Mémoire au Comité permanent de la politique sociale sur le projet de loi 98, Loi de 2023 sur l’améli

Mémoire au Comité permanent de la politique sociale sur le projet de loi 98, Loi de 2023 sur l’amélioration des écoles et du rendement des élèves

mai 9, 2023

9 mai 2023

L’Ombudsman de l’Ontario, nommé en application de la Loi sur l’ombudsman, est un haut fonctionnaire indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario.

Mémoire au Comité permanent de la politique sociale sur le projet de loi 98, Loi de 2023 sur l’amélioration des écoles et du rendement des élèves

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Mai 2023


 

Introduction

L’Ombudsman de l’Ontario, nommé en application de la Loi sur l’ombudsman, est un haut fonctionnaire indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario[1]. Il a le pouvoir d’effectuer des examens et des enquêtes officielles à l’égard de la conduite administrative de plus de 1 000 organismes publics, dont les 72 conseils et 10 administrations scolaires de la province ainsi que les écoles provinciales et d’application. Son expertise repose sur des principes d’équité administrative et se manifeste dans les enquêtes approfondies qu’il mène sur des incohérences individuelles et des enjeux systémiques.

Les plaintes reçues par le Bureau de l’Ombudsman sont confidentielles. Dans le cadre de nos examens et de nos enquêtes, qui sont effectués en privé, nous mettons souvent en relief des pratiques exemplaires et faisons des suggestions pour améliorer les processus ainsi que renforcer la gouvernance et la responsabilisation à l’échelon local. En plus de résoudre les plaintes individuelles, mon Bureau fait des recommandations pour améliorer l’administration des conseils scolaires de l’Ontario. La plupart d’entre eux sont reconnaissants des renseignements que nous leur fournissons et heureux de mettre en œuvre les améliorations qui leur sont proposées.

Par exemple, en 2017, mon Bureau a enquêté sur des plaintes concernant le transport scolaire dans les plus grands conseils scolaires de Toronto; il a présenté 42 recommandations d’amélioration[2]. En 2019, mon enquête sur le processus d’examen des installations d’un conseil scolaire destinées aux élèves a donné lieu à 14 recommandations[3]. Toutes ces recommandations ont été acceptées par les conseils en question.

Depuis que mon Bureau a obtenu un droit de surveillance sur les conseils scolaires le 1er septembre 2015, il a reçu près de 6 000 plaintes à leur sujet, dont 280 concernent les conseiller(ère)s scolaires. La plupart de ces plaintes portent sur la conduite des conseiller(ère)s et sur la façon dont les conseils scolaires enquêtent et imposent des sanctions en cas d’infractions présumées aux codes de conduite. En voici des exemples :

  • Un(e) conseiller(ère) scolaire s’est plaint(e) que le ou la commissaire à l’intégrité nommé(e) par le conseil avait ouvert une enquête sur sa conduite sans avoir d’abord tenté de régler le problème de manière informelle comme le prévoit le code de conduite du conseil.

  • Des candidat(e)s aux postes de conseiller(ère)s se sont plaint(e)s du fait que des conseiller(ère)s sortant(e)s avaient utilisé des ressources du conseil pour leur campagne de réélection, et qu’il n’existait pas de processus efficace pour faire respecter les règles contre pareille conduite.

  • Des membres du public se sont plaint(e)s du fait que des conseiller(ère)s scolaires n’avaient pas déclaré leurs conflits d’intérêts et votaient sur des questions qui les concernaient financièrement.

  • Des conseiller(ère)s scolaires de trois conseils différents se sont plaint(e)s qu’on leur avait interdit d’assister aux réunions. L’un(e) d’eux(elles) s’est plaint(e) que le conseil scolaire l’avait exclu(e) indéfiniment, tandis que deux autres ont été exclu(e)s pour une période de six mois.

  • Un(e) conseiller(ère) s’est plaint(e) que l’enquête du conseil sur une plainte relative au code de conduite avait été menée par un sous-comité, plutôt que par une tierce partie neutre.

  • Un(e) autre conseiller(ère) s’est plaint(e) que la tierce partie nommée par le conseil pour enquêter ne lui avait pas communiqué suffisamment de détails sur la plainte pour inconduite déposée contre lui(elle), et ne lui avait pas donné l’occasion de participer de manière significative à l’enquête.

  • Des membres du public se sont plaint(e)s de commentaires publics discriminatoires faits par un(e) conseiller(ère) scolaire, de l’enquête inadéquate réalisée par le conseil scolaire et de la non-transparence du processus de plainte. Nous avons suggéré au conseil scolaire de nommer un(e) commissaire à l’intégrité et de rendre publique la procédure de traitement des plaintes, ce qu’il a fait.

  • Des membres du public se sont plaint(e)s du fait que le public ne pouvait pas déposer de plaintes sur les violations du code de conduite des conseiller(ère)s scolaires.

  • Un(e) conseiller(ère) s’est plaint(e) que d’autres membres du conseil scolaire faisaient du harcèlement verbal à son endroit et utilisaient le code de conduite pour lui nuire.



Compte tenu de notre expérience en la matière, nous avons soumis des mémoires au ministère de l’Éducation en 2017 et en 2021[4], et proposé des améliorations importantes concernant la responsabilisation des conseiller(ère)s, notamment :

  • Mise en place obligatoire de codes de conduite traitant de sujets prescrits normalisés;

  • Mise en place obligatoire de commissaires à l’intégrité indépendant(e)s du conseil scolaire;

  • Processus de plainte relatif au code de conduite accessible pour les membres du public;

  • Instauration de meilleures procédures de traitement et d’enquête pour les plaintes relatives aux codes de conduite;

  • Droit pour les commissaires à l’intégrité d’examiner les violations présumées de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux, conformément à ce qui se fait à l’échelon municipal;

  • Cohérence des sanctions et des mesures correctives appliquées en cas de violations des codes de conduite.



À la suite du mémoire déposé en 2017, le gouvernement provincial a concrétisé une proposition des plus importantes en adoptant le Règlement de l’Ontario 246/18, qui oblige chaque conseil scolaire à se doter d’un code de conduite.

En 2021, le ministère de l’Éducation a invité mon Bureau à participer à une consultation sur la gouvernance des conseils scolaires. J’ai alors réitéré plusieurs de mes suggestions concernant la responsabilisation des conseiller(ère)s.

Je suis encouragé par les efforts déployés par le gouvernement : le projet de loi 98 viendra améliorer la gouvernance et la responsabilisation à l’échelon local en consolidant le cadre relatif aux codes de conduite pour les membres des conseils scolaires. Le projet de loi 98 tient compte de plusieurs propositions que j’ai faites précédemment, telles que la nomination de commissaires à l’intégrité indépendant(e)s ayant mandat d’enquêter sur les plaintes relatives aux codes de conduite. Il confère aussi à la ou au ministre le pouvoir de prescrire des codes de conduite normalisés et les questions devant y être traitées. Enfin, il précise les sanctions qui peuvent être imposées pour les violations des codes de conduite, et établit clairement les restrictions et les délais applicables.

Toutefois, certains aspects importants de mes propositions antérieures en sont exclus. Certains d’entre eux pourraient éventuellement être intégrés à de futurs règlements de la Loi sur l’éducation. J’aimerais suggérer au Comité permanent plusieurs amendements importants au projet de loi 98 pour renforcer le cadre d’application des codes de conduite des membres des conseils scolaires[5].

 

Droit de déposer une plainte relative aux codes de conduite

La Loi sur l’éducation prévoit que seul(e)s les membres des conseils scolaires ont le droit de déposer une plainte relative au code de conduite d’un conseil. La plupart des conseils scolaires ont incorporé cette restriction dans leur code de conduite. Le projet de loi 98 maintient cette restriction.

Cette façon de faire contraste avec celle établie au paragraphe 223.4(1) de la Loi de 2001 sur les municipalités, qui permet aux membres du public de déposer des plaintes relatives au code de conduite des représentant(e)s élu(e)s[6]. Cela permet au public d’obliger les représentant(e)s élu(e)s d’une municipalité à répondre de leurs actes. Il est difficile de comprendre pourquoi les membres des conseils scolaires, qui sont aussi des représentant(e)s élu(e)s, devraient être traités différemment. Par conséquent, le projet de loi 98 devrait être amendé afin d’élargir aux membres du public le droit de déposer une plainte relative aux codes de conduite. Le Comité permanent pourrait s'inspirer du paragraphe 223.4(1) de la Loi de 2001 sur les municipalités pour formuler cet amendement.

 

Plaintes relatives aux conflits d’intérêts

Mon Bureau a reçu des plaintes alléguant que des membres de conseils scolaires avaient indûment participé à des activités et exercé une influence dans des situations où elles ou ils étaient en conflit d’intérêts. La Loi sur les conflits d’intérêts municipaux définit les obligations des membres des conseils municipaux en ce qui concerne les intérêts pécuniaires directs ou indirects. Elle confère aux commissaires à l’intégrité municipaux le pouvoir d’enquêter sur les violations alléguées de cette loi dans certaines circonstances. Le processus donne aux électeur(trice)s et aux autres personnes agissant dans l’intérêt public une solution de rechange aux tribunaux pour déterminer si oui ou non un(e) membre du conseil municipal a manqué aux règles concernant les conflits d’intérêts.

Les membres des conseils scolaires sont également assujetti(e)s à la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux. Le projet de loi 98 pourrait modifier la Loi sur l’éducation pour qu’elle confère aux commissaires à l’intégrité des conseils scolaires le même pouvoir d’enquêter sur les allégations d’infraction à la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux.

Un amendement du projet de loi 98 visant à élargir le rôle des commissaires à l’intégrité des conseils scolaires de manière à englober les conflits d’intérêts visés par la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux pourrait être formulé d’après l’alinéa 223.3(1)3) de la Loi de 2001 sur les municipalités.

 

Traitement des plaintes relatives aux codes de conduite : la compétence de mon Bureau

Notre mandat comprend la réalisation d’examens et d’enquêtes concernant les plaintes au sujet de la conduite administrative des conseils scolaires, y compris celle les agent(e)s de responsabilisation des conseils scolaires tels que les commissaires à l’intégrité. En dernier recours, mon Bureau intervient pour s’assurer que le système fonctionne comme il se doit et assure une résolution administrativement équitable des plaintes relatives aux codes de conduite.

Mon Bureau a un mandat semblable à l’égard des agent(e)s de responsabilisation des municipalités, y compris les commissaires à l’intégrité municipaux. Dans le contexte municipal, la Loi sur l’ombudsman dispose que mon Bureau peut examiner les plaintes concernant les commissaires à l’intégrité du secteur municipal lorsque :

  • Le(la) commissaire à l’intégrité a refusé d’enquêter sur la question;

  • Le(la) commissaire à l’intégrité a mené et conclu une enquête;

  • Le délai pour saisir le(la) commissaire à l’intégrité d’une plainte a expiré.


Ces dispositions de la Loi sur l’ombudsman [paragraphes 14(4.3) et (4.4)] confirment la compétence de mon Bureau en tant que dernier recours en la matière.

Le projet de loi 98 ne confirme pas précisément le pouvoir de mon Bureau d’examiner les plaintes au sujet des commissaires à l’intégrité des conseils scolaires. Ce pouvoir pourrait être tributaire des circonstances de leur nomination. Les comités d’appel qui seraient nommés par la ou le sous-ministre de l’Éducation relèveraient clairement de notre compétence. Il pourrait être utile que le projet de loi confirme explicitement que mon Bureau exerce un pouvoir de surveillance sur les commissaires à l’intégrité des conseils scolaires. Les membres du public et des conseils scolaires doivent savoir avec certitude qu’ils peuvent contacter mon Bureau lorsque la conduite administrative des commissaires à l’intégrité des conseils scolaires soulève des préoccupations.

Il y aurait lieu de clarifier la compétence de mon Bureau dans le projet de loi 98 par l’ajout d’une modification corrélative au paragraphe 14(4.4) de la Loi sur l’ombudsman ou d’une modification à la Loi sur l’éducation, qui serait formulée d’après les paragraphes 14(4.3) et (4.4) de la Loi sur l’ombudsman.

 

Conclusion

Je salue le fait que le projet de loi 98 cherche à renforcer la surveillance des conseils scolaires pour le bien du système d’éducation public de l’Ontario. L’instauration de solides codes de conduite et processus relatifs aux commissaires à l’intégrité est essentielle pour rehausser la confiance du public à l’égard des membres élu(e)s des conseils scolaires. Je remercie le Comité permanent de l’attention portée à mes commentaires.

 
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] L.R.O. 1990, chap. O.6.
[2] Ombudsman de l’Ontario, « Sur la route du problème : Enquête sur la surveillance exercée par les conseils scolaires de district de Toronto et de district catholique de Toronto sur le transport des élèves et sur leur réponse aux retards et aux perturbations de services au début de l’année scolaire 2016-2017 » (août 2017), en ligne.
[3] Ombudsman de l’Ontario, « Leçons non apprises : Transparence de la décision prise par le Near North District School Board de fermer l’école secondaire Widdifield après le processus d’examen des installations destinées aux élèves de 2016-2017 » (juillet 2019), en ligne.
[4] Ombudsman de l’Ontario, « Mémoire pour la consultation du ministère de l’Éducation sur la gouvernance des conseils scolaires » (octobre 2021), en ligne.
[5] L.R.O. 1990, chap. E.2.
[6] L.O. 2001, chap. 25, para 223.4(1) : « Le présent article s’applique si le commissaire mène une enquête aux termes de la présente partie en réponse à ce qui suit : a) une demande que lui adresse le conseil, un membre du conseil ou un membre du public sur la question de savoir si un membre du conseil ou d’un conseil local a contrevenu au code de déontologie qui s’applique à lui; […] » [soulignement ajouté].