Enquête sur des réunions tenues par le Conseil de la Municipalité de Markstay-Warren les 20 novembre et 11 décembre 2023
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Décembre 2024
Plainte
1 Mon Bureau a reçu deux plaintes selon lesquelles le Conseil de la Municipalité de Markstay-Warren (la « Municipalité ») aurait tenu, les 20 novembre et 11 décembre 2023, des réunions à huis clos n’entrant pas dans les exceptions aux règles des réunions publiques prévues par la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi ») qu’il avait invoquées. Ces plaintes allèguent aussi que le Conseil n’aurait pas fourni suffisamment d’information sur les questions à étudier dans ses résolutions de retrait à huis clos à chaque réunion.
2 Mon enquête m’a permis de conclure que les discussions à huis clos tenues à ces deux réunions relèvent de l’exception des renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée.
3 Toutefois, elle a aussi révélé que la Municipalité a contrevenu à la Loi en n’indiquant pas par voie de résolution la nature générale de la question à étudier à ses séances à huis clos du 20 novembre et du 11 décembre 2023.
Compétence de l’Ombudsman
4 La Loi dispose que toutes les réunions d’un conseil ou d’un conseil local et de leurs comités doivent être ouvertes au public, sauf si les exceptions prévues par la Loi s’appliquent.
5 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité ou un conseil local a respecté ou non la Loi en se réunissant à huis clos. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur.
6 C’est l’Ombudsman qui enquête sur les réunions à huis clos de la Municipalité de Markstay-Warren.
7 Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous cherchons à savoir si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et le règlement de procédure municipal ont été respectées.
8 Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Ce recueil interrogeable vise à permettre aux intéressé(e)s d’accéder facilement aux décisions de l’Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du Conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : www.ombudsman.on.ca/digest/recueil-de-cas-reunions-municipales-accueil.
9 L’Ombudsman de l’Ontario est également habilité à réaliser des examens et enquêtes impartiaux concernant des centaines d’organismes publics. Cela comprend les municipalités, les conseils locaux et les sociétés contrôlées par des municipalités ainsi que les organismes gouvernementaux provinciaux, les universités financées par les fonds publics et les conseils scolaires. Il peut aussi examiner les plaintes sur les services fournis par les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires de permis d’établissement, et sur les services en français fournis aux termes de la Loi sur les services en français. Pour en savoir plus sur les organismes relevant de notre Bureau, consultez le site www.ombudsman.on.ca/portez-plainte/champ-de-surveillance.
Processus d’enquête
10 Mon Bureau a informé la Municipalité de son intention d’enquêter sur ces plaintes le 19 mars 2024. Nous avons parlé au maire, à la greffière et aux conseiller(ère)s présent(e)s aux réunions, sauf un ne siégeant plus comme conseiller au moment de notre enquête. Nous avons examiné les ordres du jour des réunions, les procès-verbaux des séances publique et à huis clos, et les documents se rapportant aux deux réunions.
11 Mon Bureau a obtenu une pleine coopération dans cette affaire.
Réunion du 20 novembre 2023 du Conseil
12 Le Conseil a tenu une réunion ordinaire le 20 novembre 2023 à 19 h. Pendant la période des demandes de renseignements du public, une personne a exprimé des réserves sur son rôle de pompier(ère) volontaire et sur un récent banquet organisé pour les pompier(ière)s volontaires.
13 Plusieurs autres sujets sans lien ont été abordés en séance publique avant que le Conseil adopte une résolution de retrait à huis clos à 20 h 35. Le Conseil n’a donné aucune information sur la question à étudier à huis clos, et le procès-verbal ne précise pas l’exception aux règles des réunions publiques invoquée.
14 La greffière a dit à notre Bureau que la séance à huis clos avait été impromptue et que le Conseil s’était appuyé sur l’exception des renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée pour discuter de la préoccupation soulevée en séance publique, soit le banquet des pompier(ère)s volontaires.
15 À huis clos, le Conseil s’est demandé ce qu’il pouvait faire. Ses membres ont discuté en détail de la situation de la personne ayant exprimé la préoccupation, notamment de renseignements privés non communiqués en séance publique. Il a aussi été question de la conduite d’un employé municipal précis.
16 Ensuite, il a été décidé que la greffière enverrait un courriel à la personne pour lui proposer de l’aide. Le Conseil est retourné en séance publique, puis a mis fin à la réunion.
Analyse
Exception relative aux renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, alinéa 239(2)b)
17 Le Conseil a invoqué l’exception des renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée pour discuter à huis clos du banquet organisé pour les pompier(ière)s volontaires.
18 Cette exception s’applique aux discussions dans le cadre desquelles sont révélés des renseignements privés concernant une personne identifiable. Pour que cette exception s’applique, mon Bureau a établi qu’il faut pouvoir croire, de façon raisonnable, que la personne concernée pourrait être identifiée si lesdits renseignements étaient révélés au public[2]. De plus, il doit s’agir de renseignements personnels, et non de renseignements professionnels, ni de renseignements donnés dans le cadre d’activités commerciales[3].Toutefois, des renseignements peuvent constituer des renseignements personnels s’ils ont pour objectif d’examiner la conduite ou les idées d’une personne[4]. Mon Bureau a statué que l’information ayant déjà fait l’objet de discussions publiques ou généralement connue du public n’entre pas dans l’exception des renseignements privés[5].
19 En l’espèce, le Conseil a discuté de deux personnes en les nommant, en réponse à la préoccupation soulevée en séance publique à propos du banquet. Puisque ces personnes ont été nommées, elles auraient été identifiées si la discussion avait eu lieu en séance publique.
20 À huis clos, il a été question de renseignements privés des deux personnes. Le Conseil a examiné la situation de la personne ayant exprimé des réserves, notamment des renseignements privés non divulgués en séance publique, et la conduite d’un employé municipal.
21 Par conséquent, la discussion du Conseil entre dans l’exception relative aux renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée.
Résolution de retrait à huis clos
22 Selon l’alinéa 239(4)a) de la Loi, avant de se retirer à huis clos, le conseil, le conseil local ou le comité doit indiquer par voie de résolution adoptée en séance publique le fait qu’une séance à huis clos sera tenue et la nature générale de la question devant y être étudiée.
23 La Cour d’appel de l’Ontario a souligné dans l’arrêt Farber v. Kingston (City) qu’une résolution pour se retirer à huis clos doit comporter une description générale de la question à discuter, de sorte à maximiser les renseignements communiqués au public, sans toutefois porter atteinte à la raison d’exclure le public[6]. Mon Bureau a déterminé que cela signifie que les municipalités doivent inclure « certains détails informatifs » à la résolution pour qu’une réunion puisse avoir lieu à huis clos[7].
24 En l’espèce, le Conseil n’a donné aucune information sur la question à étudier à huis clos ni indiqué l’exception aux règles des réunions publiques invoquée. Il aurait pu fournir plus d’information sans compromettre la raison du retrait à huis clos.
25 Par conséquent, il a contrevenu à l’alinéa 239(4)a) de la Loi à sa réunion du 20 novembre 2023.
Réunion du 11 décembre 2023 du Conseil
26 Le Conseil a tenu une autre réunion ordinaire le 11 décembre 2023 à 19 h. Il a été question de plusieurs points sans lien, puis le Conseil s’est retiré à huis clos à 20 h 05. Dans sa résolution de retrait à huis clos, il n’a donné aucune information sur la question à étudier.
27 À huis clos, le Conseil a discuté de trois sujets : la possibilité de vendre et d’acheter des camions d’incendie, un plan de modernisation du service d’incendie et un rapport du commissaire à l’intégrité de la Municipalité concernant la conduite du maire. La greffière a informé notre Bureau que le Conseil avait invoqué les exceptions suivantes pour discuter à huis clos : renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée, renseignements qui sont la propriété de la municipalité et qui ont une valeur pécuniaire actuelle ou éventuelle, et enquête en cours menée par un(e) enquêteur(euse) nommé(e).
28 Selon notre enquête, le chef des pompier(ère)s de la Municipalité et un gestionnaire des travaux publics étaient présents pour les discussions sur les deux premiers sujets.
Vente de camions d’incendie et plan de modernisation du service d’incendie
29 Le Conseil a d’abord discuté de la possible vente de deux camions d’incendie et de l’achat d’un nouveau camion. Au moment de cette discussion, deux camions étaient en vente en ligne. Plusieurs conseiller(ère)s ont examiné minutieusement la décision et donné leur avis sur la conduite et le rendement d’un employé y étant associé. Le chef des pompier(ère)s a justifié la vente des deux camions d’incendie, en parlant notamment brièvement de l’équipement du service de manière plus générale.
30 La discussion sur les camions a débouché sur une conversation plus globale sur la nécessité d’aller de l’avant ou non avec le plan de modernisation du service d’incendie, plan approuvé par l’ancien Conseil et prévoyant la fermeture de plusieurs casernes et bâtiments de travaux publics, ainsi que la construction d’une seule caserne centrale à Markstay, où se trouverait aussi le service regroupé des travaux publics. L’annulation de l’une des décisions, soit la construction d’une seule caserne, soit le regroupement des travaux publics, aurait une incidence importante sur la planification de l’autre.
31 Le plan de modernisation du service d’incendie influait sur maints aspects de la lutte contre l’incendie dans la Municipalité, y compris la question de savoir si les casernes avaient l’espace pour abriter les camions mis en vente. Au moment de la réunion, la Municipalité avait déjà pris des mesures pour aller de l’avant avec le plan. La greffière a dit à mon Bureau que des ententes avaient été conclues, mais pourraient être modifiées selon ce que déciderait le Conseil à cette réunion.
32 À huis clos, le Conseil a discuté d’un rapport publié en décembre 2021. Ce rapport, préparé par une entreprise privée retenue par l’ancien Conseil, évaluait la logistique et les coûts estimatifs associés à la modernisation du service d’incendie. Plusieurs membres du Conseil avaient exprimé des réserves sur le rapport et son exactitude, surtout les coûts estimatifs indiqués.
33 En outre, durant le huis clos, deux personnes avaient été nommées, et leur rôle dans la production du plan de modernisation et les lacunes perçues dans le rapport de décembre 2021, examiné. Ces avis avaient été exprimés pendant la discussion, puisque le Conseil devait déterminer comment il souhaitait procéder globalement en ce qui concerne les camions d’incendie et la modernisation du service d’incendie.
34 Une fois de retour en séance publique, le Conseil a tenu un vote sur la réévaluation du plan de modernisation, la rénovation des casernes plutôt que leur fermeture pour en construire une seule, et la production d’un plan distinct pour regrouper à un seul endroit plusieurs services de travaux publics. Le Conseil s’est aussi prononcé sur la vente d’un des camions d’incendie et l’achat d’un camion de remplacement.
Rapport du commissaire à l’intégrité
35 En dernier lieu, le Conseil a discuté d’un rapport du commissaire à l’intégrité de la Municipalité concernant la conduite du maire dans son rôle antérieur de conseiller. Ce rapport contenait les conclusions du commissaire sur plusieurs commentaires soi-disant hostiles de la part du maire à l’endroit d’une personne ayant déposé une plainte anonyme.
36 À huis clos, le Conseil a examiné les conclusions du commissaire à l’intégrité, discuté de la conduite visée par l’enquête, et brièvement envisagé la sanction à imposer. En analysant les sanctions possibles, les conseiller(ère)s ont parlé de la conduite du maire et du plaignant, nommé pendant la discussion. Le Conseil a expressément critiqué la conduite de l’auteur de la plainte et sa participation aux événements sous-jacents indiqués dans le rapport.
37 Le Conseil a décidé, d’un commun accord, qu’il serait publiquement question du rapport et des sanctions à sa prochaine réunion, au cours de laquelle il poursuivrait la discussion. À la réunion du 15 janvier 2024, le rapport a été rendu public, et le Conseil est arrivé après discussion à une décision quant aux sanctions.
Analyse
Vente de camions d’incendie
Exception relative aux renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, alinéa 239(2)b)
38 Le Conseil a invoqué l’exception relative aux renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée pour discuter de la vente des camions d’incendie à huis clos.
39 Comme il a été dit, cette exception s’applique aux discussions à huis clos au cours desquelles sont révélés des renseignements privés sur une personne identifiable.
40 En l’espèce, il a été question de la conduite et du rendement d’un employé municipal, nommé lors de la discussion, ce qui a influé sur la décision de vendre ou non deux camions d’incendie et d’en acheter un nouveau, de même que sur l’équipement du service d’incendie de façon plus générale.
41 Cette discussion contenait bel et bien un examen minutieux ou des avis concernant une personne identifiable. Cela entre donc dans les renseignements privés et relève de l’exception.
42 En plus de discuter d’une personne pouvant être identifiée, le Conseil a parlé de la logistique associée à la vente ou à la conservation de deux camions d’incendie. Cela n’entre pas en soi dans l’exception des renseignements privés. Toutefois, il arrive qu’il puisse être irréaliste de s’attendre à ce que le Conseil alterne entre séances publique et à huis clos. La Cour divisionnaire de l’Ontario a conclu que c’était le cas si cela risquait de [TRADUCTION] « nuire à des discussions libres, ouvertes et ininterrompues »[8]. Mon Bureau a conclu qu’il serait irréaliste d’alterner entre séance publique et à huis clos lorsque la discussion porte sur des sujets grandement interreliés[9].
43 En l’espèce, les renseignements privés étaient essentiels à la discussion du Conseil sur ce qu’il fallait faire des camions d’incendie et étaient primordiaux à la prise de décision. La discussion était fluide et portait sur des sujets interreliés.
44 Par conséquent, il était irréaliste de s’attendre à ce que le Conseil alterne sa discussion entre séance publique et à huis clos, donc la totalité de celle-ci entre dans l’exception des renseignements privés.
Plan de modernisation du service d’incendie
Exception relative aux renseignements qui sont la propriété de la municipalité, alinéa 239(2)j)
45 Le Conseil a invoqué l’exception relative aux renseignements qui sont la propriété de la municipalité pour discuter du plan de modernisation du service d’incendie à sa réunion du 11 décembre 2023.
46 Pour que cette exception s’applique, mon Bureau a statué que la municipalité doit démontrer que la discussion porte sur des renseignements[10] :
-
qui constituent un secret industriel ou des renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial ou financier;
-
qui sont la propriété de la municipalité ou du conseil local;
-
et qui ont une valeur pécuniaire actuelle ou éventuelle.
47 La greffière a dit à mon Bureau que l’information concernée pouvait être considérée soit comme un secret industriel, soit comme un renseignement d’ordre financier, et qu’il y aurait eu des répercussions financières si le sujet avait été abordé en séance publique parce que la Municipalité avait conclu des ententes relativement au plan de modernisation du service d’incendie.
48 Pour appliquer ces critères, mon Bureau a déterminé que les renseignements financiers sont les renseignements qui se rapportent à l’utilisation et à la distribution de l’argent et qu’ils doivent comporter des données précises[11]. Mon Bureau a aussi statué que certaines estimations de coûts respectent la définition de « renseignements financiers »[12]. Puisque le Conseil a discuté des coûts estimatifs indiqués dans le rapport, cette information constitue des renseignements financiers.
49 Mon Bureau a aussi établi que les rapports demandés et reçus par une municipalité sont un indice suffisant de propriété du contenu[13]. Puisque le Conseil a retenu les services d’une entreprise privée et demandé la production d’un rapport sur son plan de modernisation du service d’incendie, le contenu abordé par le Conseil appartient à la Municipalité.
50 Pour ce qui est du dernier élément du critère, mon Bureau a statué qu’un secret industriel ou un renseignement financier doit avoir une valeur intrinsèque, dont l’organisation serait privée en cas de divulgation des renseignements[14]. Au moment de la discussion du Conseil le 11 décembre 2023, le contenu du rapport était connu du public depuis 2021. Cela étant, la Municipalité n’aurait pas été privée de sa valeur pécuniaire si la discussion avait eu lieu en séance publique.
51 Par conséquent, la discussion n’entre pas dans l’exception des renseignements qui sont la propriété de la municipalité.
Exception relative aux renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, alinéa 239(2)b)
52 Selon la greffière et un(e) des membres du Conseil, la discussion sur le plan de modernisation du service d’incendie pouvait aussi relever de l’exception des renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée. Comme nous l’avons dit, cette exception permet les discussions à huis clos lorsque sont communiqués des renseignements privés sur une personne identifiable.
53 Mon Bureau a appris que l’essentiel de la discussion du Conseil sur ce plan de modernisation a consisté à parler de la conduite et du rendement de deux personnes nommées et à savoir ce que les membres en pensaient, ce qui entre en effet dans ladite exception puisqu’il s’agit de deux personnes identifiables.
54 Le Conseil s’est aussi demandé s’il devait aller de l’avant avec le plan de modernisation et a discuté de la logistique des différentes options proposées. Cela ne relève pas en soi de l’exception des renseignements privés. Toutefois, comme il été dit, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que le Conseil alterne entre séances publique et à huis clos si cela risque de [TRADUCTION] « nuire à des discussions libres, ouvertes et ininterrompues[15] » et lorsque la discussion porte sur des sujets grandement interreliés[16].
55 Tout comme la discussion du Conseil sur la vente des camions d’incendie, les renseignements privés communiqués ici étaient essentiels aux délibérations et à la décision que prendrait le Conseil quant à savoir s’il fallait aller de l’avant avec le plan de modernisation du service d’incendie. Les discussions du Conseil sur les renseignements privés et le plan de modernisation, qui n’ont pas été séparées, étaient fluides et interreliées.
56 Par conséquent, il aurait été déraisonnable de s’attendre à ce que le Conseil entrecoupe sa discussion, donc la totalité de la discussion relève de l’exception des renseignements privés.
Rapport du commissaire à l’intégrité
Exception relative à une enquête en cours menée par un(e) ombudsman ou par un(e) enquêteur(euse) nommé(e), alinéa 239(3)b)
57 La greffière a dit à mon Bureau que le Conseil avait invoqué l’exception relative à une enquête en cours menée par un(e) ombudsman ou par un(e) enquêteur(euse) nommé(e) pour discuter à huis clos d’un récent rapport produit par le commissaire à l’intégrité de la Municipalité.
58 Cette exception ne concerne pas les enquêtes menées par un(e) commissaire à l’intégrité, mais plutôt par l’Ombudsman de l’Ontario, un(e) ombudsman nommé(e) par la Municipalité ou un(e) enquêteur(euse) sur les réunions à huis clos[17]. Elle s’applique de plus aux enquêtes en cours et non à celles terminées[18].
59 Par conséquent, la discussion ne relève pas de l’exception invoquée.
Exception relative aux renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, alinéa 239(2)b)
60 Mon Bureau s’est demandé si la discussion à propos du rapport du commissaire à l’intégrité pouvait relever d’une autre exception aux règles des réunions publiques. Selon la greffière et plusieurs conseiller(ère)s, elle entrait dans l’exception des renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée.
61 Généralement, les discussions sur le rapport d’un(e) commissaire à l’intégrité ont lieu en séance publique. Le paragraphe 223.6(3) de la Loi exige que les municipalités publient les rapports des commissaires à l’intégrité. Le rapport en l’espèce a ultérieurement été rendu public à la réunion du Conseil du 15 janvier 2024.
62 Toutefois, il arrive que les discussions sur ces rapports aient préférablement lieu à huis clos. Par exemple, dans un rapport à la Municipalité de Temagami, mon Bureau avait examiné une discussion à huis clos sur plusieurs rapports du commissaire à l’intégrité à propos de plaintes pour harcèlement relatives à des membres du personnel municipal et à des membres du public[19]. Mon Bureau avait conclu que le Conseil avait discuté de renseignements privés dépassant le rôle professionnel des personnes en cause, ce qui s’inscrit dans l’exception.
63 Mon Bureau a aussi statué que les discussions sur des rapports d’enquête de tiers dans le cadre desquelles il est question de la conduite d’un(e) membre du personnel peuvent être considérées comme des renseignements privés relevant de l’exception[20].
64 En l’espèce, le Conseil a discuté de la conduite et des situations précisées dans le rapport. Les commentaires formulés sur la conduite du plaignant étaient personnels, blessants et désapprobateurs. Le Conseil a envisagé les bonnes sanctions à imposer au maire et donné son avis sur la conduite de celui-ci et sur la conduite du plaignant. Il a parlé de cet auteur de la plainte, anonyme dans le rapport, en le nommant. Enfin, la discussion sur les éventuelles sanctions à imposer était centrée sur les avis exprimés par plusieurs conseiller(ère)s sur la conduite de personnes identifiables.
65 Par conséquent, la discussion du Conseil relève de l’exception des renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée.
Résolution de retrait à huis clos
66 Comme il a été mentionné, l’alinéa 239(4)a) de la Loi prévoit qu’avant de se retirer à huis clos, une municipalité doit indiquer par voie de résolution le fait que la réunion se tiendra à huis clos et la nature générale de la question devant y être étudiée.
67 En l’espèce, la résolution de retrait à huis clos du Conseil n’indiquait rien sur la question à étudier. Le Conseil aurait pu fournir plus d’information sans compromettre les raisons du huis clos.
68 Par conséquent, le Conseil a contrevenu à l’alinéa 239(4)a) de la Loi à sa réunion du 11 décembre 2023.
Recommandations
69 Je fais les recommandations suivantes pour aider la Municipalité de Markstay-Warren à s’acquitter des obligations qui lui incombent selon la Loi de 2001 sur les municipalités et à accroître la transparence de ses réunions :
Recommandation 1
Les membres du Conseil de la Municipalité de Markstay-Warren devraient demeurer vigilant(e)s dans l’exercice de leur obligation individuelle et collective de s’assurer que la Municipalité remplit ses responsabilités prévues dans la Loi de 2001 sur les municipalités et son règlement procédural.
Recommandation 2
Le Conseil de la Municipalité de Markstay-Warren devrait voir à ce que toutes ses résolutions de retrait à huis clos contiennent une description générale des questions à étudier de façon à communiquer au public le maximum de renseignements sans compromettre la raison du huis clos.
Rapport
70 Le Conseil de la Municipalité de Markstay-Warren a pu examiner une version préliminaire du présent rapport et la commenter pour mon Bureau. Nous n’avons reçu aucun commentaire.
71 Le présent rapport sera publié sur le site Web de mon Bureau et devrait également être rendu public par la Municipalité de Markstay-Warren. Conformément au paragraphe 239.2(12) de la Loi de 2001 sur les municipalités, le Conseil doit adopter une résolution indiquant comment il entend y donner suite.
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] Ontario (Ministry of Correctional Services) v. Goodis [2008], OJ no 289, paragraphe 69.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions à huis clos tenues par la Ville d’Amherstburg le 8 août, le 13 septembre, le 8 novembre et le 16 novembre 2021, (juillet 2022), en ligne.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur les réunions à huis clos tenues par le Conseil de la Municipalité de South Huron entre novembre 2008 et décembre 2013, (février 2015), en ligne.
[5] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville de Midland (4 février 2014), en ligne.
[6] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletFarber v. Kingston (City), 2007 ONCA 173, paragraphe 21, en ligne.
[7] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur la réunion à huis clos tenue par le comité spécial de contact avec l’OPP de la Ville de Brockville, le 7 mars 2016, (juillet 2016), paragraphe 45, en ligne.
[8] St. Catharines (City) v. IPCO, 2011 ONSC 2346, paragraphe 42.
[9] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Canton de South Frontenac (29 septembre 2021), en ligne.
[10] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances à huis clos tenues par la Ville de Hamilton le 16 janvier 2019, (juin 2019), en ligne.
[11] Ibid.
[12] Ombudsman de l'Ontario, Enquête à propos d’une plainte sur une réunion tenue par le Canton de Leeds et les Mille-Îles le 11 août 2020, (avril 2022), en ligne.
[13] Ibid.
[14] Ibid.
[15] Supra, note 10.
[16] Supra, note 11.
[17] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Conseil d’administration du Hamilton Waterfront Trust (5 juin 2023), en ligne.
[18] Ibid.
[19] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos de réunions à huis clos tenues par la Municipalité de Temagami, (février 2021), en ligne.
[20] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le conseil de la Ville du Grand Sudbury a tenu des réunions à huis clos illégales le 2 mars, le 23 mars et le 26 avril 2016, (janvier 2017), en ligne; Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions à huis clos tenues par le Conseil de la Ville d’Amherstburg le 10 janvier et le 2 juin 2015, (novembre 2015), en ligne.