Services en français : 115 plaintes sur le non-financement de l’Université de Sudbury (Radio-Canada)

décembre 7, 2023

7 décembre 2023

Le commissaire aux services en français de l’Ontario a reçu 115 plaintes et demandes de renseignements au sujet de la décision prise le 30 juin dernier par le ministère des Collèges et Universités de ne pas financer le projet de l’Université de Sudbury de créer une université autonome de langue française.

Francis Bouchard et Miguelle-Éloïse Lachance
le 7 décembre
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Le commissaire aux services en français de l’Ontario a reçu 115 plaintes et demandes de renseignements au sujet de la décision prise le 30 juin dernier par le ministère des Collèges et Universités de ne pas financer le projet de l’Université de Sudbury de créer une université autonome de langue française.

Il s’agit de près de 30 % des 386 cas examinés entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023, selon le rapport annuel du commissaire Carl Bouchard rendu public jeudi matin.

« C'est la démonstration que la communauté francophone a à cœur le dossier de l'Université de Sudbury et d'avoir l'éducation postsecondaire en français par et pour la communauté francophone dans la région du Moyen-Nord », a réagi Fabien Hébert, président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO).

L'AFO a d'ailleurs elle-même déposé une des plaintes concernant le financement de l'Université de Sudbury.

Le Bureau de l’ombudsman et le commissaire disent continuer à examiner ces plaintes et demandes de renseignements, « même [si celles-ci] sont motivées par une décision politique du gouvernement et que le Bureau de l’ombudsman n'intervient généralement pas dans de telles décisions ».

« Nous étudions la question de savoir si notre bureau et le commissaire ont un rôle à jouer en matière de conformité à la Loi sur les services en français », indique-t-on dans le rapport.

L'Université de Sudbury est une université qui est désignée selon la Loi sur les services en français, avec des obligations claires
Carl Bouchard, commissaire aux services en français de l'Ontario


Il a rappelé que le gouvernement et les organismes qui ont ces obligations doivent les respecter. « Et nous allons nous assurer que ce soit le cas. »

« On continue nos démarches auprès du gouvernement. On a entrepris des dialogues pour obtenir l'information nécessaire pour nous rassurer qu'il y a un plan pour respecter les obligations de l'université », a poursuivi le commissaire aux services en français.

La porte-parole de la ministre des Collèges et Universités Jill Dunlop a pour sa part déclaré que le ministère a déterminé plus tôt cette année « que la proposition de l’Université de Sudbury ne reflétait pas la demande actuelle ni les tendances en matière d’inscriptions. »

Le gouvernement, écrit Luz Tuomi, s'engage à favoriser l'accès à l’éducation postsecondaire en français

 

Enquête demandée

Le professeur François Larocque, titulaire de la Chaire de recherche en droits et enjeux linguistiques à l'Université d'Ottawa, estime que le commissaire devrait enquêter sur la décision du 30 juin.

Je pense qu'il devrait se saisir de la question : il ne devrait pas hésiter. La lettre du 30 juin ne semble pas tenir compte des obligations du ministère en vertu de la Loi sur les services en français.
François Larocque, titulaire de la Chaire de recherche en droits et enjeux linguistiques à l'Université d'Ottawa


Carl Bouchard a aussi souligné l'importance de l'éducation postsecondaire en français en Ontario en insistant sur le fait qu'il existe plusieurs modèles, y compris des institutions bilingues. « On a intérêt à travailler avec l'ensemble des institutions. »

« Certainement que les francophones doivent faire partie du leadership qui décide l'offre de services en français », a-t-il répondu en réponse à une question sur l'importance du projet d'université de Sudbury, par, pour et avec les francophones.

 

Hausse du nombre de plaintes

Par ailleurs, les 386 cas examinés constituent une augmentation de 40 % du nombre de plaintes et de demandes de renseignements par rapport à l’année dernière.

Il s’agit du total annuel le plus élevé depuis que la responsabilité de veiller au respect de la Loi sur les services en français a été confiée au Bureau de l’ombudsman, en 2019.

« J'aimerais bien m'attribuer [la hausse du nombre de plaintes] et l'attribuer à l'ensemble de notre bureau », a confié Carl Bouchard. « Depuis que j'ai pris le poste de commissaire, au début mars, j'ai passé énormément de temps sur la route à aller rencontrer des francophones [...] pour faire la promotion de nos services. »

Cette proactivité est d'ailleurs saluée par le professeur François Larocque.

Les principaux sujets de plaintes et de demandes de renseignements portaient sur les services en personne (48,2 %), les communications écrites (23,9 %), les services en ligne (7,6 %), les services au téléphone (7 %), les médias sociaux (5,5 %) et la signalisation (3,9 %).

Après l’entrée en vigueur, en avril 2023, du règlement 544/22, qui prescrit des mesures sur l’« offre active » en français de tous les services provinciaux, l’Unité des services en français a signalé le fait que de nombreux comptes de médias sociaux d’organismes gouvernementaux étaient uniquement en anglais.

 

Recommandations

Le commissaire recommande au ministère des Affaires francophones d’élaborer des lignes directrices à l’intention de tous les organismes gouvernementaux de façon à ce que leurs comptes de médias sociaux soient conformes au règlement.

Au cours de la prochaine année, le commissaire Bouchard demande aussi au Conseil du Trésor d'ordonner aux ministères et aux organismes gouvernementaux de former le personnel de première ligne en ce qui a trait à ses obligations en matière de services en français et de lui en faire des rappels réguliers.

« Ces recommandations découlent de cas que nous avons traités et visent à résoudre les problèmes sous-jacents afin qu’ils ne se reproduisent plus », précise-t-il.

Dans beaucoup de cas résolus par l'Unité des services en français, « le vrai problème n’était pas que le service en français n’existait pas mais plutôt que le personnel n’en avait pas connaissance ni n’était conscient de son obligation de le fournir », écrit-il dans son rapport.

 

Avancées

Par ailleurs, Carl Bouchard fait état des résultats tangibles obtenus pour les francophones par l’Unité des services en français et par l’équipe du Bureau de l’ombudsman.

Il a été nommé commissaire aux services en français lundi après avoir occupé cette fonction de manière intérimaire pendant neuf mois.

« Les francophones de l'Ontario se tournent de plus en plus vers l'Unité des services en français du Bureau de l'ombudsman pour résoudre les [problèmes] d’accès aux services gouvernementaux en français », indique le commissaire.

Il ajoute que son rapport est « rempli d’exemples montrant comment l’application de la méthodologie de l’ombudsman dans la résolution des plaintes a permis d’améliorer les services en français et de promouvoir efficacement les droits linguistiques en Ontario. »

Il souligne, par exemple, que le ministère des Transports a créé un nouveau système d’information sur les conditions de circulation à la suite d’une plainte concernant des messages inintelligibles en français.

Le commissaire Bouchard dit avoir également lancé une enquête en juillet à la suite de plaintes au sujet de l’absence de français sur les panneaux publicitaires et d’autres publicités extérieures du gouvernement. Cette enquête est toujours en cours.