Ville d’Amherstburg

Ville d’Amherstburg

avril 13, 2015

13 avril 2015

L’Ombudsman a conclu que le Conseil de la Ville d’Amherstburg avait enfreint la Loi sur les municipalités en discutant des pouvoirs de signatures bancaires à huis clos, en vertu de l’exception des « renseignements privés », le 10 décembre 2014.

Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville d’Amherstburg a tenu une réunion à huis clos illégale le 10 décembre 2014

André Marin
Ombudsman de l’Ontario

mars 2015


 

Plainte

1 Le 13 janvier 2015, mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une séance à huis clos tenue par le Conseil de la Ville d’Amherstburg, lors de sa réunion du 10 décembre 2014.

2 Selon cette plainte, le Conseil s’était retiré à huis clos pour discuter d’un règlement municipal sur les pouvoirs de signatures bancaires, sans communiquer d'avis préalable pour faire savoir que ce sujet ferait l'objet d'un examen. Le plaignant a allégué que cette discussion à huis clos constituait une infraction aux dispositions de la Loi de 2001 sur les municipalités (la Loi).
 


Compétence de l’Ombudsman

3 En vertu de la Loi, toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local, et d’un comité de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.

4 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s’est dûment retirée à huis clos en vertu de la Loi. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l’Ombudsman de l’Ontario. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut dans les municipalités qui n’ont pas désigné leur propre enquêteur.

5 Mon Bureau est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos dans la Ville d’Amherstburg.

6 Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le Règlement municipal de procédure ont été respectées.
 
 

Processus d’enquête

7 L’Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques (OMLET) de mon Bureau a examiné les extraits pertinents du Règlement de procédure de la municipalité et de la Loi, ainsi que la documentation de ces réunions. L’Équipe a aussi communiqué avec le maire, le personnel municipal et les membres du Conseil qui avaient présenté la motion visant à se retirer à huis clos pour une deuxième séance à l’écart du public le 10 décembre.

8 Mon Bureau a obtenu une pleine collaboration au cours de cet examen.

 

Réunion du 10 décembre 2014

9 La réunion du 10 décembre était une réunion extraordinaire, qui a commencé à 9 h. Un avis a été communiqué au public, la Ville ayant affiché son ordre du jour conformément à son Règlement de procédure. Cet ordre du jour annonçait une réunion à huis clos pour examiner la nomination d’un trésorier en vertu de l’exception des « renseignements privés » (alinéa 239 (2) b) de la Loi).

10 Deux recommandations étaient incluses à l’ordre du jour dans le point 6 (Règlements municipaux) concernant la nomination d’un trésorier et la désignation de fondés de pouvoir pour les signatures bancaires. Des copies des ébauches des règlements étaient jointes à l’ordre du jour communiqué au public. Le Règlement 2014-116 désignait une personne nommée à titre de trésorier, à compter du 1er décembre 2014, tandis que le Règlement 2014-117 désignait le maire ou l’adjoint au maire, avec l’un de trois membres du personnel nommés, en tant que signataires autorisés.

11 D’après le procès-verbal de la séance publique, le Conseil s’est retiré à huis clos à 9 h 07 pour les raisons indiquées à l’ordre du jour. Étaient présents à ce huis clos tout le Conseil, l’administrateur en chef et la secrétaire suppléante.

12 Alors qu’il était retiré à huis clos, le Conseil a tout d’abord parlé de l’ancien trésorier et des circonstances de son départ. Le Conseil a ensuite examiné la recommandation du personnel concernant l’embauche d’une personne nommée, à titre de trésorier. Certains membres du Conseil ont exprimé leurs opinions quant aux qualifications de cette personne pour ce poste, et le personnel a donné des renseignements sur les titres de compétence de celle-ci.

13 Le Conseil a enjoint au personnel de lui fournir une ébauche de contrat et plus de renseignements sur les qualifications de cette personne, à des fins d’examen.

14 La séance publique a repris à 10 h 15. En public, le Conseil a voté pour différer à la fois la motion visant à nommer un trésorier et celle visant à désigner les fondés de pouvoir pour les signatures bancaires.

15 Le personnel a dit à mon Bureau que la question des signataires autorisés était censée être réglée à la réunion du 1er décembre, mais que le Conseil l’avait reportée. Cette question ayant été reportée une nouvelle fois lors de la réunion du 10 décembre, le personnel a décidé de parler au maire de la nécessité que le Conseil désigne les fondés de pouvoir pour les signatures bancaires. Lors de la pause du déjeuner le 10 décembre, le personnel municipal est donc allé voir le maire pour l’aviser qu’il était urgent de régler la question, afin que la municipalité puisse poursuivre ses activités quotidiennes.

16 Après la pause du déjeuner, le Conseil a résolu de nouveau de se retirer à huis clos, à 13 h 42. La résolution inscrite au procès-verbal de la séance publique ne fait pas référence à une exception précise de la Loi pour autoriser cette discussion, et ne donne aucun renseignement sur la nature de la question à examiner. Le personnel nous a dit que la raison de l'absence de renseignements était un simple oubli. La résolution inscrite au procès-verbal de la séance à huis clos indique que le Conseil s’est retiré à l’écart du public en vertu de l’exception des « renseignements privés ».

17 Alors qu’ils étaient réunis à huis clos, les membres du Conseil ont fait savoir qu’ils préféreraient que seuls le maire et l’adjoint au maire soient désignés comme des signataires autorisés pour les transactions bancaires, à l'exclusion de tout membre du personnel. Il n’y a eu aucune discussion à propos d’un membre quelconque du personnel, ni de ses compétences pour agir en tant que signataire autorisé.

18 La séance publique a repris à 13 h 51. En public, le Conseil a voté pour rejeter le Règlement 2014-117 concernant les fondés de pouvoir pour les signatures bancaires, mais il a adopté le Règlement 2014-027, désignant le maire et l’adjoint au maire comme seuls signataires autorisés des transactions bancaires pour la Ville.

19 Lors de la réunion suivante du Conseil, le 15 décembre, le Conseil a déclaré en public qu’il s’était retiré à huis clos en vertu de l’exception des « renseignements privés » le 10 décembre pour examiner la nomination du trésorier, et qu’il n’avait rien à ajouter. Il n’y a pas eu de compte rendu public de la discussion sur les signataires autorisés le 15 décembre. Le personnel nous a dit qu’il en avait été ainsi car la question avait été réglée par la motion adoptée en séance publique le 10 décembre.

 

Analyse

Discussion de la nomination d’un trésorier

20 Durant la première séance à huis clos le 10 décembre, le Conseil a examiné les qualifications d’un candidat au poste de trésorier, en vertu de l’exception des « renseignements privés ».

21 Pour étudier la portée de cette exception, mon Bureau considère souvent les décisions du Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP). Bien que non contraignantes pour mon Bureau, ces décisions peuvent s'avérer instructives.

22 Le CIPVP a déclaré que pour être admis à titre de « renseignements personnels » relativement aux exigences des réunions publiques, ces renseignements doivent généralement porter sur un particulier à titre personnel, plutôt que professionnel, officiel ou commercial[1]. Cependant, même si les renseignements ont trait à un particulier à titre professionnel, ils peuvent être considérés comme des renseignements personnels s’ils révèlent un aspect de nature personnelle[2].

23 Les renseignements d’ordre professionnel peuvent prendre un aspect plus personnel s’ils ont trait à l’examen de la conduite d'une personne[3], ou si la discussion comprend des opinions exprimées au sujet de cette personne[4].

24 Le 10 décembre, le Conseil a discuté des qualifications d’une personne qui pouvait être identifiée, alors employée de la Municipalité, et candidate à un autre poste. Comme précisé dans l’ordonnance MO-1909 du CIPVP[5], les renseignements concernant les antécédents de scolarité et de profession relèvent de la définition des « renseignements personnels » dans la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée.

25 Certains membres du Conseil ont aussi exprimé des opinions à propos des aptitudes de cette personne pour ce poste. Ces discussions étaient de nature personnelle et relèvent de l’exception citée.
 


Discussion des pouvoirs de signatures bancaires

26 Durant la deuxième séance à huis clos, le Conseil a parlé des préférences qu’il avait d’accorder les pouvoirs de signatures bancaires uniquement au maire et à l’adjoint au maire, plutôt que d’inclure des membres du personnel.

27 Trois membres du personnel en particulier sont nommés dans l’ébauche de règlement, au sujet des pouvoirs de signatures bancaires, mais simplement mentionner le nom d’employés à titre professionnel ne suffit pas à faire cadrer une discussion avec l’exception des renseignements privés. D’après les renseignements communiqués à mon Bureau, il n’y a eu aucune discussion sur les qualifications de ces personnes concernant ce rôle, et aucun autre renseignement personnel à propos d’elles n’a été étudié durant le huis clos.

28 Par conséquent, la question débattue ne concordait ni avec l’exception des renseignements privés, ni avec aucune exception aux exigences des réunions publiques, et elle n’aurait pas dû être discutée à huis clos.

29 Quand le personnel d’OMLET a parlé de mes conclusions au maire et à certains membres du personnel, ils n'ont pas été d'accord pour dire que la discussion des pouvoirs de signatures bancaires ne cadrait pas avec l’exception citée. Ils ont dit que le « ton » général de la réunion était empreint de méfiance envers le personnel municipal et c'est pourquoi ils avaient jugé que la discussion était de nature personnelle. Cependant, le ton général et cette préoccupation ne suffisent pas à justifier l'application de l’exception des renseignements privés à cette discussion.

30 D’après les renseignements communiqués à mon Bureau lors des entrevues, et tout au long de l’examen de la documentation de la réunion, il n’y a pas eu de discussion de renseignements privés à propos d’un membre du personnel qui pouvait être identifié durant la deuxième séance à huis clos le 10 décembre.

31 Bien que ceci n’aurait pas fait de différence dans ce cas, à mon avis, si le Conseil juge que ses comptes rendus de réunion ne reflètent pas les discussions tenues à huis clos durant une réunion, il devrait faire des enregistrements audio ou vidéo de ses huis clos. Ces enregistrements permettent de conserver des comptes rendus parfaitement exacts des réunions à huis clos, à des fins d’examen lors d’une enquête sur une réunion à huis clos menée par mon Bureau.
 


Questions de procédure

Résolution de se retirer à huis clos

32 Le paragraphe 239 (4) de la Loi stipule qu’avant de se retirer à huis clos, le Conseil doit indiquer par voie de résolution qu’il va tenir un huis clos et donner une description générale de la question à examiner. Comme indiqué par la Cour d’appel de l’Ontario dans Farber v. Kingston City[6], « la résolution de se retirer en séance à huis clos devrait comporter une description générale de la question à discuter, de sorte à maximiser les renseignements communiqués au public, sans toutefois porter atteinte à la raison d’exclure le public ».

33 La résolution pour la deuxième séance à huis clos ne comporte aucun renseignement sur la question à examiner. Notre Bureau a été informé que ceci résultait d’un simple oubli.

 

Compte rendu des réunions

34 Comme indiqué dans mon Rapport annuel 2011-2012 sur les réunions publiques, j’encourage vivement les municipalités à faire des enregistrements audio ou vidéo des délibérations du Conseil. C’est le moyen le plus clair et le plus direct de conserver une documentation pour les enquêteurs chargés des réunions à huis clos, et pour aider les dirigeants à respecter les exigences de la Loi durant les réunions à huis clos.

35 De plus en plus de municipalités décident de faire des enregistrements numériques de leurs séances à huis clos, pour garantir l’exactitude de leurs comptes rendus. En voici quelques exemples : Cantons de Tiny, Madawaska Valley et McMurrich/Monteith, Municipalité de Lambton Shores, Villes de Midland, d’Oshawa et de Welland.
 

Opinion

36 Le Conseil de la Ville d’Amherstburg avait le droit de se réunir à huis clos le 10 décembre, en vertu de l’exception des « renseignements privés » énoncée dans la Loi sur les municipalités, pour discuter de la nomination d’une personne en particulier au poste de trésorier. En revanche, le Conseil n’avait pas le droit de discuter à huis clos des pouvoirs de signatures bancaires lors de cette même réunion et il a transgressé la Loi en le faisant.

37 De plus, la résolution adoptée par le Conseil afin de se retirer à huis clos n’était pas conforme aux exigences du paragraphe 239 (4) de la Loi.

38 Je fais les recommandations suivantes pour aider la Ville à s’acquitter de ses obligations légales et à renforcer la transparence de ses réunions.
 
 

Recommandations

 
Recommandation 1

La Ville d’Amherstburg devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet à huis clos, à moins que celui-ci ne relève de l’une des exceptions aux exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

 
Recommandation 2

La Ville d’Amherstburg devrait veiller à ce que toutes les résolutions adoptées pour se retirer à huis clos donnent une description générale de la question à examiner à huis clos.

 
Recommandation 3

La Ville d’Amherstburg devrait faire des enregistrements audio ou vidéo de ses séances à huis clos.



 

Rapport

39 Le personnel d’OMLET a parlé avec le maire, la secrétaire, la secrétaire suppléante et l’administrateur en chef le 23 mars pour leur donner un aperçu de ces conclusions et pour offrir à la Municipalité la possibilité de les commenter. Tout commentaire qui nous a été envoyé a été pris en considération dans la préparation de ce rapport.

40 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil de la Ville d’Amherstburg et être mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.


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André Marin
Ombudsman de l’Ontario


 
[1] Ordonnance MO-2204, Aylmer (Ville), 2007 CanLII 30462 (ON IPC)
[2] Ordonnance MO-2368, Clarington (Municipalité), 2008 CanLII 68856 (ON IPC)
[3] Ordonnance MO-2519, Madawaska Valley (Canton), 2010 CanLII 24619 (ON IPC)
[4] Supra, note 1
[5] Ordonnance MO-1909, Temiskaming Shores (Ville), 2005 CanLII 56561 (ON IPC)
[6] 2007 ONCA 173 (CanLII)