Rapport de la vérificatrice générale – Chapitre 5], en ligne. Pour les chapitres 1 à 5 du rapport spécial de la vérificatrice générale sur la COVID-19, voir « Rapports spéciaux de la vérificatrice générale », supra note 13. Pour le chapitre 6 figurant en annexe du rapport annuel 2021 de la vérificatrice générale, voir « Rapport de la vérificatrice générale – Chapitre 6 », supra note 13.
[74] « Rapport de la vérificatrice générale – Chapitre 5 », supra note 73, page 7.
[75] Ibid, page 5.
[76] Ibid, pages 10, 60 et 61, 89 à 93 et 95.
[77] Ibid, pages 84 et 85.
[78] Le rapport final de la Commission ontarienne d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée, dont il a été question ci-dessus, contient des conclusions très semblables, comme nous le verrons plus tard. Voir Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, chapitre 2 du document Préparation et gestion en lien avec la COVID-19 : rapport spécial sur la planification et la prise de décisions face à l’éclosion, novembre 2020, pages 3 à 10, en ligne.
[79] « Rapport de la vérificatrice générale – Chapitre 6 », supra note 13, pages 2 à 4.
[80] Pour les chapitres 1, 3 et 4 du rapport spécial de la vérificatrice générale sur la COVID-19 (Préparation et gestion), voir « Rapports spéciaux de la vérificatrice générale », supra note 13.
[81] Ombudsman des patients, communiqué, « L’Ombudsman des patients lance une enquête à l’échelle du système sur l’expérience des résidents et des soignants dans les foyers de soins de longue durée de l’Ontario qui ont connu des flambées de COVID-19 » (2 juin 2020), en ligne.
[82] Voir « Communiqués spéciaux de l’Ombudsman des patients », supra note 13.
[83] Ontario, Ombudsman des patients, Honorer les voix et les expériences : sondage auprès des foyers de soins de longue durée, troisième rapport spécial sur la COVID-19 (décembre 2021) [Ombudsman des patients – Troisième rapport spécial], en ligne.
[84] Ontario, Ombudsman des patients, Honorer les voix et les expériences : un résumé des plaintes des résidents, des aidants naturels et du personnel des foyers de soins de longue durée pendant COVID19 en Ontario, premier rapport spécial sur la COVID-19 (octobre 2020), en ligne.
[85] Ontario, Ombudsman des patients, Honorer les voix et les expériences : réflexions des vagues 2 et 3 de la pandémie, deuxième rapport spécial sur la COVID-19 (août 2021), pages 25 à 31 et 37 à 40, en ligne.
[86] « Ombudsman des patients – Troisième rapport spécial », supra note 83, page 4.
[87] Ibid, page 30.
[88] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 144 à 148; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 147 à 151.
[89] Il s’agit des bureaux du Centre-Ouest, du Centre-Est, de Hamilton, de London, d’Ottawa, de Sudbury et de Toronto. La nouvelle désignation de « district » n’est pas utilisée dans le présent rapport (nous employons l’ancienne terminologie, soit bureaux régionaux de services, en usage à ce moment).
[90] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 143 et 144; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 146 et 147.
[91] Chercher des foyers de SLD par nom, en ligne : Rapports sur les foyers de soins de longue durée.
[92] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 152 à 157. Le cadre de la législation actuelle a été modifié pour les mesures d’exécution : Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 154 à 161.
[93] Rapport final de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les FSLD, supra note 13, page 241.
[94] Plusieurs changements de personnel ont eu lieu au Ministère après la première vague de la pandémie. Sauf indication contraire, les titres de poste utilisés dans le présent rapport sont ceux employés à ce moment-là.
[95] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 25(1). La loi actuelle comprend les mêmes exigences : Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 29(1).
[96] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 25(2).
[97] Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 29(2).
[98] Ministère des Soins de longue durée, communiqué, « L’Ontario prend des mesures d’urgence pour venir en aide aux foyers de soins de longue durée durant l’éclosion de COVID-19 » (28 mars 2020) [Communiqué du MSLD de mars 2020], en ligne.
[99] À ce moment, les réseaux locaux d’intégration des services de santé étaient responsables de l’administration régionale des services de santé publique en Ontario. Cette responsabilité incombe maintenant à Santé Ontario.
[100] Précision pour la note associée à l’astérisque (*) pour ce niveau et les suivants : « [Traduction] N. B. : Il pourrait être nécessaire de tenir compte du risque de préjudice pour “la situation ou le fonctionnement du foyer” plutôt que le préjudice causé aux résident(e)s. »
[101] Ces dispositions renvoient aux exigences législatives concernant les inspections immédiates : Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 25(2); Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 29(2).
[102] Dre Merrilee Fullerton, « Reminder to please share (2/2): By calling in, you will reach one of our many experienced #LTC Inspectors, who can answer questions, help you find solutions, or even just have a chat. They are here to help as we face this ever evolving pandemic. #InThisTogether #OntarioStrong » (3 avril 2020, 20 h 40), Twitter, en ligne.
[103] Les allégations concernant certains foyers de soins de longue durée mentionnées dans le présent rapport n’ont pas été prouvées et n’ont pas donné lieu à une inspection ou vérification du ministère des Soins de longue durée. Le rapport porte essentiellement sur la réponse du Ministère aux allégations graves de membres du public et non sur les soins prodigués dans un foyer en particulier.
[104] Voir par ex Hallie Golden, « Washington nursing home at center of US coronavirus outbreak reports 13 deaths », The Guardian (7 mars 2020), en ligne; André Picard, « Senior care facilities are especially vulnerable to COVID-19 outbreaks », The Globe and Mail (8 mars 2020), en ligne; Emilio Parodi, « Uncounted among coronavirus victims, deaths sweep through Italy’s nursing homes », Reuters (18 mars 2020), en ligne.
[105] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 5. La législation actuelle comporte la même exigence : Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 5.
[106] Cette définition est suivie de situations précises ne constituant pas des risques de préjudice, par exemple des punaises sur un tableau de liège, des briquets ainsi que des couteaux, outils de jardinage, aiguilles à tricoter ou boutons dans un bocal dans une salle ouverte (comme une salle d’activités).
[107] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 25(1); Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 29(1).
[108] Une inspection avait finalement eu lieu dans ce cas.
[109] Conformément à la Directive no 3, la plupart des visites avaient été interdites pendant la majeure partie de la première vague : directive du MHC du 30 mars, supra note 9.
[110] La législation sur les soins de longue durée exige que chaque foyer mette en place un conseil des résident(e)s pouvant conseiller les résident(e)s sur leurs droits et tenter de régler les litiges entre eux(elles) et le foyer. Ce conseil peut aussi faire part au foyer des préoccupations et lui faire des recommandations. Enfin, il peut transmettre les préoccupations au (à la) directeur(trice) de la Direction de l’inspection du Ministère. Pour en savoir plus, voir la Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 56 à 58; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 62 à 64.
[111] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 26; Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 30. La loi de 2021 comprend des mesures additionnelles pour protéger quiconque communique des renseignements au personnel du ministère des Soins de longue durée ou à toute autre personne ou autorité prescrite. Les conseils des résident(e)s et les conseils des familles sont prévus à cette fin à l’art 117 du Règl de l’Ont 246/22.
[112] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 26(1)(c); Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 30(1)(d).
[113] Le ministère du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences enquête sur les allégations de contravention à la Loi sur la santé et la sécurité au travail, LRO 1990, c O.1, par un milieu de travail, dont un foyer de soins de longue durée.
[114] Règl de l’Ont 79/10, art 107 (pris en application de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée); Règl de l’Ont 246/22, art 115 (pris en application de la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée).
[115] « Rapport de la vérificatrice générale » – Chapitre 5, supra note 73, page 82.
[116] La liste ministérielle des foyers à risque élevé changeait constamment au fil des éclosions qui survenaient et se terminaient. C’est pourquoi le nombre de ces foyers nécessitant une inspection changeait aussi d’une journée à l’autre.
[117] Règl de l’Ont 95/20, arts 3(ii)(a) et (b) (version du 27 mars 2020) pris en application de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence, supra note 21.
[118] Le 15 juillet 2020, le paragraphe 5(2) du Règl de l’Ont 412/20 abrogeait l’alinéa 3(ii) du Règl de l’Ont 95/20, obligeant de nouveau les foyers de soins de longue durée à consigner certains renseignements. Les dispositions du règlement toujours en vigueur après la modification sont incluses dans la Loi de 2020 sur la réouverture de l’Ontario (mesures adaptables en réponse à la COVID 19), LO 2020, c 17 [Loi sur la réouverture de l’Ontario], promulguée le 24 juillet 2020.
[119] Communiqué de presse du MSLD, mars 2020, supra note 98.
[120] Rapport de la vérificatrice générale – Chapitre 5, supra note 73, page 61.
[121] Le ministère du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences veille à l’exécution des dispositions sur la santé et la sécurité au travail de diverses lois dans le cadre d’inspections proactives et à la suite de plaintes.
[122] La lettre à ultérieurement été publiée par les médias. Voir la lettre des FAC, supra note 10.
[123] Cabinet du premier ministre, communiqué de presse « L’Ontario passe immédiatement à l’action dans les foyers de soins de longue durée à haut risque » (27 mai 2020), en ligne.
[124] Ministère des Soins de longue durée de l’Ontario, Rapport d’inspection en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, no d’inspection 2020_595110_0009 (29 juillet 2020) [Rapport d’inspection de juillet 2020 – Altamont Care Community], en ligne.
[125] Une plaie de pression est une lésion causée par une pression constante endommageant les tissus.
[126] Ministère des Soins de longue durée de l’Ontario, Rapport d’inspection en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, no d’inspection 2021_631210_0019 (4 août 2021) [Rapport d’inspection du foyer Hawthorne Place Care Centre], en ligne.
[127] Rapport final de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les FSLD, supra note 13, page 215.
[128] Rapport d’inspection du foyer Hawthorne Place Care Centre, supra note 126, page 5.
[129] Ministère des Soins de longue durée de l’Ontario, Rapport d’inspection en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée : Downsview Long Term Care Centre, no d’inspection 2020_816722_0007 (4 juin 2020), page 11, en ligne.
[130] Rapport final de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les FSLD, supra note 13, page 215.
[131] Ministère des Soins de longue durée de l’Ontario, Rapport d’inspection en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée : Downsview Long Term Care Centre, no d’inspection 2021_526645_0011 (A1) (22 octobre 2020), en ligne.
[132] Selon la législation, les résident(e)s pouvaient faire ces rapports, mais n’y étaient pas tenu(e)s : Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 24(3). La loi actuelle comporte la même disposition : Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 28(3).
[133] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 24(1). La loi actuelle comporte le même texte : Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 28(1).
[134] Depuis avril 2022, si la non-conformité présente peu de risque et que le foyer y remédie pendant l’inspection, aucune mesure d’exécution n’est imposée.
[135] Le plan de redressement volontaire a été éliminé de la liste des mesures d’exécution dans la Loi de 2021 sur le redressement des soins de longue durée : voir supra note 7, art 154(1).
[136] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 163 à 170; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 169 à 176.
[137] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 50(1), 152(1), 152(4), 155 à 157; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 56(1), 154(1), 154(4), 156 à 159.
[138] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 164 à 170; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 170 à 176.
[139] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 162.2 et 182; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 168 et 192.
[140] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 156.1. Cet article n’est pas entré en vigueur avant l’abrogation de la Loi.
[141] Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 158.
[142] Ministère des Soins de longue durée de l’Ontario, Rapport d’inspection prévue sous la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée : Village at St. Clair, no d’inspection 2019_533115_0004 (A1) (10 avril 2019), en ligne. Bien que le rapport d’inspection public ne mentionne pas de renvoi à la direction, les documents internes du Ministère confirment que les problèmes de prévention et de contrôle des infections à ce foyer ont été renvoyés à la directrice de la Direction de l’inspection en mars 2019.
[143] Ontario, Ministère des Soins de longue durée, Rapport d'inspection en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée : Midland Gardens Care Community, no d’inspection 2019_780699_0024 (A1) (22 avril 2020), en ligne.
[144] « Rapport d’inspection de juillet 2020 – Altamont Care Community », supra note 124.
[145] Ministère des Soins de longue durée de l’Ontario, Rapport d’inspection en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée : Altamont Care Community, no d’inspection 2020_748653_0020 (13 novembre 2020), en ligne.
[146] Ministère des Soins de longue durée de l’Ontario, Rapport d’inspection en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée : Pinecrest Nursing Home (Bobcaygeon), no d’inspection 2020_643111_0011 (30 juin 2020), en ligne.
[147] Rapport d’inspection du foyer Hawthorne Place Care Centre, supra note 126.
[148] Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 154(1) et 158; Règl de l’Ont 246/22, art 349.
[149] Règl de l’Ont 246/22, art 349(6).
[150] Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 192.
[151] Rapport de la vérificatrice générale – Chapitre 5, supra note 73, page 84; Rapport final de la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les FSLD, supra note 13, pages 82 et 83.
[152] Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 159 et 161. Le paragraphe 159(2) précise les situations dans lesquelles le Ministère peut suspendre (ou révoquer) un permis. Sont comprises les situations où une personne est en position d’obtenir le contrôle du foyer ou détient une participation majoritaire dans le foyer à l’insu du Ministère. Le paragraphe 159(3) prévoit les conséquences immédiates d’une suspension suivant la signification d’une copie de l’ordre au(à la) titulaire du permis.
[153] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, arts 157 et 158; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, arts 159(5) à (10), 160, et 161.
[154] Règl de l’Ont 246/22, article 348.
[155] Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 154(2).
[156] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 156; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 157.
[157] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, art 156(1).
[158] Au départ, le Règl de l’Ont 210/20 avait été pris en application de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence, LRO 1990, c E.9 et de la Loi sur la réouverture de l’Ontario, supra note 118, à sa date de prise d’effet, le 24 juillet 2020. Il a été abrogé le 28 mars 2022.
[159] Loi sur les foyers de soins de longue durée, supra note 7, article 110; Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 113.
[160] Loi sur le redressement des soins de longue durée, supra note 7, art 157.
[161] Rapport final de l’enquête Gillese, supra note 32, pages 13 et 16 à 18.
[162] Loi sur l’ombudsman, supra note 3.
[163] Ombudsman de l’Ontario, communiqué de presse « L’Ombudsman de l’Ontario enquêtera sur la surveillance exercée par le gouvernement sur les foyers de soins de longue durée durant la pandémie » (1er juin 2020), en ligne.