Ville de Deep River

Ville de Deep River

octobre 3, 2017

3 octobre 2017

L’Ombudsman a reçu une plainte alléguant que le Conseil de la Ville de Deep River s’était indûment réuni à huis clos les 17 et 18 mars 2017 pour discuter d’un plan de consultation sur les services de police. Le plaignant a aussi allégué que le « groupe de travail » de consultation sur les services de police, formé durant la réunion à huis clos du 18 mai, aurait dû être considéré comme un comité du Conseil, conformément aux règles des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités. L’Ombudsman a conclu que le Conseil de la Ville de Deep River avait enfreint la Loi sur les municipalités quand il s’était réuni à huis clos pour discuter d’un plan de consultation sur les services de police et pour voter à ce sujet. L’Ombudsman a aussi conclu que le « groupe de travail » de consultation sur les services de police n’était pas un comité du Conseil et qu'il n’était donc pas assujetti aux exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités.

Enquête sur une réunion à huis clos tenue par la Ville de Deep River en mai 2017 et sur des rencontres du groupe de travail consultatif sur le plan de services de police de la Ville

Ombudsman de l’Ontario
Paul Dubé

Octobre 2017

Plainte

1 Notre Bureau a reçu une plainte alléguant que le Conseil de la Ville de Deep River s’est indûment réuni à huis clos les 17 et 18 mai 2017. Le plaignant considérait que le Conseil n’aurait pas dû discuter d’un plan de consultation sur les services de police en séance à huis clos car le sujet ne semblait cadrer avec aucune des exceptions des réunions à huis clos, énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

 Le plaignant a aussi allégué que le « groupe de travail » consultatif sur les services de police, formé durant la réunion à huis clos du 18 mai, aurait dû être considéré comme un comité du Conseil, assujetti aux exigences des réunions publiques en vertu de la Loi et du Règlement de procédure de la Ville.

 

Compétence de l’Ombudsman

3 En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions du Conseil municipal, d'un conseil local, et des comités du Conseil doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.

4 La Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s’est dûment retirée à huis clos en vertu de la Loi. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l'Ombudsman de l'Ontario. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut dans les municipalités qui n’ont pas désigné leur propre enquêteur.

5 L’Ombudsman est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos pour la Ville de Deep River.

6 Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le Règlement de procédure municipal ont été respectées.

 

Processus d’enquête

7 Le 6 juillet 2017, nous avons avisé la Ville de Deep River que nous avions l’intention d’enquêter sur cette plainte.

8 Nous avons examiné les parties pertinentes du Règlement de procédure municipal et de la Loi, ainsi que l’ordre du jour et le procès-verbal de la séance publique et de la séance à huis clos de la réunion du 17 mai 2017, qui s’est poursuivie le 18 mai 2017. Le procès-verbal de la réunion à huis clos comprend des notes très détaillées prises par la greffière adjointe, qui semblent fournir un compte rendu exhaustif de la discussion. Ces notes indiquent quasi in extenso ce que chacun a dit pendant la séance à huis clos. Nous avons aussi examiné divers documents connexes au plan de consultation sur les services de police, dont une ébauche d’échéancier, un rapport du personnel, des procès-verbaux d’autres réunions du Conseil et diverses correspondances.

9 Pour comprendre l’historique et le contexte de cette réunion, ainsi que les activités ultérieures du groupe de travail, nous avons interviewé le greffier/directeur général (DG), la greffière adjointe, la mairesse et le préfet.

10 Nous avons obtenu une collaboration à notre enquête.

 

Procédures du Conseil

11 Le Règlement de procédure[1] de la Ville stipule que, sous réserve des exceptions énoncées au paragraphe 239(2) de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions du Conseil et des comités doivent se tenir en public.

12 Le Règlement de procédure stipule aussi que les réunions doivent se terminer au plus tard à 23 h. Tout point à l’ordre du jour laissé en suspens doit être discuté lors de la prochaine réunion ordinaire, sauf décision contraire du Conseil.

13 Le Règlement prévoit aussi la création de divers types de comités par résolution du Conseil, y compris des comités spéciaux, des comités consultatifs et des groupes de travail, qui sont définis dans le Règlement. Le Règlement stipule par ailleurs que le Conseil doit approuver le mandat de tout comité ou groupe de travail.

14 Le terme « groupe de travail » n’est ni défini, ni mentionné dans le Règlement de procédure de la Ville.

 

Aperçu de la police municipale

15 Tout comme d’autres municipalités de la province, la Ville de Deep River a envisagé la possibilité de conclure un contrat avec la Police provinciale de l’Ontario (OPP) pour répondre à ses besoins en matière de services de police municipale. Les municipalités qui souhaitent conclure un contrat avec l’OPP doivent suivre le processus d’établissement des coûts de l’OPP pour déterminer combien l’OPP facturerait à la municipalité pour de tels services.

16 La Ville a tout d’abord demandé une estimation des coûts à l’OPP en 2012. Toutefois, à l’automne 2013, avant l'achèvement du processus d’établissement des coûts de la Ville, l’OPP a annoncé un moratoire sur les coûts de services pour examiner et revoir son système de facturation aux municipalités.

17 Après l’achèvement de la refonte du système de facturation de l’OPP, la Ville a reçu une proposition d’établissement des coûts de l’OPP au début de 2017. La question a été transmise au Comité de protection et de sécurité de la municipalité, qui a recommandé la création d’un plan exhaustif de mobilisation communautaire pour mener des consultations publiques et solliciter l’opinion des citoyens sur les futurs services de police à Deep River.

18 Le Conseil a accepté la recommandation du Comité et le personnel a élaboré un plan de consultation sur les services de police conformément aux souhaits du Conseil. Cette ébauche de plan de consultation a été discutée lors des réunions des 17 et 18 mai, puis révisée par le groupe de travail après ces réunions.

 

Réunions des 17 et 18 mai 2017

19 Le 17 mai 2017, à 18 h 01, le Conseil de la Ville de Deep River s’est rassemblé dans la salle du conseil pour une réunion ordinaire.

20 La Ville a pour habitude de discuter tout d’abord des points à examiner à huis clos, l'objectif étant d’entamer la discussion des points inscrits à l’ordre du jour de la séance publique à 19 h. La réunion ayant été déclarée ouverte, un conseiller a présenté une motion visant à modifier l’ordre du jour pour inclure la discussion du plan de consultation sur les services de police à la séance publique, plutôt qu’à la séance à huis clos. Cette motion a été rejetée et ce point est resté inscrit à l’ordre du jour de la séance à huis clos.

21 Selon le procès-verbal de la séance publique, le Conseil a décidé alors par voie de résolution de se retirer à huis clos à 18 h 15 :

« pour régler une question conformément au paragraphe 239(2) de la Loi de 2001 sur les municipalités concernant :
 
(2) Une réunion ou une partie de celle-ci peut se tenir à huis clos si l’une des questions suivantes doit y être étudiée :

a) la sécurité des biens de la municipalité ou du conseil local;
b) des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du conseil local;
d) les relations de travail ou les négociations avec les employés;
f) les conseils qui sont protégés par le secret professionnel de l’avocat, y compris les communications nécessaires à cette fin;
 
au sujet : […] et un Plan de consultation sur les services de police ». [caractères gras ajoutés]


22 L’ordre du jour indiquait que les exceptions suivantes des réunions à huis clos s’appliquaient au sujet du plan de consultation sur les services de police :

a) la sécurité des biens de la municipalité ou du conseil local;
b) des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du conseil local;
f) les conseils qui sont protégés par le secret professionnel de l’avocat, y compris des communications nécessaires à cette fin.


23 En raison de contraintes de temps, le Conseil n’a pas été en mesure d’examiner le plan de consultation sur les services de police durant la séance à huis clos de la réunion du 17 mai 2017. Le Conseil a donc résolu de discuter de cette question le lendemain, après une séance d’information et de formation pour le Conseil, prévue précédemment.

24 Le Conseil a donc repris sa discussion en séance à huis clos le 18 mai 2017, à 20 h 25.

25  Durant la séance à huis clos du 18 mai, le Conseil a discuté de nombreux aspects du plan de consultation et de questions connexes, entre autres des points suivants :

  • questions pratiques comme le libellé, la présentation et le ton des documents du plan de consultation;

  • examiner si une disposition du contrat de l’ancien chef de police devrait être communiquée au public, et si oui comment;

  • désir du Conseil de faire participer les membres actuels de la Deep River Police Association au processus élargi de consultation;

  • examiner si l’ouverture d’un bureau satellite à Deep River devrait être une condition de toute entente contractuelle avec l’OPP;

  • examiner si le personnel civil actuel de la police de Deep River pourrait continuer à travailler dans un bureau satellite;

  • questions générales de police, comme les fonds provenant de la vérification des antécédents, les délais d’intervention et la qualité des services;

  • faisabilité de l’ébauche de calendrier proposée pour le Plan de consultation.


26 Après avoir examiné et considéré l’ébauche du plan de consultation, le Conseil a déterminé que certains de ces aspects exigeaient de plus amples révisions, notamment la formulation précise des questions de sondage, la présentation de l’information dans un bulletin, et les dates de publication de divers documents.
 
27 Nous avons été informés que le Conseil avait alors réalisé clairement que la charge de travail résultant de la mise en œuvre du plan de consultation serait considérablement lourde pour le personnel municipal. Un « groupe de travail » informel a donc été formé pour permettre aux membres du Conseil de contribuer à ce projet dans un rôle essentiellement administratif. Ce groupe n’aurait pas de pouvoir décisionnel autonome, mais relèverait plutôt du Conseil.

28 En séance à huis clos, le Conseil a adopté plusieurs résolutions, dont celles-ci :

  • le plan de consultation sur les services de police inclut une réunion avec la Deep River Police Association;

  • le personnel reçoit l’instruction que, si la Ville entreprend des négociations avec l’OPP, un bureau satellite doit être inclus comme condition de l’entente avec la possibilité d'employer le personnel civil actuel;

  • la mairesse et deux conseillers sont autorisés à travailler avec le personnel pour finaliser les documents de communication en vue de leur divulgation;

  • le Conseil approuve l’ébauche du calendrier du plan de consultation.


29 Le Conseil a mis fin à la réunion à huis clos à 22 h 40 et a résolu ceci :

« deux points du plan de consultation sur les services de police seront présentés en séance publique à titre de questions résultant de la séance à huis clos, dont l'échéancier des activités pour le plan de consultation,
 
QUE si la Ville entreprend des négociations avec l’OPP, un bureau satellite sera inclus. »


30 La réunion s'est terminée à 22 h 44.

 

« Groupe de travail » du plan de consultation sur les services de police

31 Durant la séance à huis clos du 18 mai 2017, le Conseil a voté pour autoriser la mairesse et deux conseillers à participer à la mise en œuvre du plan de consultation sur les services de police. La résolution n’a pas expressément fait référence à un « groupe de travail », mais plutôt à une liste nominative de trois membres. Cependant, notre examen des notes détaillées prises par la greffière adjointe indique que les membres du Conseil ont fait plusieurs fois référence à cette équipe en tant que groupe de travail lors de la réunion.

32 À notre connaissance, durant plusieurs semaines, les membres du groupe de travail se sont réunis, séparément et avec le personnel, pour travailler à des activités liées au plan de consultation, comme la révision des documents. Le groupe n’a ni tenu de réunions officielles, ni préparé d’ordres du jour ou de procès-verbaux. Il n'a exercé aucun pouvoir décisionnel, si ce n’est de finaliser les documents déjà approuvés sous forme d’ébauches par le Conseil.

33 Les trois membres du groupe de travail ont présenté un rapport verbal au sujet du plan de consultation sur les services de police lors d’une réunion extraordinaire du Conseil le 30 mai 2017. Les versions finales des documents devant être publiées pour le plan de consultation ont été remises au Conseil durant cette réunion. Le Conseil a adopté une résolution pour prendre acte du rapport verbal et pour afficher les documents qui lui avaient été remis sur le site Web de la Ville.

34  Des bénévoles du groupe de travail ont aussi participé à la finalisation des questions et des renseignements à inclure dans un bulletin et un sondage envoyés à tous les résidents le 1er juin 2017, ainsi qu'à un sondage en ligne effectué entre le 21 et le 28 juin 2017.

35 Les membres du groupe de travail ont aussi assisté aux séances de consultation publique et ont été chargés de recueillir les commentaires des résidents et de répondre à leurs demandes de renseignements. À la suite de ces séances de consultation, les membres du groupe de travail ont aidé le personnel à préparer des réponses aux questions et à les afficher sur le site Web de la Ville.

36 Le « groupe de travail » n’est plus actif, son seul but ayant été de contribuer à l’exécution du Plan de consultation, achevé à la fin de juin.

 

Analyse – Exceptions des réunions à huis clos

37 Bien que la résolution de se retirer à huis clos n’indiquait pas précisément sur quelles exceptions des réunions à huis clos le Conseil comptait s’appuyer pour discuter du plan de consultation sur les services de police, l’ordre du jour de la réunion a cité les exceptions suivantes :

a) la sécurité des biens de la municipalité ou du conseil local;
b) des renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou du conseil local;
f) les conseils qui sont protégés par le secret professionnel de l’avocat, y compris des communications nécessaires à cette fin.

 

Applicabilité de l’exception de « la sécurité des biens de la municipalité »

38 L’alinéa 239(2)a) de la Loi sur les municipalités permet à un conseil municipal de discuter de sujets liés à la sécurité des biens de la municipalité. La Loi sur les municipalités ne définit pas le terme « sécurité » aux fins de cet alinéa. Bien que nous ne soyons pas tenus de suivre les décisions du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP), notre rapport de 2014 sur la Ville de Welland a souligné que, « la sécurité des biens de la municipalité » devrait être entendue dans son sens premier, ce mot s'appliquant à la protection des biens contre les pertes ou les dommages matériels (comme le vandalisme ou le vol) et au maintien de la sécurité publique relativement à ces biens[2]. Le CIPVP a précisé que le terme peut s’appliquer à la fois aux biens « corporels » et aux biens « incorporels », aussi longtemps qu'ils appartiennent à la municipalité, et à condition que la discussion vise à prévenir toute perte ou tout dommage[3].

39 Durant les entrevues, le Conseil et le personnel ont justifié leur recours à cette exception en disant que le sujet de la discussion portait sur les services de police, ce qui mettait en cause la sécurité et la sûreté dans toute la Ville, incluant celles des biens municipaux. Ils ont aussi laissé entendre que cette exception s’appliquait car la discussion portait sur des possibilités d’utiliser le quartier général actuel de la police, situé dans un bâtiment appartenant à la Ville.

40 La discussion à huis clos du Conseil le 18 mai au sujet du plan de consultation sur les services de police n’a aucunement porté sur de possibles menaces, pertes ou dommages pour des biens municipaux. Par conséquent, le Conseil n’était pas en droit d’invoquer l’exception de la « sécurité des biens de la municipalité » pour tenir un huis clos.

 

Applicabilité de l’exception des « renseignements privés »

41  Le Conseil a aussi invoqué l’exception des « renseignements privés » à l’alinéa 239(2)b) de la Loi. Cette exception permet au Conseil de discuter à huis clos de renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris des employés de la municipalité ou d’un conseil local, lors d’une séance à huis clos.

42 Le CIPVP et notre Bureau ont déterminé que cette exception ne s’applique pas aux discussions sur les employés à titre professionnel. Cependant les discussions peuvent revêtir un caractère plus personnel si la conduite d'un employé fait l’objet d’un examen minutieux[4].

43  Le CIPVP a créé un test en deux parties pour distinguer les renseignements personnels des renseignements professionnels aux fins des règles sur les réunions publiques :

  1. Dans quel contexte apparaissent les noms de ces personnes? Est-ce dans un contexte personnel ou professionnel?

  2. Y a-t-il quelque chose dans ces renseignements personnels qui, s’ils étaient communiqués, révélerait quelque chose de nature personnelle au sujet de cette personne?


44 Nous avons été informés que le Conseil s’était appuyé sur l’exception des renseignements privés car une partie du contrat d’un ancien chef de police avait été discutée, et le Conseil estimait que cette discussion était de nature délicate. Nous avons aussi été avisés que des employés des services de police de Deep River auraient été identifiés au sein de la communauté, même s’ils n’étaient pas nommés.

45  Toutefois, nos entrevues et notre examen de la documentation indiquent que, lors de son huis clos, le Conseil n’a pas discuté de personnes nommées. De plus, il n'a pas discuté d'employés à titre personnel : leur conduite, leur personnalité et leur rendement au travail n’étaient pas en cause. La discussion a porté principalement sur la prestation des services de police, en général, et sur le processus de communication avec le public à ce sujet. Par conséquent, cette discussion ne relevait pas de l’exception à l’alinéa 239(2)b) de la Loi.

 

Applicabilité de l’exception du « secret professionnel de l’avocat »

46 Le comité s’est aussi appuyé sur l’exception du « secret professionnel de l’avocat » à l’alinéa 239(2)f) de la Loi pour discuter du plan de consultation sur les services de police. Les personnes à qui nous avons parlé nous ont dit que cette exception s’appliquait aux parties de la discussion portant sur le contrat d’un ancien chef de police.

47 Cette exception ne peut être invoquée que lorsque l’avis d’un avocat, ou une communication connexe, est effectivement soumis à l’examen du Conseil. La communication ne peut faire l’objet du secret professionnel de l’avocat si c’est :

a) une communication entre un avocat et son client, l’avocat agissant à titre professionnel;
b) qui comporte une consultation ou un avis juridique; et
c) que les parties considèrent de nature confidentielle[5].


48  Bien que le Conseil ait déjà reçu et examiné un avis écrit de ses avocats au sujet du contrat de l’ancien chef de police, notre examen a révélé que la teneur de cet avis n’avait pas été discutée lors du huis clos du 18 mai. Notre Bureau a conclu précédemment que, même s’il n’est pas nécessaire que le Conseil obtienne un nouvel avis juridique pour pouvoir appliquer cette exception, la discussion doit être axée sur les « ramifications juridiques potentielles » d’une mesure d’action particulière[6].

49 Dans ce cas, la discussion du Conseil s’est limitée à déterminer si les renseignements concernant le contrat devraient être divulgués au public dans les documents du plan de consultation sur les services de police, et si oui comment. Le Conseil n’a pas examiné la teneur de l’avis juridique obtenu précédemment sur ce contrat, mais a plutôt centré sa discussion sur la planification de forums d’information pour le public et sur l’élaboration finale de documents de communications à l’intention des résidents.

50  Les autres sujets discutés par le Conseil, comme les aspects logistiques et administratifs du plan, le bureau satellite et les questions générales de services de police, ne cadraient pas non plus avec cette exception. Par conséquent, le Conseil n’était pas en droit d'invoquer l’exception du « secret professionnel de l’avocat ».




Applicabilité de l’exception des « relations de travail »

51 Bien que la Ville n’ait pas cité l’exception à l’alinéa 239(2)d) sur les relations de travail ou les négociations avec les employés, nous avons aussi cherché à déterminer si la discussion aurait pu s’inscrire dans le cadre de cette exception. L’exception des relations de travail ou des négociations avec les employés s’applique généralement aux questions d'embauche, de congédiement et de discipline d’employés particuliers[7]. Mon Bureau a conclu qu’elle ne s’applique pas aux discussions générales sur un examen organisationnel ou une restructuration d’une municipalité[8].

52 Durant la séance à huis clos du 18 mai, la plus grande partie de la discussion a porté sur les niveaux de services et d’autres questions administratives, ainsi que sur les stratégies de partage de l’information avec les résidents locaux. Le Conseil n’a pas parlé d’employés, de leur rémunération ou de leur rôle individuellement. Par conséquent, le Conseil n’aurait pas pu se prévaloir de cette exception.


 

Analyse – Groupe de travail

53 Durant la séance à huis clos du 18 mai, le Conseil a résolu de nommer trois conseillers pour aider le personnel à finaliser les documents du plan de consultation sur les services de police. Nous avons reçu une plainte alléguant que ces conseillers – le « groupe de travail » de consultation sur les services de police – s’étaient réunis contrairement aux exigences de la Loi sur les municipalités relatives aux réunions à huis clos.

54 D’après les personnes à qui nous avons parlé et les documents que nous avons examinés, le rôle principal du groupe de travail consistait à finaliser les documents, comme les communiqués de presse, les bulletins et la correspondance avec les parties prenantes. Aucun mandat n’a été rédigé pour le groupe de travail, et aucune des personnes que nous avons interviewées n’a jugé que ce groupe de travail constituait un comité du Conseil. Elles croyaient plutôt que son rôle principal était d’aider le personnel dans une fonction essentiellement administrative. Le groupe n’a pas tenu de réunions officielles, mais a travaillé de façon informelle à des documents du plan de consultation, à la convenance des membres du groupe et conjointement avec le personnel. Nous avons été avisés que toute la documentation produite par le groupe de travail avait été soumise à l'approbation finale du Conseil. Le Conseil a examiné les documents remis par le groupe de travail durant sa réunion du 30 mai 2017.

 

Règlement de procédure

55 Le Règlement de procédure de la Ville ne comprend aucune définition du « groupe de travail ». En revanche, il définit divers types de comités qui peuvent être créés, dont les suivants :

« Comité spécial : Tout comité spécial créé par une résolution du Conseil avec mandat approuvé.

Comité consultatif : Tout comité spécial créé par le Conseil avec mandat approuvé dans le but de fournir des recommandations ou des avis au Conseil.

Groupe de travail : Comité consultatif avec mandat approuvé, créé pour une durée déterminée suffisante afin de faire des recommandations au Conseil sur une question donnée.[9] »


56 Tous ces organismes doivent être composés de trois membres, créés par une résolution du Conseil, et dotés d’un mandat précisant leur rôle et leurs pouvoirs [10].

57 D’après nos entrevues et notre examen de la documentation, le groupe de travail :

  • a été créé par voie de résolution adoptée en séance à huis clos;

  • était composé de trois membres du Conseil;

  • n’avait pas de président désigné;

  • n’avait pas de mandat officiel;

  • n’avait pas de pouvoir décisionnel, mais relevait du Conseil;

  • n’a pas tenu de réunion officielle;

  • n’a pas établi d’ordre du jour ou de procès-verbal;

  • a exercé ses activités individuellement et en groupe.


58 Comme le groupe de travail n’avait pas de mandat, il ne répond pas à la définition d'un comité conformément au Règlement de procédure de la Ville.

59 De plus, le groupe de travail exerçait une fonction administrative, plutôt qu’un rôle décisionnel. En finalisant les documents à divulguer au public, dont les ébauches avaient déjà été approuvées par le Conseil, le groupe de travail jouait essentiellement le rôle du personnel municipal. Ceci ne relève pas de la définition d’un comité selon le Règlement de procédure.

 

Définition d’un « comité » dans la Loi sur les municipalités

60 Le paragraphe 238(1) de la Loi sur les municipalités définit ainsi un « comité » : « Comité ou sous-comité consultatif ou autre, ou une entité similaire, dont au moins 50 pour cent des membres sont également membres d’un ou de plusieurs conseils municipaux ou conseils locaux. » Le groupe de travail était entièrement composé de membres du Conseil.

61  Toutefois, dans des rapports précédents, notre Bureau a déterminé que le rôle et la fonction d’un groupe doivent aussi être examinés pour déterminer si ce groupe joue un rôle de comité, de sous-comité ou d'entité similaire[11]. Dans plusieurs rapports, notre Bureau a conclu que, quand des groupes échangent principalement des renseignements ou font progresser des positions déjà décidées par la municipalité, sans faire un travail préparatoire à une prise de décision du Conseil, le groupe ne constitue pas un comité[12].

62  Dans ce cas, le « groupe de travail » a exercé une fonction administrative et n’a ni fait progresser les travaux du Conseil, ni effectué un travail préparatoire en ce sens. Tout comme le personnel municipal, les membres du groupe de travail ont contribué à la mise en place du Plan de consultation précédemment approuvé par le Conseil et documenté en détail par la greffière adjointe lors de la réunion du Conseil le 18 mai 2017.

63 Par conséquent, le groupe de travail informel sur le Plan de consultation sur les services de police n’était pas un comité du Conseil selon la Loi sur les municipalités ou le Règlement de procédure de la Ville, et ses réunions ne devaient pas forcément être ouvertes au public.

 

Analyse – Vote en séance à huis clos

64 L’article 244 de la Loi sur les municipalités stipule que les votes doivent avoir lieu en séance publique, sous réserve de l’exception stricte au paragraphe 239(6) de la Loi, qui permet de voter à huis clos pour des questions de procédure ou pour donner des directives au personnel. Le Règlement de procédure de la Ville reflète ces dispositions.

65 Durant les séances à huis clos des 17 et 18 mai, le Conseil a voté cinq résolutions connexes au plan de consultation sur les services de police, dont les suivantes :

  • le plan de consultation sur les services de police inclut une réunion avec la Deep River Police Association;

  • le personnel reçoit l’instruction que, si la Ville entreprend des négociations avec l’OPP, un bureau satellite doit être inclus comme condition de l’entente, avec la possibilité d'employer le personnel civil actuel;

  • la mairesse et deux conseillers sont autorisés à travailler avec le personnel pour finaliser les documents de communication en vue de leur divulgation;

  • le Conseil approuve l’ébauche du calendrier du plan de consultation.


66 Une seule de ces résolutions concernait des directives au personnel. Une autre concernait une question de procédure. Les trois autres résolutions portaient sur des décisions de fond prises par le Conseil.

67 Certaines des résolutions auraient pu être rédigées comme des directives à l’intention du personnel chargé de mettre en œuvre le plan de consultation, mais elles n’ont pas été formulées ainsi. Par exemple, une résolution adoptée à huis clos pour approuver l’ébauche du calendrier du plan de consultation, et une autre résolution autorisant la mairesse et deux conseillers à travailler avec le personnel pour finaliser les documents de communication à rendre publics, ne visaient pas à donner des directives au personnel et ne portaient pas sur des questions de procédure.

68  Le Conseil a donc voté à huis clos sur des résolutions qui n’étaient pas de nature procédurale, ou qui ne visaient pas à donner des directives au personnel, violant ainsi l’interdiction de voter énoncée dans la Loi sur les municipalités.

 

Analyse – Résolution de se retirer à huis clos

69 La résolution de se retirer à huis clos citait quatre exceptions de la Loi sur les municipalités applicables en tout ou en partie aux quatre sujets que le Conseil se proposait de discuter à huis clos. Certes, l’ordre du jour indiquait clairement quelles exceptions s’appliquaient à chacun des sujets, mais la résolution adoptée par le Conseil ne faisait pas de même.

70  L’alinéa 239(4)a) de la Loi sur les municipalités exige que la résolution adoptée pour se retirer à huis clos divulgue « la nature générale de la question à examiner ». Comme l’a noté la Cour d’appel dans Farber v. Kingston (City), « la résolution de se retirer en séance à huis clos devrait comporter une description générale de la question à discuter, de sorte à maximiser les renseignements communiqués au public, sans toutefois porter atteinte à la raison d’exclure le public[13] ».

71 Un autre enquêteur chargé d’examiner les réunions à huis clos, les Local Authority Services, a souligné que les principes d’ouverture et de transparence sont au cœur des dispositions de la Loi sur les municipalités, et que ces principes exigent de maximiser l’information communiquée au public[14].

72 Avant de se retirer à huis clos, le Conseil a donné une brève description de chacun des sujets qui allaient être discutés, c.-à-d. du « Plan de consultation sur les services de police ». Toutefois, la résolution adoptée n’indiquait pas quelle exception des réunions à huis clos énoncée dans la Loi sur les municipalités s’appliquait à chacun des sujets. Bien que la Loi sur les municipalités n’exige pas que le Conseil indique expressément quelle exception il entend invoquer pour chacune des questions à discuter à huis clos, la Ville devrait adopter cette mesure en tant que pratique exemplaire.

 

Opinion

73 Le Conseil de la Ville de Deep River a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités et le Règlement de procédure de la Ville le 18 mai 2017 quand il a discuté à huis clos du plan de consultation sur les services de police.

74 Le sujet ne relevait ni de l’exception des « renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat », ni de celle de la « sécurité des biens d’une municipalité », pas plus que de celle des « renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée » ou de toute autre exception aux exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités.

75 De plus, le Conseil a enfreint la Loi et le Règlement de procédure de la Ville en votant sur plusieurs résolutions à huis clos, alors que celles-ci n’étaient pas de nature procédurale et ne visaient pas à donner de directives au personnel.

76 Toutefois, la création du « groupe de travail » du plan de consultation sur les services de police et ses activités n’ont enfreint ni la Loi ni le Règlement de procédure de la Ville. Le groupe de travail ne répondait pas à la définition d’un « comité » et n’était donc pas obligé de tenir des réunions publiques.

 

Recommandations

77 Je fais les recommandations suivantes pour aider la Ville de Deep River à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à renforcer la transparence de ses réunions.

 

Recommandation 1

Tous les membres du Conseil de Deep River devraient s’acquitter avec vigilance de leurs obligations individuelles et collectives pour garantir que le Conseil se conforme à ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son Règlement de procédure.

 
Recommandation 2

Le Conseil de la Ville de Deep River devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos, à moins que le sujet ne relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques.

 
Recommandation 3

Le Conseil de la Ville de Deep River devrait prendre soin de citer uniquement les exceptions applicables à chacun des sujets de discussion dans ses résolutions adoptées pour se retirer à huis clos.

 
Recommandation 4

Le Conseil de la Ville de Deep River devrait veiller à ce que ses votes à huis clos sont conformes au paragraphe 239(6) de la Loi de 2001 sur les municipalités et à son Règlement de procédure.

 
Recommandation 5

À titre de pratique exemplaire, le Conseil de la Ville de Deep River devrait préciser quelles exceptions des réunions à huis clos s’appliquent à chacun des sujets de discussion cités dans une résolution adoptée pour se retirer à huis clos.

 
 

Rapport

78 La Ville de Deep River a eu la possibilité d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter. Nous n’avons reçu aucun commentaire.

79 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil de la Ville de Deep River et rendu public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.

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Paul Dubé
Ombudsman de l'Ontario

 

[1] Ville de Deep River, Règlement 2014-53, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletA By-law to govern and regulate the proceedings of the Council of the Town of Deep River, en ligne.
[2] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance MO 2468-F (27 octobre 2009), en ligne citée par l’Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur de multiples réunions à huis clos du Conseil de la Ville de Welland de juin 2012 à mai 2014 (novembre 2014) à 30, en ligne.
[3] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance MO-2683-I (30 décembre 2011), en ligne.
[4] CIPVP, Ordonnance MO-2519 (29 avril 2010).
[5] Canada c. Solosky [1980] 1 RCS 821
[6] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur l’allégation d’infraction à la Loi de 2001 sur les municipalités par le Canton de West Lincoln les 15 juin et 22 juin 2015 (novembre 2015) à 25, en ligne.
[7] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway dans la Ville de Fort Erie (avril 2017), au paragraphe 37, en ligne.
[8] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion du Conseil de la Ville de Sault Ste. Marie le 13 octobre 2015 (août 2016) au paragraphe 24, en ligne.
[9] Règlement 2014-53 art. 1.01
[10] Supra note 1.
[11] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si les chefs de Conseil de West Parry Sound ont tenu des réunions à huis clos illégales y compris le 19 février 2015 (novembre 2015) à 33, en ligne.
[12] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si un Comité du Conseil de la Ville de Hamilton a tenu une réunion illégale le 25 juillet 2014 (novembre 2014), en ligne; Ombudsman de l’Ontario, Lettre à la Cité de Clarence-Rockland, à propos des réunions de novembre et décembre 2010 (février 2012), en ligne.
[13] 2007 ONCA 183 au paragraphe 21.
[14] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletReport to the Corporation of the Municipality of Kincardine Regarding Allegations of Improperly Closed Meetings of the Council for the Municipality of Kincardine (juillet 2014) à 8, en ligne.