L’Ombudsman réclame l’abolition de l’isolement illimité

L’Ombudsman réclame l’abolition de l’isolement illimité

mai 10, 2016

10 mai 2016

L’Ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé, a exhorté aujourd’hui le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels à abolir le recours à l’isolement illimité des détenus et à concevoir d’autres options pour protéger les droits des personnes vulnérables.

Ses recommandations préconisent que l’Ontario réforme le recours à la réclusion

(TORONTO – 10 mai 2016) L’Ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé, a exhorté aujourd’hui le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels à abolir le recours à l’isolement illimité des détenus et à concevoir d’autres options pour protéger les droits des personnes vulnérables. « L’isolement illimité ne devrait plus être une pratique correctionnelle acceptée ou légale en Ontario », déclare M. Dubé dans le mémoire qu'il a présenté dans le cadre de la consultation du gouvernement provincial sur le recours à la réclusion (aussi appelée isolement).


Tout en reconnaissant qu’il s’agira là d’une « tâche impressionnante », il souligne qu'à long terme, le plan de l’Ontario devrait viser à concevoir des conditions de détention et des programmes pour les détenus vulnérables ayant des troubles comportementaux et des défis de santé mentale. À court terme, des mesures vigoureuses de protection devraient être instaurées maintenant pour protéger les droits de toute personne placée en isolement – stipulant par exemple que les détenus doivent être évalués par un fournisseur de services de santé mentale toutes les 24 heures.

Dans son mémoire intitulé L’isolement : Pas un problème isolé, l’Ombudsman demande au Ministère de remédier à ce qu’il appelle « les graves répercussions négatives de l’isolement et l’insuffisance notable des protections procédurales existantes ». Il fait 28 recommandations, dont la création d’un groupe indépendant chargé d’examiner les placements en isolement et de donner force de loi à certaines procédures – comme l’imposition d’une limite de 15 jours pour les isolements.

« Le seul moyen de garantir l’équité aux détenus placés en isolement est d’établir un comité d’examen indépendant sur l’isolement, d’intégrer les garanties procédurales à la réglementation plutôt qu’à la politique, et d’instaurer des modalités systématiques de contrôle de l’isolement », dit-il dans son mémoire. « À ces mécanismes de surveillance devrait s’ajouter une attention plus marquée sur le bien-être, le traitement et la réadaptation des détenus placés en isolement. »

Le Bureau de l’Ombudsman a une solide expérience dans le traitement des plaintes sur les établissements correctionnels provinciaux, réglant quelque 4 000 d’entre elles chaque année. Durant les trois dernières années, il a reçu 557 plaintes au sujet de l’isolement et il a sonné l’alarme à maintes reprises à propos du non-respect des politiques d’isolement par les responsables des services correctionnels. Dans un cas, un détenu a été gardé en isolement pendant plus de trois ans, précise M. Dubé.

« Dans le Rapport annuel 2014-2015 de notre Bureau, nous avons souligné un accroissement considérable du nombre de plaintes faites à l’Ombudsman par des détenus placés en isolement. Ces plaintes montraient aussi le fossé entre la réalité de l’isolement et la pratique envisagée par la réglementation et la politique du Ministère. »

Le Bureau de l’Ombudsman a cerné plusieurs problèmes systémiques qui ressortaient des plaintes qu’il avait reçues. Ainsi, en vertu de la loi, tous les placements en isolement doivent faire l’objet d’un examen tous les cinq jours dans l’établissement – mais l’Ombudsman a obtenu de la documentation sur un cas révélant que ces examens n’étaient faits en moyenne que tous les 20 jours. De plus, les placements en isolement doivent être évalués par des responsables externes au bout de 30 puis 60 jours. Mais les enquêtes de l’Ombudsman concluent généralement qu’il y a « très peu de documentation… et presque aucune raison à l’appui des conclusions d’examen ».

Le personnel de l’Ombudsman a alerté le Ministère de plusieurs placements en isolement longs de plus de trois mois en 2013 et 2014, pour lesquels la documentation requise semblait ne pas exister. Il a découvert que, dans l'un des établissements, la documentation manquante avait été fabriquée – ce qui avait déclenché une vérification concluant que « pour la plupart des examens qui auraient dû être effectués, il était impossible de trouver de la documentation ». Les problèmes de documentation subsistaient l’an dernier.

Le Ministère ne consigne pas habituellement le nombre de détenus en isolement. Toutefois, il a récemment compilé des données révélant que, l'an dernier, le Centre de détention d’Ottawa-Carleton et le Centre correctionnel du Centre-Est avaient fait 1 677 placements en isolement en une période de cinq mois seulement. À la lumière de ceci, « il est difficile de comprendre la position inscrite dans la politique du Ministère selon laquelle l’isolement serait un dernier recours, assujetti à un strict contrôle et à une stricte surveillance », dit M. Dubé. C’est plutôt « un outil régulièrement utilisé par les gestionnaires pour séparer, et en fait punir, les détenus les plus “difficiles” et vulnérables ».

Les récentes modifications apportées à la politique en matière d'isolement du Ministère pour venir en aider aux détenus qui ont des troubles de santé mentale ne suffisent pas, souligne l’Ombudsman. Il recommande « une approche plus vaste et transformatrice » pour équilibrer le souci des questions de sécurité et le respect des droits individuels de la personne.

M. Dubé et des membres du personnel de l’Ombudsman ont rencontré la sous-ministre associée et d’autres responsables le 27 avril pour discuter de ce mémoire dans le cadre des consultations en cours du Ministère. En outre, le Ministère a récemment invité le public à participer à la consultation grâce à un formulaire en ligne, avec le 15 mai comme date limite.

Les Nations Unies ont déclaré que placer des détenus en isolement pendant plus de 15 jours constitue une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. Des recommandations similaires ont été faites par le responsable de l’enquête sur le décès d’Ashley Smith, détenue sous responsabilité fédérale, l’enquêteur correctionnel fédéral Howard Sapers et la Commissaire des droits de la personne de l’Ontario, Renu Mandhane.
 

Pour plus de renseignements, communiquez avec :
Linda Williamson, Directrice des communications
416-586-3426, lwilliamson@ombudsman.on.ca