Canton d’Adjala-Tosorontio

Canton d’Adjala-Tosorontio

juillet 7, 2023

7 juillet 2023

L’Ombudsman a examiné des plaintes selon lesquelles le Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio avait enfreint les règles des réunions publiques le 29 juin 2021 et les 1er et 7 mars 2022.

L’Ombudsman a conclu que les discussions avec les avocat(e)s du Canton sur un projet d’aménagement et un accord spécifique répondaient aux critères de l’exception en cas de secret professionnel de l’avocat(e). Cependant, il est d’avis que dans plusieurs résolutions visant à exclure le public de la réunion, il n’y avait pas de description générale de la question devant être étudiée à huis clos. Il a aussi jugé, concernant une résolution de retrait à huis clos, que le Conseil avait omis de procéder à un vote formel. Enfin, il a relevé des anomalies dans le règlement de procédure du Canton, qui ne traitait pas correctement des avis publics relatifs aux réunions extraordinaires du Conseil, et dans les procès-verbaux du Canton, qui ne respectaient pas les exigences du règlement de procédure de celui-ci.

Enquête sur les plaintes concernant les réunions du Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio tenues le 29 juin 2021 et les 1er et 7 mars 2022

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Juillet 2023

 

Aperçu

1    Mon Bureau a été saisi de plaintes selon lesquelles le Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio (le « Canton ») avait enfreint les règles des réunions publiques le 29 juin 2021 ainsi que les 1er et 7 mars 2022.

2    Après examen, j’ai conclu que l’objet de la réunion du 29 juin 2021 relevait des exceptions relatives aux règles des réunions publiques. Toutefois, la résolution portant décision de se réunir à huis clos ne comportait pas de description générale du sujet à débattre.

3    En ce qui concerne les séances des 1er et 7 mars 2022, j’ai constaté que les résolutions visant à délibérer à huis clos à ces deux dates ne comportaient pas non plus de description générale du sujet à débattre. J’ai aussi conclu que, le 7 mars 2022, le Conseil avait négligé de voter une résolution afin de procéder à huis clos.

4    Enfin, j’ai constaté que le règlement de procédure du Canton ne traitait pas comme il convient des avis publics concernant les réunions extraordinaires du Conseil. De plus, les procès-verbaux du Canton ne respectaient pas les exigences énoncées dans le règlement de procédure de celui-ci.

 

Compétence de l’Ombudsman

5    La Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi ») prévoit que toutes les réunions d’un conseil, d’un conseil local et de leurs comités doivent se tenir en public, sauf dans le cas des exceptions prévues par la Loi.

6    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté ou non la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur(euse) ou recourir aux services de l’Ombudsman. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur.

7    L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos pour le Canton d’Adjala-Tosorontio.

8    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous cherchons à savoir si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et dans le règlement de procédure applicable ont été respectées.

9    Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions municipales tenues à huis clos dans tout l’Ontario. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons créé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressé(e)s d’accéder facilement aux décisions de l’Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : https://www.ombudsman.on.ca/digest--fr/accueil.

 

Processus d’enquête

10    En septembre 2022, nous avons informé le Canton de notre intention d’enquêter sur les plaintes concernant les réunions du Conseil tenues le 29 juin 2021 ainsi que les 1er et 7 mars 2022.

11    Les membres de l’équipe de mon Bureau chargée des réunions publiques ont examiné les dispositions pertinentes du règlement de procédure du Canton, ainsi que la Loi. Nous avons étudié les comptes rendus des réunions, les procès-verbaux, les enregistrements des séances publiques et les échanges par courriel relatifs aux réunions soumises à l’enquête qui ont été fournis à mon Bureau.

12    Enfin, les membres de l’équipe de mon Bureau chargée des réunions publiques ont interrogé tou(te)s les membres du Conseil pour le mandat 2018-2022.

13    Mon Bureau a obtenu une pleine coopération dans cette affaire.

 

Réunion du 29 juin 2021

14    Le Conseil s’est réuni dans la salle du conseil pour une réunion extraordinaire le 29 juin 2021 à 16 h. Il a adopté à 16 h 03 une résolution de retrait à huis clos en invoquant le secret professionnel de l’avocat. Cette résolution ne précisait pas davantage le sujet à traiter.

15    Il nous a été dit que lors de cette séance à huis clos, le Conseil avait discuté de nouveaux renseignements sur un projet d’aménagement ainsi que d’un accord particulier. Certain(e)s membres du Conseil nous ont aussi fait savoir qu’il avait été question de communications du Canton lors de cette séance, mais certain(e)s d’entre eux(elles) ne se souvenaient pas vraiment des détails de la discussion. Nous avons reçu des informations contradictoires à ce sujet. Nous avons également reçu de l’information contradictoire quant à savoir si des directives avaient été données au personnel lors de cette réunion à huis clos. Selon la prépondérance des probabilités, je suis convaincu qu’il y a eu discussion sur les communications du Canton et que des directives ont été données au personnel lors de la séance à huis clos.

16    Des membres du Conseil nous ont dit que le Conseil avait reçu des avis juridiques sur tous les sujets débattus et avaient donné au personnel des directives en conséquence.

17    Sur les sept membres du Conseil, un(e) était absent(e) de cette séance à huis clos. Un(e) autre est arrivé(e) après les discussions sur le projet d’aménagement et les communications du Canton. Un(e) troisième a quitté la séance à huis clos après s’être déclaré(e) en conflit d’intérêts relativement au projet d’aménagement. Ce(tte) dernier(ière) n’a réintégré la réunion que pour la discussion sur l’accord.

18    Le procès-verbal de la séance à huis clos comporte la liste des motions adoptées et la liste des membres présent(e)s, mais ne signale pas le(la) membre qui a quitté la salle puis est revenu(e) en cours de réunion. Il ne rend pas compte non plus des directives données au personnel. De plus, rien n’est dit dans le procès-verbal concernant la teneur des discussions menées tant en public qu’à huis clos. Le Canton ne procède à aucun enregistrement, audio ou vidéo, de ses réunions à huis clos.

 

Analyse

Application de l’exception en cas de secret professionnel de l’avocat(e)

19    Le Conseil a fondé sa décision de ne pas délibérer en public sur l’exception en cas de conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat(e), prévue à l’alinéa 239(2)f) de la Loi. Cette exception vise les échanges entre le Canton et son avocat(e) pour la demande ou l’obtention d’avis juridiques de nature confidentielle[2].

20    L’exception en cas de conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat(e) vise à ce que les responsables municipaux(ales) puissent échanger librement sur des avis juridiques, sans crainte de divulgation[3]. La Cour suprême du Canada a souligné que le secret professionnel de l’avocat(e) s’applique lorsque les conditions suivantes sont réunies:

  • Il s’agit d’une communication entre un(e) avocat(e) et son(sa) client(e);

  • qui implique la sollicitation ou l’apport d’avis juridiques;

  • lesquels sont considérés comme confidentiels par les parties[4].


21    Il nous a été rapporté que deux avocat(e)s étaient présent(e)s lors de la séance à huis clos et qu’ils(elles) avaient fourni des avis confidentiels sur les sujets discutés.

22    Je suis donc convaincu que les discussions du Conseil lors de la réunion du 29 juin 2021 étaient un cas d’application du secret professionnel de l’avocat(e).

 

Résolution de retrait à huis clos

23    Le paragraphe 239(4) de la Loi impose à tout conseil municipal, à tout conseil local et à leurs comités, s’il leur faut tenir une séance à huis clos, de le déclarer par voie de résolution en séance publique. La nature générale de la question à étudier dans ce cadre doit également être indiquée. Outre les exigences de la Loi, le paragraphe 5.11 du règlement de procédure du Canton dispose que la résolution doit préciser le sujet général de la discussion prévue et exposer les raisons d’exclure le public.

24    La Cour d’appel a souligné dans Farber v. Kingston qu’une résolution visant le retrait à huis clos devrait comporter une description générale de la question à étudier pour porter à la connaissance du public le maximum de renseignements sans compromettre la raison de ce huis clos[5]. Mon Bureau a déjà conclu que l’exigence de communiquer la nature générale de la question devant être étudiée à huis clos ne se satisfait habituellement pas par la seule invocation du cas d’exception prévu par la Loi[6].

25    Annoncer publiquement qu’une réunion va se dérouler à huis clos et indiquer les questions qui vont y être débattues est plus qu’une simple formalité. Cette obligation favorise la transparence de la démocratie locale et responsabilise les décideurs(euses) quant aux affaires discutées à huis clos[7]. Le non-respect de cette exigence peut entraîner une perte de confiance du public envers la gouvernance municipale[8].

26    Dans le cas présent, la résolution de retrait à huis clos indiquait le fait que le Conseil entendait exclure le public et citait l’exception applicable prévue par la Loi. Toutefois, elle ne précisait pas la nature générale de la question devant être étudiée. Aucune autre description du sujet en question n’était offerte au public hormis la référence à l’exception prévue en cas de conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat(e).

27    Le Canton aurait pu signifier que le Conseil souhaitait discuter des développements concernant un projet d’aménagement et d’un accord en particulier sans nuire au motif de la réunion à huis clos, qui était de prendre connaissance d’avis juridiques.

 

Procès-verbal de la réunion

28    Le paragraphe 239(7) de la Loi exige des municipalités qu’elles consignent, sans remarques, les résolutions, décisions et autres délibérations de ses réunions. Cette obligation s’applique à toutes les réunions, publiques ou à huis clos.

29    Tenir des procès-verbaux complets et exacts des réunions à huis clos permet au public d’avoir l’assurance que les questions traitées à huis clos le sont à juste titre et que les exigences de la Loi sur les municipalités et des règlements locaux ont été respectées[9]. En outre, de tels procès-verbaux aident grandement mon Bureau dans ses enquêtes.

30    Tout compte rendu de réunion à huis clos devrait comporter les points suivants[10]:

  • lieu de la réunion;

  • moment où la séance a commencé, a été ajournée;

  • personne qui a présidé la réunion;

  • personnes présentes à la réunion, avec référence particulière au secrétaire et aux autres responsables du compte rendu;

  • indication de tout participant qui est parti ou arrivé durant la réunion, avec mention de l’heure de départ ou d’arrivée;

  • description détaillée des questions de fond et de procédure qui ont été discutées, avec référence à tout document considéré;

  • toute motion, avec référence à la personne qui a présenté la motion et à celle qui l’a appuyée;

  • tous les votes, et toutes les directives données.


31    Par ailleurs, l’alinéa 6.11b) du règlement de procédure du Canton exige que le procès-verbal mentionne l’heure à laquelle tout(e) membre a quitté une réunion (avant sa levée) ou l’heure de son arrivée (après son ouverture).

32    Le procès-verbal de la séance à huis clos du 29 juin 2021 ne mentionne pas le moment où un(e) membre du Conseil s’est momentanément absenté(e). De plus, les directives que le Conseil a données au personnel pendant ladite séance n’y sont pas mentionnées.

33    Enfin, le procès-verbal ne précise pas la teneur des échanges tenus tant en séance publique qu’à huis clos. Il s’ensuit que le Canton a manqué à ses obligations énoncées au paragraphe 239(7) de la Loi.

34    Nombre de municipalités ont opté pour l’enregistrement audio ou vidéo des séances à huis clos afin de garantir l’existence d’une trace intégrale. Ces enregistrements peuvent s’avérer très utiles lors d’une enquête, et renforcent la confiance du public quant au respect par la municipalité des règles des réunions publiques. Si le Canton avait enregistré ses discussions à huis clos sous forme audio ou vidéo, nous aurions eu, pour notre enquête, des traces complètes et fiables des échanges, ce qui aurait été d’une grande aide compte tenu des réponses contradictoires des personnes interrogées.

 

Réunions des 1er et 7 mars 2022

35    Au matin du 1er mars 2022, la greffière a reçu une requête signée par une majorité des membres du Conseil, qui réclamaient la tenue d’une réunion extraordinaire le soir même. L’objet de la réunion annoncé dans la requête était [Traduction] « Mise à jour verbale – DG/RH ». L’avis public de la réunion a été affiché en ligne à 10 h 03.

36    La réunion virtuelle du Conseil a débuté à 18 h, le 1er mars 2022. Les membres présent(e)s ont d’abord discuté de la conformité de la convocation eu égard aux exigences du Canton en matière d’avis. Ils(elles) ont aussi discuté pour établir s’il s’agissait d’une réunion extraordinaire du Conseil ou d’une réunion d’urgence. Le maire a finalement décidé que la réunion n’aurait pas lieu, compte tenu du court délai de l’avis, mais cette décision a été renversée par une majorité des membres du Conseil, qui ont voté pour poursuivre la réunion, ainsi que l’autorise le règlement de procédure.

37    À 18 h 13, le Conseil a décidé de se retirer à huis clos conformément à l’alinéa 239(2)b) de la Loi, pour se pencher sur des renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée, y compris des employé(e)s de la municipalité ou du conseil local.

38    Lors de la séance à huis clos, le Conseil a discuté du travail d’un(e) employé(e) du Canton pouvant être identifié(e). La discussion se prolongeant, il a adopté à 23 h 04 une résolution à l’effet de revenir en séance publique et de signifier que la réunion extraordinaire du Conseil se poursuivrait un autre jour. La réunion n’a pas été officiellement levée, et aucun règlement de confirmation n’a été adopté.

39    La réunion du Conseil du 1er mars 2022 s’est poursuivie le 7 mars suivant, à 18 h. Une résolution visant un retrait immédiat à huis clos a été adoptée à 18 h, en vertu de l’alinéa 239(2)b) de la Loi, pour discuter de renseignements privés concernant une personne pouvant être identifiée, y compris des employé(e)s de la municipalité ou du conseil local.

40    La résolution a été lue à voix haute avant le retrait à huis clos, et il a en outre été déclaré que cette séance à huis clos venait en prolongement de celle du 1er mars 2022. La résolution n’a donné lieu à aucun vote, mais les noms du(de la) membre du Conseil l’ayant présentée et de celui(celle) l’ayant appuyée étaient mentionnés.

41    Le Conseil s’est alors retiré à huis clos; il a entendu l’avis donné par un(e) conseil externe relativement au travail d’un(e) employé(e) du Canton pouvant être identifié(e), puis en a débattu.

42    Bien que le retrait à huis clos ait été décidé sans vote formel, aucun rappel au règlement n’a été prononcé avant qu’il soit procédé à ce retrait. Il nous a aussi été dit qu’aucune objection n’avait été exprimée à huis clos sur ce point. Nos entretiens ont révélé que plusieurs membres du Conseil estimaient que la réunion avait simplement été suspendue le 1er mars 2022 et pouvait donc se poursuivre à huis clos en vertu de la résolution adoptée ce jour-là.

43    Au retour du Conseil en séance publique, l’un(e) de ses membres a soulevé la question de l’absence de vote concernant le retrait à huis clos. La greffière a suggéré la levée de la réunion. Les membres du Conseil sont partis, de sorte que la réunion a été levée à 20 h 50 faute de quorum.

 

Analyse

44    L’une des plaintes exprimées à mon Bureau portait sur une infraction au règlement de procédure du Canton, commise par le Conseil le 1er mars 2022 lorsqu’il s’était réuni moins de 24 heures après l’avis public. La personne ayant porté plainte alléguait aussi que la question précédemment annoncée comme devant être traitée à huis clos ne concordait pas avec ce qui avait effectivement été discuté à huis clos le 1er mars 2022. Une autre plainte, distincte, soulignait que, le 7 mars 2022, le Conseil n’avait pas suivi son règlement de procédure en se retirant à huis clos sans vote.

 

Avis public des réunions extraordinaires

45    Le paragraphe 238(2.1) de la Loi exige que le règlement de procédure du Canton prévoie un avis public des réunions. Cette exigence s’applique à toutes les réunions d’un conseil, d’un comité ou d’un conseil local, y compris les réunions extraordinaires ou d’urgence.

46    Selon le paragraphe 7.8 du règlement de procédure, l’avis annonçant une réunion extraordinaire doit être donné au public [Traduction] « dès que possible ».

47    Je m’inquiète de ce que le règlement de procédure actuel du Canton ne prévoit pas que l’avis public des réunions extraordinaires en précise la date, l’heure et le lieu. Dans le cas présent, l’avis comportait ces informations; il a cependant été affiché à 10 h 03 le 1er mars 2022, soit moins de huit heures avant la réunion.

48    Le fait de signifier un avis « dès que possible » ne donne pas au public d’information claire et prévisible sur le moment et le lieu de la réunion du Conseil. J’invite instamment le Canton à modifier son règlement de procédure afin que soient précisés dans les avis publics des réunions extraordinaires la date, l’heure et le lieu de leur tenue, et que soient établis des délais clairs pour ces notifications au public.

 

Avis public des réunions d’urgence

49    J’ai aussi voulu vérifier s’il s’agissait en l’espèce d’une réunion d’urgence, comme l’ont suggéré certain(e)s membres du Conseil. Le paragraphe 7.9 du règlement de procédure dispose que les réunions d’urgence du Conseil ne sont pas astreintes à une notification au public, pourvu que le(la) greffier(ière) se soit efforcé(e) de [Traduction] « prévenir les membres et le public de la réunion, et en ait promptement publié l’ordre du jour de la façon la plus efficace possible ».

50    Dans le règlement de procédure, le terme « urgence » s’entend [Traduction] « d’une situation ou d’une situation imminente constituant un danger majeur susceptible de causer des préjudices personnels graves ou des dommages matériels importants, causée par les forces de la nature, une maladie ou autre risque sanitaire, un accident ou tout acte intentionnel ou non. » Mon Bureau a déjà admis qu’un règlement de procédure puisse autoriser la tenue d’une réunion du Conseil dans les plus brefs délais possibles face à une « réelle urgence » nécessitant des mesures immédiates[11].

51    Dans le cas présent, le Conseil a discuté du travail d’un(e) employé(e) du Canton qui peut être identifié(e), le 1er mars puis à nouveau le 7 mars 2022. Cette discussion ne répondait pas à la norme stricte établie par le règlement de procédure (à savoir un « danger majeur », causé « par les forces de la nature, une maladie ou autre risque sanitaire, un accident ou tout acte intentionnel ou non »).

52    Mon Bureau a déjà émis l’avis qu’une « urgence » impliquait généralement des « circonstances inattendues nécessitant une action immédiate ou urgente[12] ». Je note aussi que la discussion sur ce sujet tenue à huis clos le 1er mars 2022 a finalement été reprise une semaine plus tard, le 7 mars, ce qui laisse penser que la décision à laquelle devait parvenir le Conseil pouvait attendre près d’une semaine. J’en conclus qu’il ne s’agissait pas d’une « réunion d’urgence » telle que définie dans le règlement de procédure, et qu’un avis public était nécessaire.

 

Séances à huis clos des 1er et 7 mars 2022

53    L’une des personnes ayant porté plainte a dit à mon Bureau que les discussions menées à huis clos n’avaient pas porté sur l’objet précédemment annoncé avant la réunion. Mon Bureau a appris que l’objet de cette discussion annoncé avant la réunion était [Traduction] « Mise à jour verbale – DG/RH », mais que le(la) directeur(rice) général(e) (DG) n’était pas présent(e) à cette réunion.

54    Selon mon examen, les discussions à huis clos des 1er et 7 mars 2022 comprenaient des mises à jour faites par le personnel du Canton sur le travail d’un(e) employé(e) du Canton qui peut être identifié(e). Je suis convaincu que l’objet « Mise à jour verbale – DG/RH » dont la requête fait mention correspond globalement aux discussions tenues à huis clos, malgré l’absence du(de la) directeur(rice) général(e).

55    Toutefois, l’objet « Mise à jour verbale – DG/RH » n’apparaît que dans la requête concernant la réunion extraordinaire; la résolution de retrait à huis clos tout comme l’ordre du jour ne faisaient que mentionner le paragraphe 239(2)b) de la Loi sur les municipalités, sans autre précision.

56    La résolution de retrait à huis clos ne contenait pas assez de détails pour que le public sache ce qui serait discuté. Elle aurait pu donner d’autres précisions, comme « Mise à jour verbale des Ressources humaines », puisque cette information avait déjà été rendue publique dans la requête d’une réunion extraordinaire. Ainsi qu’il est expliqué plus haut, la seule mention de l’exception applicable et l’omission de la nature générale de la question devant être étudiée sont normalement une infraction au paragraphe 239(4) de la Loi. La résolution adoptée le 1er mars 2022 ne respectait pas les exigences légales en matière de séance à huis clos.

57    De même, la résolution de retrait à huis clos du 7 mars 2022 ne faisait que citer l’alinéa 239(2)b) de la Loi, sans autre détail. À l’encontre du paragraphe 239(4) de la Loi, le Conseil a omis de mentionner dans les résolutions de retrait à huis clos la nature générale de la question devant être étudiée.

 

Vote de retrait à huis clos du 7 mars 2022

58    Il est clair qu’aucun vote formel du Conseil n’a sanctionné la résolution de retrait à huis clos du 7 mars 2022. Mon Bureau a toutefois confirmé qu’une telle résolution avait été lue, proposée et appuyée.

59    Des membres du Conseil ont dit à mon Bureau qu’ils(elles) croyaient qu’une résolution de retrait à huis clos n’était pas nécessaire puisque la séance du 7 mars 2022 était une continuation de celle du 1er mars, après la simple suspension de cette dernière.

60    Bien que la discussion du 7 mars 2022 fût un prolongement de celle du 1er mars 2022, il s’agissait bien de deux séances à huis clos distinctes. Le 1er mars, le Conseil a quitté le huis clos avant de suspendre sa réunion. Lorsqu’il s’est à nouveau réuni le 7 mars 2022, il s’est une fois encore retiré à huis clos, ce qui nécessitait d’adopter une nouvelle résolution à cet effet. À chaque fois qu’un conseil se retire à huis clos, il doit adopter une résolution conforme aux exigences de la Loi, même s’il le fait plus d’une fois dans le courant de la même réunion.

61    L’absence d’un vote formel sur la résolution constituait certes une irrégularité, mais il clair qu’en l’espèce, le Conseil était unanime quant à la résolution de poursuivre à huis clos. À l’avenir, il devra être vigilant et s’assurer de suivre la procédure de vote comme il se doit avant de procéder de la sorte.

 

Procès-verbaux des réunions

62    Comme c’était le cas pour la réunion du 29 juin 2021, le procès-verbal des séances à huis clos des 1er et 7 mars 2022 était parcimonieux – il indiquait qui présidait les séances, qui était présent(e) et quelles résolutions ont été adoptées, mais ne fournissait aucune précision quant à la teneur des discussions. Par ailleurs, il y est indiqué à tort que l’une des réunions s’est déroulée dans la salle du conseil. La séance du 1er mars 2022 s’y est en effet tenue, mais celle du 7 mars était « en ligne ». Répétons ici que le Canton devrait veiller à ce que les procès-verbaux rendent compte du déroulement des réunions avec précision.

 

Opinion

63    Le Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 29 juin 2021 lorsqu’il s’est retiré à huis clos pour discuter de nouveaux renseignements sur un projet d’aménagement, de la situation concernant un accord spécifique, et de communications du Canton. Ces discussions relevaient de l’exception prévue à l’alinéa 239(2)f) de la Loi, laquelle porte sur le secret professionnel de l’avocat(e).

64    Le Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio a enfreint le paragraphe 239(4) de la Loi de 2001 sur les municipalités le 29 juin 2021 et les 1er et 7 mars 2022 lorsqu’il a omis de spécifier dans ses résolutions la nature générale des questions devant être étudiées à huis clos. De plus, le fait de n’avoir pas procédé à un vote formel sur la résolution de retrait à huis clos du 7 mars 2022 constituait une irrégularité procédurale.

65    Le Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio a également enfreint le paragraphe 239(7) de la Loi le 29 juin 2021 lorsqu’il a omis de consigner toutes les délibérations de la réunion dans le procès-verbal correspondant.

 

Recommandations

66    Je fais les recommandations suivantes afin d’aider le Canton d’Adjala-Tosorontio à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, et à accroître la transparence de ses réunions:

 
Recommandation 1

Tou(te)s les membres du Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio devraient veiller à s’acquitter de leur obligation individuelle et collective de remplir les responsabilités qui leur incombent selon la Loi de 2001 sur les municipalités et le règlement de procédure du Canton.

 
Recommandation 2

Lorsqu’il délibère à huis clos, le Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio devrait veiller à ce que sa procédure de vote soit appliquée.

 
Recommandation 3

Lorsqu’il délibère à huis clos, le Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio devrait veiller à ce que ses résolutions contiennent une description générale des questions à étudier de façon à porter à la connaissance du public le maximum de renseignements sans compromettre la raison de ce huis clos.

 
Recommandation 4

Le Conseil du Canton d’Adjala-Tosorontio devrait s’assurer que les procès-verbaux des réunions sont complets et rendent compte exactement de tous les votes, des directives données au personnel et des questions de fond et de procédure qui ont été discutées.

 
Recommandation 5

Le règlement de procédure du Canton d’Adjala-Tosorontio devait être modifié de façon à fournir des délais clairs quant aux avis publics de ses réunions extraordinaires.



 

Rapport

67    Le Canton d’Adjala-Tosorontio a eu l’occasion d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter. Nous n’avons reçu aucun commentaire.

68    Le présent rapport sera publié sur le site Web de mon Bureau et devrait aussi être rendu public par le Canton d’Adjala-Tosorontio. Conformément au paragraphe 239.2(12) de la Loi de 2001 sur les municipalités, le Conseil doit adopter une résolution indiquant la façon dont il entend y donner suite.


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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de réunions à huis clos tenues par la Ville de Timmins les 8 et 29 août 2016, (janvier 2017), par. 28, en ligne.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances à huis clos tenues par la Ville de Hamilton le 16 janvier 2019, (juin 2019), par. 33, en ligne.
[4] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletSolosky c. La Reine, 1980 1 RCS 821, en ligne.
[5] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletFarber v. Kingston (City), 2007 ONCA 173 [Farber], en ligne.
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur la réunion à huis clos tenue par le comité spécial de contact avec l’OPP de la Ville de Brockville, le 7 mars 2016, (juillet 2016), par. 53 en ligne.
[7] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le conseil de la Municipalité de Casselman le 26 octobre 2021, (août 2022), par. 18, en ligne.
[8] Farber, supra note 5, par. 35.
[9] Ombudsman de l'Ontario, Enquête à propos d’une plainte sur une réunion à huis clos tenue par la Ville de Plympton-Wyoming le 24 juin 2020, (février 2021), par. 60, en ligne.
[10] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions à huis clos tenues par la Ville d’Amherstburg le 8 août, le 13 septembre, le 8 novembre et le 16 novembre 2021, (juillet 2022), par. 55, en ligne.
[11] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de South Bruce Peninsula a tenu des réunions à huis clos illégales en avril, mai et juin 2015, (septembre 2015), par. 51, en ligne.
[12] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Municipalité de Magnetawan a tenu des réunions à huis clos illégales le 28 février et le 4 mars 2015, (juin 2015), en ligne.