Enquête visant à déterminer comment la Police provinciale de l’Ontario et le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels ont géré les blessures de stress opérationnel chez les policiers
« Dans le feu de l'action »
André Marin
Ombudsman de l'Ontario
octobre 2012
Contributeur(trice)s
Directeur, Équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman
Enquêteur principal
Enquêteur(euse)s
- Ciaran Buggle
- Domonie Pierre
- Rosie Dear
- Elizabeth Weston
- Grace Chau
- Mary Jane Fenton
- William Cutbush
- Emily Wong
Agent(e)s de règlement préventif
- Ronan O’Leary
- Maggie DiDomizio
- Leanne Salel
Avocate principale
Table des Matières
1 « Soudain, le mardi 10 avril 2012 à Midland, à l’âge de 45 ans… » : ainsi commence la nécrologie du sergent Douglas William James Marshall, de la Police provinciale de l’Ontario (OPP). « Doug » Marshall était un époux bien-aimé, un heureux père, un passionné de course à pied, un bénévole de la communauté – et un policier chevronné, aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
2 On ne connaît pas tous les détails, tous les événements effroyables qui hantaient son âme, ni pourquoi la vie ne lui semblait plus valoir la peine d’être vécue. Mais on sait qu’à l’été de 2011, après avoir vécu une série d’incidents traumatiques alors qu’il était en service – dont la noyade d’un policier municipal à la retraite, la mort d’un jeune enfant et un suicide – le sergent Marshall ne pouvait plus faire face. Il était agité, frustré, incapable d’organiser ses pensées. En octobre 2011, accablé par les souvenirs d’anciennes expériences où il avait frôlé la mort et de terribles moments vécus dans sa profession, il a dû être hospitalisé. Après un diagnostic de SSPT et un traitement en décembre 2011, il a repris ses fonctions à la mi-janvier 2012. Deux semaines plus tard, on lui a redonné son arme de service. Le 10 avril, alors qu’il se trouvait au détachement du Sud de la baie Georgienne, le sergent Marshall a pris son arme et l’a retournée contre lui. Il est mort d’une balle dans la tête.
3 Le détachement du Sud de la baie Georgienne a fermé durant l’enquête sur le décès du sergent Marshall, tandis que sa famille et ses collègues entamaient leur deuil.
4 L’OPP n’a pas fait paraître de communiqué de presse à propos du suicide du sergent Marshall. La présence de la police, généralement très visible lors des décès de policiers, ne s’est pas manifestée. Toutefois, les drapeaux de l’OPP ont finalement été mis en berne en signe de deuil et des collègues du sergent Marshall, dont de hauts responsables de l’institution, ont assisté à ses funérailles.
5 Le décès du sergent Marshall est encore trop récent, un peu comme une blessure trop fraîche, pour être examiné de manière approfondie. Mais il y a fort à parier que son syndrome de stress post-traumatique était lié de près à son métier de policier et que ce syndrome a joué un rôle majeur dans sa décision de s’enlever la vie.
6 Les dirigeants de l’OPP maintiennent que la culture du monde policier a changé, que les blessures dues aux traumatismes ne sont plus perçues comme des signes de faiblesse, et que les policiers qui en sont atteints bénéficient d’un ample soutien. Mais les tabous sociaux qui entourent les maladies mentales et le suicide restent implacables. Les policiers victimes de blessures psychologiques ne sont pas vus comme des héros. Quand ils mettent fin à leurs jours, leur nom n’est pas inscrit, à côté de celui de leurs collègues morts en service, sur les monuments commémoratifs.
7 Le décès du sergent Marshall est devenu une statistique tragique de plus sur la liste officieuse et alarmante – conservée par le psychologue du personnel de l’OPP – des policiers, en service et à la retraite, qui ont mis fin à leurs jours. Le total est maintenant de 21 hommes et de deux femmes décédés depuis 1989 – dont 16 étaient des membres en activité de l’OPP. En fait, le sergent Marshall était le quatrième suicidé parmi les policiers de l’OPP depuis l’ouverture de mon enquête en mars 2011. Un cinquième suicide a suivi en mai 2012.
8 Bien que les recherches sur les risques de suicide dans la police restent équivoques – certaines instances concluant qu’ils sont statistiquement élevés, tandis que d’autres considèrent qu’ils sont au-dessous de la moyenne de la société – un fait reste clair : il est beaucoup plus probable pour un policier de mourir par suicide que par suite d’une violente interaction avec un criminel. Et il est beaucoup plus probable pour un policier de mettre fin à sa vie avec son arme que d’être tué en service par un agresseur inconnu.
9 Nous ne saurons probablement jamais toutes les circonstances qui ont entouré ces 23 décès, ni dans quelle mesure le métier de policier y a contribué. Mais les chercheurs reconnaissent que les policiers sont vulnérables aux blessures de stress opérationnel – expression générale qui désigne toute une gamme de réactions émotionnelles à des événements perturbateurs et qui inclut le syndrome de stress post-traumatique – dont le diagnostic suffit à accentuer les risques de suicide parmi les personnes qui en souffrent.
10 Les policiers sont souvent appelés à vivre des meurtres brutaux, des agressions violentes et des accidents terribles ainsi qu’à voir, sentir et entendre des choses horribles. Ils se retrouvent en première ligne et risquent d’être attaqués à coups de couteau, avec des armes à feu ou par des véhicules qui foncent sur eux. Ils vivent des moments cauchemardesques. Parfois, ces cauchemars restent, et parfois ils s’accumulent, affaiblissant même les policiers qui jouissent des plus fortes constitutions.
11 En tant que société, nous demandons aux policiers d’être des durs. Après tout, leur mission est de servir et protéger, et nous voulons des protecteurs forts et héroïques. Mais alors que l’exposition aux blessures relève des risques professionnels dans la police, la résilience émotionnelle diffère selon les situations et les individus. Certains sortent indemnes d’un incident, tandis que d’autres en gardent une blessure psychologique profonde. Dans certains cas, un policier peut sembler bien supporter toute une série d’événements traumatiques, sans être marqué, puis craquer soudainement à la suite d’un incident déclencheur. De plus, quand les policiers partent à la retraite, leur vécu continue à les accompagner. Les effets cumulés du stress opérationnel peuvent causer des blessures bien des années après les incidents.
12 En plus du tribut à payer sur le plan humain à cause des blessures de stress opérationnel, il ne faut pas oublier les coûts financiers quand un service de police perd un agent de façon temporaire ou permanente en raison d’une blessure ou, dans le pire des cas, d’un suicide. Préparer une recrue au service de patrouille coûte environ 57 000 $ à l’OPP, à quoi viennent s’ajouter d’autres investissements en éducation et formation tout au long de la carrière du policier. Rien que durant les six dernières années, l’OPP a dépensé près de 3,5 millions $ pour indemniser des policiers dans le cadre de plus de 100 demandes liées à des blessures psychologiques résultant de blessures en milieu de travail. Le nombre des demandes d’indemnisation pour les blessures de stress opérationnel semble en hausse. Le total réel de ces blessures est probablement beaucoup plus élevé que les demandes d’indemnisation ne l’indiquent, étant donné les restrictions du système actuel d’assurance en milieu de travail et la réticence de bien des policiers souffrants à reconnaître leurs problèmes.
13 Au cours de cette enquête, de nombreux policiers courageux, en service actif ou à la retraite, qui avaient souffert ou qui souffraient de blessures de stress opérationnel, se sont adressés à nous. Plusieurs thèmes sont ressortis de leurs histoires émouvantes. À maintes reprises, ils nous ont dit que, bien que l’OPP ait fait des progrès depuis quelques années pour gérer le problème des blessures de stress opérationnel, par la formation et l’éducation, la stigmatisation des maladies mentales reste aigüe et continue d’empêcher des policiers de révéler leurs difficultés et de demander de l’aide. Ceux qui souffrent ouvertement de telles blessures sont souvent isolés, ridiculisés et ostracisés par leurs collègues. Bien souvent aussi, ils ont le sentiment de ne pas être appuyés par leurs supérieurs et d’être dévalués quand ils reprennent le travail et sont placés dans des postes aménagés.
14 Certes, l’OPP donne des renseignements et des formations aux policiers, à différentes étapes de leur carrière, mais le processus semble manquer de pertinence et de coordination. Il y a peu ou pas de planification ou de programmation organisationnelle pour mieux faire connaître et comprendre la question des blessures de stress opérationnel au sein de la profession. De plus, les policiers et leurs familles ne disposent d’aucune ressource spécifique, comme des listes de professionnels qui connaissent bien le métier de policier et les blessures de stress opérationnel.
15 À l’époque de notre enquête, il n’y avait qu’un seul psychologue du personnel à l’OPP – celui-ci étant appuyé par des bénévoles qui devaient jongler avec leurs tâches régulières – pour intervenir en cas d’incidents critiques et traumatiques afin de venir en aide aux policiers. Le poste de coordonnateur du Programme d’aide aux employés (EAP) était un poste à temps partiel jusqu’à novembre 2011. Nous avons aussi constaté que les ressources consacrées aux blessures de stress opérationnel variaient grandement. Dans les secteurs spécialisés, où les policiers se trouvent exposés à l’exploitation des enfants et aux dangers du travail d’infiltration, d’importants soutiens psychologiques sont en place grâce à des programmes « de protection ». Mais il n’y a ni coordination centralisée, ni effort soutenu, pour élargir certaines des méthodes et des expériences de ces programmes à d’autres domaines spécialisés, ou à l’ensemble de l’organisation. Les soutiens psychologiques proactifs et préventifs pour les policiers de première ligne exposés à des blessures cumulées restent très peu nombreux. Quand des policiers succombent à des blessures de stress opérationnel et ont besoin d’une aide immédiate, trop souvent ils ne peuvent compter que sur des services restreints et généralistes de counseling dans le cadre du Programme d’aide aux employés, ou doivent attendre pour obtenir des services psychologiques adéquats au sein de leur communauté.
16 De plus, contrairement à certains corps policiers, l’OPP ne conserve pas de relevés officiels des suicides des policiers, pas plus qu’elle ne procède à des « autopsies psychologiques » pour découvrir les causes de leur décès, afin de mieux comprendre et planifier ses futurs programmes et formations. Aucun programme officiel de prévention du suicide n’est en place. Et chose peut-être surprenante pour un organisme imprégné de culture paramilitaire, avec de multiples règles et règlements, l’OPP n’a pas de procédure officielle concernant les suicides de ses membres. Sans les soutiens et les cérémonies qui réconfortent les survivants des policiers décédés en service, les superviseurs, les collègues et la parenté des suicidés peuvent ressentir un grand désarroi.
17 Mon enquête s’est centrée sur la Police provinciale de l’Ontario, qui relève du mandat de mon Bureau. Je ne suis pas en droit d’enquêter sur les forces de police municipale. Mais celles-ci relèvent du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, sur lequel j’ai droit de regard. Dans ce rapport, j’ai fait 34 recommandations, dont 28 s’adressent à la Police provinciale de l’Ontario, et qui visent principalement à mettre en place un changement fondamental de culture pour éliminer la stigmatisation des blessures de stress opérationnel et du suicide chez les policiers, et pour améliorer l’éducation, la formation, les soutiens et les services pour les policiers, les retraités et leurs familles. J’incite l’OPP à faire des recherches sur les pratiques exemplaires et à les intégrer à ses processus, ainsi qu’à élaborer et instaurer un programme proactif, complet et coordonné de bien-être psychologique adapté aux besoins uniques du secteur policier. Je demande aussi à l’OPP d’appuyer cette initiative aux plus hauts niveaux de son commandement et de faire preuve d’un leadership novateur dans la gestion des blessures de stress opérationnel et la prévention du suicide, pour le bien de ses membres.
18 Pour sa part, le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, qui a un vaste droit de surveillance sur le secteur policier dans la province, n’a pas jugé bon de procéder à la moindre recherche ou de donner la moindre orientation quant aux blessures de stress opérationnel et à la prévention du suicide. Il laisse l’initiative aux différents services de police, dont la taille et les ressources varient. Pourtant, la protection du bien-être psychologique des policiers est une question systémique, qui exige une solution systémique. Les policiers qui s’exposent aux risques pour protéger les citoyens ontariens méritent d’avoir l’assurance que la province les soutient. J’ai fait six recommandations générales au Ministère, l’encourageant à exercer son autorité pour entreprendre des recherches et établir des normes visant à guider les services de police dans la mise en œuvre de programmes d’éducation et de formation, de soutiens et de services, pour protéger ceux qui sont au service de la police.
19 Malheureusement, le commissaire de l’OPP n’a répondu directement à aucune des recommandations que j’avais présentées pour que l’OPP appuie et aide davantage ses membres, ses anciens membres et leurs familles dans la gestion des blessures de stress opérationnel et la prévention du suicide. Il semble se contenter de louer les efforts existants, plutôt que de prendre tout engagement concret en vue d’améliorations. Le Ministère n’a lui aussi donné aucune réponse de fond à mes recommandations. Il n’a pas proposé de prendre la moindre mesure pour régler les problèmes systémiques que j’ai identifiés à propos des blessures de stress opérationnel et de la prévention du suicide dans le milieu policier.
20 Ce qui est regrettable, c’est que les hommes et les femmes qui risquent leur vie et leur santé dans le feu de l’action paieront le prix d’une telle indifférence.
21 Au printemps de 2010, Bruce Kruger, inspecteur-détective à la retraite de la Police provinciale de l’Ontario, qui était atteint depuis des années par le syndrome de stress post-traumatique, s’est plaint à mon Bureau du manque de formation et de soutien disponibles pour les membres de l’OPP souffrant de problèmes liés au stress du travail de policier.
22 M. Kruger a pris sa retraite de l’OPP en 1999, après presque 30 années de service. J’ai demandé à l’Équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman de faire un examen préliminaire visant à déterminer si la situation décrite par M. Kruger reflétait l’environnement professionnel actuel des membres de l’OPP.
23 À peu près à la même époque, le Toronto Sun a publié une série d’articles sur la lutte que menait M. Kruger contre le syndrome de stress post-traumatique[1]. Ces articles critiquaient vivement l’absence de ressources et de soutien pour les policiers atteints de ce syndrome. Plusieurs associations de la Police provinciale de l’Ontario ont aussi encouragé leurs membres actuellement ou précédemment atteints de SSPT à partager leurs expériences avec nos enquêteurs.
24 Durant notre examen préliminaire de la question, mon Bureau a reçu 34 plaintes et présentations de membres de l’OPP, en service ou à la retraite. Tous ont fait écho aux préoccupations de M. Kruger à propos de l’insuffisance de la sensibilisation, de la formation et de l’éducation au sein de l’organisation relativement aux blessures de stress opérationnel, ainsi que du manque de soutien et de services pertinents pour les policiers qui souffrent de telles blessures. Bien que les services de police municipale ne relèvent pas de mon mandat, 16 policiers municipaux ont également communiqué avec nous pour décrire des problèmes similaires au sein de leurs organismes.
25 D’après les renseignements que nous avons obtenus, j’ai déterminé qu’une enquête systémique s’avérait justifiée.
26 Le 16 mars 2011, j’ai avisé la Police provinciale de l’Ontario et le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels (Ministère responsable des services de police) que j’enquêterais sur la manière dont la Police provinciale de l’Ontario gère administrativement les blessures de stress opérationnel parmi ses membres et sur les processus administratifs du Ministère relatifs à ces blessures au sein des services de police partout en Ontario.
27 Après l’annonce publique de l’enquête, nous avons reçu 48 autres plaintes et présentations de membres de l’OPP, en service actif ou à la retraite, ainsi que 14 plaintes de membres de services de police municipale. Plusieurs familles de policiers ont également communiqué avec nous. Au total, nous avons reçu 111 plaintes et présentations, dont presque trois quarts provenaient de membres de l’OPP.
28 L’enquête a été confiée à une équipe de neuf enquêteurs de l’Équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman et à trois agents de règlement préventif, appuyés par l’avocate principale.
29 L’équipe a effectué 191 entrevues. En plus des 81 plaignants, nous avons interviewé 52 membres du personnel de l’OPP, dont les six chefs d’équipes régionales de l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique, le chef de l’Équipe provinciale d’aide en cas de traumatisme et son adjoint, le psychologue du personnel de l’OPP, la coordonnatrice du Programme d’aide aux employés et des membres du personnel du Bureau de l’avancement professionnel. Nous avons aussi interviewé des policiers de l’Académie de la police provinciale et plusieurs commandants de détachement des régions desservies par l’OPP, de même que des membres du personnel de commandement de trois régions et les commandants du Bureau du soutien aux enquêtes, du Bureau de lutte contre le crime organisé, du Bureau des renseignements criminels – opérations provinciales, et du Bureau des normes professionnelles.
30 En outre, nos enquêteurs ont également interviewé des membres du personnel du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, de celui de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, ainsi que 51 intervenants, dont des fournisseurs de services de santé, des psychologues, des psychiatres, des spécialistes des blessures liées au stress et des groupes d’intérêt. Nos enquêteurs ont aussi communiqué avec des membres du personnel d’autres organismes d’application de la loi, pour savoir comment ils gèrent les blessures de stress opérationnel. Ces organismes comprenaient la Gendarmerie royale du Canada, le Service de police de Toronto, le Los Angeles Police Department, le Service de police de Calgary, le Service de police de Montréal, la Michigan State Police et le New Jersey Department of Law and Public Safety. Nous avons également interviewé le lieutenant-colonel Stéphane Grenier, conseiller en matière de blessures de stress opérationnel auprès du Chef du personnel militaire des Forces canadiennes. Enfin, les enquêteurs ont communiqué avec des membres du personnel des gouvernements de chaque province pour recueillir des renseignements comparatifs sur les services policiers provinciaux et les blessures de stress opérationnel.
31 Nous avons invité les organisations suivantes à nous faire part de leurs commentaires sur les questions examinées dans le cadre de notre enquête : Association de la Police provinciale de l’Ontario, Ontario Provincial Police Veterans’ Association, Police Association of Ontario, Ontario Association of Police Services Boards et Ontario Association of Chiefs of Police. Toutes nous ont répondu, à l’exception de l’Ontario Association of Chiefs of Police.
32 En plus de ce travail d’entrevue, notre équipe d’enquête a examiné 13 classeurs de renseignements de l’OPP ainsi que divers documents remis par le Ministère. Elle a aussi effectué des recherches indépendantes et étudié de nombreux documents externes portant sur les policiers et les blessures de stress opérationnel, dont des études universitaires et des publications très connues dans ce secteur[2]. Enfin, elle a assisté à des conférences sur des thèmes liés à cette enquête[3].
33 Nous avons obtenu une excellente collaboration de la Police provinciale de l’Ontario et du Ministère.
34 Pour évaluer la pertinence des mesures prises par l’OPP et le Ministère afin de gérer les blessures de stress opérationnel chez les policiers, il faut comprendre l’évolution de l’expression « blessures de stress opérationnel ».
35 Les premiers comptes rendus de blessures psychologiques causées par des traumatismes remontent à plusieurs siècles et ils ont généralement été faits dans un contexte de guerre. Historiquement, les militaires ont utilisé des expressions comme traumatisme dû au bombardement, fatigue de la lutte et épuisement au combat. Actuellement, les diagnostics parlent de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et plus généralement de « blessures de stress opérationnel ».
36 C’est dans un contexte militaire que je me suis familiarisé avec les effets du stress opérationnel. À titre d’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, j’ai enquêté et fait rapport sur le traitement systémique des militaires souffrant du syndrome de stress post-traumatique, en 2002[4].
37 Le syndrome de stress post-traumatique résulte d’un ensemble de facteurs environnementaux, psychologiques, biologiques et sociaux. La caractéristique principale du SSPT est l’apparition de symptômes spécifiques après un événement ou des événements où interviennent la mort ou une menace de mort, une blessure grave, ou un danger pour l’intégrité physique de soi ou d’autrui, et une réaction émotionnelle de peur intense, d’impuissance ou d’horreur[5].
38 La réaction émotionnelle à des incidents traumatiques varie en fonction des gens. En cas de traumatisme, beaucoup auront une réaction psychologique mais seule une petite partie sera vraiment frappée de plein fouet par le SSPT.
39 Les effets des blessures peuvent se cumuler en cas d’expositions répétées. Alors qu’un incident traumatique unique peut entraîner immédiatement une réaction de stress, les effets cumulés d’expositions répétées à des blessures ou à des souffrances irréparables peuvent causer un handicap à long terme.
40 Les symptômes de diagnostic du SSPT sont notamment les suivants : les personnes atteintes revivent le traumatisme d’origine par des flash-backs ou des cauchemars, elles évitent les stimuli associés à ce traumatisme et elles sont en proie à une agitation accrue, ayant par exemple des difficultés à s’endormir ou à dormir, des excès de colère et une hypervigilance. Pour qu’un diagnostic de SSPT soit formellement établi, il faut que la personne souffre d’une déficience fonctionnelle importante et de symptômes persistants depuis plus d’un mois.
41 Certains cas de SSPT sont aigus et durent moins de trois mois, mais la plupart sont chroniques – les symptômes subsistant pendant de plus longues périodes. Dans certains cas aussi, l’apparition des symptômes ne se fait que plusieurs mois, voire plusieurs années, après le traumatisme vécu. En outre, les personnes atteintes de SSPT sont plus portées au suicide. Ce syndrome peut être extrêmement débilitant et, bien que de nombreuses victimes se rétablissent après un traitement, une partie d’entre elles continuent d’en ressentir les effets pendant des années.
42 À titre d’Ombudsman militaire, j’ai fait 31 recommandations au commandement des Forces canadiennes en vue d’apporter des améliorations au sein des armées pour ceux qui souffrent de SSPT et pour leurs familles, et de minimiser les risques de maladies mentales associés à la fonction militaire. Quand j’ai repris la question dans mon rapport de suivi en décembre 2002, j’ai adopté l’expression de « blessures de stress opérationnel »[6]. Je l’ai fait parce que les soldats et leurs familles, ainsi que les fournisseurs de soins professionnels, considéraient que le sigle « SSPT » ne reflétait pas tous les symptômes et troubles causés par des traumatismes opérationnels. Et c’est pourquoi « blessures de stress opérationnel » leur semblait plus juste.
43 Ce terme n’est pas un diagnostic médical. Ce sont les militaires qui l’ont créé pour décrire maintes difficultés psychologiques persistantes résultant d’activités exécutées en service – difficultés incluant l’anxiété, la dépression, le syndrome de stress post-traumatique, ainsi que l’alcoolisme et l’accoutumance aux drogues.
44 L’expression « blessures de stress opérationnel » est avant tout une caractérisation culturelle qui vise à indiquer que le cerveau et l’esprit, de même que le corps, peuvent être blessés dans le cadre d’un service opérationnel – la conséquence étant le SSPT ou d’autres symptômes liés au stress. Dans le monde militaire, cette expression est beaucoup plus acceptée que les étiquettes médicales traditionnelles et elle a contribué à déstigmatiser les maladies mentales. En fait, l’armée américaine a demandé à l’American Psychiatric Association de parler du SSPT comme d’un « traumatisme », expliquant que continuer à faire référence à un « syndrome » pourrait dissuader les soldats de se faire traiter[7].
45 L’un des plus grands défis que posent la prévention, l’identification et le traitement des troubles causés par les blessures, dans le secteur militaire, est la réticence des soldats à demander ouvertement de l’aide. Le stigmate sociétal lié à ces maladies souvent cachées se trouve renforcé parmi les militaires, où la force physique et mentale est privilégiée et où règne traditionnellement une culture qui incite à « se taire ». Les soldats craignent souvent que, s’ils en parlent ouvertement, leur carrière et leur crédibilité puissent en souffrir irrévocablement.
46 Comme les soldats, les policiers vivent diverses situations terrifiantes qui mettent leur vie en danger et ils travaillent dans une culture paramilitaire qui valorise la force physique et mentale. C’est pourquoi l’expression « blessures de stress opérationnel » convient bien aussi pour décrire l’ensemble de réactions émotionnelles aux traumatismes dans le secteur policier.
47 Pour comprendre les effets des blessures de stress opérationnel dans le contexte de l’OPP, il est utile de considérer les témoignages directs des policiers de l’OPP qui en ont souffert.
48 Nous avons été contactés par 78 membres, actuels et anciens, de l’OPP qui ont bien voulu partager leurs histoires personnelles à propos des blessures de stress opérationnel. Certains ont combattu les séquelles de blessures psychologiques et ont réussi à revenir à la profession qu’ils aimaient, mais d’autres n’ont pas pu reprendre le travail qui les avait traumatisés. D’autres encore n’ont pleinement senti l’effet cumulé du stress opérationnel qu’une fois partis à la retraite.
49 Nous avons aussi été contactés par des conjointes et ex-conjointes de policiers, qui ont évoqué l’effet dévastateur des blessures de stress opérationnel sur leurs familles. Trop souvent, la détérioration des liens familiaux est l’un des dommages collatéraux causés par les blessures de stress opérationnel.
50 Vu les tabous culturels associés aux blessures psychologiques, il ne faut pas s’étonner que bon nombre des personnes que nous avons interviewées aient hésité à dévoiler leur identité, en particulier les 50 policiers qui sont toujours en service actif à l’OPP. Dans ce rapport, nous avons donc anonymisé les noms de tous les policiers, sauf deux, et utilisé des pseudonymes[8].
51 Nous n’avons pas enquêté sur leurs circonstances personnelles. Mais ces cas présentaient suffisamment d’éléments communs pour nous permettre de faire des constatations générales sur la sensibilisation et les réactions aux blessures de stress opérationnel à l’OPP. Un grand nombre d’interviewés ont fait des suggestions concrètes pour améliorer l’éducation, la formation, le soutien et les services offerts aux membres.
52 Les récits qui suivent ne sont que quelques-uns de ceux que nous avons recueillis auprès de membres actuels et anciens de l’OPP.
53 L’agent Albert est à l’OPP depuis plus de 20 ans. Il est intervenu dans de nombreux incidents critiques, dont certains mortels. Il a souffert de cauchemars, d’attaques d’anxiété, de problèmes de dépression et d’hypervigilance. Il nous a raconté que pendant des années, la mentalité « encaisse et avance » ayant cours à l’OPP l’avait incité à boire avec excès, au lieu de demander de l’aide. Il s’était finalement fait soigner, mais le traitement ciblait son problème de boisson, pas celui de son stress opérationnel sous-jacent.
54 L’agent Albert s’est libéré de ses problèmes d’alcool et il est resté sobre pendant presque 10 ans mais, inévitablement, les symptômes sont revenus. Il s’est retrouvé pris au piège d’un cycle implacable de congés de maladie répétés. Au travail, son rendement a baissé et a été qualifié de médiocre. L’agent Albert a été rétrogradé. Après des années de sobriété, il a recommencé à boire. Très vite, la situation est devenue intenable. Il a cessé de travailler et a plongé dans un état de crise. Ce n’est qu’après avoir été détenu en milieu hospitalier, en vertu de la Loi sur la santé mentale, qu’un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique a finalement été établi pour lui.
55 Mis en congé de maladie de longue durée, l’agent Albert a été séparé de sa famille. Ses anciens collègues l’ont ostracisé, traité comme un paria. Sa demande d’indemnisation à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) a été rejetée car il ne pouvait pas prouver l’existence d’un lien entre son SSPT et son métier.
56 Heureusement, grâce aux efforts d’un commandant de détachement et d’un conseiller en ressources humaines de l’OPP, et avec l’appui de sa famille et sa propre détermination, l’agent Albert a pu retourner au travail.
57 Son épreuve n’est pas terminée. Il continue de travailler au sein d’une culture où, d’après lui, la stigmatisation des blessures de stress opérationnel subsiste. L’agent Albert doit ignorer ceux qui doutent de lui et ceux qui murmurent des remarques. Comme il nous l’a confié :
« On vous rejette. Depuis que j’ai repris le travail, on me fait des commentaires, mais je dois gérer la situation, laisser entrer par une oreille et sortir par l’autre, et tout simplement aller de l’avant. Le personnel est content, en majorité, de me voir de retour et me soutient vraiment, mais il y en a encore qui continuent [de dire] « Ouais, t’es censé avoir un SSPT, c’est ça ». J’entends ces bêtises… dites à voix basse. »
58 L’agent Albert comprend la culture du milieu policier. Il la vit depuis bien des années et il admet qu’il lui a fallu longtemps pour accepter qu’il avait été blessé dans l’exercice de sa profession.
59 Son cas est une histoire de réussite, dans toute la mesure du possible, en ce qui concerne les blessures de stress opérationnel. Il a réussi à faire taire ses démons et à reprendre sa carrière, à laquelle il a tant donné de son temps et de lui-même. Sa femme, qui a partagé ses luttes et a été témoin de ses cauchemars, croit que la police devrait conserver des statistiques pour évaluer le succès des programmes relatifs aux blessures de stress opérationnel. À la suite de leur douloureuse expérience, l’agent Albert et son épouse estiment que des évaluations psychologiques périodiques et obligatoires contribueraient à faire considérer comme normale l’existence des blessures de stress opérationnel au sein de l’OPP. Tous deux souhaiteraient également voir plus de programmes d’éducation, accompagnés de services d’intervention médicale précoce. Selon eux, il faudrait aussi s’efforcer de maintenir régulièrement le contact avec les policiers qui sont en congé pour blessures de stress opérationnel, afin de lutter contre le sentiment d’aliénation dont beaucoup souffrent quand ils sont en incapacité de travail.
60 L’agente Béatrice a longtemps travaillé dans une unité spécialisée pour les victimes de crimes violents, de violence familiale et d’agression sexuelle. Elle aimait passionnément son travail, pourtant très exigeant. Mais un jour, elle s’est portée volontaire pour un cas d’homicide notoire, auquel elle a travaillé intensément pendant deux mois.
61 L’agente Béatrice avait fait l’expérience d’événements effroyables précédemment, mais cette fois les détails étaient particulièrement horribles. Elle n’est pas parvenue à chasser la brutalité des images gravées dans sa mémoire. Elle a commencé à souffrir d’insomnie, de dissociation et d’un sentiment d’accablement. Cette policière, auparavant enthousiaste, qui travaillait d’arrache-pied, s’est mise à prendre fréquemment des congés de maladie. Au travail, trop souvent, elle s’enfermait dans son bureau, en proie aux larmes.
62 Bientôt, l’agente Béatrice s’est trouvée dans l’incapacité de faire ce travail qu’elle avait tant aimé. Elle a pris des congés et a fini à l’hôpital. Ce n’est qu’au plus fort de la crise qu’on lui a conseillé de voir un psychiatre, qui a établi un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique. Elle a été embarrassée, humiliée et a eu un sentiment d’échec. Elle n’a voulu dire à personne pourquoi elle était en arrêt de maladie. Heureusement, dit-elle, elle a bénéficié de traitements qui lui ont sauvé la vie et elle a obtenu des prestations d’indemnisation de la CSPAAT pour ses blessures de stress opérationnel.
63 L’agente Béatrice a pu graduellement reprendre son travail à plein temps, mais pas dans le domaine dans lequel elle excellait. Elle sait trop bien le prix qu’elle a déjà payé pour sa carrière de policière et elle continue de lutter pour maintenir l’équilibre dans sa vie.
64 L’agente Béatrice nous a dit qu’elle était particulièrement frustrée du manque de ressources disponibles pour les policiers comme elle. L’OPP n’avait aucune liste de professionnels de la santé communautaire dotés d’une expérience de telles blessures – liste qui l’aurait aidée à obtenir plus tôt de l’aide, croit-elle. Elle est fermement convaincue que des évaluations psychologiques annuelles devraient être faites pour tous les membres de l’OPP, pas juste dans les unités spécialisées – et qu’il devrait y avoir un forum confidentiel en ligne où les membres de l’OPP pourraient discuter du SSPT. Elle croit aussi que l’OPP devrait conserver des statistiques sur les blessures de stress opérationnel, dans un but de sensibilisation et de déstigmatisation.
65 L’agent Carl a passé plus de 20 ans dans la police, surtout à l’OPP. Il a travaillé dans différents secteurs et a vécu de multiples situations traumatiques. Il a été menacé au couteau et à l’arme à feu, et a vu une jeune fille mourir dans ses bras. Un de ses collègues a été tué, un autre est presque mort après avoir été roué de coups alors qu’il était en service, tandis qu’un troisième s’est suicidé une fois à la retraite. Ayant réussi pendant des années à faire face, à être « un bon flic », l’agent Carl a vu son monde commencer à s’effondrer sous le poids du stress cumulé.
66 Il a cédé à la dépression, a souffert d’attaques de panique et d’insomnie, s’est isolé. Sachant bien quels stigmates sont liés aux maladies mentales dans la culture policière, il a essayé de réprimer ses symptômes. Mais ils sont devenus de plus en plus difficiles à dissimuler. Voici ses mots :
« Imaginez un boulot où, si on vous confisque votre arme à feu, c’est la fin pour vous. Ou même si quelqu’un pense qu’on devrait vous la confisquer, c’est fini. On ne peut pas leur en parler. On doit serrer les dents et tenir le coup aussi longtemps que possible. J’ai cru pouvoir durer et finir ma carrière. Je l’ai vraiment cru. J’ai essayé comme un forcené. J’ai essayé, j’ai pleuré, je me suis inquiété, j’ai été stressé. La vie était un enfer pour moi à la maison… Je pensais sans arrêt : « Je ne peux plus tenir le coup. »
67 Un jour, au travail, il a flanché. Avec l’aide de sa femme, l’agent Carl a cherché une aide médicale. Un syndrome de stress post-traumatique a été diagnostiqué. Comme les autres policiers qui nous ont parlé, l’agent Carl nous a dit qu’il s’est senti isolé – « comme sur une île » – durant son congé de maladie. Il a reçu des prestations d’indemnisation de la CSPAAT jusqu’à sa reprise du travail dans des fonctions aménagées.
68 L’agent Carl a trouvé difficile le processus de retour au travail, qu’il a jugé frustrant et rigide. Il a essayé de bien faire, mais son état de santé s’est détérioré et ses symptômes sont réapparus. Il a dû se remettre en arrêt de maladie. Maintenant, il a repris le travail dans des fonctions adaptées.
69 L’agent Carl croit que l’OPP pourrait aider ses membres souffrant de blessures de stress opérationnel en leur fournissant une liste de psychologues privés, en organisant périodiquement des évaluations psychologiques pour tous, et en instaurant une possibilité d’appel pour ceux qui sont en désaccord avec le processus de retour au travail. Il considère aussi qu’il devrait y avoir plus de formation obligatoire sur les blessures de stress opérationnel pour tous les membres, avec l’appui de pairs qui se sont rétablis de telles blessures, et que le poste de coordonnateur du Programme d’aide aux employés devrait être à plein temps[9]. Il estime que l’OPP devrait conserver des statistiques sur les blessures de stress opérationnel et sur les suicides. Il a suggéré que l’OPP crée un comité pour examiner les enjeux liés aux blessures de stress opérationnel, et tout particulièrement les questions de reprise du travail.
70 L’agent David est à l’OPP depuis plus de 20 ans, mais sa carrière a été assombrie par un événement. Il y a des années de cela, il a tiré sur un homme qui tentait d’abattre deux de ses collègues policiers, et il l’a tué. Après, il a eu des cauchemars et des symptômes d’hypervigilance. Il a aussi dû faire face aux enquêtes internes et externes qui accompagnent de tels incidents, et la famille du défunt lui a intenté des poursuites au civil. Heureusement, grâce à son commandant de détachement qui l’a soutenu dans ses épreuves, l’agent David a pu consulter le psychologue du personnel de l’OPP en compagnie de sa femme, a obtenu un congé de travail et a pu faire une demande d’indemnisation à la CSPAAT.
71 Peu de temps après la fusillade, l’agent David a été référé à un psychologue communautaire qui a établi un syndrome de stress post-traumatique. Mais le traitement a été de courte durée et le policier s’est vite retrouvé au travail, en mode « encaisse et avance ». Les souvenirs de la fusillade ont continué de le hanter, et ses crises de larmes sont devenues incontrôlables. Cette fois, sa réaction a été d’éviter sa famille, de plonger dans le travail et de boire de l’alcool pour amoindrir la souffrance et pour dormir la nuit.
72 Après des années de lutte, il est devenu suicidaire et il a dû être hospitalisé. Il s’est mis en arrêt de maladie de longue durée, a obtenu des prestations d’indemnisation de la CSPAAT et a commencé un traitement. Comme d’autres collègues dans une situation semblable, formés à la culture du milieu policier, il a été embarrassé de souffrir d’une maladie mentale.
73 Beaucoup de ceux qui nous ont parlé nous ont avoué leur frustration vis-à-vis du processus de retour au travail et du manque de postes gratifiants pour les policiers qui se rétablissent de blessures de stress opérationnel. Mais l’agent David a pu reprendre ses fonctions avec succès, dans un poste valorisant. Il croit que l’OPP devrait souligner que les symptômes de stress opérationnel sont tout simplement « des réactions normales à des événements anormaux », et qu’ils devraient être traités tout comme les blessures physiques. D’après son expérience personnelle, l’agent David considère qu’il est très important de confier un travail adapté aux policiers quand ils reprennent leurs fonctions après avoir lutté contre les blessures de stress opérationnel.
74 Nous avons aussi parlé avec des épouses de policiers de l’OPP atteints de blessures de stress opérationnel, et celles-ci nous ont décrit très explicitement les répercussions de l’état mental de l’être aimé sur la conjointe et sur les enfants. L’épouse d’un policier en arrêt de maladie pour SSPT a dû prendre des antidépresseurs pour gérer la mauvaise passe que traversait son mari. Parlant de la vie avec son mari, une autre a dit : « C’était comme plonger du chaos dans la déraison et la folie. Durant tout cet été, d’une minute à l’autre, on ne savait jamais ce qui allait se passer. »
75 Certains policiers ont dit que, tenaillés par leurs souffrances, ils s’étaient souvent éloignés de leurs familles, les laissant désemparées et sans soutien. L’un d’eux a déclaré ceci :
« Ma famille a beaucoup encaissé à cause de ma colère et de ma maladie… Quand j’étais en colère ou mal dans ma peau, je criais après eux. Je blâmais ma femme pour tout… Je transférais le stress mental à ma famille. Ils devaient me soutenir, et tous mes comportements [à la maison] retombaient sur eux. Après, je partais au travail, je mettais mon uniforme, je jouais le jeu et je prétendais que tout allait bien, je continuais et je prenais garde que personne ne sache. »
76 L’une des caractéristiques des blessures de stress opérationnel est qu’elles peuvent apparaître bien longtemps après les événements traumatiques qui les ont causées. Quand des policiers vivent un changement de vie, par exemple quand ils partent en retraite, des blessures de stress opérationnel peuvent souvent apparaître. Malheureusement, une fois qu’ils ont quitté le service, les retraités ont un accès restreint aux services de soutien dont bénéficient les membres actifs.
77 Douze des 28 policiers retraités de l’OPP à qui nous avons parlé nous ont dit qu’ils continuaient d’avoir des problèmes de blessures de stress opérationnel. L’un d’eux nous a expliqué qu’il avait encore des flash-backs d’un terrible accident d’avion survenu en 1970 :
Nous sommes en 2010, et j’ai des flash-backs de corps qui semblent avoir été déchiquetés par un broyeur de bois. Un morceau de visage qui semblait avoir été découpé chirurgicalement… et une chaussette de bébé, avec un petit pied encore dedans.
78 Un autre policier retraité nous a dit qu’il n’avait jamais eu aucun problème jusqu’à son départ à la retraite mais que, depuis, il souffrait régulièrement de cauchemars et d’autres symptômes de stress opérationnel.
79 Nous avons recueilli des témoignages émouvants de nombreux policiers retraités qui avaient travaillé à une époque où il existait peu ou pas de programmes de formation ou de soutien pour les blessures de stress opérationnel et qui doivent maintenant lutter seuls contre les conséquences de leur métier.
80 L’un d’eux – Bruce Kruger – s’est exprimé haut et fort sur les besoins des policiers retraités. Son histoire illustre les dommages qui peuvent survenir quand des policiers sont laissés seuls aux prises avec des souffrances psychologiques survenues en service actif.
81 Après presque 30 ans de service, l’inspecteur-détective Bruce C. Kruger a pris sa retraite de l’OPP le 31 décembre 1999. Tout au long de sa carrière remarquable, Bruce Kruger a occupé divers postes de haut niveau, dont celui de coordonnateur provincial de l’Unité tactique et de secours et celui de commandant de détachement. Il est médaillé de la Police de l’Ontario et a reçu la Médaille de la bravoure du Canada, deux citations pour bravoure du commissaire, ainsi que d’autres certificats de mérite et éloges.
82 Tout au long des années, l’inspecteur-détective retraité Kruger a beaucoup sacrifié pour le travail qu’il aimait tant. À une époque, il a dû prendre un congé de maladie de plus d’un an pour subir quatre opérations afin de retrouver l’usage de l’épaule droite, après avoir été blessé alors qu’il tentait d’arrêter un délinquant sexuel. Il y a aussi eu un épisode où un vendeur de drogues qui voulait se venger a détruit le bateau de Bruce Kruger. À quoi sont venus s’ajouter les blessures invisibles, la dépression, les excès de boisson, les flash-backs et la rage qui s’emparait de lui – et par extension de sa famille – tout au long de ces décennies.
83 Bruce Kruger a eu plus que sa part d’incidents traumatiques, dont des suicides, des décès d’enfants, d’horribles collisions de véhicules et des agressions sexuelles. Mais certains événements l’ont particulièrement marqué et sont restés en lui, provoquant des cauchemars.
84 En 1977, il a été obligé d’abattre par balle un homme qui s’était échappé d’un pénitencier et qui s’apprêtait à tirer sur un policier débutant, coincé dans une voiture de police.
85 À l’été de 1980, il a repêché deux cadavres d’un lac. L’événement l’a particulièrement bouleversé, car il connaissait personnellement les victimes. L’une d’elles, un petit garçon de six ans, était le camarade de jeu de son fils, et l’autre était le père de cet enfant, mort pour avoir désespérément tenté de sauver son fils unique. Depuis, l’image du visage de ce petit garçon saisi par la mort n’a cessé de hanter Bruce Kruger.
86 En janvier 1981, il a découvert avec horreur le corps d’un ami et agent de l’OPP, âgé de 35 ans, gelé dans la neige, avec trois balles entre les yeux.
87 À l’époque, il n’y avait pas d’équipe de gestion en cas d’incident critique, pas de services de counseling, pas de soutien. Bruce Kruger a dû faire face tout seul à ses réactions émotionnelles au stress opérationnel.
88 Dans les années 1980, l’OPP a commencé à faire appel aux pairs, de manière informelle, pour apporter un soutien aux policiers. Mais dans le cas de Bruce Kruger, ce soutien par les pairs s’est résumé à une tasse de café et à une conversation d’une demi-heure pour « vider son sac », et le conseil qu’il a reçu a été de ne rien dire, car parler de ses problèmes émotionnels nuirait à sa promotion.
89 En l’absence de traitement, ses blessures de stress opérationnel se sont envenimées. Quand l’OPP a mis formellement en place des programmes de gestion des crises, il a tenté de s’y inscrire, mais sans succès – dans son cas, les incidents remontaient à une période trop ancienne. Il a reçu une aide, mais trop minime, et trop tardive. En 1997, il a suivi un séminaire de gestion du stress et en 1998, alors que la pression continuait de monter en lui, ses supérieurs lui ont enjoint de suivre un cours sur la maîtrise de la colère. Mais quand il a pris sa retraite en 1999, Bruce Kruger souffrait cruellement de blessures de stress opérationnel non traitées.
90 À plusieurs reprises, il a tenté d’obtenir de l’aide dans le cadre du programme externe d’aide aux employés de l’OPP. Mais ses demandes ont été rejetées car ce programme ne vient en aide aux policiers que durant les trois mois suivant leur départ à la retraite. Finalement, il a pu consulter un psychiatre, mais l’effet cumulé de ses années d’activités policières a continué de se faire sentir. Les administrateurs de l’OPP à qui il s’est adressé lui ont fait savoir qu’ils ne pouvaient pas faire grand-chose car il était retraité mais, en 2009, ils l’ont aidé à présenter une demande à la CSPAAT.
91 En décembre 2008, Bruce Kruger a envoyé une lettre personnelle au commissaire de l’OPP, pour raconter son histoire et préconiser un changement dans la manière dont l’OPP appuie les policiers atteints de blessures de stress opérationnel, qu’ils soient en service actif ou à la retraite. Il n’a reçu aucune réponse.
92 Un an plus tard, il s’est plaint à notre Bureau que l’OPP ne lui avait pas répondu. En janvier 2010, l’OPP a avisé notre Bureau que son silence était dû à une inattention. Après avoir accusé réception de sa lettre, l’OPP lui a formellement répondu en mars 2010. Mais après tout ce temps, il a simplement obtenu une liste de faits à propos du SSPT et une explication indiquant que l’OPP ne sait rien des renseignements confidentiels sur le nombre de policiers souffrant de ce problème, mais offre à ses membres des programmes d’éducation ainsi qu’un soutien en cas d’incident critique. Cette lettre le renvoyait aussi à l’Association de la Police provinciale de l’Ontario, pour des renseignements sur sa stratégie d’information sur le soutien offert aux membres.
93 Déplorant ce qui était à son avis un rejet de l’administration, Bruce Kruger s’est de nouveau adressé à notre Bureau au printemps de 2010 mais, cette fois, il a aussi communiqué avec les médias. Le Toronto Sun a consacré une série d’articles à son histoire, faisant ressortir les liens entre les blessures de stress opérationnel et le métier de policier[10].
94 Finalement, Bruce Kruger a pu obtenir une aide adaptée à ses besoins de policier. Ce n’est pas l’OPP qui l’a aidé, mais les Forces canadiennes. Après s’être adressé à celles-ci en août 2009, il a obtenu les coordonnées de plusieurs contacts utiles qui l’ont mené au Homewood Health Centre, où il a été traité pour le SSPT.
95 Quand il a communiqué avec notre Bureau au printemps de 2010, Bruce Kruger a exprimé son amère frustration face au manque de renseignements et de soutien offerts aux policiers de l’OPP atteints de blessures de stress opérationnel. Son objectif est maintenant l’éradication du SSPT au sein de la police, grâce à des programmes proactifs de formation et de soutien, ainsi qu’à une aide adéquate pour les policiers retraités qui souffrent de blessures de stress opérationnel.
96 Après 22 ans de service, le sergent Douglas Marshall s’est suicidé durant notre enquête, le 10 avril 2012, à l’âge de 45 ans – laissant derrière lui sa famille anéantie, sa femme Rachael ainsi que son fils et sa fille, tous deux adolescents. Deux mois après son décès, nous nous sommes entretenus avec sa veuve et la sœur de celle-ci à propos de la lutte qu’il avait menée contre le SSPT. Rachael nous a expliqué qu’à l’été de 2011, son mari avait dû répondre à une série d’appels traumatiques, dont le suicide d’un jeune adulte, le décès d’un enfant de quatre ans et la mort d’un policier municipal retraité qui s’était noyé en tentant de sauver une vie. Le sergent Douglas Marshall avait dû choisir l’un de ces incidents en tant qu’élément déclencheur de ces problèmes, à des fins d’assurance contre les accidents du travail, mais Rachael nous a dit que c’était l’effet cumulé de tous, venant s’ajouter à de multiples incidents traumatiques antérieurs, qui avait fait basculer son mari. Longtemps connu pour sa forte personnalité et son engagement envers sa profession, sa famille, son bénévolat et son amour du sport, le sergent Marshall en était arrivé à se désintéresser de tout. Il ne pouvait plus faire face. Il souffrait d’insomnies et de cauchemars.
97 À la mi-septembre, comprenant qu’il se trouvait en difficulté, le sergent Marshall a pris quelques jours de congé, mais son agitation, sa frustration et ses insomnies ont persisté. Il cédait à d’étranges impulsions, réveillant par exemple son fils au beau milieu de la nuit pour lui poser des questions à propos de sa partie de hockey et pour lui demander s’il avait besoin d’être conduit à l’école le lendemain. Grand amateur de course à pied, il n’avait pas participé au marathon annuel Terry Fox pour la première fois en six ans.
98 Peu de temps après, le sergent Marshall a été hospitalisé, après avoir fait un appel d’urgence à la police pour dire qu’il était très inquiet de la santé de sa mère. Il a commencé à avoir des flash-backs de crises anciennes, notamment de la première fois où il avait été mêlé à une attaque au couteau alors qu’il était jeune policier et d’une quasi-noyade quand il était réserviste dans l’armée.
99 Finalement, un diagnostic de SSPT a été prononcé et le sergent Marshall a été admis dans un programme spécialisé au Homewood Health Centre en octobre 2011. Selon sa famille, les efforts faits par l’association de police et par ses collègues policiers l’ont aidé à s’en sortir – ceux-ci allant par exemple le chercher en voiture à Homewood pour qu’il puisse passer les fins de semaine en famille, puis le reconduisant pour son traitement. Le sergent Marshall est sorti de Homewood le 21 décembre et s’est préparé à reprendre son service. Le 16 janvier 2012, il a repris graduellement le travail au détachement du Sud de la baie Georgienne, dans des fonctions aménagées. Deux semaines après, les autorités lui ont rendu son arme à feu.
100 Rachael Marshall nous a dit que son mari avait voulu reprendre le travail rapidement pour tenter de paraître normal et pour éviter la stigmatisation qu’il craignait de la part de ses collègues, en raison de son SSPT. Le sergent Marshall connaissait bien la culture du milieu policier et il s’inquiétait des réactions qu’auraient ses collègues s’ils apprenaient de quoi il souffrait. Sa femme pense qu’il a voulu prétendre que tout allait bien pour reprendre son service avant d’être complètement guéri.
101 Durant la fin de semaine de Pâques, en avril 2012, le sergent Marshall s’est montré agité et sa famille l’a encouragé à obtenir de nouveau une aide médicale. Le mardi suivant, il était de nouveau au travail. Là, il s’est servi de son arme de service pour mettre fin à sa vie.
102 Plus de 300 policiers ont pris part aux funérailles du sergent Marshall et beaucoup, dont de hauts dirigeants de l’OPP, ont offert leur soutien à sa famille.
103 Rachael et les siens croient qu’il est important de parler ouvertement du suicide de Doug, pour bien montrer qu’il n’y a rien de honteux, rien d’embarrassant, associé à cet acte final d’une vie consacrée à sauver et à protéger les autres. Elle a encouragé l’OPP à reconnaître dans ses communications internes que Doug s’était tué.
104 L’un des collègues du sergent Marshall a commencé une campagne de ruban à sa mémoire, recueillant des fonds pour la PTSD Association of Canada. L’American Law Enforcement Memorial Run a créé un hommage posthume au nom du sergent Marshall.
105 Rachael Marshall est bien déterminée à donner un sens au décès de son mari. Elle reconnaît et apprécie le soutien que lui et sa famille ont reçu des policiers de l’OPP, mais elle considère que des améliorations sont à apporter dans certains domaines.
106 Par exemple, une fois que le sergent Marshall a fini son traitement, sa famille n’a plus reçu aucune aide, ni aucun soutien, pour trouver pour lui un psychologue ou un psychiatre qui puisse continuer à faire un suivi. Les listes d’attente chez les psychologues et les psychiatres étaient longues et la priorité était donnée aux personnes qui avaient instamment besoin d’assistance. Comme Doug avait déjà été soigné, il n’était plus considéré comme hautement à risque.
107 Certes, la famille a bénéficié d’un certain soutien pendant que Doug était hospitalisé, et immédiatement après son suicide, et le personnel du détachement et les aumôniers de l’OPP ont régulièrement appelé au téléphone et fait des visites, mais il n’y a eu aucun soutien préventif ou post-traitement. Le psychologue du personnel de l’OPP a rencontré Doug et Rachael pendant son hospitalisation. Mais avant, quand Rachael l’a appelé pour lui faire part de ses inquiétudes à propos des comportements de son mari, il lui a répondu qu’aucune intervention n’était possible car rien de mal n’était arrivé.
108 La famille Marshall croit qu’il devrait y avoir plus de cliniciens internes à l’OPP pour aider les policiers et leurs familles, ainsi que plus de programmes d’éducation et de formation sur les blessures de stress opérationnel. Elle considère aussi que les policiers devraient obligatoirement participer à des rencontres avec des conseillers tous les deux ou trois ans. À son avis, le processus de retour au travail devrait être amélioré et la reprise des fonctions devrait être plus graduelle, pour tous les policiers souffrant de SSPT – quelle que soit la gravité du syndrome – afin d’atténuer la stigmatisation des arrêts de maladie. Elle a recommandé que le protocole de retour au travail comprenne une aide pour trouver des services médicaux communautaires, un counseling obligatoire à des intervalles de trois et six mois, avec la participation des membres de la famille, ainsi qu’une évaluation psychologique avant que les autorités ne redonnent leur arme de service aux policiers. Elle a aussi préconisé qu’un policier dûment formé et un psychologue participent à l’élaboration des plans de retour au travail.
109 Le sergent Marshall est loin d’être le seul policier de l’OPP à s’être suicidé. Bien sûr, les suicides peuvent résulter de multiples facteurs qui n’ont rien à voir avec la vie professionnelle, mais étant donné le lien entre les blessures de stress opérationnel – et surtout le SSPT – et les risques de suicide, il est important de considérer les faits connus sur les circonstances des suicides à l’OPP.
110 Depuis quelques années, à la demande de son commandant de bureau, le psychologue du personnel de l’OPP conserve des statistiques informelles sur les suicides de policiers actuellement ou anciennement au service de l’OPP. Ce psychologue a obtenu des données historiques sur les décès avant 2006 auprès de l’Association de la Police provinciale de l’Ontario. De janvier 1989 à mai 2012, il y a eu 23 suicides, dont 16 parmi les policiers en service et sept parmi les policiers à la retraite. Tous les suicidés, à l’exception de deux, étaient des hommes. Deux se sont pendus, trois sont morts d’une surdose de médicaments, un s’est empoisonné au dioxyde de carbone, et un s’est précipité dans le vide, tandis que 13 se sont tués par balle (la méthode de suicide des trois autres reste inconnue). Le tableau suivant a été préparé à partir de renseignements communiqués par le psychologue du personnel et de données recueillies dans les rapports de presse.
Tableau 1 : Analyse des suicides à la Police provinciale de l’Ontario, 1989‑2012
Année |
Âge |
À la retraite |
Méthode |
Autre |
1989 |
40 |
Non |
Arme à feu |
|
1989 |
38 |
Non |
Arme à feu |
|
1989 |
55 |
Oui |
Arme à feu |
|
1990 |
31 |
Non |
Arme à feu |
|
1994 |
78 |
Oui |
Arme à feu |
|
1996 |
42 |
Non |
Arme à feu |
|
1996 |
54 |
Non |
Arme à feu |
|
1996 |
48 |
Non |
Inconnue |
|
1996 |
44 |
Non |
Surdose de médicaments |
|
2000 |
65 |
Oui |
Arme à feu |
|
2002 |
51 |
Non |
Arme à feu |
|
2003 |
73 |
Oui |
Arme à feu |
|
2004 |
45 |
Non |
Surdose de médicaments |
Intervention de l’équipe de gestion du stress en cas d’incident critique |
2005 |
88 |
Oui |
Saut dans le vide |
|
2005 |
58 |
Oui |
Arme à feu |
|
2006 |
37 |
Non |
Arme à feu |
Intervention de l’équipe de gestion du stress en cas d’incident critique |
2008 |
Inconnu |
Non |
Surdose de médicaments |
Intervention de l’équipe de gestion du stress en cas d’incident critique |
2010 |
38* |
Non |
Empoisonnement au CO2 |
Problèmes de santé préexistants |
2011 |
65* |
Oui |
Inconnue |
|
2011 |
60* |
Non |
Pendaison |
Accusations criminelles portées contre le policier* |
2011 |
46* |
Non |
Pendaison |
Accusations criminelles portées contre le policier* |
2012 |
45 |
Non |
Arme à feu |
Traité pour SSPT, était en train de reprendre le travail |
2012 |
48* |
Non |
Inconnue |
|
Source : Psychologue du personnel de l’OPP et rapports de presse
*Selon des rapports de presse
111 Le psychologue du personnel de l’OPP nous a dit que les suicides parmi les policiers de l’OPP « devenaient de plus en plus graves ». Il a estimé à 12 pour 100 000 le taux approximatif de suicides à l’OPP. Il a souligné que ce chiffre est bas comparé à la population masculine générale âgée de 20 à 55 ans, dont le taux de suicide se situe entre 17 et 21 pour 100 000. Mais il a aussi précisé que la comparaison n’était pas forcément pertinente car la population générale comprend un large éventail de gens vulnérables, allant des chômeurs aux prisonniers en passant par les handicapés physiques ou mentaux – alors que les policiers sont présélectionnés par des examens physiques et psychologiques lors de leur recrutement.
112 Le taux de suicide à l’OPP est aussi relativement haut quand on considère le risque de décès en service pour d’autres causes, comme celui des fusillades qui se situe à environ 3 pour 100 000 selon le psychologue du personnel. Mais il est inférieur à celui de toutes les morts accidentelles à l’OPP, qui est de 20 à 22 pour 100 000. Durant cette même période de 1989 à 2012, 21 policiers de l’OPP ont été tués en service : 14 sont morts dans des accidents de véhicules motorisés, deux ont été frappés par des véhicules motorisés, trois ont été abattus par balle, un a été poignardé et un autre a fait une crise cardiaque alors qu’il enquêtait sur un accident de véhicule.
113 Statistiquement, il est plus probable pour un policier de l’OPP de se suicider que d’être tué en service par un agresseur. Il est aussi fort probable qu’un policier utilise une arme à feu pour accomplir cet acte.
114 Le psychologue du personnel de l’OPP nous a avisés que les deux policiers en service actif qui s’étaient pendus en 2011 n’avaient plus leur arme à feu, qui leur avait été confisquée par l’OPP. Tous deux faisaient face à des accusations criminelles et d’inconduite en vertu de la Loi sur les services policiers.
115 La compréhension des blessures de stress opérationnel et la sensibilisation à ce problème dans la police ont évolué au cours des dernières années, mais la question n’échappe pas à la controverse. Avant d’explorer les particularités des programmes qui existent maintenant à l’OPP, il est utile de considérer les recherches existantes sur la prévalence et l’effet des blessures de stress opérationnel dans le milieu policier et de voir comment les autres services de police réagissent face à ces questions.
116 Les recherches sur l’incidence du syndrome de stress post-traumatique et des autres troubles liés au stress dans la profession de policier, tout comme celles sur les risques de suicide, sont équivoques. Il n’y a pas de consensus quant à savoir si les policiers courent plus de risques de blessures de stress opérationnel ou de suicide que les gens qui font d’autres métiers. De plus, les taux de suicide signalés varient grandement selon les services de police, les régions et les pays[11].
117 Le psychologue John M. Violanti défend fermement l’hypothèse voulant que la profession de policier soit dangereuse sur le plan psychologique et que le personnel des forces du maintien de l’ordre soit plus exposé que le commun des mortels aux risques de suicide. Selon lui, la police dans son ensemble est un groupe professionnel en santé, testé psychologiquement, qui devrait avoir un taux relativement bas de suicides. Il explique que les études qui comparent le taux de suicide chez les policiers à celui de l’ensemble de la population peuvent donner des résultats inexacts[12]. Le Dr Hans Toch partage ces opinions sur les risques pour les policiers. Selon des études qu’il a effectuées dans deux services de police en 2001, le Dr Toch affirme que la profession de policier est psychologiquement la plus dangereuse au monde – les données indiquant « des taux de mortalité légèrement supérieurs aux prévisions pour des maladies allant des troubles cardiaques au cancer » et montrant les multiples conséquences du stress : taux plus élevés de divorce, discordes conjugales, perturbations de la vie familiale, alcoolisme, suicides, angoisses face au rendement, besoins de se dépasser, absentéisme, détachement émotionnel et syndrome de stress post-traumatique[13].
118 En 2009, John M. Violanti et Andrew F. O’Hara ont signalé qu’il y avait eu approximativement 141 suicides, ainsi que sept meurtres-suicides, parmi les policiers aux États-Unis en 2008[14]. Ils ont conclu que les policiers de 35 à 39 ans et ceux qui comptaient de 10 à 14 ans de service étaient les plus exposés aux risques de suicide. De plus, les suicides étaient prévalents chez les policiers de moindre rang (88,7 % en dessous du grade de sergent) et utilisant des armes à feu (96,1 %). Voici certaines autres caractéristiques qu’ils ont étudiées à propos des suicides chez les policiers :
-
Les indicateurs comportementaux liés au suicide n’ont pas été détectés.
-
Le suicide a été attribué à des problèmes personnels.
-
Le suicide a été interprété comme surprenant, ou sans signes avant-coureurs manifestes.
-
La victime faisait face à des accusations criminelles.
-
La victime faisait face à une enquête du département.
119 Les auteurs ont observé que 64 % des policiers suicidaires n’avaient pas montré de signes ou de symptômes apparents de détresse avant de s’enlever la vie, et ils ont suggéré que ceci reflétait une sous-culture où les policiers « éprouvent le besoin de masquer tout signe de détresse psychologique par crainte d’être vus comme faisant preuve de “mollesse” ou de “faiblesse”[15] ».
120 Un groupe de travail du New Jersey est arrivé à des conclusions similaires dans son rapport sur le suicide, publié en 2009, indiquant que le stress dans les forces du maintien de l’ordre (y compris dans les services des établissements correctionnels) et le port d’armes à feu exposent les agents à un taux de suicide supérieur à la moyenne[16]. En voici un extrait :
« Un certain nombre de facteurs potentiels de risque sont propres au secteur du maintien de l’ordre. Les agents du maintien de l’ordre sont régulièrement exposés à des événements traumatiques et stressants. De plus, ils travaillent de longues heures, irrégulièrement, ce qui peut les isoler des membres de leurs familles. Les perceptions négatives des agents du maintien de l’ordre et le mécontentement face au système de justice pénale jouent aussi un rôle dans l’apparition de cynisme et de désespoir chez certains policiers. Une culture qui privilégie la force et le contrôle peut dissuader les policiers de reconnaître qu’ils ont besoin d’aide[17]».
121 Le groupe de travail a signalé qu’une étude sur les policiers du New York City Police Department avait montré que 94 % des suicides avaient été commis à l’aide d’une arme de service. Parmi les suicides étudiés par le groupe au sein des agents du maintien de l’ordre au New Jersey, plus de 80 % des suicidés avaient utilisé une arme à feu, contre seulement un tiers environ chez les suicidés de la population du même âge dans ce même État. De plus, presque un tiers des 55 suicides parmi les agents du maintien de l’ordre, de 2003 à 2007, ont eu lieu chez des policiers à la retraite ou en congé d’invalidité. Le groupe de travail a fait plusieurs suggestions d’amélioration, proposant entre autres que des renseignements sur les ressources locales de santé mentale soient communiqués aux membres – ainsi qu’aux policiers à la retraite ou en congé d’invalidité.
122 Les études sur la mortalité des policiers montrent aussi apparemment qu’ils souffrent davantage de maladies liées au stress que l’ensemble de la population, avec des taux élevés de cardiopathie de type artériosclérose, de cancer, de suicide et d’homicide[18]. L’exposition aux blessures chez les policiers a été rattachée à des problèmes du système cardio-vasculaire et du système endocrinien, et associée aux abus d’alcool, à la violence et la discorde familiales, et à l’absentéisme[19]. Une étude scientifique auprès de 464 policiers du Buffalo Police Department, faite sur une période de cinq années, a été achevée en juillet 2012. Elle a conclu que le stress psychologique quotidien des policiers en exercice les expose à de beaucoup plus grands risques que l’ensemble de la population en ce qui concerne de multiples effets sur la santé physique et mentale à long terme. Ainsi, le travail par quarts contribue à une augmentation du syndrome métabolique, ensemble de symptômes qui incluent l’obésité abdominale, l’hypertension, la résistance à l’insuline, le diabète de type 2 et les accidents vasculaires cérébraux. L’étude a aussi conclu que les policiers risquaient davantage de contracter le lymphome d’Hodgkin et un cancer du cerveau après 30 ans de service, et elle a montré que les taux de suicide étaient plus de huit fois supérieurs chez les policiers en service actif que chez les policiers retraités ou ceux qui avaient quitté la profession[20].
123 The Badge of Life, groupe de policiers en service actif ou à la retraite, de professionnels de la santé et de familles de policiers qui se sont suicidés aux États-Unis et au Canada, cite cette « triste vérité » sur son site Web :
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Policiers morts par suicide en 2011 : 147
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Policiers morts par le tir d’une arme à feu en 2011 : 65
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Policiers atteints de symptômes de SSPT aux États-Unis (est.) : 135 000
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Pour chaque suicide chez les policiers, près de 1 000 policiers continuent de travailler alors qu’ils souffrent des douloureux symptômes du SSPT[21].
124 Toutefois, plusieurs études ont suggéré que les risques psychologiques inhérents au milieu policier n’étaient nullement supérieurs à ceux rencontrés dans les autres professions.
125 En 2003, se fondant sur des analyses statistiques, le psychologue américain Stephen F. Curran a conclu que le personnel du maintien de l’ordre avait 26 % moins de probabilités de se suicider (données ajustées pour refléter un profil démographique similaire), était psychologiquement en santé et avait un taux d’alcoolisme et de divorce faible comparé à l’ensemble de la population[22]. Mais d’autres analystes affirment que les taux réels de suicide chez les policiers pourraient être supérieurs à ceux qui sont déclarés, car les suicides sont cachés et classés comme des accidents ou des décès attribués à d’autres causes. Toutefois, certains soulignent que cette motivation à cacher les suicides s’applique à l’ensemble de la population et qu’aucune preuve scientifique ne laisse présumer que la sous-déclaration des suicides soit plus fréquente parmi les policiers[23].
126 Certaines études ont aussi montré que le taux de SSPT chez les policiers qui ont pris part à des fusillades aux États-Unis est seulement de 4 à 14 %, comparativement aux anciens combattants des forces militaires, où le taux de SSPT est d’environ 30 %[24]. D’autres chercheurs ont conclu que les policiers qui ont pris part à des fusillades réagissent généralement bien, ne souffrent pas de taux élevés de SSPT[25] et que, quand les statistiques sont ajustées en fonction des profils démographiques, leur taux de suicide est en fait inférieur aux prévisions[26].
127 Les renseignements statistiques disponibles au Canada restent limités et, jusqu’à présent, aucune recherche n’a montré de lien direct entre le métier de policier et une augmentation du risque de blessures de stress opérationnel ou de suicide. Une étude réalisée au Québec en l’an 2000 au sein de la police a conclu que le taux de suicide parmi les policiers hommes équivalait à celui de l’ensemble de la population[27]. De même, un article paru en 2004 a montré que des études faites en 1986, 1996 et 2003 par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avaient conclu que, la plupart des années, le taux de suicide chez ses membres était inférieur à celui de l’ensemble de la population[28].
128 Mais apparemment, la GRC – qui est le plus important corps de police au Canada, avec 19 000 membres réguliers – a connu une hausse fulgurante du nombre de demandes liées au syndrome de stress post-traumatique. En 2007-2008, le nombre de ces demandes à la GRC était de 162 – contre tout juste 10 en 1999-2000. En 2011, ce total avait presque doublé[29].
129 Le Service de police de Toronto, qui compte presque 10 000 membres et bénévoles, a effectué un certain nombre d’évaluations sur leur santé et leur bien-être. En 2003, il a évalué les besoins en données probantes sur la santé de tout son personnel, en examinant les tendances des prestations d’assurance-maladie pour les problèmes de santé, d’usage de médicaments et d’absentéisme. En 2004, ce service a organisé des essais cliniques facultatifs et confidentiels pour le diabète, l’hypertension, la glycémie et le cholestérol. En 2006, il a fait appel à un organisme pour procéder à une évaluation volontaire des risques de santé à l’échelle de tout le service, sous forme d’un sondage confidentiel en ligne. Il a aussi organisé des séances d’information sur la santé dans les unités dont le « score-santé » était inférieur aux résultats acceptables. Une étude sur les maladies cardio-métaboliques a confirmé que certains policiers souffraient de maladies chroniques liées au stress professionnel, au travail par quarts et à une mauvaise alimentation. Des dépistages confidentiels ont eu lieu et le service a offert des programmes de remise en forme physique, de retour à la santé et de gestion de la fatigue pour remédier à ces problèmes[30].
130 Une étude faite en 2010 sur l’Unité des enquêtes criminelles du Service de police d’Ottawa a indiqué que 52 % des policiers déclaraient de hauts niveaux de « surcharge de travail ». L’étude a aussi constaté des niveaux relativement élevés de stress professionnel (47 %), résultat troublant en raison des liens serrés qui existent entre le stress professionnel et l’épuisement, l’absentéisme et le recours aux médicaments sur ordonnance. Les chercheurs ont souligné qu’un policier sur trois s’était absenté du travail au cours des six derniers mois en raison de fatigue émotionnelle ou physique, et qu’un pourcentage important disait souffrir de problèmes de santé mentale et physique. Environ 33 % des participants à l’étude avaient des niveaux élevés d’humeur dépressive et couraient de grands risques d’épuisement, tandis que la moitié disaient souffrir fréquemment de maux de tête, de douleurs au dos, d’insomnie et de fatigue extrême à la fin de leur journée de travail[31].
131 L’étude d’Ottawa a conclu que très peu d’employés de l’Unité des enquêtes criminelles avaient une opinion positive de la culture de l’organisation :
Les données montrent que les attitudes suivantes sont couramment perçues comme des normes à suivre :
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encaisse et fais ton boulot;
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il faut donner le travail à ceux qui le prennent à cœur (plus on prend le travail à cœur, et plus on en a à faire);
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l’urgent prend le pas sur l’important (les délais sont critiques pour tout, et tout est hautement prioritaire);
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l’objectif, c’est le travail, pas les gens;
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le milieu de travail est cloisonné (on ne travaille pas en équipe).
«… [Un] répondant sur trois avait recours à des stratégies qui risquaient d’empirer la situation [au lieu de] l’améliorer. Plus précisément, ils s’efforçaient de réduire l’impact émotionnel et physique du stress soit en buvant (15 % des membres de l’échantillon buvaient fréquemment et buvaient avec excès des alcools, des bières et du vin pour faire face au stress) soit en réduisant leurs heures de sommeil – espérant ainsi avoir plus de temps durant la journée pour s’acquitter de toutes leurs obligations. Plus de la moitié des répondants géraient la situation en réduisant leur durée de sommeil[32].»
132 Le 24 mai 2012, le gouvernement de l’Alberta est devenu le premier au Canada à présenter un projet de loi visant à instaurer la présomption du droit à une indemnisation professionnelle pour les premiers intervenants d’urgence atteints de SSPT (Projet de loi 1, Workers’ Compensation Amendment Act, 2012)[33]. La Police Association of Ontario considère que les blessures de stress opérationnel représentent un important problème pour les policiers de la province. En 2009, elle a préconisé l’adoption de lois présomptives pour fournir automatiquement une couverture d’assurance aux policiers souffrant de SSPT, par le biais de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) de l’Ontario.
133 La CSPAAT gère le régime d’assurance professionnelle sans égard à la responsabilité, pour les employeurs et leurs employés, en Ontario. Dans le cadre de ce régime, cet organisme accorde des prestations d’invalidité, surveille la qualité des soins de santé et contribue au retour rapide et sécuritaire au travail pour les employés atteints de blessures ou de maladies professionnelles. La CSPAAT est complètement financée par les primes des employeurs. Les employeurs de l’Annexe 1 versent une prime annuelle qui fait partie de l’assurance de responsabilité collective. Toutefois, certains employeurs de l’Annexe 2 dont le financement provient des fonds publics et dont les lois et la réglementation relèvent du gouvernement fédéral (comme l’OPP) sont individuellement responsables du coût intégral des demandes d’indemnisation présentées par les policiers.
134 La question du droit à une indemnisation en vertu de la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario peut s’avérer épineuse pour les policiers souffrant de blessures de stress opérationnel, car certains cas peuvent ne pas cadrer complètement dans les limites de la politique de stress mental traumatique de la CSPAAT.
135 Avant 1998, il n’existait aucune disposition législative sur le « stress » en tant que source de blessure. Mais le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail avait développé une jurisprudence permettant aux travailleurs d’être indemnisés pour les invalidités liées au stress, comme pour toute autre blessure en milieu de travail. La portée de l’indemnisation a été restreinte en 1998, quand la loi a été modifiée pour stipuler qu’il n’y aurait indemnisation qu’en cas de blessure mentale résultant d’une réaction aiguë à un événement traumatique soudain et inattendu.
136 Actuellement, pour avoir droit à une indemnisation dans le cadre de l’assurance en Ontario, un policier doit vivre un événement soudain et inattendu survenant dans et durant son travail. De plus, cet événement doit être clairement et précisément identifiable, objectivement traumatique et inhabituel dans l’exercice normal ou quotidien de sa profession ou dans son milieu de travail[34]. Le droit à une indemnisation peut être accordé pour une réaction aiguë dans les quatre semaines qui suivent un événement traumatique. Si la réaction survient ultérieurement, les preuves doivent montrer clairement, et de manière convaincante, qu’elle résulte de cet événement traumatique. Le droit à une indemnisation peut aussi découler d’un « effet cumulé ». La politique précise ceci :
« Étant donné la nature de leur profession, certains travailleurs peuvent être exposés, pendant une certaine période, à de multiples événements traumatisants soudains et imprévus résultant d'actes criminels, de harcèlement ou d'accidents horribles. Si l’événement traumatisant imprévu le plus récent a produit une réaction aiguë chez le travailleur, celui-ci pourrait avoir droit à des prestations, et ce, même s’il a pu vivre ces événements traumatisants dans le cadre de son emploi et qu'il a été en mesure de les tolérer par le passé. La réaction finale à une série d’événements soudains et traumatisants est considérée comme l’effet cumulé. »
137 De 2007 à 2011, la CSPAAT a approuvé 2 828 demandes sur 7 029 relativement à des arrêts de travail pour stress mental traumatique. Sur ce total, 182 provenaient de policiers[35]. La profession de policier est l’une des cinq en tête de liste pour lesquelles de telles demandes ont été approuvées au cours des cinq dernières années.
138 En août 2010, Joy Angeles, épidémiologiste à la Direction des politiques et de la recherche sur les maladies professionnelles à la CSPAAT, a préparé une compilation de la documentation scientifique, sous le titre de Police Officers and Post-Traumatic Stress Disorder. Elle a découvert que, même si la profession de policier est généralement considérée comme hautement à risque quant au SSPT, il n’existe aucune preuve directe dans les études scientifiques actuelles pour conclure de manière irréfutable que les policiers sont exposés à un risque plus élevé de SSPT que les gens des autres professions ou que l’ensemble de la population. Mais elle a aussi déclaré que, comme les policiers sont plus exposés aux incidents traumatiques, « ils sont probablement exposés à un risque accru de contracter le SSPT »[36].
139 Elle a aussi observé que plusieurs études communautaires avaient conclu que le SSPT semblait plus prévalent chez les policiers que dans l’ensemble de la population[37].
140 Selon elle, les personnes atteintes de SSPT courent généralement plus de risques de développer d’autres troubles psychiatriques, comme la dépression, les troubles liés à l’anxiété et les toxicomanies[38], et le SSPT est un facteur de risque en ce qui concerne le suicide, les idées de suicide et les tentatives de suicide[39].
141 Au sujet des risques spécifiques de suicide chez les policiers atteints de SSPT, Mme Angeles a fait ce commentaire :
« Un facteur important pour expliquer le suicide est l’accès à un moyen de suicide, qu’il faut savoir utiliser. L’accès aux armes, comme moyen de suicide, et à une formation sur l’utilisation de ces armes différencie à la fois les anciens combattants et les policiers atteints de SSPT des civils qui souffrent de SSPT[40].»
142 Elle a aussi précisé que, comparés aux civils atteints de SSPT, les policiers étaient trois fois plus susceptibles d’avoir été exposés à des incidents traumatiques comportant une agression directe ou une menace de mort avec une arme à feu ou un couteau[41]. Quant aux effets cumulés, elle a précisé ceci :
« On estime que, durant la première année de service dans la police, un policier moyen est exposé à environ 12 incidents critiques. En milieu de carrière, l’exposition aux incidents critiques augmente pour atteindre environ 150. Au départ à la retraite, les policiers ont été exposés en moyenne à 250 incidents critiques reliés à leur profession, durant leur carrière[42]. »
143 Dans un document de discussion sur le SSPT préparé pour le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, la Dre Diane Whitney, psychiatre ontarienne, a aussi souligné que les patients atteints de SSPT étaient six fois plus enclins à faire une tentative de suicide et que ce syndrome entraînait plus de tentatives de suicide que tous les autres troubles liés à l’anxiété[43].
144 Inévitablement, des policiers ontariens souffriront de blessures de stress opérationnel, qu’ils soient complètement victimes ou non du SSPT ou d’autres formes de réaction aux événements traumatiques. Il existe d’ailleurs en Ontario des programmes de traitement spécifique pour répondre aux besoins des personnes qui travaillent dans les services de police et dans des professions similaires qui les exposent de manière répétée aux traumatismes. Le Homewood Health Centre à Guelph offre l’un des rares programmes en établissement pour le traitement du stress traumatique, au Canada.
145 Homewood organise des sessions mixtes mais propose aussi des sessions de traitement approfondi en groupe exclusivement réservées aux membres des forces de police et de l’armée. Le personnel de ce centre a conclu qu’en raison du type de formation des policiers et de la nature de leur travail, en particulier de la nécessité d’être extrêmement attentifs à leur milieu, ceux-ci peuvent trouver difficile de communiquer en dehors de leur propre groupe à propos d’événements survenus dans l’exercice de leur profession.
146 Le personnel d’Homewood nous a expliqué qu’il était tout à fait courant pour les membres d’organismes paramilitaires d’avoir des sentiments de frustration et de colère quand ils sentaient que leur traumatisme n’était pas reconnu au niveau de leur organisation.
147 Il a constaté que le stress causé par des événements traumatiques pouvait mener à de nombreux problèmes de santé mentale, dont la dépression, l’anxiété et bien souvent les toxicomanies. Selon lui, dans le secteur de la police comme dans celui de l’armée, on considère que les traumatismes font partie des choses à attendre du métier, et les « cultures de l’alcool » s’appuient sur la boisson pour réduire le stress, aggravant ainsi le problème.
148 D’après le personnel d’Homewood, l’incidence des traumatismes et des toxicomanies au sein des organismes militaires et paramilitaires est deux fois plus élevée que dans la population civile. Dans les milieux policiers surtout, les patients doivent lutter pour rester sobres, car la boisson est souvent perçue comme un moyen d’établir la confiance parmi les policiers.
149 Bellwood Health Services, à Toronto, offre un programme concomitant pour les personnes souffrant de traumatismes et de toxicomanies, dans diverses professions dangereuses, dont celle de policier. Ce programme est conçu spécifiquement pour traiter le stress traumatique, les blessures de stress opérationnel et le SSPT. Le personnel a constaté que, pour le traitement des traumatismes, il est crucial de regrouper des personnes qui ont des problèmes et des expériences similaires.
150 Le personnel de Bellwood nous a expliqué que les clients appartenant à ces professions ont souvent des difficultés à reconnaître qu’ils souffrent de blessures liées à des traumatismes. Il nous a dit que les policiers faisant partie de leur clientèle ont typiquement des problèmes d’« automédication » et que beaucoup souffrent d’alcoolisme et d’anxiété en raison de réactions aux traumatismes, sans forcément être atteints complètement de SSPT.
151 Les services de police disposent de divers moyens pour réduire les risques de blessures de stress opérationnel chez les policiers et pour appuyer leurs membres qui luttent contre des réactions émotionnelles aux traumatismes.
152 De nos jours, de nombreux services de police ont mis en place une forme ou une autre d’éducation et de formation concernant les blessures de stress opérationnel.
153 En juillet 2012, le Dr John Violanti a souligné que la nature même du milieu policier était souvent contraire à l’objectif d’améliorer la santé des effectifs :
« La culture policière ne voit pas d’un bon œil les gens qui ont des problèmes… Vous êtes non seulement censé être surhumain quand vous êtes policier, mais vous craignez aussi de demander de l’aide… Si vous souffrez de troubles cardiaques, on vous interdira peut-être de reprendre un travail de patrouille dans la rue… C’est une vraie menace. Si vous faites appel à des services de conseil pour la santé mentale, il se peut que vous ne soyez pas considéré pour une promotion et que vos collègues et vos supérieurs vous humilient. Dans certains cas, il se peut aussi qu’on vous retire votre arme. La peur de demander de l’aide est donc bien réelle[44]» .
154 Pour contrer cette culture, il faut modifier la formation donnée aux policiers afin qu’ils puissent comprendre leurs signes de stress et les faire traiter, a dit le Dr John Violanti, soulignant que les recrues de la police « doivent être vaccinées contre le stress ». Voici ses mots :
« Si je vous dis qu’il est normal de ressentir du stress la première fois que vous verrez un cadavre ou un enfant violenté, vous pourrez mieux vivre la situation. Une exposition à ce type de formation vous vaccine si bien que, quand un incident survient, vous y êtes mieux préparé. De même, les cadres supérieurs et moyens des services de police doivent être formés à accepter les policiers qui demandent de l’aide et à savoir quelles mesures prendre pour qu’ils n’aient pas peur de le faire[45]» .
155 L’éducation est un moyen clé de parvenir à une meilleure compréhension et à une meilleure connaissance des blessures de stress opérationnel, de leurs signes et symptômes, des mécanismes de gestion et des ressources disponibles. En 2002, les Forces canadiennes ont commencé à offrir une formation en organisant des séances d’information pour les nouvelles recrues. Par la suite, l’éducation et la formation en santé mentale ont été élargies pour inclure l’ensemble du personnel militaire et leurs familles. Actuellement, le programme « En route vers la préparation mentale » des Forces canadiennes est une formation à plusieurs niveaux, visant diverses phases du cycle de déploiement pour les militaires et leurs familles, et notamment axée sur la compréhension et la gestion des réactions au stress.
156 L’International Association of Chiefs of Police recommande à tous les corps de police de former leur personnel aux réactions post-traumatiques et aux moyens de les gérer[46].
157 En 2007, à la suite d’un meurtre-suicide très médiatisé de policiers de haut niveau du Service de police de London, en service actif et à la retraite, le Comité d’examen des décès dus à la violence familiale du coroner de l’Ontario[47] et un comité d’examen indépendant créé par le service de police[48] ont tous deux souligné l’importance pour tous les membres des forces de police et leurs familles de recevoir une formation continue sur des sujets comme le suicide, la santé mentale, les toxicomanies, la santé et le bien-être, de même que sur des aspects propres à la culture policière comme les facteurs de force et de stress.
158 Dans son étude de la documentation pour la CSPAAT, Mme Angeles a écrit que la « vaccination contre le stress » durant la formation, puis aussi rapidement que possible après des incidents critiques, peut probablement réduire les risques de SSPT[49]. Elle a reconnu qu’il était impossible d’éliminer toute exposition à des incidents critiques et à des traumatismes dans le secteur policier, mais elle a dit qu’il était recommandé de promouvoir la résilience et la robustesse au plus vite dans la formation donnée par l’Académie[50].
159 Obtenir un traitement pertinent, en temps opportun, pour des blessures de stress opérationnel peut s’avérer critique pour le bien-être des policiers. Certains services de police offrent des services psychologiques internes directs, ou par l’entremise de professionnels de santé contractuels, pour faciliter l’identification et le traitement des policiers à risque ou souffrant de telles blessures.
160 Le modèle de service direct est très utilisé par les Forces canadiennes, qui offrent des services à court terme de counseling, d’intervention en cas de crise et de consultation pour toxicomanies dans leurs cliniques médicales, ainsi que des services plus spécialisés, dont des programmes de santé mentale comprenant des thérapies personnelles ou de groupe pour divers problèmes de santé mentale. En 1999, les Forces canadiennes ont commencé à ouvrir des cliniques spécialisées appelées Centres de soins pour trauma et stress opérationnels, qui font des évaluations et des thérapies individuelles ou de groupe pour leurs membres confrontés à des difficultés résultant de leurs activités professionnelles. De même, Anciens Combattants Canada a commencé à ouvrir des cliniques pour les blessures de stress opérationnel à travers le Canada en 2001, pour faciliter le diagnostic et le traitement précoce des personnes atteintes de telles blessures. Ces programmes sont aussi offerts aux familles confrontées au stress né des opérations militaires. Alors qu’elles concevaient ces programmes, les Forces canadiennes ont demandé à Statistique Canada de faire une étude sur la santé mentale et le bien-être de leurs membres, pour déterminer la prévalence et le fardeau de certains troubles mentaux et pour évaluer l’utilisation des services de santé mentale. Nous avons été informés que cette étude avait permis d’établir une base de données pour évaluer l’envergure des services de santé mentale et des ressources nécessaires.
161 Les recherches ont montré que les policiers qui prennent part à des opérations d’infiltration courent plus de risques de blessures psychologiques, de mesures disciplinaires et d’autres conséquences personnelles et professionnelles néfastes, notamment d’infractions criminelles, de toxicomanies et de relations indues avec leurs cibles. En 1978, le Federal Bureau of Investigation (FBI) aux États-Unis a mis en place son programme « Safeguard » pour apporter un soutien psychiatrique ou psychologique aux policiers affectés à des activités d’infiltration. Ce programme s’appuie sur une évaluation psychiatrique ou psychologique directe et obligatoire, accompagnée d’un soutien, et a été adapté par divers services de police à des secteurs spécialisés reconnus comme particulièrement traumatiques pour les policiers. Les policiers infiltrés sont évalués au commencement, au milieu et à la fin de leur mission secrète, ainsi qu’à des intervalles réguliers (généralement tous les six mois) en cas d’opérations prolongées – ou plus fréquemment en cas de risques accrus résultant de la nature des facteurs de stress personnel ou de la mission entreprise[51].
162 En 2007, dans ses recommandations à propos du meurtre-suicide de policiers à London en Ontario, le Comité d’examen des décès dus à la violence familiale du coroner de l’Ontario a déclaré que « des psychologues qui connaissent bien les complexités des services d’urgence, les traumatismes secondaires et la sous-culture policière sont essentiels pour inspirer la confiance et éliminer les barrières d’accès ». Il a ajouté que « l’uniformité d’accès à un psychologue ou à une équipe de psychologues de la police est extrêmement importante pour faire de l’intervention et de la prévention précoces »[52].
163 Le programme Badge of Life propose que la formation relative aux blessures de stress opérationnel enseigne aux policiers comment gérer eux-mêmes leur santé mentale, dès leur passage à l’Académie de police et ensuite chaque année avec des « bilans de santé mentale » confidentiels et volontaires, effectués par un thérapeute de leur choix – un peu comme les examens physiques ou dentaires annuels ou comme la vaccination contre la grippe.
164 Certains services de police exigent que les policiers rencontrent un professionnel de la santé mentale après tout incident traumatique, par exemple quand ils ont dû recourir à une force mortelle. En 2009, l’International Association of Chiefs of Police a émis des directives préconisant que tout policier qui a participé à une fusillade soit tenu de consulter un professionnel de la santé mentale qui connaisse bien la culture policière et le traitement des personnes traumatisées, pour que ce policier puisse au moins obtenir des renseignements fondamentaux et acquérir des facultés d’adaptation. (Cette recommandation stipule que la consultation serait obligatoire, mais la participation volontaire.) Les directives indiquent aussi qu’il serait bon d’inclure les conjoints des policiers au processus de débreffage psychologique. L’objectif premier de telles séances est de réduire le stress, d’évaluer et de « normaliser » toute réaction problématique consécutive à un incident, et de donner une formation[53].
165 En 2010, le jury du coroner dans l’enquête sur la mort de Trevor Colin Graham, tué par balle par un membre de la Police régionale de Waterloo, durant un vol, a recommandé d’enjoindre aux services de police de faire des évaluations psychologiques obligatoires des policiers qui ont pris part à des événements traumatiques et de leur offrir des services de soutien appropriés.
166 Le Dr Sean O’Brien, psychologue clinicien en Ontario qui traite beaucoup de policiers en service, appartenant à divers corps de police, nous a dit que les policiers devraient être tenus de consulter un psychologue après un incident traumatique. Ordonner de telles consultations contribuerait à éliminer la stigmatisation et ferait d’elles « un peu comme des consultations chez le dentiste », a-t-il dit. Il s’est souvenu d’un cas où des cadres supérieurs lui avaient transmis le dossier de deux jeunes policiers municipaux qui avaient pris part à une terrible fusillade. Tous deux souffraient de symptômes invalidants de SSPT mais, après quatre semaines de traitement, ils avaient compris que ces symptômes étaient des réactions d’adaptation au stress. Ils avaient appris à réagir de manière plus productive et avaient pu reprendre leurs fonctions très rapidement, sans restriction. Le Dr O’Brien a aussi dit que, malgré certains progrès dans la compréhension du stress opérationnel, il continuait de voir parmi ses clients des policiers « qui n’arrivaient pas à s’en tirer ». Voici ses mots :
«… très franchement, ou bien ce sont des alcooliques invétérés, ou bien ils deviennent agressifs au travail à cause de leur irritabilité et de leurs symptômes, entre autres. Tout ceci peut être évité. »
167 Le Dr Peter Collins, psychiatre légiste qui a de solides connaissances sur les blessures de stress opérationnel et qui a fourni des services de conseils à la Section des sciences du comportement de l’OPP pendant près de 20 ans, nous a fait savoir que des visites obligatoires chez un psychologue après un incident traumatique s’avéraient bénéfiques. Il a souligné que, même si personne ne peut être contraint de parler, ceci donne à un policier la possibilité de le faire et le clinicien peut alors établir un rapport thérapeutique. Il a précisé : « J’ai vu des gens qui arrivaient en [disant] : « Si je suis ici, c’est uniquement parce qu’on m’a dit de venir vous voir»… et qui quittaient la consultation en disant : “Bon, quand est-ce que je peux vous revoir?”. »
168 Les programmes de soutien par les pairs reflètent des recherches montrant qu’un appui social est un facteur important pour réduire les effets des traumatismes psychologiques, prévenir ou réduire la gravité du SSPT, lutter contre la stigmatisation des blessures psychologiques et encourager les personnes atteintes à demander un traitement.
169 En 2010, la Commission de la santé mentale du Canada a lancé un projet national de promotion du soutien par les pairs pour les personnes atteintes de maladies mentales. Cette initiative comprenait des ébauches de normes de pratique, des projets pilotes, des recherches et des évaluations, ainsi que la création d’un organisme national d’agrément. Les approches de soutien par les pairs reposent sur la conviction que les gens qui ont confronté, enduré et surmonté l’adversité de problèmes de santé mentale peuvent apporter un soutien bénéfique aux autres personnes dans des situations similaires[54].
170 En collaboration avec Anciens Combattants Canada, les Forces canadiennes ont utilisé avec succès un modèle de soutien par les pairs pour leurs membres en service actif et leurs anciens membres, ainsi que leurs familles. Le Programme de soutien social; blessures de stress opérationnel fait appel à des bénévoles et à des employés salariés, dont certains sont des militaires en service ou d’anciens combattants qui ont souffert de blessures psychologiques lors de déploiements militaires. Ce programme fait aussi place au travail de bénévoles qui connaissent les problèmes de blessures de stress opérationnel pour apporter un soutien aux familles. Le lieutenant-colonel Stéphane Grenier, qui a joué un rôle clé dans la création du programme, dit que le soutien par les pairs lui a sauvé la vie alors qu’il souffrait d’un traumatisme de stress opérationnel à la suite de ses périodes de service au Rwanda et ailleurs. Selon lui, partager ses expériences personnelles est un élément crucial de toute formation sur le stress opérationnel et « crée une résonance émotionnelle » qui « galvanise » l’apprentissage. Le programme militaire comprend un bureau des conférenciers qui assure une formation officielle sur la santé mentale et les blessures de stress opérationnel aux membres des Forces canadiennes, dans les écoles militaires et lors de séances de perfectionnement professionnel dans les unités un peu partout au pays. Il s’appuie sur des recherches montrant que les exemples vrais et concrets, de sources crédibles, suscitent des réactions émotionnelles et exercent un effet profond sur les changements d’attitude[55].
171 Les services de police comptent de plus en plus sur le soutien par les pairs pour aider leurs membres à gérer leur stress opérationnel. Dans son étude, Mme Angeles a déclaré qu’un environnement de travail compatissant et sécurisant est considéré comme un facteur de protection contre le SSPT[56]. Elle a souligné que le counseling par les pairs est maintenant promu en tant que méthode à suivre pour venir en aide aux policiers souffrant de problèmes psychologiques ou personnels, qui hésitent à demander un soutien officiel[57].
172 Certains sont d’avis que le counseling par les pairs cadre bien avec la culture policière traditionnelle, selon laquelle seul un policier peut comprendre un autre policier, étant donné qu’« il faut avoir été là pour savoir ce que c’est »[58]. Nous avons parlé à plusieurs thérapeutes cliniciens, entre autres à la Dre Ellen Kirschman, psychologue américaine auteure du livre I Love a Cop. Celle-ci a expliqué que la formation des policiers doit être donnée par quelqu’un qui connaît la culture policière et qui parle la même langue qu’eux, et elle a souligné que faire appel à des collègues policiers crée la crédibilité nécessaire. Voici ce qu’elle nous a dit :
« Il faut faire intervenir un flic fort, dur à cuire, qui a eu des problèmes, et lui faire dire : « Vous voyez, j’ai ruiné ma vie à ne pas confronter mes problèmes, à ne rien dire de ce qui m’embêtait… je ne veux pas que ça vous arrive. »
173 En 2011, la section des services psychologiques de l’International Association of Chiefs of Police a émis des directives sur le soutien par les pairs. Selon ces directives, les dirigeants aux plus hauts niveaux d’un organisme doivent promouvoir les programmes de soutien par les pairs pour que ceux-ci soient efficaces. Les directives donnent des exemples d’activités qui se prêtent à un soutien par des pairs policiers formés à ce rôle : visites en milieu hospitalier, appui en cas de problèmes de carrière ou soutien à la suite d’un incident critique, avis de décès, orientation en cas de toxicomanie et aide aux employés, intervention en cas de problèmes relationnels, soutien aux familles des employés blessés ou malades et appui au personnel immédiatement après les incidents critiques (en collaboration avec des professionnels de la santé mentale). Les directives recommandent qu’un professionnel de la santé mentale supervise les activités et offre en permanence des services de consultation aux collègues policiers, et préconisent que les services de soutien par les pairs soient confidentiels et volontaires[59].
174 Plusieurs services de police ont mis en place une forme ou une autre d’intervention en cas de stress dû à un incident critique pour leurs membres qui ont vécu une expérience traumatique. La participation est obligatoire ou volontaire. Dans certains cas, l’intervention en cas de crise se résume à un apport de renseignements sur la santé mentale donnés par des professionnels ou par des pairs aux policiers à propos des réactions au stress et des ressources disponibles. L’intervention peut aussi prendre la forme d’une séance de « débreffage » en groupe, animée par des pairs ou des professionnels de la santé mentale, durant laquelle les policiers discutent des événements et de leurs réactions émotionnelles. En général, l’objectif est de sensibiliser les policiers à leurs réactions à des incidents critiques et de les familiariser aux techniques de gestion du stress. Les pairs font appel à leurs propres expériences et à leurs facultés d’adaptation pour montrer aux policiers que leurs réactions sont normales et pour les aider à reprendre leurs fonctions habituelles[60]. Les séances ont aussi pour but de lutter contre la stigmatisation des policiers qui demandent de l’aide[61].
175 Toutefois, depuis quelques années, l’intervention en cas de stress dû à un incident critique suscite des désaccords chez les spécialistes. Certains préconisent une intervention obligatoire, au plus vite après un incident traumatique, tandis que d’autres suggèrent maintenant que les programmes visant à « faire revivre » les incidents traumatiques, et plus particulièrement les méthodes comme les débreffages en groupe, risquent en fait de nuire à la santé mentale des policiers.
176 La Dre Ellen Kirschman compte parmi les spécialistes en faveur des débreffages obligatoires. Elle nous a dit qu’à son avis, quand les débreffages sont faits par des pairs formés à cette tâche ou par des cliniciens culturellement compétents appuyés par des collègues policiers, on obtient de très bons résultats.
177 Le Dr Stephen Curran se situe dans le camp adverse. Il affirme que les débreffages en groupe pour le stress traumatique, après un incident critique, n’ont pas fait leurs preuves et n’ont pas montré qu’ils pouvaient réduire efficacement les effets du stress à long terme. En fait, selon lui, ils peuvent avoir des conséquences nuisibles, par exemple en traumatisant de nouveau les participants, en affaiblissant leurs mécanismes d’adaptation et en contribuant à l’apparition du syndrome de stress post-traumatique. D’après lui, un examen des études sur les séances uniques de débreffage en groupe n’a montré aucune réduction de la détresse psychologique à court terme – mais a révélé des risques grandement accrus de SSPT un an plus tard[62].
178 Une étude datant de 2009 sur l’efficacité des séances uniques de débreffage psychologique a conclu que ces séances ne prévenaient pas l’apparition du syndrome de stress post-traumatique et ne réduisaient pas la détresse psychologique. De plus, rien ne prouvait que le débreffage réduise la morbidité psychologique générale, la dépression, l’anxiété, ou qu’il était préférable à une intervention éducative[63]. D’après une autre étude faite en 2010, il semblerait que le recours à une thérapie cognitivo-comportementale centrée sur les traumatismes soit recommandé à la place d’une séance unique d’intervention comme un débreffage psychologique pour traiter les problèmes aigus de stress traumatique[64].
179 Une psychiatre du Homewood Health Centre nous a dit que les « débreffages » en cas d’incidents critiques peuvent causer plus de tort que de bien car, en revivant des événements traumatiques, les policiers risquent de retarder leur rétablissement. Selon elle, le mieux est de faire savoir aux policiers quels soutiens existent pour eux. Un psychologue ontarien chevronné dans le traitement des victimes de traumatismes, y compris des policiers, s’est inquiété lui aussi que les débreffages faits immédiatement après des incidents critiques puissent traumatiser de nouveau les policiers. De même, la Dre Diane Whitney, psychiatre, a fait observer que, selon des recherches récentes, les débreffages en groupe d’intervention psychologique ne devraient pas être recommandés systématiquement après des événements traumatiques[65].
180 Les programmes d’aide aux employés des services de police offrent un soutien aux policiers en cas de problèmes personnels, grâce à des services de counseling et d’orientation vers des professionnels. En général, ces programmes existent sous deux formes – programmes internes mais structurellement et opérationnellement distincts afin de préserver la confidentialité, et programmes assurés par des fournisseurs externes.
181 Selon les experts, les services d’aide aux employés destinés aux policiers sont uniquement efficaces et crédibles s’ils sont donnés par des gens qui connaissent la culture policière.
182 Dans son rapport Developing a Law Enforcement Stress Program for Officers and Their Families – 1996, le U.S. National Institute of Justice a précisé ceci : « Les professionnels de la santé mentale qui ne connaissent pas le milieu du maintien de l’ordre doivent faire des efforts spéciaux… pour se familiariser au métier de policier et à la culture policière, afin d’être crédibles auprès des policiers… »[66].
183 Le rapport a aussi fait cette constatation :
« La plupart des praticiens de programmes croient, qu’en plus de posséder de solides compétences cliniques, les professionnels externes de la santé mentale doivent comprendre les demandes et les exigences du métier de policier, les sources organisationnelles de stress et la culture policière – connaissances provenant d’une expérience réelle de ce milieu, en tant que policier, ou d’une base existante de clients qui inclut des agents du maintien de l’ordre[67]. »
184 Certains suggèrent que des particularités de la culture policière dissuadent les policiers de demander de l’aide, surtout auprès de professionnels qui ne connaissent pas le métier de policier. Comme la Dre Kirschman nous l’a dit, il est bien assez difficile pour un policier de solliciter une aide – alors, si la première visite s’avère problématique, le policier ne revient pas. C’est pourquoi tout fournisseur de services d’aide aux employés doit veiller à faire une bonne première impression. La Dre Kirschman a aussi précisé ceci : « Les gens qui travaillent en santé mentale et qui ont affaire à des policiers doivent être vraiment compétents culturellement. Ils doivent comprendre ce que c’est d’être policier, ce que fait un policier. »
185 La Dre Kirschman a cité en exemple la réussite du San Francisco Police Department, qui a travaillé avec l’association de la police pour veiller à ce que les fournisseurs d’aide aux employés soient familiarisés au métier de policier. De même, le directeur de l’Unité des services psychologiques du San Antonio Police Department a fait une enquête auprès des professionnels de la santé mentale de la région pour savoir quels étaient leurs intérêts, leurs expériences professionnelles et leurs références en vue de créer, à partir de leurs réponses, un réseau de fournisseurs de services qui connaissent le milieu policier et la culture policière[68]. Le directeur du programme d’aide aux employés d’Erie County Law Enforcement a lui aussi fait des recherches sur les qualifications et l’expérience des fournisseurs potentiels de services, pour déterminer leurs connaissances du milieu policier[69].
186 Le Dr Alexis Artwohl, co-auteur du livre Deadly Force Encounters, nous a dit en entrevue qu’il était absolument crucial pour les professionnels de la santé mentale qui ont affaire à la police de comprendre le travail et le langage des policiers.
187 Deux psychologues que nous avons interviewés et qui ont travaillé avec l’OPP ont partagé cette opinion. L’un d’eux a dit que les policiers sont plus enclins à consulter un spécialiste de la santé mentale si celui-ci leur a été recommandé par des collègues policiers et connaît le milieu policier, tandis que l’autre a précisé qu’une compréhension de la terminologie et du milieu des policiers était essentielle à la qualité du counseling.
188 Le psychologue Sean O’Brien a lui aussi souligné l’importance de comprendre la culture policière quand on travaille avec des policiers :
« Après avoir travaillé avec la police pendant les 10 à 12 dernières années, je peux vous dire que les professionnels de la santé mentale qui offrent des services à la police doivent comprendre à fond la culture policière. Un généraliste ne peut tout simplement pas donner de bons services. Il faut quelqu’un qui comprenne les rouages internes des services de police. »
189 Le Dr O’Brien a suggéré que les services de police qui font appel à des fournisseurs de services externes pour leur programme d’aide aux employés organisent des rencontres entre les professionnels de la santé et les policiers, pour que ces professionnels en comprennent la culture.
190 Le comité indépendant qui a étudié le meurtre-suicide de policiers à London en Ontario, en 2007, a recommandé que le Service de police de London prépare une liste de conseillers chevronnés de la communauté, qui ont l’expérience du milieu policier, pour compléter le programme existant d’aide aux employés[70].
191 Les approches adoptées par les différentes forces de police et les services offerts par elles pour gérer les blessures de stress opérationnel varient grandement. L’ampleur des soutiens accordés aux policiers dépend souvent de la taille du service de police, de ses ressources financières et de sa zone géographique d’intervention, mais elle peut aussi refléter le degré de compréhension des blessures de stress opérationnel et le niveau d’engagement de l’organisation pour minimiser leur impact.
192 La New Jersey State Police, qui compte 2 900 policiers, offre divers services de gestion du stress opérationnel à ses membres, dont les suivants : liste de psychologues, débreffages obligatoires en cas de stress dû à un incident critique, programme de bien-être et défense des intérêts par les pairs. Pour minimiser les risques de blessures, les policiers qui ont pris part à une fusillade ne sont plus affectés à leurs activités habituelles, généralement pendant 30 jours. L’État a aussi instauré un service appelé « Cop2Cop », ligne ouverte où des policiers retraités bénévoles et des cliniciens qui ont reçu une formation sur le milieu policier répondent aux questions.
193 Il y a aussi un service interne d’aide aux employés – l’Office of Employee Organization Development – qui est physiquement et structurellement séparé des unités opérationnelles pour des raisons de confidentialité et qui est offert dans des lieux d’accès facile pour les policiers et les familles.
194 Les nouvelles recrues reçoivent quatre heures de formation sur la gestion du stress. Pour les membres permanents, il y a une séance de perfectionnement sur le stress, l’alcool et les incidents critiques, deux ans plus tard, puis une autre six ans après. De plus, des séances de supervision et de formation sur la « question du jour » sont organisées.
195 La Michigan State Police, qui compte environ 2 000 membres en uniforme, leur offre des services psychologiques par le biais de son Office of Behavioral Science, qui fournit des diagnostics, des consultations et des thérapies aux policiers et à leurs familles, dans un lieu autre que le quartier général de la police. Les services comprennent la réduction du stress, le débreffage en cas d’incident critique, le traitement des traumatismes et les évaluations de la chimiodépendance. Il y a deux psychologues et deux conseillers (dont l’un est sergent de police), ainsi qu’un programme externe d’aide aux employés.
196 La Pennsylvania State Police offre un programme d’aide à tous ses membres civils et en uniforme, en service ou à la retraite, ainsi qu’à leurs familles. Le « MAP » (Member Assistance Program) est un réseau confidentiel qui couvre tout l’État : des pairs bénévoles sont en tout temps prêts à écouter les gens qui ont besoin d’aide et à les orienter vers des services de soutien pertinents. Le programme est doté de sept employés à plein temps, de 80 pairs sur le terrain et de 45 aumôniers bénévoles. Il est au service d’environ 17 000 personnes (4 300 policiers, 1 500 civils et plus de 11 000 membres des familles).
197 Le Los Angeles Police Department, qui compte 10 354 membres, a créé une importante section de Services des sciences comportementales, dirigée par un psychologue qui est commandant de police et qui est appuyé par 13 psychologues du personnel. Cette section consacre un peu moins de la moitié de son temps à conseiller ses membres. La plupart des policiers préfèrent les séances internes aux séances offertes par un fournisseur externe d’aide aux employés. Deux policiers certifiés en tant que conseillers en toxicomanie et alcoolisme font également partie du personnel de la section. Le service comprend en outre un programme de soutien par les pairs, fort de 200 bénévoles qui interviennent aussi en cas d’incidents critiques. Lorsqu’un incident critique survient, un psychologue et quelques bénévoles sont déployés, accompagnés parfois d’un aumônier.
198 Le Metro Nashville Police Department a un site Web spécialement consacré aux familles des policiers (Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletwww.policefamilies.com).
199 La GRC compte environ 14 psychologues régionaux. Ceux-ci ne traitent pas directement les membres de l’institution mais les orientent vers des psychologues communautaires agréés. Les membres de la GRC ont droit à six séances chez le psychologue, dans le cadre de leurs avantages complémentaires, et à six séances ultérieures sur approbation d’un psychologue de la GRC. De plus, la GRC a conclu une entente qui permet à ses membres d’obtenir un traitement dans les cliniques spécialisées dans les blessures de stress opérationnel d’Anciens Combattants Canada.
200 Il y a aussi un programme de soutien par les pairs, où des bénévoles de la GRC jouent le rôle d’agents d’orientation. Lors de nos entrevues en 2011, la GRC travaillait à une « stratégie de santé et de sécurité psychologiques et physiques ».
201 Alors que certains organismes évitent les débreffages en cas d’incidents critiques, la GRC les juge utiles et continue d’en offrir, la participation des policiers étant volontaire. Nous avons été informés que ce service de la GRC adapte actuellement ses méthodes de débreffage en fonction des recherches et des pratiques exemplaires actuelles.
202 La Sous-direction de la santé et de la sécurité au travail de la GRC élabore aussi un processus visant à ce que les superviseurs signalent les blessures psychologiques résultant d’incidents dangereux au travail. De plus, cette sous-direction offre un programme d’évaluations psychologiques continues (jusqu’à deux par an) aux employés régulièrement confrontés à des traumatismes dans l’exercice de leurs fonctions – y compris à ceux qui travaillent à l’étranger ou dans des postes isolés et dans des unités d’infiltration, de lutte contre l’exploitation des enfants, de reconstitution d’accidents ou autres secteurs considérés « à hauts risques ».
203 En 2010, la GRC a entrepris d’évaluer un projet de « décompression » pour les traumatismes, qui s’appuie sur les pratiques militaires exemplaires. Pendant trois jours de formation en établissement, les participants apprennent à reconnaître et à gérer les traumatismes et la fatigue de compassion, avec l’appui de psychologues spécialisés.
204 De plus, une psychologue de la GRC nous a dit qu’elle envisageait d’intégrer une composante psychologique aux évaluations de la santé des policiers qui sont faites tous les trois ans, pour tenter de déstigmatiser les visites chez le psychologue et en faire une partie intégrante du métier de policier.
205 Le Service de police de Calgary, qui compte 1 940 policiers en uniforme, a une unité de soutien par les pairs et un programme d’aide aux employés. Tout comme certains organismes policiers aux États-Unis, il offre des services psychologiques directs dans le cadre de sa section des services psychologiques. Cette section, qui travaille dans des locaux séparés, offre ses services aux policiers ainsi qu’à leurs familles. Elle propose des services cliniques internes grâce à un psychologue-conseil et à un psychologue à plein temps, ce dernier étant placé directement sous la direction du chef de police. La section conserve aussi une liste de psychologues privés vers lesquels elle dirige les membres qui préfèrent cette option. En outre, il y a une unité de soutien par les pairs, qui est elle aussi située en dehors du quartier général de la police et qui compte environ 70 bénévoles en uniforme ou civils, plus un coordonnateur à plein temps placé sous la direction d’un surintendant de division.
206 Le Service de police de Montréal, fort de 4 596 membres, a un service de counseling psychologique (qui se trouve dans des locaux séparés) dans le cadre de son programme d’aide aux employés. Ce programme offre des consultations gratuites, en nombre illimité, avec les psychologues internes. Il est doté de trois psychologues à plein temps et de trois psychologues à temps partiel qui se sont familiarisés avec le milieu policier. Quand un membre est orienté vers des services psychologiques spécialisés externes, le régime d’assurance-santé de l’association de la police et l’employeur en partagent les coûts, jusqu’à 1 000 $. Au-delà de cette somme, les frais de counseling sont divisés à parts égales entre l’employé et son service. Les policiers ont accès aux services du programme d’aide aux employés durant toute l’année qui suit leur départ à la retraite.
207 Le Service de police de Toronto (SPT) a mis en place une stratégie globale de bien-être pour ses membres, avec notamment des programmes de nutrition, de forme physique et de gestion de la fatigue. De plus, il organise une « journée du bien-être de la famille » pour les nouvelles recrues et leurs familles, durant laquelle diverses questions sont discutées, dont les répercussions du stress opérationnel.
208 Le SPT a aussi mis en place d’autres services pour ses membres : débreffages obligatoires en cas d’incident critique (participation volontaire), formation à la gestion du stress, réseau de soutien par les pairs et aumônerie multiconfessionnelle.
209 Les nouvelles recrues du SPT sont informées des répercussions potentielles des incidents critiques, des ressources disponibles et de l’importance du bien-être psychologique et physique. Les superviseurs sont formés pour savoir comment réagir avec doigté envers les membres qui ont pris part à des incidents critiques. De plus, le personnel des services psychologiques assure une formation sur le stress causé par les incidents critiques.
210 Le programme de bien-être du SPT comprend une composante obligatoire de « résilience psychologique renforcée » dont s’occupent deux psychologues des services psychologiques. Ces psychologues font régulièrement des consultations individuelles de tous les membres d’équipes spécialisées désignées, comportant de hauts risques, comme la Section de l’exploitation des enfants/des crimes sexuels, la Sous-section technique des crimes/des services de renseignements, l’Équipe d’intervention en cas d’urgence, les Services d’infiltration/de renseignements et la Brigade antidrogue, les Services d’identification médico-légale, les Services d’appels/de communications, ainsi que les réservistes revenant de missions à l’étranger et les policiers travaillant dans le cadre de forces internationales du maintien de l’ordre. Le SPT envisage d’étendre ce programme aux policiers spécialisés dans la reconstitution d’accidents de la route.
211 Une coordonnateur à plein temps du Programme d’aide aux employés est responsable de coordonner le soutien par les pairs et les interventions en cas d’incidents critiques. De plus, il fait la liaison avec le fournisseur externe d’aide aux employés. Toutefois, le service envisage actuellement d’intégrer cette fonction à chacune de ses unités.
212 Les débreffages à la suite d’interventions en cas de crises sont faits par un professionnel de la santé mentale, appuyé par des pairs de l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique. Globalement, l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique compte 80 membres et pairs bénévoles, prêts à intervenir. Leurs noms sont communiqués aux policiers, qui peuvent les appeler en tout temps. Leur fonction principale est d’orienter les policiers vers les services et les soutiens pertinents. Les retraités peuvent aussi communiquer avec ces bénévoles pour obtenir un soutien.
213 Le fournisseur externe d’aide aux employés est là pour apporter un soutien général à tous les membres actifs ou retraités et pour les orienter. Il communique des renseignements collectifs au service de police sur les demandes qu’il reçoit, par catégories : policiers en uniforme ou employés civils, domaines de préoccupations (par exemple, toxicomanie, stress, etc.). De plus, les membres reçoivent 2 000 $ par année, qu’ils peuvent utiliser pour consulter des services externes.
214 Le taux de suicide chez les policiers varie. Mais chaque suicide de policier peut avoir des répercussions dévastatrices, plongeant les collègues qui survivent « dans un tourbillon émotionnel et il leur faudra des mois, voire des années, pour s’en affranchir »[71].
215 L’organisation The Badge of Life préconise des autopsies psychologiques médico-légales en cas de suicide chez les policiers pour en déterminer les causes sous-jacentes et renforcer la prévention. À la GRC, une politique prévoit des évaluations psychologiques post-mortem pour les suicides, présumés suicides ou tentatives de suicide afin de déterminer les facteurs de stress et d’obtenir des données en vue d’élaborer des mesures de prévention. Des services de counseling peuvent aussi être offerts aux membres de la famille immédiate, au superviseur et aux collègues. Dans les trois mois qui suivent une tentative de suicide, une évaluation de suivi est effectuée.
216 Le rapport du groupe de travail de la Police du New Jersey sur les suicides des policiers a présenté des recommandations qui visent à faire un suivi des taux de suicide dans la police, à mieux sensibiliser les nouvelles recrues et les membres actifs au suicide, et à permettre aux policiers à risque de remettre temporairement leurs armes à feu en toute confidentialité, sans mesure disciplinaire.
217 Bien qu’ils soient relativement rares, il y a eu deux meurtres-suicides de policiers très médiatisés en Ontario, qui ont entraîné des recommandations de mesures préventives.
218 Le 23 décembre 2003, Ian Nicholson, membre de la Police de Kingston depuis 22 ans, est allé chercher son arme de service dans son casier au poste de police, est rentré chez lui, a tué par balle sa femme, puis a retourné son arme contre lui. Le Comité d’examen des décès dus à la violence familiale du coroner de l’Ontario a étudié cet incident en 2005 et a fait cette remarque :
« Les personnes qui travaillent dans des professions qui leur donnent accès à des armes à feu, par exemple dans la police, peuvent se heurter à des obstacles en milieu de travail et hésiter à divulguer des problèmes de santé mentale et émotionnelle. Un changement de culture organisationnelle est recommandé pour créer un climat propice à ce type de divulgation, sans crainte de récriminations ou de restrictions d’emploi. »
219 Dans l’affaire de Kingston, le Comité d’examen des décès a notamment recommandé que les armes à feu soient supervisées quand les policiers ne sont pas en service.
220 En juin 2007, Kelly Johnson, inspectrice par intérim à la Police municipale de London en Ontario, a tué par balle le surintendant à la retraite David Lucio avec qui elle avait une liaison, puis elle s’est suicidée avec son pistolet.
221 Le Service de police de London a alors créé un comité indépendant chargé d’étudier dans quelle mesure ces décès étaient prévisibles et évitables et de déterminer les mesures à prendre pour réduire les risques de pareils incidents. Ce comité a effectué une « autopsie psychologique » à partir de documents et de témoignages.
222 Ce comité a constaté[72] que les facteurs contribuant à l’incident étaient notamment les suivants : perturbation émotionnelle, facteurs historiques de stress, tension, alcoolisme et accès à un pistolet de service. Il a conclu que le Service de police de London n’aurait pu ni prévoir, ni prévenir les décès, mais en s’appuyant sur l’autopsie psychologique, il a recommandé d’apporter des améliorations aux évaluations psychologiques pour les recrues, ainsi qu’aux programmes d’éducation et de soutien pour les policiers. Le comité a aussi suggéré à la Police de London d’envisager l’adoption de modèles novateurs pour venir en aide à ses membres, comme l’a fait par exemple la section des services psychologiques du Service de police de Calgary. Il lui a aussi recommandé de continuer d’interdire l’accès des armes à feu aux policiers qui ne sont pas en service actif en raison de maladies causées par le stress ou de troubles mentaux, et d’élaborer des politiques sur la remise des armes aux policiers quand ceux-ci reprennent le travail. Le comité a souligné que les services de police de l’Ontario n’avaient pas modifié leurs politiques sur les armes à feu après le meurtre-suicide de Kingston en 2003 et il a déclaré que la question méritait d’être explorée davantage.
223 Le Comité d’examen des décès dus à la violence familiale, relevant du coroner de l’Ontario, a fait écho à la plupart des recommandations de ce comité indépendant. Le comité du coroner avait lui aussi étudié les circonstances menant aux décès de 2007 et avait fait un certain nombre de recommandations[73], dont la suivante : « appuyer les recherches et les analyses provinciales et nationales axées sur les aspects uniques de la culture policière au Canada, entre autres sur les éléments de force et de stress ».
224 Le Dr Peter Collins, l’un des membres du comité indépendant qui a analysé l’incident de London, nous a dit qu’il était utile d’examiner tous les suicides dans une certaine mesure, sous l’angle des leçons à en tirer.
225 Les programmes officiels de prévention du suicide chez les policiers ont montré qu’ils avaient des répercussions positives notables sur la réduction des risques de suicide dans cette profession. Plusieurs services ont instauré de tels programmes.
226 Le programme de prévention du suicide de la California Highway Patrol « Not One More! », qui a été primé, a été créé après un nombre sans précédent de suicides parmi les policiers de 2003 au début de 2007. Durant cette période de cinq années, la patrouille a perdu 13 de ses quelque 7 500 policiers en uniforme, ainsi qu’un employé civil, pour cause de suicide. Cette « épidémie » a retenu l’attention des médias nationaux. Les victimes n’avaient pas de source unique et définie de stress. Dans certains cas, elles faisaient face à des sanctions disciplinaires mineures ou avaient des problèmes de vie personnelle; dans d’autres, elles n’avaient montré aucun signe externe de stress. La patrouille avait alors un programme d’aide aux employés et des politiques de débreffage d’incidents critiques en cas de suicide, mais aucun programme de prévention des suicides n’était en place. La haute direction a alors décidé de faire de la gestion du suicide une priorité.
227 La patrouille a procédé à un examen et elle a constaté une profonde stigmatisation des appels à l’aide pour troubles émotionnels, qui incitait souvent les policiers à garder le silence. Elle a aussi observé que les collègues et les amis étaient souvent désemparés, éprouvant un choc et un sentiment de culpabilité face à ces suicides. « Not One More! » a pour but de faire tomber les obstacles qui empêchent les policiers de chercher de l’aide auprès de ressources de santé mentale, de les orienter vers de telles ressources et d’aider leurs associés et leurs collègues à identifier ceux qui ont besoin d’un soutien.
228 Le programme est géré par les membres de l’équipe de soutien par les pairs de la California Highway Patrol, qui reçoivent 32 heures de formation de base puis 16 autres heures de formation et de pratique dans la présentation du matériel de « Not One More! ».
229 Quand le programme a été mis en place dans la patrouille, l’ensemble des 11 000 civils et policiers en uniforme ont reçu six heures de formation pour apprendre à identifier les signes et les symptômes du suicide et pour savoir comment intervenir avec confiance et efficacité. La formation leur a aussi appris comment faire face aux retombées d’un suicide, identifier et gérer les facteurs de stress personnels et minimiser les répercussions négatives. Un guide de poche a été publié, avec l’aide d’un fournisseur de services de santé mentale travaillant à contrat pour l’État.
230 La formation à la prévention du suicide fait aussi partie des cours donnés aux cadets et à tous les membres de la patrouille qui reprennent du service.
231 Dans les deux années qui ont suivi la création de cette formation, il y a eu une diminution immédiate des suicides. Lors du seul cas de suicide d’un membre actif en 2009, le suicidé avait été identifié comme étant à risque et la patrouille avait fait le nécessaire pour qu’il obtienne des services de soutien. Le bureau d’aide aux employés et les policiers de l’équipe de soutien par les pairs ont aussi signalé une augmentation notable des appels pour un soutien par les pairs et pour des services de santé mentale.
232 Le programme de prévention du suicide du Los Angeles Police Department, appelé « Know Suicide », a été créé en 2007. Sa composante principale est une présentation multimédia de 90 minutes, faite à tous les membres assermentés et civils, à laquelle viennent s’ajouter des formations pour des publics spécifiques. Les superviseurs reçoivent une formation complémentaire sur les mesures à prendre pour prévenir le suicide et minimiser les facteurs de risque. Le programme comprend aussi les éléments suivants : formation donnée par les psychologues du service, tableaux d’affichage désignés présentant des renseignements pertinents, entre autres sur la prévention du suicide, renseignements sur l’intranet du service, cartes pour portefeuille et autocollants pour tableau de bord avec renseignements sur la prévention du suicide, et messages vidéo de personnes ayant une expérience personnelle du suicide. Les documents du programme indiquent ceci : « Ces personnes sont aussi censées servir de modèles pour contribuer à lutter contre le problème de la stigmatisation. » Les psychologues font périodiquement un examen des membres à risque et de tout cas de suicide.
233 En 1997, après une décennie qui lui a coûté 14 suicides parmi ses 4 178 membres, le Service de police de Montréal a instauré un programme de prévention du suicide appelé « Ensemble pour la vie ».
234 Il a donné une formation sur la prévention du suicide à tous ses policiers en 1998, puis de nouveau en 2006. Dans le cadre d’une campagne de publicité sur la prévention du suicide, à l’intention de ses policiers, il a fait paraître des articles dans les publications de la profession, placé de grandes affiches dans chacune des unités et distribué une brochure à tous ses membres. Le programme comprend aussi une permanence téléphonique en cas de crise, où des psychologues du personnel et d’autres intervenants formés à la prévention du suicide répondent aux appels. Le but est de venir rapidement en aide aux policiers dans le besoin.
235 Depuis que le programme « Ensemble pour la vie » a été mis en place, ce service de police a constaté une baisse radicale (79 %) du nombre de suicides chez ses policiers, avec seulement quatre suicides parmi ses 5 189 membres de 1997 à 2008. Ce pourcentage de suicides est considérablement plus bas que celui des autres forces de police au Québec, où il n’existe pas de programme similaire de prévention du suicide. Durant la même période, le nombre des suicides a été de 32 parmi les 9 197 policiers des autres services[74].
236 Des chercheurs qui ont évalué ce programme, grâce à une subvention du ministère de la Santé et des Services sociaux de la province du Québec, ont fait cette observation plus tôt cette année :
« Le comportement suicidaire, précédemment considéré comme une réaction culturellement acceptable en cas de crise, peut ne plus paraître une façon pertinente de confronter les problèmes. De par le passé, les policiers plaisantaient, disant qu’ils allaient « mordre leur revolver » si les circonstances devenaient trop difficiles. Apparemment, ils ne plaisantent plus aussi souvent sur ce sujet, et ils mentionnent fréquemment les sources d’aide disponibles. La formation a aussi notamment souligné que le suicide ne concerne pas uniquement la personne suicidaire, mais a des répercussions profondes sur la communauté entière[75]. »
237 Depuis 1986, le Bureau du coroner du Québec conserve des statistiques sur les professions des personnes décédées à la suite d’un suicide, statistiques qui ont facilité l’évaluation de la réussite du programme du Service de police de Montréal. Le Bureau du coroner de l’Ontario ne dispose pas d’un tel système et il n’existe pas d’archives officielles sur le nombre de suicides dans la police, dans cette province.
238 Le gouvernement de l’Ontario a fondé la Police provinciale de l’Ontario le 13 octobre 1909. Depuis, cet organisme est passé de 50 policiers à 6 152 membres en uniforme et 1 862 civils, plus 123 employés dans les Premières nations dont la police relève de l’OPP[76]. C’est l’un des plus grands services de police en Amérique du Nord, et c’est le deuxième en importance au Canada[77].
239 L’OPP a pour responsabilité d’offrir des services de police de première ligne dans 322 municipalités, à partir de 166 détachements, cinq bureaux régionaux, un bureau de division et son quartier général situé à Orillia.
240 L’OPP est aussi chargée de la sécurité de la circulation sur les routes, les voies navigables et les sentiers de l’Ontario, surveillant une zone terrestre de presque un million de kilomètres carrés et des voies navigables d’un peu moins de 95 000 kilomètres carrés.
241 De plus, l’OPP assure un leadership dans divers projets d’opérations policières conjuguées relevant de plusieurs instances, dont les suivantes : Stratégie provinciale de protection des enfants contre l’exploitation et les agressions sexuelles sur Internet, Registre des délinquants sexuels de l’Ontario et Unité de la confiscation d’actifs criminels[78].
242 Le commissaire de l’OPP, nommé par le Conseil des ministres, est responsable de la direction générale et de l’administration de l’OPP, sous l’égide du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels.
243 Bien que les blessures de stress opérationnel ne soient pas un élément nouveau dans le milieu policier, ce n’est que depuis quelques décennies que les services de police commencent à reconnaître leurs répercussions néfastes et à créer des programmes de lutte et de prévention.
244 À l’OPP, la sensibilisation et la réaction au stress opérationnel ont évolué graduellement.
245 En juillet 2006, le Bureau des ressources humaines de l’OPP a préparé une étude intitulée « The Impact of Stress on Officers and the OPP Response », qui retrace l’historique de la position de l’OPP face au stress opérationnel. Cette étude précise que, jusque dans les années 1980, l’OPP n’avait pas de programmes spéciaux concernant le stress opérationnel. Mais de 1980 à 1990, le psychologue du personnel de l’OPP a géré un programme ad hoc comprenant un soutien aux policiers à la suite d’incidents critiques, dont les fusillades et le recours à une force mortelle. Le psychologue rencontrait les policiers qui avaient pris part à de tels incidents pour leur donner des renseignements généraux sur le stress et pour déterminer leur capacité à reprendre pleinement leurs fonctions. Une équipe informelle de policiers le secondait en rencontrant leurs collègues et en faisant un suivi au besoin. Mais il n’existait pas de services continus de counseling pour les policiers.
246 En 1990, l’OPP a engagé un nouveau psychologue du personnel et a mis en place un processus plus structuré, permettant à ce psychologue de se rendre sur les lieux d’incidents critiques pour aider les policiers, partout dans la province. Toutefois, il n’y avait toujours pas de services continus de counseling.
247 En 1991, l’OPP a créé des équipes de soutien par les pairs et de gestion des traumatismes, comprenant une vingtaine de bénévoles qui apportaient un appui personnel, mais orientaient les policiers vers des ressources communautaires pour un traitement clinique. Les policiers devaient payer les services qu’ils utilisaient.
248 En 1995, l’OPP a fondé un comité d’examen du Programme d’aide aux employés, comprenant des représentants de chacune des régions ainsi que de l’Association de la Police provinciale de l’Ontario, pour étudier les services existants de soutien aux employés et recommander des changements. De là est né un service parrainé par l’employeur et conçu pour aider les employés et leurs familles à trouver de l’aide en cas de troubles psychologiques, de difficultés familiales, de toxicomanies ou de problèmes de santé. En 2001, toutes les recommandations du comité avaient été mises en œuvre et l’OPP avait un programme de counseling externe, d’éducation et de soutien par les pairs, conformément aux directives de l’International Association of Chiefs of Police sur les fusillades impliquant des policiers et sur le soutien par les pairs.
249 Dans son étude de juillet 2006, le Bureau des ressources humaines a indiqué que l’OPP avait créé un programme à volets multiples pour gérer le stress quotidien et le stress en cas d’incidents critiques, précisant que le bureau était responsable de mener ce programme, conformément à l’engagement pris par le service de police pour créer et conserver un environnement positif de travail.
250 Cette étude a analysé la documentation sur le stress en milieu policier, examinant par exemple les dangers psychologiques de la profession de policier, les réactions de stress aigu aux incidents critiques et les effets cumulés d’une exposition continue aux événements traumatiques. Elle a indiqué que, précédemment, une aide n’était souvent apportée aux policiers qu’à la suite de comportements comme des excès de boisson, des actes de violence familiale ou des suicides. Elle a précisé que la situation avait changé, soulignant le travail des équipes internes de soutien par les pairs et la formation à la gestion du stress chez les policiers en 2003, 2005 et 2006.
251 Les auteurs de cette étude argumentent avec force que les organismes policiers ont l’obligation d’aider les policiers à gérer leur stress et que l’OPP doit prendre des engagements en ce sens :
« Les organismes policiers ont la responsabilité légale et morale d’apporter un soutien aux policiers en cas de stress et de traumatisme. Toute organisation a le devoir légal de créer un environnement sécuritaire de travail pour ses employés, comme le dictent les textes de loi sur les politiques de santé et de sécurité au travail. Cette responsabilité comprend le devoir de protéger les employés contre tout tort psychologique. Toutefois, la nature même de la profession de policier fait qu’il est peut-être impossible pour les policiers de ne pas être exposés à des événements potentiellement stressants. Par conséquent, les organismes policiers sont responsables de minimiser les conséquences néfastes de tels événements et de protéger les policiers contre toutes blessures additionnelles. « Quelle que soit la responsabilité légale de le faire, il existe une obligation morale de minimiser l’impact du travail de policier sur les policiers qui servent et protègent la communauté.[79] »
252 En conclusion, les auteurs rappellent l’engagement de l’OPP à respecter les pratiques exemplaires, pour pouvoir s’acquitter de ses devoirs de protection envers tous ses employés.
253 Comme tous les autres employeurs, l’OPP est tenue de se conformer aux textes de loi sur les droits de la personne, la santé et la sécurité, de même que l’accessibilité.
254 Actuellement, les policiers de l’OPP bénéficient de programmes d’éducation et de formation sur les questions de stress opérationnel à plusieurs moments de leur carrière. L’OPP a aussi plusieurs programmes qui traitent des réactions émotionnelles au stress opérationnel.
255 Le Bureau de l’avancement professionnel de l’OPP comprend la Section des ressources humaines et l’Académie de la police provinciale de l’Ontario, qui offre des programmes de formation à plein temps et durant le service actif. La Section des ressources humaines comprend la dotation en personnel et l’élaboration des programmes – composante qui est responsable de coordonner les programmes d’aide aux employés – et les services psychologiques.
256 Chaque année, l’Académie de la police provinciale forme de 200 à 300 nouvelles recrues. Elle est aussi chargée d’assurer une formation annuelle obligatoire « en bloc » pour ses membres en service actif.
257 L’OPP est divisée en cinq régions, dont chacune a un responsable de la dotation et de la formation.
258 Les nouvelles recrues de l’OPP passent une semaine d’orientation à l’Académie de la police provinciale, avant de suivre 12 semaines de formation de base pour les agents de police au Collège de police de l’Ontario, à Aylmer – collège qui relève du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Ce collège forme 1 300 recrues et 8 500 anciens étudiants par an venant des services de police de toute la province[80]. Après avoir achevé le cours du collège avec succès, les recrues de l’OPP retournent à l’Académie pour cinq autres semaines de formation. Les diplômés sont ensuite placés dans un détachement de l’OPP, où ils restent à l’essai durant 12 mois. Préparer une recrue au « travail de patrouille » coûte environ 57 200 $ à l’OPP.
259 Quand les recrues arrivent à l’Académie, elles reçoivent une formation sur la santé et le bien-être, centrée sur les aspects physiologiques du stress et sur l’importance de la forme physique. La formation leur présente aussi les services offerts par le Programme d’aide aux employés.
260 Un instructeur du Collège de police de l’Ontario nous a fait savoir que les recrues recevaient aussi un enseignement général sur le stress et les activités policières, ainsi que sur la gestion du stress en cas d’incidents critiques. Deux guides sont remis aux recrues : Stress Management for Law Enforcement Officers, préparé par le Service du conditionnement physique, et Tema Conter Memorial Trust Stress Management Guide.
261 Quand les recrues reviennent à l’Académie après leur passage au Collège de police de l’Ontario, elles obtiennent des renseignements sur les capacités mentales et sur le phénomène que le spécialiste du comportement Kevin Gilmartin qualifie de « montagnes russes biologiques de l’hypervigilance », dans le cadre de leur formation sur la sécurité des policiers. On leur remet un exemplaire du livre du Dr Gilmartin, Emotional Survival for Law Enforcement[81], dans lequel l’auteur donne une explication de nature biologique de la fatigue des policiers et offre des conseils à ceux qui choisissent cette profession. Le « module de survie émotionnelle » de la formation est de 90 minutes.
262 L’Académie se prépare à adopter une approche où des thèmes comme la réaction au stress sont intégrés à toute la formation, au lieu d’être abordés séparément et ponctuellement. Des membres de l’équipe de soutien par les pairs ont parfois participé à des exercices de l’Académie pour discuter de l’impact du stress sur le corps et l’esprit, et pour partager des récits personnels de réaction aux traumatismes. L’Académie souligne l’importance de la santé physique et mentale, ainsi que des stratégies de gestion, et tout particulièrement de la forme physique. Le personnel des ressources humaines, de même que le psychologue du personnel de l’OPP, ont fait des présentations aux recrues sur divers sujets comme le Programme d’aide aux employés, le SSPT, l’anxiété et les toxicomanies. En outre, des brochures sélectionnées sont remises aux recrues, sur des sujets comme l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique, l’Équipe d’aide en cas de traumatisme et le Programme d’aide aux employés. Les recrues reçoivent aussi des conseils pour gérer le stress.
263 L’Académie organise aussi une demi-journée d’activités familiales durant laquelle les familles des recrues peuvent obtenir des renseignements sur le Programme d’aide aux employés, les interventions en cas de crise, le counseling et les signes de stress opérationnel. Comme on nous l’a dit, les familles sont ainsi averties : « Gardez l’œil sur ceux que vous aimez. Faites attention aux signes, car c’est une profession stressante et on peut ne pas voir les signes chez soi, mais d’autres le peuvent – et c’est la première indication. » Les familles des recrues sont aussi encouragées à lire le livre du Dr Gilmartin.
264 Une fois que les diplômés de l’Académie sont placés dans un détachement, ils peuvent aussi obtenir des renseignements supplémentaires sur le Programme d’aide aux employés et sur le soutien en cas d’incidents critiques, dans le cadre de leur orientation régionale.
265 La formation en bloc est un module obligatoire annuel de trois à quatre jours pour tous les membres en service à l’OPP qui ont à utiliser un équipement lié à l’usage de la force. Cette formation est coordonnée par l’Académie de la police provinciale. Le nombre de journées de formation et les sujets couverts varient de région à région et le programme change chaque année. Par exemple, certaines années, dans certaines régions, les incidents critiques, la réaction au stress et le bien-être ont été inclus dans la formation en bloc.
266 Les membres de l’OPP peuvent suivre des cours supplémentaires sur les questions de santé mentale. Une formation au stress en cas d’incidents critiques et le Programme d’aide aux employés sont inclus dans plusieurs cours de l’Académie, dont les suivants : commandant du lieu de l’incident, négociateur en cas de crise, Équipe d’intervention en cas d’urgence, Unité tactique et de secours, superviseurs et agents-formateurs. Ainsi, la séance de deux heures pour les commandants du lieu de l’incident couvre des sujets comme le stress cumulé, les symptômes sur le lieu de l’incident et après l’incident, la force de l’impact, le syndrome de stress post-traumatique, les interventions et les débreffages. Le cours d’enquêteur sur les normes professionnelles couvre lui aussi des sujets qui se rapportent aux manifestations du stress chez les policiers. Par ailleurs, les équipes régionales de négociations en cas de crise suivent une formation deux fois par an et revoient souvent des questions comme les blessures de stress opérationnel durant leur formation. La Section des sciences du comportement reçoit aussi régulièrement une formation sur les questions de santé mentale.
267 L’Unité de la formation en cours d’emploi, conjointement au Bureau des normes professionnelles, organise des séances d’information mensuelles pour les policiers de première ligne, travaillant en équipe et sur le terrain, qui couvrent parfois des sujets liés à la santé mentale. Depuis 1999, il y a eu 31 séances d’information opérationnelle sur le terrain axées sur les questions de santé mentale.
268 L’Académie de la police provinciale offre aussi un cours de formation en santé mentale qui enseigne aux participants comment reconnaître les signes et les symptômes des maladies mentales.
269 En outre, le psychologue du personnel de l’OPP a fait des dizaines de séances de formation pour les membres de l’OPP lors de conférences et d’autres rencontres, sur des sujets comme le suicide, le syndrome de stress post-traumatique et les autres questions liées aux blessures de stress opérationnel.
270 Les pairs des équipes d’aide en cas de traumatisme ont également pris part à diverses présentations sur le stress opérationnel.
271 La Section des opérations de communications provinciales, principalement composée de civils, a elle aussi donné des séances d’information sur le stress et les traumatismes, comprenant entre autres une formation trimestrielle pour le personnel qui inclut des stratégies de gestion du stress.
272 La gestion du stress est intégrée à certains des cours offerts aux policiers par le Collège de police de l’Ontario, mais l’OPP ne fait généralement pas appel à ce collège pour former ses effectifs après le recrutement. Certains policiers participent parfois à des formations sur la gestion du stress données par des fournisseurs de services externes.
273 La gestion du stress chez les policiers est l’un des sujets enseignés à l’Académie de la police provinciale. De plus, les ressources humaines offrent au personnel de direction une formation sur les aménagements du milieu de travail pour les employés atteints de handicaps (y compris de handicaps mentaux cachés) et sur les « signaux » à surveiller comme les changements de comportement, les absences chroniques et les heures supplémentaires excessives.
274 Le Rapport annuel 2010 de l’OPP déclare que celle-ci attache beaucoup d’importance au bien-être et à la vie saine, à la santé et à la sécurité au travail, ainsi qu’à une culture de soutien. Il souligne qu’en 2010, beaucoup de régions et de bureaux ont planifié des séances de sensibilisation au bien-être sur des sujets comme le stress et le SSPT, une alimentation saine, ainsi que la santé mentale et la gestion des conflits professionnels et du stress en milieu de travail. Il précise aussi qu’une « journée de la santé et de la sécurité / journée du bien-être » a eu lieu au quartier général. En outre, le comité du bien-être du Bureau des services de communication et de technologie a produit des fiches d’information mensuelles et a organisé régulièrement des séances de sensibilisation pour ses employés dans les centres de communications provinciales.
275 Certains détachements ont aussi profité des « journées du bien-être » pour évoquer des sujets comme la santé mentale et le stress en milieu de travail, mais aucune approche coordonnée ou uniformisée n’existe pour offrir ce type de formation partout, dans toutes les régions. Dans certains cas, des conférenciers invités ont parlé de sujets comme « les montagnes russes biologiques » ou la santé mentale, mais dans un détachement, par exemple, nous avons appris que la journée du bien-être avait simplement été une activité sociale et conviviale, par exemple un barbecue.
276 Des brochures sont mises à la disposition des policiers, leur fournissant entre autres des renseignements sur les équipes de gestion du stress en cas d’incident critique et d’aide en cas de traumatisme ainsi que sur le Programme d’aide aux employés, et leur donnant des conseils pour faire face au stress.
277 L’OPP prépare un DVD de 40 minutes à l’intention de tous ses membres et recrues, intitulé « Notre santé mentale », pour accroître la sensibilisation, réduire la stigmatisation, encourager le dialogue sur la santé mentale et lutter contre des problèmes comme le SSPT et le suicide. Ce DVD devrait faire appel à la participation de policiers qui ont vécu de tels problèmes et à celle du psychologue du personnel et du coordonnateur du Programme d’aide aux employés. Toutefois, bien que le DVD ait été approuvé en novembre 2010, il reste au stade de la préparation alors que nous rédigeons ce rapport.
278 L’OPP a préparé plusieurs documents pour aider ses dirigeants à identifier les incapacités physiques et mentales et les troubles d’apprentissage, et à procéder à des aménagements en conséquence. « Accommodating Hidden Disabilities @ work, A Best Practice Guide for Managers », daté du 3 avril 2006, indique ceci :
« En tant que gestionnaire, si vous soupçonnez qu’un employé a un handicap caché qui a des répercussions néfastes sur son rendement au travail, vous avez la responsabilité envers lui et notre organisation de prendre les mesures qui s’imposent. »
« Plus tôt vous accepterez la possibilité qu’un employé ait un handicap caché, et plus tôt vous pourrez donner à cet employé la possibilité d’obtenir le soutien, l’aide et l’aménagement du milieu de travail dont il a besoin pour continuer à travailler de manière productive. »
279 Un document datant de janvier 2008 et intitulé « Effective Employment Accommodation for Employees With Mental Health Issues » indique les coûts des maladies mentales, la nécessité pour les employés qui en souffrent de reprendre rapidement le travail, les signes des troubles mentaux et les moyens auxquels les gestionnaires peuvent recourir pour en parler aux employés.
280 L’OPP se sert du programme de contrôle de l’assiduité au travail de la Fonction publique de l’Ontario. Ce système identifie les employés qui prennent des congés de maladie de courte durée en nombre supérieur à un maximum donné (en 2011, neuf jours). Les gestionnaires peuvent imposer aux employés trop souvent absents un plan officiel d’assiduité, avec des objectifs de présence et un soutien pour les aider à s’améliorer. Les absences relatives aux incapacités définies par le Code des droits de la personne sont gérées dans le cadre d’un plan d’aménagement des horaires et fonctions.
281 Conformément à ses obligations d’employeur, l’OPP aménage le travail des policiers atteints d’invalidités, y compris de blessures de stress opérationnel, si des restrictions médicales les empêchent d’exercer pleinement leurs fonctions. Les policiers qui reprennent un travail adapté sont souvent affectés à une unité de réponse différentielle (il y a plusieurs unités de ce genre, de tailles différentes, dans la province). Ces unités s’occupent des appels qui ne demandent pas l’intervention de policiers de première ligne et travaillent surtout aux communications téléphoniques et à l’administration.
282 Les membres de l’OPP peuvent aussi bénéficier de prestations pour les blessures de stress opérationnel, comme le SSPT, dans le cadre du régime d’assurance collective de l’employeur et par le biais de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario.
283 Conformément au régime d’assurance collective de la province, la prise en charge des psychothérapies est généralement acceptée, jusqu’à 1 500 $ par année, plus 50 $ par demi-heure de psychothérapie ou d’évaluation personnelle.
284 Avant 2004, l’OPP faisait elle-même appel à un fournisseur externe de services pour gérer son Programme d’aide aux employés (PAE) destiné aux membres et à leurs familles. L’OPP avait retenu l’option d’un fournisseur externe pour des raisons de confidentialité. Depuis 2004, le Programme d’aide aux employés est offert dans le cadre du contrat général qui couvre tous les employés de la Fonction publique de l’Ontario. Avec ce PAE, tous les employés et leurs familles ont droit gratuitement à de multiples soutiens. Le counseling à court terme est offert pour des problèmes très divers, allant des difficultés familiales ou conjugales aux problèmes de stress, en passant par les troubles émotionnels et personnels, les toxicomanies, les deuils, les interventions en cas de crise, les soins aux enfants et aux personnes âgées et les difficultés juridiques et financières. Pour ceux qui quittent l’OPP, le PAE continue sa prise en charge durant les trois mois suivant le départ.
285 Les clients peuvent obtenir jusqu’à six séances de counseling et les gestionnaires du programme sont en droit de prolonger les traitements au-delà de cette limite. Les conseillers du PAE peuvent aussi orienter les clients vers des ressources externes. Ils ont une maîtrise dans un secteur pertinent d’activités (p. ex., travail social, counseling) et, à de rares exceptions près, ils comptent au moins cinq ans d’expérience après leur diplôme. Le fournisseur de services s’appuie aussi sur un réseau de 43 psychologues, dont 20 sont du niveau du doctorat. Les conseillers ne font ni diagnostic, ni évaluation des clients. Leur travail auprès des clients atteints de SSPT vise toujours un counseling à court terme. Les clients qui ont besoin de soutien à long terme sont orientés vers d’autres ressources.
286 Le fournisseur externe du PAE est aussi au service direct de 14 organismes de police en Ontario, en plus d’assurer des services à six autres en vertu de « contrats-cadres » similaires à l’accord passé avec la Fonction publique de l’Ontario et l’OPP.
287 Les cadres supérieurs du fournisseur externe du PAE ont précisé à nos enquêteurs que, bien que leurs conseillers soient des généralistes, ils sont en mesure de poser suffisamment de questions pour comprendre les expériences vécues par les policiers. Ils ont aussi ajouté qu’il était plus important de comprendre les dynamiques personnelles et les répercussions du stress sur des personnalités de types différents que la culture policière.
288 Le fournisseur externe du PAE produit des renseignements statistiques généraux sur ses clients, entre autres sur les catégories de problèmes rencontrés, comme l’anxiété, le stress, les difficultés de relations professionnelles ou les conflits. Il donne aussi des statistiques sur les orientations vers des ressources externes. Toutefois, il ne conserve aucune donnée indiquant si les clients sont de l’OPP ou si leurs problèmes sont liés au stress opérationnel dans le milieu policier.
289 En juin 2012, nous avons appris pour la première fois que l’OPP avait préparé une analyse de rentabilité en août 2011, en vue de créer un nouveau poste à plein temps de coordonnateur du soutien social pour blessures opérationnelles et de faire du poste existant de coordonnateur du Plan d’aide aux employés un poste à plein temps. Nous avons étudié ce document. Voici ce que dit son sommaire analytique :
« L’organisation a récemment participé à une enquête de l’Ombudsman de l’Ontario sur des plaintes à propos de la manière dont l’OPP gère les blessures de stress opérationnel (BSO), et notamment sur la culture et la gestion des BSO au sein de l’organisation. »
« Établir et tenir à jour des programmes/des services proactifs qui appuient la gestion des BSO et des crises constitue une priorité pour la Fonction publique de l’Ontario (FPO) et l’OPP. »
290 L’analyse de rentabilité indique que l’OPP doit respecter les exigences du Code des droits de la personne, de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, de la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail et de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario en ce qui concerne les droits de la personne, la santé et la sécurité au travail et l’accessibilité. Elle précise aussi que l’organisation dépend d’un seul spécialiste chevronné (qui a d’autres responsabilités) pour travailler aux dossiers de maladies, de blessures et d’aménagement des fonctions, mais que les ressources étant limitées, les interventions restent surtout axées sur les cas les plus graves. Elle souligne qu’une attention accrue portée par l’OPP aux blessures de stress opérationnel et à l’aménagement du travail aurait des répercussions importantes sur sa capacité à réagir avec efficacité et à respecter les diverses dispositions de loi, à l’avenir.
291 Considérant les conséquences potentielles d’un non-respect des lois et des politiques sur la santé et la sécurité au travail (p. ex., amendes, sanctions disciplinaires), ce document ajoute :
« Cette divergence et les répercussions potentielles d’un non-respect font qu’il est crucial, sur le plan organisationnel, de mettre l’accent en termes stratégiques sur la prévention et l’intervention précoce, notamment de renforcer les capacités organisationnelles de formation, de prévention et de gestion des cas. Ces efforts organisationnels proactifs sont nécessaires pour minimiser les risques de plaintes coûteuses déposées en vertu du Code [des droits de la personne], d’enquêtes et de contentieux. »
292 L’analyse dit aussi que « le renforcement des activités et de l’attention organisationnelle face à ces problèmes a entraîné une charge de travail ingérable pour les ressources existantes, mettant les dirigeants, les gestionnaires et les employés de l’OPP dans une situation de risques inacceptables ».
293 L’analyse appuie l’intégration de trois programmes : maladies, blessures et aménagement des fonctions d’une part, santé, sécurité et bien-être d’autre part, et enfin, sécurité professionnelle et assurance contre les accidents du travail. Elle fait aussi référence à la mise en place d’un « programme de soutien social pour blessures de stress opérationnel » dont le but serait de créer, d’élaborer et d’améliorer des initiatives de soutien social pour les membres touchés de l’OPP et leurs familles, ainsi que d’offrir des services d’éducation et de formation à la communauté de l’OPP.
294 L’analyse recommande la création d’un poste permanent de coordonnateur du soutien social pour blessures opérationnelles, qui serait employé à plein temps et chargé de mettre en place des réseaux de soutien par les pairs pour les familles partout dans la province, de faire la liaison avec les ressources communautaires spécialisées dans les blessures de stress opérationnel, d’organiser des groupes de soutien et d’apporter un appui technique, afin que soient réglés rapidement les problèmes de droits et de prestations des membres et de leurs familles. Ce coordonnateur serait aussi responsable de coordonner les programmes relatifs aux maladies, aux blessures et à l’aménagement des fonctions, aux traumatismes de stress opérationnel et aux autres problèmes de santé mentale. Cependant, alors que cette analyse avait été préparée à l’été de 2011 et que la recommandation de création de ce poste avait été apparemment approuvée, aucune mesure d’action concrète n’avait été prise pour y donner suite, alors que nous rédigions ce rapport.
295 Dans une étude faite en 2006, le Bureau des ressources humaines indique que, quand les policiers se sentent « isolés, dépourvus de soutien et de pouvoir » à la suite d’événements traumatiques, les stratégies positives les plus courantes pour faire face aux difficultés consistent entre autres à parler à des amis, à des pairs et à des conseillers en santé mentale[82]. En cohérence avec les recherches universitaires, cette étude fait la constatation suivante :
« Quand la recommandation de consultation vient d’un pair en qui ils ont confiance, beaucoup de policiers sont plus enclins à recourir à des services de counseling que s’ils devaient prendre eux-mêmes rendez-vous ou suivre la suggestion d’un membre de leur famille ou d’un clinicien[83].»
296 Alors que nous menions notre enquête, l’OPP comptait cinq équipes régionales de gestion du stress en cas d’incident critique et une équipe de la Division de la sécurité de la circulation, qui étaient composées de pairs policiers bénévoles. Elle avait aussi une équipe provinciale d’aide en cas de traumatisme formée de pairs policiers bénévoles. Comme l’a dit l’OPP dans son analyse de rentabilité en août 2011, au sujet de la création d’un poste à plein temps de coordonnateur du soutien social pour blessures opérationnelles et du passage à plein temps du coordonnateur du PAE, les pairs ne sont pas formés au métier de conseiller, « mais ils donnent aux policiers et à leurs familles la possibilité de parler, en confiance et en sécurité, de problèmes émotionnels avec quelqu’un à qui ils font confiance et qui peut comprendre leurs difficultés, surtout quand la nature même de celles-ci est influencée par le métier de policier ».
297 L’OPP a reconnu que « la nature même du métier de policier entraîne une exposition accrue à des événements potentiellement stressants dans l’exercice des fonctions » et que « la mesure dans laquelle les membres en uniforme peuvent être touchés par ces événements stressants dépend du degré de soutien ou du manque de soutien qu’ils reçoivent ». Dans l’analyse de rentabilité, l’OPP a noté ceci :
L’intervention dans les heures qui suivent immédiatement un incident critique s’avère cruciale. Si aucune mesure n’est prise, il peut en résulter ceci :
-
baisse du rendement personnel/de la productivité personnelle;
-
taux accru d’absentéisme;
-
taux accru de suicide;
-
réduction de la sécurité des membres/du public;
-
réduction de la capacité des membres à gérer la situation;
-
baisse du moral des membres, de leur satisfaction au travail et de leur participation;
-
réduction du bien-être des membres (personnellement et professionnellement).
298 Les membres d’équipe doivent suivre avec succès un cours d’intervention collective en cas de crise offert par l’International Critical Incident Stress Foundation. Ils sont aussi encouragés à suivre le cours de cette fondation sur les interventions individuelles en cas de crise et sur le soutien par les pairs. De plus, chaque année, ils participent à un atelier sur des sujets pertinents et sont formés à la prévention des suicides. Pour faire partie de l’équipe d’aide en cas de traumatisme, les pairs doivent avoir eux-mêmes vécu un incident traumatique.
299 Selon les ordres de l’OPP, les « incidents critiques » comprennent le décès d’un employé (en service ou non), une expérience de mort imminente, un désastre, un accident qui a fait plusieurs victimes ou tout événement hautement émotionnel lié au travail.
300 Quand un employé vit un incident critique, le policier chargé du lieu de l’incident est tenu de communiquer avec le chef de l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique de sa région. Ce dernier doit alors sélectionner un intervenant et communiquer avec lui, ou entrer en contact avec le chef de l’Équipe d’aide en cas de traumatisme, pour une intervention sur les lieux. L’intervenant doit se rendre sur le lieu de l’incident pour donner un soutien, une aide et des renseignements sur la gestion du stress à tout employé touché par l’incident.
301 Chaque région a une Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique, composée de policiers bénévoles, en disponibilité 24 heures sur 24 et sept jours par semaine. Une fois qu’ils ont été avisés d’un incident, les membres de l’équipe se rendent sur les lieux pour apporter aide et soutien. Ensuite, les responsables déterminent s’il doit y avoir un débreffage pour stress en cas d’incident critique. Les ordres de l’OPP précisent que ces débreffages sont des réunions de groupe confidentielles, animées par le psychologue du personnel de l’OPP ou par un fournisseur de services externes, avec l’appui d’un ou plusieurs membres de l’équipe de gestion du stress en cas d’incident critique. Pour les policiers directement touchés, ces réunions sont une possibilité d’exprimer leurs pensées et leurs émotions à propos de l’incident, de parler de ses répercussions sur eux et d’apprendre à gérer les retombées émotionnelles.
302 Le psychologue du personnel de l’OPP nous a expliqué que le but de toute Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique était d’aider les policiers à contextualiser ce qu’ils avaient vécu, à comprendre les réactions normales à l’événement et à savoir comment en parler, ainsi que de les renseigner sur les services disponibles. De plus, les membres de l’équipe sont censés faire un suivi auprès des policiers qui ont participé aux débreffages, pour déterminer comment ils font face à la situation.
303 Selon les ordres de l’OPP, un « incident traumatique » est une situation où un employé a été menacé par une arme, a subi une agression qui a mis sa vie en danger ou a dû recourir à une force mortelle dans l’exercice de ses fonctions.
304 En cas d’incidents traumatiques, le policier responsable du lieu de l’incident doit communiquer avec le chef de l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique de sa région. Ce dernier doit communiquer avec le chef de l’Équipe d’aide en cas de traumatisme, qui doit alors informer le psychologue du personnel qu’un incident traumatique s’est produit. Ensuite, un membre de l’équipe de soutien par les pairs en cas de traumatisme se met en rapport avec le policier directement concerné pour offrir un soutien, l’aider à exprimer ses émotions dans un environnement favorable et lui donner des renseignements sur la gestion du stress.
305 L’Équipe d’aide en cas de traumatisme se rend sur le lieu de l’incident pour apporter aide et soutien aux policiers qui l’ont vécu. Un débreffage pour traumatisme, similaire au débreffage pour stress en cas d’incident critique, peut aussi avoir lieu pour que tous les employés obtiennent l’aide et le soutien dont ils ont besoin.
306 En 2010, les Équipes de gestion du stress en cas d’incident critique sont intervenues 198 fois, ce total comprenant les premières interventions et celles de suivi, tandis que les Équipes d’aide en cas de traumatisme sont intervenues 27 fois. En 2011, les Équipes de gestion du stress en cas d’incident critique sont intervenues 199 fois, tandis que les Équipes d’aide en cas de traumatisme l’ont fait 25 fois. En 2012 (jusqu’au 30 avril), le total respectif pour chacune de ces deux catégories était de 71 fois et de quatre fois.
307 En janvier 2012, l’OPP s’est efforcée de recruter de nouveaux pairs pour ses Équipes de gestion du stress en cas d’incident critique et Équipes d’aide en cas de traumatisme. En juin 2012, les Équipes de gestion du stress en cas d’incident critique comptaient environ 40 bénévoles, tandis que celles d’aide en cas de traumatisme en comptait 11, au service de 6 100 policiers en uniforme.
308 La coordonnatrice interne du Programme d’aide aux employés (PAE) – une sergente du personnel qui travaille au Bureau de l’avancement professionnel – est responsable du recrutement, du déploiement et de la formation des Équipes de gestion du stress en cas d’incident critique et des Équipes d’aide en cas de traumatisme. De plus, elle coordonne le recrutement et la formation de l’Équipe de représentation par les pairs, qui compte quelque 22 pairs bénévoles et qui appuie le Centre de communications provinciales, dont le personnel est surtout composé de civils. Alors que nous faisions cette enquête, ce poste était encore à temps partiel, la sergente devant se partager de manière équilibrée entre la coordination des équipes de pairs et ses responsabilités de dotation en personnel.
309 Plusieurs dirigeants de l’OPP que nous avons interviewés nous ont dit que les équipes internes de pairs étaient continuellement en disponibilité et que la coordination de leurs activités s’avérait très exigeante. Beaucoup ont suggéré que le poste de la coordonnatrice interne du PAE devrait être à plein temps. En juillet 2011, un surintendant de l’OPP a envoyé un courriel au directeur des ressources humaines, disant que le programme de gestion du stress en cas d’incident critique était appliqué différemment selon l’endroit de la province et manquait de coordination. Il a préconisé la mise en place d’un programme mieux coordonné et a souligné la nécessité d’une gestion à plein temps, avec une coopération régionale.
310 Toutefois, certains cadres des ressources humaines à qui nous avons parlé considéraient qu’il était inutile de séparer les fonctions de coordination du PAE et qu’il n’y avait pas suffisamment de ressources pour le faire. Par la suite, nous avons appris que le poste de la coordonnatrice du PAE était devenu à plein temps le 7 novembre 2011. L’analyse de rentabilité effectuée pour appuyer ce changement (cette même analyse qui avait appuyé la création d’un poste à plein temps pour la coordination du soutien social pour blessures opérationnelles, encore vacant) a été préparée en août 2011 par le chef de la dotation en personnel et de la conception des programmes, dont l’actuelle coordonnatrice du PAE a commencé à relever en juin 2011. Ce document indique que le rôle de la coordonnatrice du PAE avait évolué au point où ses responsabilités relatives au PAE correspondaient à 80 % de son travail.
311 Contrairement à ce que nous avaient dit auparavant certains superviseurs des ressources humaines, l’analyse de rentabilité a identifié plusieurs risques à une coordination à temps partiel du PAE :
Le programme est vulnérable dans sa forme actuelle, en raison du risque potentiel d’épuisement de l’actuelle coordonnatrice à mi-temps du PAE ou des membres des équipes de bénévoles, pour les causes suivantes :
-
hausse des demandes d’intervention;
-
augmentation de l’aide et du soutien aux individus/aux familles;
-
différents niveaux d’engagement des bénévoles (c.‑à‑d., équilibre travail-vie);
-
manque d’uniformité de la formation donnée, qui exige plus d’orientation, d’accompagnement et de mentorat pour que les bénévoles puissent apporter un soutien efficace;
-
différents niveaux d’expérience des bénévoles entraînant la nécessité d’une orientation, d’un accompagnement et d’un mentorat continus;
-
nature même des événements qui sont épuisants physiquement et émotionnellement pour les bénévoles appelés à apporter un soutien continu.
312 L’analyse de rentabilité affirme que ces facteurs peuvent nuire à la qualité du soutien aux membres et qu’il y a un très réel besoin de renforcer la capacité des équipes existantes et de créer une nouvelle équipe dans la région centrale, où il n’en existe aucune :
« L’OPP a la responsabilité juridique et morale de minimiser les répercussions négatives de tels événements et d’offrir un environnement de travail sécuritaire. »
313 L’analyse propose une redéfinition du poste de coordonnateur du PAE afin qu’il devienne un poste spécialisé, à temps complet et à l’échelle provinciale. Elle invoque le besoin que quelqu’un dirige ce programme et élabore des approches novatrices et proactives pour contribuer au bien-être des membres de l’OPP. Elle souligne aussi les avantages potentiels d’une telle mesure :
« Renforcer la sensibilisation à ce programme à l’OPP, et en rehausser le profil, contribueront à améliorer l’idée que se font les membres du fait de demander de l’aide en cas de crise/de stress et à les inciter à le faire plus rapidement, de sorte à minimiser les répercussions négatives. De plus, ceci pourrait améliorer les résultats de recrutement et donc renforcer les équipes de pairs. »
314 Une fois que la proposition de l’analyse de rentabilité a été acceptée, et que son poste est devenu à plein temps, la coordonnatrice du PAE a suivi une formation pour apprendre comment former les pairs à son tour. La cohérence et la pertinence de la formation des bénévoles y ont gagné.
315 S’inspirant du programme du même nom au FBI, l’OPP a instauré un programme pilote Safeguard en 2003, pour répondre aux difficultés psychologiques des policiers infiltrés. La création de ce programme a été décidée à la suite de plusieurs incidents troublants impliquant des policiers de la Section du contrôle des stupéfiants, dont des comportements criminels, des inconduites et le suicide d’un policier. Devenu permanent, le programme a été élargi. Actuellement, il est utilisé par les policiers affectés à des opérations secrètes, dans toute l’OPP, ainsi que par ceux de la Section de l’exploitation sexuelle des enfants. Les policiers de ces unités spécialisées reçoivent une formation supplémentaire sur les réactions au stress en cas de traumatismes opérationnels.
316 Le programme Safeguard représente une approche proactive de soutien aux policiers en missions spécialisées. D’après l’OPP, il permet de leur donner les compétences et les capacités voulues pour gérer le stress au travail et de leur apporter un soutien durant et après les missions. Il permet aussi de réduire le potentiel de poursuites criminelles et civiles embarrassantes contre des policiers et contre l’OPP, et d’améliorer la qualité des enquêtes criminelles.
317 Ce programme couvre toutes les opérations secrètes, qui sont coordonnées par une équipe conjointe de gestion comprenant des représentants du Bureau des renseignements criminels – opérations provinciales et du Bureau de soutien aux enquêtes. Depuis qu’il a été mis en place, certains policiers ont été démis de leurs fonctions d’infiltration et d’autres n’ont pas été sélectionnés pour des opérations secrètes, en raison de problèmes décelés lors d’un dépistage psychologique.
318 Actuellement, l’OPP compte environ 40 membres actifs infiltrés et plus de 100 membres formés aux opérations secrètes. Les policiers sont détachés de divers secteurs de l’OPP aux activités d’infiltration.
319 Dans le cadre du programme Safeguard, les candidats à des activités d’infiltration sont évalués psychologiquement, pour déterminer leur aptitude. Si l’évaluation est positive, les candidats suivent un cours de techniques avancées d’infiltration. Ce programme n’est pas intégré aux Ordres de la police, ce qui signifie qu’il n’est pas techniquement obligatoire pour les policiers. Mais en pratique, il s’applique à toutes les missions d’infiltration qui durent plus de trois mois, comprennent un « travail de rue » continu ou régulier, ou comportent de « dures interactions ». De plus, il y a une évaluation de débreffage en fin de mission. Les évaluations sont faites par un psychologue consultant, qui rencontre aussi parfois des policiers infiltrés en proie à des problèmes émotionnels en raison d’incidents stressants au travail.
320 La Section de l’exploitation sexuelle des enfants (acronyme anglais CSES) bénéficie d’un programme Safeguard depuis 2005. En 2009, cette section a conçu ses propres procédures opérationnelles standard, en s’inspirant en partie du travail d’autres services de police, de praticiens de la santé mentale du Centre de toxicomanie et de santé mentale à Toronto, ainsi que de recherches sur les effets d’une exposition professionnelle à la pornographie juvénile. L’OPP a consulté l’Association de la police provinciale de l’Ontario et, en 2011, le programme a été intégré aux Ordres de la police, le rendant obligatoire pour tous les membres de cette section.
321 Le programme pour les policiers de la CSES comprend des évaluations psychologiques, des tests, une formation aux signes avant-coureurs et des stratégies pour y faire face. Les policiers qui envisagent de travailler à la CSES doivent subir une évaluation psychologique qui vise à déterminer leur aptitude à ce travail. Au départ, les affectations à cette section sont temporaires et les policiers subissent une autre évaluation après 90 jours de travail. Tout le personnel de la CSES subit des évaluations psychologiques annuelles. Les personnes qui quittent cette section doivent subir une évaluation de départ, et une évaluation ultérieure est faite durant l’année qui suit. Pendant toute une année après leur départ, les policiers peuvent demander un counseling.
322 Le psychologue consultant externe qui travaille avec les policiers infiltrés fait aussi les évaluations à la CSES. Généralement, les séances durent quelques heures et permettent de passer en revue la vie professionnelle et personnelle du policier. Le psychologue conserve les notes de son évaluation et envoie à l’OPP un document d’une page indiquant si l’évaluation est positive ou négative, ou disant que le policier est apte à une affectation mais avec un aménagement temporaire des fonctions.
323 Tous les gestionnaires de la CSES doivent suivre des séances de formation et de sensibilisation données par un psychologue consultant, en vue de promouvoir la sensibilisation aux répercussions psychologiques de leur travail, aux moyens de minimiser les effets du stress professionnel et aux signes de difficultés. Une liste de documents à lire, régulièrement mise à jour, leur est également remise. Les procédures opérationnelles standard de ce programme indiquent ceci :
En raison de la nature inhabituelle du travail, il est utile pour les gestionnaires d’entretenir une culture qui permet aux membres du personnel de parler ouvertement des situations ou des émotions, sachant que le contenu des discussions sera traité avec délicatesse et confidentialité.
324 La CSES contribue aussi à la Stratégie provinciale de protection des enfants contre l’exploitation et les agressions sexuelles sur Internet, financée par la province. Cette stratégie regroupe environ 56 enquêteurs représentant 18 autres organismes d’application de la loi. Chacun des services de police participant à cette stratégie peut librement décider d’offrir ou pas le programme Safeguard à ses policiers.
325 Selon le Dr Peter Collins, psychiatre légiste, le caractère obligatoire de ce programme contribue à combattre la stigmatisation associée aux consultations chez le psychologue. D’après lui, contraindre les policiers à rencontrer un psychologue leur donne la possibilité d’établir un rapport thérapeutique, d’où peut découler un diagnostic. Il a précisé que le seul inconvénient était le risque de pathologiser un comportement normal, si le clinicien n’était pas qualifié dans ce domaine.
326 Un haut gestionnaire qui a pris part à l’élaboration des procédures opérationnelles standard pour le programme Safeguard de la CSES a aussi souligné que l’un des avantages déterminants de l’avoir rendu obligatoire était de démystifier et de normaliser les évaluations psychologiques.
Il est culturellement accepté dans la section d’aller chez son psy, pour ainsi dire. Vous y allez une fois par an. Il n’y a pas de stigmatisation. Ça fait partie du travail et ça contribue à établir une culture où c’est acceptable. Et du coup, avec la lecture répertoriée [dans nos procédures opérationnelles standard] à faire par le superviseur, on peut reconnaître les signes et les symptômes en cas de blessures de stress opérationnel.
327 Les dépenses entraînées par ce programme valent vraiment la peine d’être faites, a dit ce gestionnaire, ajoutant que le programme peut avoir des avantages de longue durée.
328 Le Bureau d’avancement professionnel de l’OPP élabore actuellement une politique de rotation d’emplois qui contribuerait à limiter l’exposition des policiers aux lieux et aux événements pouvant causer des troubles émotionnels. En janvier 2012, nous avons été avisés que les consultations à propos de ce programme avec l’Association de la police provinciale de l’Ontario en étaient aux dernières étapes.
329 En 2010 et 2011, l’OPP a mené des projets pilotes portant entre autres sur un « test de stress chez les policiers » dans son programme Enquêtes / reconstitution d’accidents de la circulation. Le Dr Donald McCreary, du ministère de la Défense nationale, a conçu ce test et l’OPP a reçu la permission de l’utiliser et de l’afficher sur son intranet. Ce test évalue deux dimensions du stress et attribue trois notes – pour le stress organisationnel, opérationnel et général. Les policiers qui participent à ce projet pilote font ce test en ligne quatre fois par an, en utilisant un numéro d’identification personnel pour préserver leur anonymat. Il faut environ 10 minutes pour effectuer ce test, qui est noté automatiquement. Les participants reçoivent confidentiellement des renseignements sur leur santé mentale et sur leur niveau de stress. Des données globales sont aussi recueillies et une note générale est attribuée au stress organisationnel, opérationnel et général pour chacun des chefs régionaux. Au cours du temps, ceux-ci peuvent utiliser les résultats pour comprendre la nature du stress vécu par les policiers et pour voir si les stratégies de réduction du stress s’avèrent efficaces.
330 Le premier projet pilote, auquel 55 policiers ont participé, a eu lieu à l’automne de 2010. En 2011, 62 policiers de toutes les régions ont fait le test en ligne. De plus, 27 policiers ont fait le test entre le premier projet pilote et le second.
331 En novembre 2011, le psychologue du personnel de l’OPP a fait un compte rendu sur les résultats du test. Le niveau de stress général dans toutes les régions correspondait à la moyenne, sauf dans la Région du Centre (où se sont produits plusieurs changements de gestion, nous a-t-on dit) et dans la Division de la sécurité de la circulation, où le stress était supérieur dans les trois catégories. Le psychologue du personnel a fait savoir que ces deux régions pourraient avoir besoin d’une attention plus soutenue et de ressources ou de stratégies supplémentaires pour gérer les niveaux grandissants de stress.
332 Il a aussi recommandé que le test soit adopté dans le cadre de l’approche suivie par ces unités dans le secteur de la santé mentale et qu’il soit élargi à d’autres unités spécialisées. De plus, il a préconisé un second projet pilote centré sur une enquête annuelle portant sur les symptômes similaires au SSPT, avec une même approche.
333 Lors de nos entrevues avec l’OPP, le psychologue du personnel nous a dit qu’il espérait procéder de nouveau au test dans l’Équipe provinciale de liaison, dont les membres rencontrent les citoyens qui se préparent à des manifestations. De l’avis de ce psychologue, le test pourrait être utilisé à l’avenir dans toutes les équipes spécialisées. Le psychologue a aussi évoqué la possibilité d’une page Web où les policiers pourraient communiquer anonymement avec lui, ainsi qu’avec des pairs de l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique et de l’Équipe d’aide en cas de traumatisme. Il a souligné que certains policiers pourraient ne pas souffrir de SSPT, mais avoir des symptômes comme des cauchemars qui peuvent être très débilitants. En recueillant anonymement des données, l’organisation pourrait évaluer l’étendue du problème et concevoir des programmes et des stratégies pour y remédier, a-t-il ajouté.
334 L’un des inspecteurs dont les policiers avaient participé au projet pilote a jugé les résultats très positifs. Il nous a dit que l’anonymat était une caractéristique importante de ce test. Il a mentionné un policier qui, après avoir fait le test et utilisé l’outil d’auto-analyse, a décidé d’abandonner le programme. Ce policier était encore en bonne santé, mais il a reconnu qu’il était temps de quitter. L’inspecteur a déclaré qu’il avait entendu de nombreux commentaires positifs des membres sur le test de stress. Il a ajouté que les renseignements anonymes sur les tendances étaient très utiles pour lui en tant que gestionnaire. Il aimerait que ce programme devienne « permanent ».
335 De toute évidence, l’OPP a fait bien des progrès depuis l’époque où il n’existait ni formation ni soutien pour ses membres atteints de stress opérationnel. Il serait utile d’examiner ses statistiques sur les blessures de stress opérationnel pour déterminer dans quelle mesure ses efforts ont porté fruit. Mais le fournisseur externe du Programme d’aide aux employés ne donne à l’OPP aucun renseignement spécifique sur la nature des contacts établis par les policiers de l’OPP et leurs familles. L’OPP ne dispose d’aucun moyen de retracer les policiers, en service ou à la retraite, qui souffrent de blessures de stress opérationnel. Toutefois, il existe des archives des demandes d’indemnisation à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) dans le cadre de sa police d’assurance sur le stress mental dû aux traumatismes. Certains policiers, actuellement ou anciennement au service de l’OPP, qui sont atteints de blessures de stress opérationnel, ont droit à des prestations en vertu de cette police d’assurance – y compris à des traitements de santé comme les programmes spécialisés concernant les traumatismes psychologiques et à des indemnités pour les frais de médicaments et les pertes de revenu.
336 Le conseiller en ressources humaines de l’OPP, qui veille au suivi des demandes à la CSPAAT, nous a dit que les cas de SSPT et les demandes d’indemnisation avaient augmenté au cours des dernières années. Selon une ancienne directrice des ressources humaines, les blessures de stress opérationnel sont la cinquième cause de demandes d’indemnisation de l’OPP à la CSPAAT et ce sujet est « vraiment dans notre collimateur ». L’organisation cherche à réduire le nombre de demandes grâce à des initiatives comme le soutien par les pairs, a-t-elle déclaré.
337 En réponse à notre enquête, l’OPP a préparé un rapport statistique sur les blessures de stress opérationnel de 2006 à 2011. Grâce à la base de données du Système de gestion utilisé par la Fonction publique de l’Ontario pour les demandes à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (système qui retrace les maladies et les blessures), l’OPP a analysé les données de ces six années pour identifier les cas possibles de blessures résultant d’un stress opérationnel.
338 Les recherches dans la base de données ont été faites pour « trouble ou syndrome mental », incluant l’anxiété, le stress, les troubles névrotiques, le stress post-traumatique, la panique, la dépression et l’épuisement. L’OPP a identifié 269 incidents traumatiques pour cette période, représentant un coût de près de 3,5 millions $ (en termes de prestations versées par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail). Le tableau suivant illustre les résultats.
Tableau 2 : Incidents qui ont été la cause de blessures de stress opérationnel parmi les membres de l’OPP, 2006-2011
Année |
Incidents
Total
|
Incidents
Danger (pas de blessure)*
|
Incidents
Soins de santé requis** |
Incidents
Congé requis |
Incidents
Récurrences |
Jours perdus (en nombre de journées de 8 heures) |
Coûts pour la CSPAAT*** |
2006 |
31 |
1 |
3 |
23 |
4 |
3 928 |
1 556 431 $ |
2007 |
27 |
1 |
3 |
19 |
4 |
5 662 |
602 558 $ |
2008 |
26 |
1 |
2 |
16 |
7 |
2 854 |
448 382 $ |
2009 |
54 |
18 |
4 |
19 |
13 |
3 813 |
489 671 $ |
2010 |
81 |
40 |
7 |
25 |
9 |
3 224 |
320 395 $ |
2011 |
50 |
1 |
7 |
25 |
17 |
2 586 |
64 759 $ |
TOTAL |
269 |
62 |
26 |
127 |
54 |
22 067 |
3 482 196 $ |
* Cas où un incident a été signalé, qui a pu causer des symptômes de BSO mais n’a pas entraîné de soins de santé ou d’absence du travail.
** Incidents où une intervention médicale a été nécessaire, mais où il n’y a pas eu d’absence du travail.
*** Y compris les coûts associés à la demande approuvée par la CSPAAT, mais excluant les frais d’administration de l’Annexe 2; les coûts des récurrences sont ajoutés à l’incident d’origine de l’année précédente.
Source : Police provinciale de l’Ontario
339 L’analyse de l’OPP souligne que seuls les incidents qui ont exigé des soins de santé ou une absence du travail ont été signalés à la CSPAAT pour une détermination des droits aux indemnités, en vertu de sa police d’assurance sur le stress mental dû aux traumatismes. En six ans, 207 demandes officielles ont été présentées pour des blessures de stress opérationnel, 101 ont été approuvées par la CSPAAT, tandis que sept restaient en suspens. De plus, 62 incidents ont été signalés, mais non communiqués à la CSPAAT.
340 Le tableau suivant donne le détail de ces demandes.
Tableau 3 : Demandes présentées par les membres de la Police provinciale de l’Ontario à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail pour des blessures de stress opérationnel, 2006‑2011
2006 |
Approuvées |
Rejetées |
Abandonnées |
En suspens |
Demandes pour soins de santé |
3 |
0 |
0 |
0 |
Demandes pour arrêt de travail |
11 |
7 |
5 |
0 |
Demandes pour récurrence |
2 |
2 |
0 |
0 |
Totaux |
16 |
9 |
5 |
0 |
Total des demandes : 30 |
|
|
|
|
2007 |
Approuvées |
Rejetées |
Abandonnées |
En suspens |
Demandes pour soins de santé |
0 |
1 |
2 |
0 |
Demandes pour arrêt de travail |
9 |
5 |
5 |
0 |
Demandes pour récurrence |
3 |
1 |
0 |
0 |
Totaux |
12 |
7 |
7 |
0 |
Total des demandes : 26 |
|
|
|
|
2008 |
Approuvées |
Rejetées |
Abandonnées |
En suspens |
Demandes pour soins de santé |
1 |
0 |
1 |
0 |
Demandes pour arrêt de travail |
4 |
9 |
3 |
0 |
Demandes pour récurrence |
5 |
1 |
1 |
0 |
Totaux |
10 |
10 |
5 |
0 |
Total des demandes : 25 |
|
|
|
|
2009 |
Approuvées |
Rejetées |
Abandonnées |
En suspens |
Demandes pour soins de santé |
3 |
0 |
1 |
0 |
Demandes pour arrêt de travail |
11 |
3 |
5 |
0 |
Demandes pour récurrence |
12 |
0 |
1 |
0 |
Totaux |
26 |
3 |
7 |
0 |
Total des demandes : 36 |
|
|
|
|
2010 |
Approuvées |
Rejetées |
Abandonnées |
En suspens |
Demandes pour soins de santé |
3 |
3 |
1 |
0 |
Demandes pour arrêt de travail |
9 |
9 |
7 |
0 |
Demandes pour récurrence |
6 |
2 |
1 |
0 |
Totaux |
18 |
14 |
9 |
0 |
Total des demandes : 41 |
|
|
|
|
2011 |
Approuvées |
Rejetées |
Abandonnées |
En suspens |
Demandes pour soins de santé |
0 |
2 |
3 |
2 |
Demandes pour arrêt de travail |
9 |
11 |
2 |
3 |
Demandes pour récurrence |
10 |
3 |
2 |
2 |
Totaux |
19 |
16 |
7 |
7 |
Total des demandes : 49 |
|
|
|
|
TOTAL 207 |
101 |
59 |
40 |
7 |
341 De toute évidence, l’OPP est beaucoup plus consciente de la nécessité de veiller au bien-être psychologique de ses membres qu’elle ne l’était il y a quelques décennies, quand Bruce Kruger a commencé sa carrière de policier. À l’été de 2011, le commissaire Chris Lewis a publié un « Communiqué du commissaire » dans le magazine interne de l’OPP, où il a évoqué le changement d’attitude de cette organisation envers les blessures de stress opérationnel :
Quand j’ai commencé à travailler dans la police il y a plus de 32 ans, la culture était telle que toute expression de souffrance émotionnelle ou psychologique était souvent perçue comme une faiblesse. Les policiers devaient être des durs. S’ils osaient s’adresser à un superviseur ou à un collègue pour parler d’un tel problème, la réponse était fort probablement : « encaisse ». Malheureusement, c’était un milieu où la réticence à s’identifier était forte.
Heureusement, ce n’est plus le cas. Nous avons beaucoup appris sur le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) au cours des trois dernières décennies et le milieu policier en est venu à comprendre ses effets sur notre profession. À certains moments, les policiers sont témoins de terribles scènes et événements. Il arrive qu’ils soient contraints de supprimer une vie et beaucoup de membres de notre personnel ont perdu un collègue. Nous devons les appuyer pour qu’ils se rétablissent.
342 Le commissaire Lewis a incité tout employé atteint de blessures de stress opérationnel à s’adresser au Programme d’aide aux employés, rappelant qu’il n’y a aucune honte à prendre soin de sa santé psychologique et demandant à tout le monde d’être attentif au bien-être des collègues. Il a aussi fait la promotion de programmes personnalisés de bien-être et d’exercice pour réduire le stress.
343 En mai 2012, un article de presse a cité des remarques similaires du commissaire Lewis. Celui-ci a alors fait observer que l’OPP encourageait désormais « ses employés à se manifester » et « à ne pas avoir honte… de demander de l’aide[84]. » Selon cet article, le commissaire Lewis a expliqué qu’une aide était offerte aux policiers immédiatement après un incident critique :
Nous avons des policiers qui sont formés en ce sens et nous avons un psychologue à plein temps à l’OPP. On fait immédiatement un débreffage et on offre un soutien continu. On fait systématiquement des suivis avec nos policiers… Ils savent qui appeler, et quand ils n’appellent pas, c’est nous qui communiquons avec eux.
344 Selon l’article, le commissaire a déclaré que la stigmatisation des troubles de santé mentale avait beaucoup diminué et que l’OPP, en tant qu’organisation, ne voyait plus du tout les appels à l’aide comme des expressions de faiblesse : « Il y a des gens qui ne voudront jamais d’aide – mais nous leur en offrons une et nous leur présentons toutes les options pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls. »
345 Malheureusement, d’après les preuves recueillies durant notre enquête, la vision qu’avait le commissaire d’une culture éclairée, orientée vers un soutien aux personnes souffrant émotionnellement en raison de traumatismes opérationnels, ne semble pas avoir filtré et s’être concrétisée au sein de l’OPP.
346 L’un des thèmes prédominants qui ressort de nos entrevues avec les dirigeants de l’OPP, surtout avec ceux qui ont une expérience directe des blessures de stress opérationnel, est que la stigmatisation des maladies mentales reste profondément ancrée et omniprésente parmi les rangs de l’OPP. Les policiers en service actif et les policiers depuis longtemps retraités nous ont fait des récits étonnamment similaires sur les perceptions négatives persistantes des blessures de stress opérationnel.
347 Un certain malaise face aux problèmes de santé mentale n’est pas particulièrement surprenant. En dépit de certains progrès au cours des dernières années, l’incompréhension des maladies mentales reste un fléau sociétal. Les gens qui éprouvent des difficultés psychologiques sont souvent perçus à tort comme étant faibles, inférieurs, diminués et parfois dangereux. Ces conceptions erronées peuvent s’amplifier dans le contexte de la police, où la force, la résilience et le contrôle sont tout particulièrement prisés et où les policiers sont censés venir à la rescousse dans des situations d’urgence et s’épauler en cas de crise.
348 L’équilibre est délicat. De par leur formation, les policiers doivent exercer leur contrôle et faire face aux désastres. Ceci dit, ils doivent aussi être informés des blessures de stress opérationnel, les comprendre et en parler, pour en minimiser l’impact. Comme nous l’a fait remarquer un policier responsable de la formation et du perfectionnement professionnels :
En tant que policier, vous êtes censé être dur, insensible, calme et impassible, sans arrêt. Et vous l’êtes en public. Vous gérez des situations vraiment terribles. Vous ne devez pas vous laisser perturber. Mais vous êtes perturbé. Certains sont plus perturbés que d’autres. La raison pour laquelle je ne montre pas mes émotions quand je suis dans la rue, en public, c’est que je ne suis pas censé le faire en tant que policier. Alors voilà, je gère la stigmatisation dans ma tête. Les maladies mentales sont-elles stigmatisées? Absolument, et pas juste dans le milieu policier. Les maladies mentales sont stigmatisées dans n’importe quel emploi. Vous ne voulez pas donner l’impression d’être faible. C’est une question de perception. Un sur quatre parmi nous souffrira d’une forme de maladie mentale au cours de sa vie. Et c’est ce qu’on essaie de faire savoir… On essaie de réduire la stigmatisation. Mais elle reste. C’est sûr, il y a stigmatisation. Probablement davantage dans cette profession que dans d’autres, parce que nous sommes censés être des durs, vous comprenez, nous sommes censés ne pas perdre la tête…
349 Il a aussi dit que l’OPP fait beaucoup mieux, mais que les stigmates subsistent : « C’est un sujet tabou. »
350 Bon nombre des policiers que nous avons interviewés se sentaient trahis par la direction de l’OPP et éprouvaient un sentiment d’aliénation face à leurs pairs quand leurs blessures de stress opérationnel étaient révélées. Ils ont souligné que la culture policière encourageait la force, que tout signe de faiblesse devait être combattu, et que les personnes atteintes de blessures de stress opérationnel étaient vite écartées. L’un des policiers nous a expliqué que tout ceci commençait dès la formation, se souvenant qu’on lui avait dit alors : « Si quelqu’un dans le groupe a un problème ou une ‘‘aile blessée’’… concentrez-vous sur les autres… L’unité doit avancer. Si quelqu’un est laissé en arrière, l’unité doit avancer. »
351 Les policiers, en service ou à la retraite, à qui nous avons parlé ont souvent utilisé des expressions sur le thème de « dévorer les siens, plutôt qu’aider les siens » pour décrire l’attitude de l’OPP envers ceux qui souffrent de blessures de stress opérationnel – mots qui rappellent le concept darwinien de la « survie du plus fort ». Un commandant de détachement a reconnu que, dans les cas de blessures causées par le stress, « oui, en quelque sorte, on dévore les nôtres ». Et il a ajouté que, quand des policiers sont ainsi blessés, leurs amis au travail les abandonnent et tiennent ce type de dialogue interne : « Tu n’es plus qu’une branche morte. Tu fais maintenant partie des blessés qui traînent la patte. Moi, je vais faire un vrai travail de policier. »
352 Un policier qui a pris sa retraite en 2009 s’est souvenu que, quand il avait repris le travail après une blessure grave, un sergent l’avait en fait traité de « branche morte ». Ce policier, qui comptait 25 ans de service, a aussi été confronté à un autre superviseur qui lui a dit d’aller chercher une combinaison de travail : il allait laver les véhicules de police au garage pour le restant de sa carrière, puisqu’il ne pouvait plus travailler en première ligne.
353 Il est souvent difficile pour les collègues des policiers de reconnaître et d’accepter les blessures de stress opérationnel car elles sont invisibles. Comme nous l’a dit un policier atteint de SSPT :
Je n’ai pas de cicatrice. Je ne boite pas. Rien chez moi ne révèle que j’ai une blessure grave. Et le SSPT est sans aucun doute une blessure grave.
354 Certains policiers nous ont expliqué que, quand des collègues reprennent le travail après des absences dues au stress et que des mesures spéciales doivent être prises pour aménager leurs tâches, le moral peut en souffrir. En effet, leurs collègues peuvent éprouver du ressentiment en raison de quarts de nuit supplémentaires ou de charges de travail accrues. Quand un policier reçoit une balle ou se fracture un os au travail, ses collègues comprennent qu’il doive se faire soigner, prendre des congés, bénéficier d’un aménagement de ses fonctions, mais la réaction est souvent différente pour les blessures de stress opérationnel.
355 Plusieurs responsables de l’OPP que nous avons interviewés nous ont dit que les employés qui sont en congé de maladie pour cause de stress suscitent des soupçons considérables. Apparemment, il est fréquent que les collègues disent que ces policiers ont consulté le « Dr Kongédété » ou expriment des doutes sur leur bonne foi. Un commandant de détachement a fait remarquer que le scepticisme est inhérent au milieu policier :
Toute cette histoire de stigmatisation, ça se résume en fait à… nous, les policiers, on se demande sans cesse si c’est légitime ou pas… ça fait partie de notre travail, pas vrai?
356 Ce commandant s’est aussi souvenu du cas d’un policier qui avait un problème de boisson : le bureau parlait sans arrêt du fait que le policier en question faisait tout retomber sur son SSPT. Ses collègues disaient qu’il choisissait « la solution de facilité ». Selon ce commandant, les policiers ont tendance à soupçonner que leurs collègues longtemps absents du travail abusent du système, tout comme les ouvriers qui se plaignent « de maux de dos » et prétendent être blessés pour obtenir une indemnisation.
357 Un commandant de bureau s’est souvenu avoir plaisanté avec un conseiller en ressources humaines, disant que le SSPT, « c’est le mal de dos de ce millénaire. Le mal de dos a toujours été cause de problèmes pour la police, car il y a des types qui ont des maux de dos et qui sont en train de se construire un patio… »
358 Un formateur de l’Académie de la police provinciale nous a dit qu’il y a une vingtaine d’années, les policiers buvaient pour faire face au stress, tandis qu’actuellement, ils ont plutôt tendance à utiliser le Programme d’aide aux employés et à participer à des débreffages à la suite d’incidents critiques. Il a souligné que les policiers acceptaient beaucoup mieux le stress aigu dû aux incidents critiques, mais qu’ils avaient encore bien des difficultés à comprendre le stress cumulé à long terme. Dans son cours pour les sergents, il demandait régulièrement à ses étudiants ce qu’ils penseraient s’ils voyaient un de leurs membres en train de faire du jogging alors qu’il était en congé pour cause de stress. La réponse typique était que ce policier « simulait » une maladie. Le formateur répliquait alors que l’exercice réduit le stress et que c’est un moyen recommandé de le réguler.
359 Même ceux qui sont tenaillés par des réactions négatives au stress éprouvent des difficultés à admettre leurs réactions. Une policière de l’OPP, dont le mari est lui aussi policier et souffre du syndrome de stress post-traumatique, a qualifié « d’horrible » le milieu de travail de l’OPP en ce qui concerne toute la question des maladies mentales. Les policiers sont les premiers appelés à l’aide, mais les derniers à admettre qu’ils peuvent avoir besoin d’aide eux aussi, a-t-elle dit. Lors de notre enquête, beaucoup de témoins ont utilisé l’expression « il faut encaisser » pour décrire une culture qui continue d’encourager les policiers à ignorer les souffrances psychologiques.
360 L’une des caractéristiques des blessures de stress opérationnel est que les mêmes incidents ne déclenchent pas les mêmes réactions chez tout le monde. Les policiers qui vivent un même événement traumatique ne sont pas touchés dans la même mesure. Les superviseurs ou les collègues qui ont vécu personnellement des expériences difficiles et qui « se sont endurcis » ont souvent peu de sympathie pour ceux qui sont incapables de le faire.
361 Un policier qui s’est plaint à nous s’est souvenu que, quand il s’est assis en face de son sergent pour lui remettre d’une main tremblante une ordonnance médicale recommandant un congé pour blessure de stress opérationnel, celui-ci lui a répondu : « Bon, on a vu tous les deux des choses merdiques, on a vécu des situations merdiques, alors encaisse ». Un surintendant-détective à la retraite a fait écho à ce sentiment, dans sa réponse à un message en ligne de Bruce Kruger qui incitait les policiers à communiquer avec nous pour notre enquête. Il a écrit que, durant sa carrière, il avait vu des armes à feu pointées sur lui et qu’il avait été témoin « de nombreux accidents mortels et d’homicides horribles, incluant des enfants poignardés brutalement », mais qu’il avait fait face parce que c’était le métier qu’il avait choisi. Et il a ajouté : « Dans la vie, il y a d’autres problèmes qu’on peut facilement attribuer au SSPT, pour une raison ou pour une autre. L’équipe [du Bureau de l’Ombudsman] ferait peut-être bien de parler à ceux de notre organisation qui ont encaissé et qui ont simplement continué dans la vie. »
362 Le « mur du silence » – c’est-à-dire le sentiment de loyauté et la crainte des représailles qui incitent les policiers à ne rien dire contre leurs collègues – peut aussi expliquer en partie pourquoi les blessures de stress opérationnel sont si mal identifiées et traitées dans la police. En avril 2010, le mari d’une policière de l’OPP qui s’était suicidée après un long combat contre une maladie mentale a écrit à l’ancien commissaire de l’OPP. Aux funérailles de sa femme, des collègues de celle-ci lui avaient dit qu’ils savaient les difficultés qu’elle avait au travail mais que, dans un effort mal avisé pour la protéger, ils n’avaient rien dit de leurs inquiétudes. Voici ce qu’il a écrit :
… sa sécurité, celle de ses collègues et celle du public font qu’il est impératif de se montrer plus proactif avec les policiers qui vivent cette situation. Il faudrait peut-être inclure des entrevues régulières et continues avec les collègues et, chose plus importante encore, apporter des changements organisationnels et culturels qui aideraient ces policiers à se sentir plus à l’aise et à oser parler […].
Les morceaux du puzzle étaient tous là, bien qu’éparpillés et difficiles à assembler. Mais les familles, les superviseurs, les collègues et l’OPP en tant qu’organisme doivent travailler ensemble, de plus près, pour obtenir de meilleurs résultats à l’avenir.
363 Parlant avec nos enquêteurs, il s’est demandé pourquoi les collègues de sa femme avaient gardé le silence :
Ils ne voulaient pas moucharder… Dans cette culture, c’est comme ça qu’ils croyaient le mieux l’aider – et c’est ça le problème, non? Ils croyaient faire de leur mieux pour l’aider, car ils s’inquiétaient pour elle, et ils croyaient l’aider du mieux possible en ne disant rien.
364 Certains policiers depuis longtemps en exercice nous ont dit que la culture à l’OPP avait évolué avec le temps. Selon eux, l’OPP comprend de plus en plus que les policiers doivent reconnaître l’existence des blessures de stress opérationnel et demander une aide professionnelle. Toutefois, beaucoup de policiers nous ont dit qu’une crainte palpable de le faire subsiste et que les tentatives de solutions personnelles, comme le recours à la boisson, restent très courantes dans la police.
365 En plus des effets dévastateurs que peuvent avoir les attitudes négatives envers ces blessures sur ceux qui en souffrent, il faut souligner le danger que courent ceux qui cachent leurs souffrances par crainte d’être identifiés, ce qui accroît encore les risques de préjudices. L’observation suivante a été faite dans le contexte militaire :
… les soldats traumatisés attendent souvent des années avant de demander des soins. Il y a bien des raisons à cela. La honte, l’isolement et la stigmatisation institutionnelle des maladies mentales sont des forces puissantes s’opposant au besoin de demander de l’aide. De récentes recherches ont montré que la crainte de la stigmatisation constitue l’une des raisons principales pour lesquelles les soldats ne cherchent pas à se faire soigner, même après avoir reconnu qu’ils souffraient de problèmes psychologiques. En revanche, la documentation existante nous montre qu’une intervention précoce est cruciale pour réduire les séquelles du SSPT et des autres maladies mentales[85].
366 Un policier de l’OPP nous a dit qu’il connaissait personnellement des collègues qui n’avaient pas demandé d’aide par crainte d’être mutés ou d’être privés de leur arme de service. Il a reconnu avoir été coupable de considérer différemment les policiers atteints de problèmes de santé mentale, mais il a expliqué qu’il avait changé d’attitude quand l’un de ses amis proches avait été atteint de SSPT.
367 Beaucoup de policiers nous ont déclaré que la crainte de « mettre fin à sa carrière » restait une incitation majeure à garder le silence à propos des blessures de stress opérationnel. L’un d’eux nous a dit ceci :
On m’a bien fait comprendre au cours de ma carrière que, quand on a un problème, il ne faut surtout pas que la direction – ou n’importe qui d’autre – l’apprenne, sous peine d’être blackboulés. Plus question de promotion. Plus question d’être affecté aux unités spéciales. On est catalogué, puis ostracisé… Malheureusement, c’est ça la stigmatisation et je crois qu’elle subsiste.
368 Un commandant de détachement a exprimé une opinion similaire : « À la suite d’un diagnostic de maladie mentale, les gens sont catalogués et c’en est fini de leur avancement de carrière. » Un autre a déclaré que les choses s’étaient améliorées au cours des dernières années, mais il a reconnu que les personnes qui prennent des congés pour cause de stress restaient stigmatisées : « Est-ce que je m’absenterais pour cause de stress? Pas vraiment. »
369 Un autre commandant de détachement nous a raconté qu’il avait conseillé à un policier de l’OPP de consulter le psychologue du personnel, à la suite d’une fusillade mortelle, mais que celui-ci avait eu peur d’avoir moins de chances d’être affecté à une équipe spécialisée.
370 Dans un document interne préparé en février 2010, en rapport avec la lettre de Bruce Kruger à l’OPP, le psychologue du personnel de l’OPP a évoqué les effets de cette stigmatisation sur les policiers :
… Je vois encore souvent de jeunes policiers qui présentent, à mon avis, de nombreux symptômes de SSPT et qui refusent d’entreprendre le processus. En dépit de tous mes efforts pour les encourager à chercher de l’aide, à présenter une demande, et en dépit des conseils répétés de la part des membres de l’Équipe d’aide en cas de traumatisme, les policiers refusent de faire une demande, de se faire diagnostiquer et traiter correctement, par crainte de répercussions sur leur carrière si quelqu’un venait à apprendre leur problème. Malgré l’assurance que les renseignements échangés sont de nature confidentielle pour le Bureau de l’avancement professionnel, la peur persiste et, année après année, ils refusent de demander de l’aide. Il leur reste trois options : payer de leur poche une évaluation auprès d’un praticien de la santé mentale compétent et agréé, demander à leur médecin de les référer à un centre spécialisé (Homewood, clinique d’Ottawa pour les troubles d’anxiété, par exemple) ou souffrir en silence. Beaucoup choisissent cette dernière option...
… en tant que psychologue, je suis frustré par toute la question du SSPT et des autres troubles de santé mentale. Je rencontre de nombreux policiers qui souffrent en silence, pas seulement par peur d’être identifiés mais pour diverses raisons, je leur parle et je partage leurs souffrances.
371 Ce psychologue a aussi fait cette observation :
En outre, la réaction des autres employés et de certains gestionnaires quand ils apprennent qu’un collègue a ainsi été diagnostiqué peut ne pas être très ouverte, ni très compatissante, et peut refléter davantage la culture policière que la grande famille de la police. La stigmatisation existe encore non seulement face au SSPT mais aussi à la dépression, aux troubles d’anxiété et aux autres troubles de l’humeur.
372 Sur une note positive, le psychologue du personnel a écrit qu’il y avait eu beaucoup de changements, que les appels à son aide et à celle des pairs étaient plus nombreux, et que les gestionnaires étaient mieux informés et plus réceptifs. Lors de notre entrevue, il a dit qu’à son avis, la culture policière était sur la bonne voie. Selon lui, certains membres des équipes de soutien par les pairs qui avaient vécu des incidents traumatiques et qui s’étaient montrés très ouverts à ce sujet avaient néanmoins eu de l’avancement. D’après lui, les présentations qu’il fait aux policiers contribuent à transformer petit à petit cette culture. Il a suggéré de publier des récits véridiques pour réduire la stigmatisation, par exemple celui d’un policier qui avait souffert de symptômes « fous » de SSPT et qui avait dû être hospitalisé – mais qui avait réussi à reprendre son travail après son traitement.
373 Toutefois, ce psychologue a reconnu que la stigmatisation des blessures de stress opérationnel n’avait pas disparu. Il s’est souvenu d’un policier qui montrait « tous les symptômes du SSPT, au grand complet » mais qui refusait de demander toute aide, craignant que ses collègues ne découvrent son problème étant donné que son superviseur aurait eu à signer son formulaire de demande. Même quand le psychologue avait organisé une consultation avec un spécialiste dans une autre province, ce policier avait refusé :
Il m’a appelé et il m’a dit : « Je comprends, mais je suis terrifié que ça puisse un jour se savoir. »… Il continue de souffrir actuellement. De temps en temps, nous avons de ses nouvelles et nous lui offrons notre aide de nouveau, mais il la refuse. Je lui dis : « Vous comprenez que votre rendement baisse à cause de ça. Votre famille va en souffrir. » [Et sa réponse] « Oui, mais j’occupe un poste d’autorité et si ça se sait, ma carrière est terminée. »
374 Les tentatives faites par l’OPP pour remédier aux problèmes de blessures de stress opérationnel par des programmes d’éducation et de formation n’aboutiront pas tant qu’elle ne modifiera pas fondamentalement les perceptions culturelles qu’elle a de telles blessures. Le défi est considérable et il exigera probablement un examen complet de toutes ses initiatives existantes, ainsi que des recherches et l’adoption de pratiques exemplaires dans ce domaine. D’après les preuves recueillies lors de mon enquête, je recommande que l’OPP étudie immédiatement plusieurs questions dans le cadre d’un tel examen.
Recommandation 1
La Police provinciale de l’Ontario devrait prendre des mesures supplémentaires pour réduire la stigmatisation associée aux blessures de stress opérationnel au sein de son organisation, et notamment :
- procéder à un examen complet de ses programmes d’éducation, de formation, de soutien par les pairs, d’aide aux employés et autres programmes se rapportant à de telles blessures;
- consulter des spécialistes, des intervenants de la police, les Forces canadiennes, Anciens Combattants Canada et d’autres corps de police;
- effectuer des recherches sur les pratiques exemplaires de gestion des blessures de stress opérationnel dans la police;
- concevoir et instaurer un programme complet et coordonné de lutte contre les blessures de stress opérationnel.
375 Les policiers, actuellement ou anciennement en exercice, qui ont ressenti les effets ravageurs des blessures de stress opérationnel sur leur vie, leur carrière et leur famille, sont sans doute les mieux placés pour suggérer des améliorations aux politiques et aux pratiques de l’OPP. L’une des principales suggestions qu’ils nous ont faites était la suivante : renforcer l’éducation et la formation sur les blessures de stress opérationnel, en particulier pour aider les gestionnaires à en reconnaître les symptômes.
376 Actuellement, les recrues reçoivent une certaine formation sur la gestion du stress au Collège de police de l’Ontario et à l’Académie de la police provinciale. Le sujet est parfois abordé dans le cadre de la « formation en bloc » annuelle des policiers, ou quand ils sont promus à des postes de supervision, ou encore lors de cours de spécialisation ou de gestion. Il est aussi traité occasionnellement de manière ponctuelle lors de conférences, de séances d’information dans les équipes opérationnelles et au niveau des régions et des détachements. Quand des incidents critiques ou traumatiques surviennent, les policiers débreffés par l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique et l’Équipe d’aide en cas de traumatisme reçoivent également des renseignements sur les blessures de stress opérationnel. En outre, le psychologue du personnel et les membres des équipes de soutien par les pairs font diverses présentations à ce propos. Toutefois, le psychologue a reconnu que, même si la formation est en partie planifiée, elle reste « incohérente ».
377 Plusieurs membres de l’OPP que nous avons interviewés, y compris de hauts dirigeants, ne savaient pas très bien quel type de formation était offerte, et par qui, sur les blessures de stress opérationnel.
378 Certaines régions de l’OPP organisent des « journées du bien-être » et diverses initiatives similaires pour traiter le sujet des blessures de stress opérationnel, mais d’autres font de ces événements de simples occasions d’activités sociales.
379 L’OPP ne coordonne pas ses activités de formation et d’éducation au niveau organisationnel ou régional, et elle ne conserve pas d’archives à ce sujet. Il n’y a aucune cohérence quant à l’ampleur ou au type des activités de formation offertes dans les différentes régions et aucune norme n’est en place à l’échelle de l’OPP dans ce domaine.
380 Certains des policiers que nous avons interviewés, dont de hauts dirigeants, ont dit qu’à leur avis, le service gagnerait à offrir des programmes cohérents, élargis et mieux coordonnés d’éducation et de formation. Certains ont souligné qu’une formation aux « stratégies de résilience » était donnée aux unités spécialisées, comme la Section de l’exploitation sexuelle des enfants, et ils ont dit que d’autres policiers pourraient gagner à une généralisation de cette formation.
381 Un inspecteur a souligné l’importance de l’éducation pour réduire la stigmatisation liée aux blessures de stress opérationnel. Il a déclaré que les membres devaient comprendre qu’une blessure de stress opérationnel était une « blessure viable, compréhensible. C’est cet élément d’information que nous devons faire accepter aux gens… c’est une blessure, pas une échappatoire ». Il nous a dit qu’il y avait eu des progrès sur le plan de l’éducation, mais que des améliorations restaient à apporter et qu’il faudrait entre autres un kit pédagogique.
382 Le nouveau coordonnateur du soutien social pour blessures opérationnelles, dont le poste a été approuvé mais qui était toujours vacant alors que nous rédigions ce rapport, aura apparemment un rôle à jouer dans les programmes d’éducation sur les blessures de stress opérationnel. Mais les détails restent à préciser.
383 L’OPP devrait procéder à un examen de ses initiatives actuelles d’éducation et de formation pour ses membres concernant les blessures de stress opérationnel, en vue de concevoir et d’instaurer un programme complet, cohérent et coordonné, qui devrait notamment permettre de faire un suivi des présentations, des cours et des autres moyens de communiquer de l’information sur ces blessures.
Recommandation 2
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir et instaurer un programme complet, cohérent et coordonné d’éducation et de formation sur les blessures de stress opérationnel, à l’intention de ses membres – programme qui permettrait notamment de faire un suivi de toutes les présentations, de tous les cours et de toutes les autres initiatives d’éducation et de formation.
384 Bien que les familles paient souvent un lourd tribut en raison des blessures de stress opérationnel, elles sont singulièrement absentes des programmes d’éducation et de formation de l’OPP à ce sujet. La séance d’une demi-journée organisée à l’intention des familles par l’Académie de la police provinciale est un premier pas, mais l’écart à combler reste grand par rapport au programme proactif, à étapes multiples, des Forces canadiennes pour les policiers et leurs familles, ou même par rapport au site Web familial du Metro Nashville Police Department.
385 L’International Association of Chiefs of Police suggère que les organismes d’application de la loi offrent des services aux familles, entre autres des discussions de groupe pour les policiers et leurs conjoints, ainsi que des programmes d’orientation et des événements familiaux fréquents. Voici ce qu’elle a dit :
Le coût financier de mise en œuvre de tels programmes n’est pas élevé, mais les avantages obtenus en retour par un policier, sa famille, son service et sa communauté peuvent immensément stimuler des relations positives avec le public, réduire le stress, promouvoir l’harmonie conjugale et améliorer le rendement au travail[86].
386 On ne saurait surestimer l’importance d’éduquer les membres des familles à propos des blessures de stress opérationnel. Comme l’ont souligné deux comités chargés d’examiner le meurtre-suicide de policiers à London en Ontario, les familles devraient être régulièrement sensibilisées à des questions comme le suicide, la santé mentale, les toxicomanies, la santé et le bien-être, ainsi qu’aux éléments de force et de stress propres à la culture policière.
387 L’OPP devrait capitaliser sur ce conseil, avec des programmes d’éducation, de formation et de sensibilisation pour les familles.
Recommandation 3
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir et instaurer des programmes d’éducation, de formation et de sensibilisation sur les blessures de stress opérationnel, pour les familles des policiers.
388 Dans le milieu policier, il est généralement admis que les collègues qui ont l’expérience des blessures de stress opérationnel apportent une crédibilité considérable aux programmes d’éducation et de formation et peuvent servir de catalyseur par leur participation.
389 À plusieurs reprises, l’Académie de la police provinciale a invité des policiers qui avaient vécu des incidents critiques à participer à la formation des recrues. Ceux-ci ont fait des récits authentiques de traumatismes et ont évoqué leurs stratégies d’adaptation pour survivre émotionnellement. Parfois aussi, des policiers de l’OPP ont pu assister à des présentations faites par des membres de l’OPP, de la communauté policière ou du monde militaire qui avaient fait face à des incidents traumatiques et à un stress opérationnel.
390 Ainsi, en mars 2011, la Police des premières nations de l’OPP a invité un ancien policier des premières nations qui avait dû quitter sa profession à cause du stress à venir parler de son expérience. La femme d’un membre de l’OPP atteint de SSPT a assisté à cette présentation. Elle nous a dit qu’elle était convaincue que de telles conférences devraient être obligatoires pour tous les membres.
391 Plusieurs des policiers que nous avons interviewés nous ont déclaré qu’ils jugeaient très utiles les présentations faites par des pairs appartenant à d’autres corps de police ou au milieu militaire, pour partager leurs expériences des blessures de stress opérationnel.
392 Voici ce que nous a dit un inspecteur :
Vous pouvez utiliser des manuels. Vous pouvez parler des politiques. Mais, bon, quand vous avez deux policiers qui sont là et qui vous racontent comment ils ont presque perdu la vie, ça vous en dit long – pas seulement sur la fusillade et ce qui s’est passé au moment de l’incident, mais sur ce qui s’est passé après et sur le soutien qu’ils ont eu – ou pas.
393 Bien que des pairs participent parfois aux programmes de formation et aux présentations de l’OPP, ces efforts d’intégration ne sont ni cohérents, ni réguliers, ni coordonnés dans leur ensemble. L’armée canadienne a bien réussi à inclure les pairs aux programmes d’éducation et de formation pour les policiers en exercice ou à la retraite, ainsi que pour leurs familles, par le biais de son bureau des conférenciers. L’OPP manque une occasion d’utiliser stratégiquement la crédibilité et l’expérience des pairs pour renforcer ses initiatives d’éducation et de formation sur le stress opérationnel.
Recommandation 4
La Police provinciale de l’Ontario devrait renforcer la participation des pairs, en tant qu’intervenants, dans ses efforts d’éducation et de formation sur les blessures de stress opérationnel.
394 Certes, le Programme externe d’aide aux employés de l’OPP offre des services à court terme de counseling et d’orientation sur diverses questions aux policiers et à leurs familles. Mais ce service a des limites car il est généraliste, à court terme, s’adresse à une vaste clientèle, ne fait pas de suivi de la clientèle et s’accompagne de restrictions.
395 L’OPP ne dispose d’aucune donnée pour indiquer combien de policiers et de membres de leurs familles se sont tournés vers le Programme externe d’aide aux employés, s’ils l’ont fait ou non pour cause de blessures de stress opérationnel et quels ont été les résultats. Le fournisseur du PAE demande à tous ses clients s’ils souhaitent participer à une enquête sur la satisfaction de la clientèle, mais il n’y a aucun moyen de déterminer combien de réponses à cette enquête ont trait à l’OPP.
396 Certes, il faut protéger en tout temps la confidentialité des services du fournisseur externe, mais des statistiques génériques sur les contacts établis en rapport avec les blessures de stress opérationnel à l’OPP pourraient être fort utiles et aider l’OPP à cibler les domaines d’intervention.
397 L’OPP devrait travailler avec le fournisseur externe de son PAE et avec ses intervenants pour remédier à ce problème. De telles données sont essentielles pour concevoir des programmes qui permettent de venir en aide aux policiers touchés et à leurs familles.
Recommandation 5
La Police provinciale de l’Ontario devrait travailler avec le fournisseur externe de son Programme d’aide aux employés, en consultation avec les intervenants du milieu policier, pour mettre en place un moyen confidentiel de faire un suivi statistique des contacts clients de l’OPP concernant les blessures de stress opérationnel.
398 Nombreux sont les professionnels de la santé mentale qui ont souligné combien il était important pour quiconque conseille des policiers et leurs familles d’être familiarisé avec le milieu policier. Si des professionnels sans expérience directe de ce milieu sont engagés, il leur est recommandé de faire des efforts particuliers pour apprendre en quoi consiste le métier de policier, afin d’acquérir à la fois des compétences culturelles et de la crédibilité.
399 Divers experts ont fait remarquer que les policiers sont souvent mal à l’aise à l’idée de consulter des professionnels de la santé mentale qui ne savent pas en quoi consiste leur métier. C’est pourquoi des programmes spécialisés de traitement des blessures de stress opérationnel ont été conçus pour les gens de cette profession.
400 Plusieurs des policiers de l’OPP à qui nous avons parlé ont confirmé que les membres de l’OPP hésitent souvent à consulter des conseillers généralistes, dans le cadre du Programme d’aide aux employés offert par le fournisseur externe. Un membre de l’équipe des pairs nous a dit que son équipe orientait directement les policiers vers le psychologue du personnel de l’OPP, plutôt que de les envoyer consulter « … quelqu’un qui a une maîtrise en travail social et qui fait du counseling familial à Barrie ». Nous avons aussi appris que certains membres de l’équipe de soutien par les pairs orientent directement les policiers vers des services psychologiques communautaires, au lieu de leur suggérer de se tourner vers le Programme d’aide aux employés, qui est de nature généraliste.
401 Comme nous l’a dit un membre de l’Équipe d’aide en cas de traumatisme, « dans le milieu policier, on a tendance à penser que si vous n’avez jamais été à notre place, ou tout près, vous risquez de ne pas bien comprendre la situation. » Voici ce qu’il a déclaré :
Si vous êtes employé… au ministère de l’Éducation, quel que soit votre poste au Ministère… votre travail est fort différent de ce que fait un policier et de ce qu’il est censé faire durant sa carrière. Alors, utiliser un fournisseur de services unique pour tous n’est probablement pas la meilleure des options.
402 Nous avons parlé à un cadre supérieur qui avait fait appel au fournisseur externe du Programme d’aide aux employés à la suite de difficultés résultant d’une blessure et d’une absence, ainsi que du décès d’un ami proche. Il avait rencontré un thérapeute deux ou trois fois et avait trouvé le processus utile. À son avis, il n’était pas nécessaire que le professionnel consulté connaisse le métier de policier. Toutefois, un commandant de détachement nous a déclaré que les programmes généraux d’aide aux employés de la Fonction publique de l’Ontario ne convenaient pas à l’univers policier, qui tourne « 24 heures sur 24, 7 jours par semaine ». Un autre policier a reconnu que, bien que le fournisseur externe soit utile pour divers problèmes, les policiers avaient besoin de parler à quelqu’un qui les comprend, qui comprend leurs besoins et qui connaît la culture policière, pour les blessures de stress au travail.
403 Le Dr Peter Collins, psychiatre légiste, nous a expliqué que, même si cela ne fait pas partie du travail qu’il effectue pour l’OPP, il reçoit régulièrement des appels de policiers qui veulent lui parler, plutôt que de s’adresser à un conseiller du PAE. Il a reconnu qu’il était utile pour un conseiller de comprendre la culture du milieu policier.
404 Une thérapeute communautaire qui traite régulièrement des policiers nous a aussi avisés qu’il était important pour eux de dialoguer avec quelqu’un qui comprend leur culture. Dans sa clientèle, elle avait de nombreux policiers qui s’étaient plaints de thérapeutes, disant que ceux-ci les avaient interrompus pour leur demander le sens de divers termes.
405 Certains des policiers qui nous ont parlé de leurs expériences concernant les blessures de stress opérationnel ont décrit les contacts improductifs et décourageants qu’ils avaient eus avec le personnel du Programme externe d’aide aux employés, en raison de son ignorance des réalités du milieu policier.
406 L’agent Edward a fait une longue carrière dans la police, dont la dernière partie au sein de l’OPP. Il a enquêté sur des homicides et des agressions sexuelles et il a reçu de nombreux éloges, obtenant même une distinction pour avoir sauvé une vie. Il a réussi à résister aux effets d’une exposition répétée à de multiples incidents traumatiques, jusqu’au jour où il a été présent lors d’une collision automobile presque mortelle. Il est alors tombé dans un cycle de dépression et de boisson. Il nous a dit que, quand il avait pris son courage à deux mains pour parler de ses tourments à son supérieur, celui-ci lui avait dit « d’encaisser ». Et quand il a expliqué au fournisseur externe du PAE qu’il était terrifié, déprimé et ne voulait plus sortir de chez lui, celui-ci lui a conseillé « d’essayer le yoga ». En fin de compte, il a pu trouver un psychologue communautaire qui a diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique. L’agent Edward n’a toujours pas repris le travail et reste en traitement.
407 L’agent Frank était au service de l’OPP depuis plus de 10 ans quand les multiples scènes de suicide, de noyade, d’accident routier mortel et d’autopsie lui sont devenues insupportables. Après la naissance de son premier enfant, un moment de joie a viré à l’horreur quand il a soudain eu un flash-back qui l’a replacé devant la table d’une morgue où il avait assisté à l’autopsie d’un enfant, six ans auparavant. Durant ses vacances, il a commencé à souffrir d’insomnie. Il en est arrivé au point d’envisager le suicide. Alors qu’il était en congé de maladie, un inspecteur est passé chez lui et l’a orienté vers le Programme d’aide aux employés. Il a fait appel au fournisseur externe, mais a jugé que les services étaient complètement inadaptés à ses besoins :
J’ai eu une réunion avec eux. D’emblée, ils m’ont dit : « Vous devez bien comprendre que c’est à court terme. Vous avez droit à cinq rendez-vous. » Je me suis dit, cinq? Nom d’un chien, comment est-ce qu’ils vont régler mon problème en cinq séances? Et mentalement, j’ai tout de suite écarté cette option.
408 Après avoir participé à deux séances, qu’il n’a pas jugées utiles du tout, l’agent Frank a trouvé un psychiatre communautaire. Selon l’agent Frank, les services du fournisseur externe du PAE sont insuffisants pour traiter les blessures de stress opérationnel et l’OPP devrait communiquer une liste de ressources communautaires appropriées pour les policiers qui souffrent de telles blessures.
409 Il y a environ six ans, alors qu’il travaillait encore, le commandant de détachement George a commencé à souffrir d’anxiété, de palpitations, de tremblements, d’insomnies et de flash-backs au travail. Les innombrables scènes de crimes horribles, les multiples accidents mortels de la route, les avis de décès et les diverses tragédies humaines dont il avait été témoin ont commencé à avoir un effet cumulé. Pour lui, apprendre que des policiers avaient été tués en service et voir des cadavres d’enfants (dans un cas, plusieurs enfants lors d’un même incident) était particulièrement traumatique.
410 Le milieu policier, avec ses exigences rigoureuses et son aversion des signes de faiblesse, a contribué au stress. Le commandant George a expliqué que, dans cet environnement exigeant, admettre des blessures de stress opérationnel équivalait à renoncer à tout avancement de carrière. Il avait vu des policiers souffrant de telles blessures catalogués et écartés alors que la nouvelle de leur problème se répandait dans leur milieu de travail et dans la communauté.
411 Il s’est tourné deux fois vers le fournisseur externe du PAE pour obtenir de l’aide. Bien qu’ayant conclu qu’il était utile de parler à quelqu’un, il n’a pas eu l’impression que ce service était qualifié pour répondre à ses préoccupations. Selon lui, les policiers hésitent généralement à parler au personnel du fournisseur du PAE car ils ne veulent pas traiter avec quelqu’un qui ignore tout de la culture policière et qui n’a jamais vécu leurs expériences.
412 Ce n’est qu’une fois à la retraite que l’ancien commandant George a décidé d’obtenir un counseling. Il a reconnu que certains supérieurs à l’OPP tentaient de dialoguer et d’aider les policiers, mais il croit que des ressources supplémentaires sont nécessaires. Il a dit qu’en général, les membres de l’OPP ne faisaient pas confiance au PAE et qu’ils devraient pouvoir obtenir un soutien médical externe.
413 Les familles des policiers peuvent elles aussi avoir besoin de discuter de problèmes liés à des blessures de stress opérationnel avec des professionnels qui connaissent la culture policière. Rachael Marshall est entrée en rapport avec le fournisseur externe du PAE peu après le suicide de son mari Doug. Le fournisseur l’a orientée vers un conseiller de Vancouver, à qui elle a parlé au téléphone. Selon elle, celui-ci n’avait aucune expérience du SSPT. Elle a participé à deux rendez-vous téléphoniques et, après avoir reçu comme conseil de faire « des exercices de respiration » – peu utiles si peu de temps après la mort de son époux – elle a renoncé à toute autre tentative d’obtenir de l’aide auprès de ce fournisseur. Sa famille s’est adressée à son médecin traitant pour obtenir de l’aide et continue de consulter les travailleurs sociaux du cabinet de ce médecin.
414 Une fois qu’un policier a trouvé le courage de lancer un appel à l’aide pour une blessure psychologique, il est important de gagner aussitôt sa confiance. Voici ce que nous a dit un policier :
Il s’agit de policiers, vous comprenez bien? On n’est pas très enclin à demander [de l’aide], pas vrai? Alors quand on franchit le pas, quand on tend la main pour demander de l’aide, on est vraiment prêts à en recevoir une, mais si on ne l’obtient pas alors, les chances de redemander diminuent.
415 Même un simple ratage lors d’un appel au service d’accueil peut décourager les policiers d’essayer d’obtenir l’aide dont ils ont besoin. Un policier nous a dit qu’il avait été frustré quand la répartitrice des appels du fournisseur externe du PAE avait passé un temps excessif à essayer de trouver son employeur (l’OPP) dans la base de données de la clientèle. Il avait dû expliquer à celle-ci qu’elle devait chercher à la rubrique du Ministère.
416 Selon le psychologue du personnel de l’OPP, le Programme externe d’aide aux employés est une importante soupape de sécurité, utile pour régler les problèmes généraux de stress, mais ne dispose tout simplement pas du savoir-faire exigé par la complexité du SSPT. Il a expliqué qu’il avait dû travailler avec acharnement pour gagner la confiance des membres de l’OPP, les accompagnant dans leur patrouille, allant avec eux au champ de tir, et se joignant même à une équipe de plongée sous-marine de l’Unité de recherche et de récupération sous-marines. À son avis, il est crucial d’être familiarisé à la culture policière pour travailler avec la police.
417 Il a ajouté qu’il avait participé à plusieurs séances de « débreffage » pour des policiers après le suicide d’un d’entre eux en mai 2012. Lors des séances, les policiers lui avaient répété que le PAE ne répondait pas à leur besoin d’entrevues personnelles. Voulant désespérément consulter un thérapeute, certains avaient appelé le fournisseur et celui-ci leur avait répondu qu’ils pourraient obtenir des conseils au téléphone ou par courriel immédiatement, mais qu’ils devraient attendre cinq jours pour une consultation en personne.
418 D’après les renseignements recueillis au cours de notre enquête, les services généralistes du Programme d’aide aux employés ne semblent pas répondre aux besoins des policiers atteints de blessures de stress opérationnel, ni à ceux de leurs familles. C’est pourquoi je recommande que l’OPP crée un système permettant d’orienter immédiatement les policiers et leurs familles vers des professionnels qui ont des connaissances spécialisées dans le traitement des blessures de stress opérationnel. L’OPP devrait concevoir ce système en consultation avec des intervenants de la police ainsi qu’avec des organismes qui offrent des services spécialisés, comme les Forces canadiennes, qui ont ouvert des centres de soins pour les traumatismes et le stress opérationnels, et Anciens Combattants Canada, qui a des cliniques pour traiter les blessures de stress opérationnel.
Recommandation 6
La Police provinciale de l’Ontario devrait consulter des intervenants de la police ainsi que des organismes qui offrent des services spécialisés aux personnes souffrant de blessures de stress opérationnel, dans le but de créer un système permettant d’orienter immédiatement les policiers et leurs familles vers des professionnels qui ont des connaissances spécialisées dans le traitement des blessures de stress opérationnel.
419 Le fait que les services externes du Programme d’aide aux employés soient à court terme présente aussi un problème. Comme un commandant de détachement nous l’a fait remarquer, ce programme n’est pas conçu pour les policiers et la limite de six séances ne suffit pas pour traiter leur lourd bagage émotionnel. Des cliniciens du programme de traitement du stress traumatique, au Homewood Health Centre, ont aussi exprimé leurs inquiétudes quant à la continuité des soins vu le nombre limité de séances autorisées par le PAE et la nécessité pour les policiers de demander de l’aide ailleurs.
420 Une psychologue ontarienne spécialisée dans le traitement des clients atteints de traumatismes a déclaré que le nombre limité de séances offert par un programme généraliste d’aide aux employés est insuffisant pour traiter le SSPT et les problèmes similaires qui exigent une évaluation initiale approfondie, pouvant durer jusqu’à cinq séances. Elle a déclaré que plusieurs policiers lui avaient dit qu’ils trouvaient ces programmes inutiles.
421 En raison de la nature des blessures de stress opérationnel, le counseling de courte durée offert dans le cadre du Programme externe d’aide aux employés de l’OPP ne semble pas répondre aux besoins pressants des policiers qui souffrent de tels problèmes, ou qui courent le risque d’en souffrir. Par conséquent, l’OPP devrait concevoir un plan, en consultation avec les intervenants, pour remédier à cette situation.
Recommandation 7
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir un plan, en consultation avec des intervenants de la police, pour permettre aux policiers d’avoir accès à un soutien spécialisé de plus longue durée pour les blessures de stress opérationnel, sans les restrictions du programme existant d’aide aux employés.
422 L’une des recommandations faites par le comité indépendant qui a examiné le meurtre-suicide de 2007 à London en Ontario était qu’une liste de conseillers chevronnés, familiarisés avec une clientèle de policiers, soit facilement accessible en complément des programmes existants d’aide aux employés. Plusieurs services de police proposent une orientation de ce type vers des ressources psychologiques, entre autres le Service de police de Calgary, qui conserve une liste de psychologues privés, et la Gendarmerie royale du Canada.
423 Selon le psychologue du personnel de l’OPP, il ne serait pas pratique pour un service de police provinciale comme l’OPP de conserver une liste de ce type, en raison de l’envergure de l’institution et du territoire géographique qu’elle dessert. Toutefois, ce psychologue a dit que, sur demande, il avait parfois fourni les noms de professionnels de la santé mentale dans certaines communautés.
424 Néanmoins, de nombreux policiers de l’OPP, dont beaucoup étaient atteints de blessures de stress opérationnel, nous ont dit qu’une liste des ressources communautaires serait utile. Le Dr Peter Collins, psychiatre légiste, a été d’accord sur ce point : il est important de veiller à ce que les policiers aient accès à une liste de conseillers familiarisés avec le milieu policier, pour compléter le PAE externe.
425 Au vu des preuves recueillies durant notre enquête, je recommande que l’OPP consulte le fournisseur du PAE, des professionnels de la santé mentale et d’autres organismes de police, comme la GRC, afin de dresser une liste de ressources en santé mentale qui pourrait être mise à la disposition des policiers et des membres de leurs familles qui ont besoin de services autres que ceux offerts par le PAE.
Recommandation 8
La Police provinciale de l’Ontario devrait consulter le fournisseur du Programme d’aide aux employés, des professionnels de la santé mentale et d’autres organismes de police afin de dresser une liste de ressources communautaires en santé mentale.
426 L’une des caractéristiques des blessures de stress opérationnel est qu’elles se déclenchent souvent à retardement. Les policiers peuvent commencer à manifester des symptômes bien des années après avoir vécu des traumatismes. Nous avons parlé à de nombreux policiers retraités, notamment à Bruce Kruger, dont les blessures de stress opérationnel sont apparues ou sont devenues plus graves après leur départ à la retraite.
427 Dans le cadre du PAE externe de l’OPP, la limite pour obtenir de l’aide après le départ à la retraite est de trois mois. Comme un ancien directeur de la Section des ressources humaines nous l’a admis, l’OPP pourrait probablement faire davantage pour les policiers retraités. En outre, plusieurs policiers retraités nous ont dit que les services offerts par ce programme devraient être élargis. L’Association de la Police provinciale de l’Ontario, de même que des responsables des ressources humaines de l’OPP, ont aussi confirmé qu’ils avaient connaissance de policiers retraités qui étaient frustrés par cette limite de trois mois.
428 Anciens Combattants Canada reconnaît que les militaires peuvent souffrir de répercussions de leur service actif bien après leur départ à la retraite et offre des soutiens spécialisés aux retraités et à leurs familles dans le cadre de cliniques pour les blessures de stress opérationnel. L’OPP devrait veiller à ce que ses policiers retraités qui souffrent de telles blessures aient accès à des soutiens spécialisés continus. La limite de trois mois du PAE ne reflète pas la réalité des blessures de stress opérationnel, qui sont souvent chroniques, sont fréquemment par nature le fruit d’effets cumulés, et peuvent n’apparaître qu’après le départ à la retraite. Les policiers qui se sont dévoués pour servir et protéger le public devraient obtenir le soutien nécessaire pour lutter contre les effets des blessures de stress opérationnel subies au travail.
429 L’OPP devrait concevoir un plan pour mieux répondre aux besoins des policiers retraités qui souffrent de blessures de stress opérationnel.
Recommandation 9
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir un plan, en consultation avec des intervenants du milieu policier, pour donner aux policiers retraités un accès continu à des services de soutiens spécialisés dans le domaine des blessures de stress opérationnel.
430 Les Forces canadiennes et divers corps de police, dont ceux de Calgary et Montréal, offrent des services psychologiques directement à leurs membres. L’OPP n’a pas de programme général de services psychologiques, mais ses policiers ont droit à une aide financière dans le cadre des avantages sociaux de l’OPP et peuvent aussi obtenir un traitement pour des blessures de stress opérationnel par le biais de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail. De plus, nous avons découvert que des soutiens psychologiques informels et des aides financières pour des services psychologiques sont également parfois disponibles par l’entremise de l’OPP. Malheureusement, l’accès à de tels services tend à être ponctuel et irrégulier au sein de l’institution.
431 Avant et pendant notre enquête, l’OPP n’avait qu’un seul psychologue parmi son personnel. Nous l’avons interviewé à plusieurs reprises à propos de son travail et de son rôle, avant son départ de l’OPP à l’été de 2012. En juillet 2012, nous avons été informés que la description d’emploi du psychologue du personnel de l’OPP subissait une mise à jour et nous avons obtenu le nouveau descriptif de poste, intitulé « chef de la Section des services psychologiques ». Nonobstant ces évolutions, les renseignements détaillés et francs donnés par le psychologue du personnel restent, à mon avis, un guide extrêmement précieux des services fournis par l’OPP et des secteurs où elle doit apporter des améliorations.
432 Le psychologue du personnel nous a expliqué qu’il rencontrait parfois des membres de l’OPP et leurs familles, sur demande, pour discuter de problèmes psychologiques et pour les orienter au besoin vers des ressources, mais qu’il ne faisait pas de diagnostic et qu’il ne traitait pas les policiers atteints de blessures de stress opérationnel. De plus, ces consultations informelles ne faisaient pas partie de son rôle officiel, principalement ciblé sur les évaluations des recrues et des membres devant être sélectionnés pour les équipes spécialisées.
433 Le psychologue appuyait aussi l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique et l’Équipe d’aide en cas de traumatisme. En outre, il participait à diverses initiatives de santé mentale, par exemple au projet pilote sur le test de stress.
434 Il nous a avisés qu’il répondait aux appels venant de partout dans la province, en collaboration avec les équipes de pairs, et qu’il passait un temps considérable en déplacements. En raison de la simultanéité de plusieurs demandes inconciliables, il était souvent dans l’impossibilité d’arriver en temps voulu sur les lieux des incidents. Il a évoqué une période où il avait dû venir en aide à un policier qui avait tué quelqu’un avec une arme à feu, gérer deux cas de suicide de policiers et intervenir dans une multitude d’incidents critiques dans des régions géographiquement opposées de la province – tous ces incidents survenant rapidement les uns après les autres.
435 Plusieurs membres des équipes d’intervention en cas de crise et de traumatisme, de même que des dirigeants de l’OPP, nous ont dit que le service avait besoin d’au moins un psychologue de plus pour faire face aux demandes. Beaucoup admiraient l’endurance du psychologue du personnel et son engagement à intervenir lors de multiples incidents partout dans la province, mais ils comprenaient aussi que cette charge de travail était épuisante pour une seule personne. Parlant de ce psychologue, un membre de l’Équipe d’aide en cas de traumatisme l’a décrit comme « un chien sur des patins à roulettes ». Un commandant de détachement a reconnu que le psychologue était « sollicité au-delà de ses capacités », tandis qu’un commandant régional a dit de lui qu’il était « parfois surchargé ».
436 Le psychologue du personnel a aussi fait remarquer que, si le nombre d’incidents critiques et traumatiques continuait d’augmenter, des ressources supplémentaires de santé mentale seraient requises. À notre connaissance, un psychologue externe a été engagé en avril 2011 pour appuyer les activités de débreffage dans un cas de suicide à l’OPP.
437 Le psychologue du personnel nous a dit qu’en avril et mai 2012, il avait parcouru 19 000 km dans un véhicule de l’OPP, pour se rendre sur les lieux d’incidents critiques et traumatiques un peu partout dans la province.
438 Le psychologue a expliqué à nos enquêteurs qu’il considérait être à la disponibilité des 6 100 membres en uniforme et des 2 000 membres civils de l’OPP, et qu’il devait donc intervenir en cas d’incidents critiques et traumatiques, peu importe leur lieu. Il a précisé que personne ne l’avait jamais informé du contraire et qu’on lui avait même demandé d’aider d’autres services de police.
439 Toutefois, ses superviseurs ont exprimé une opinion différente de ses responsabilités. Les hauts responsables des ressources humaines que nous avons interviewés nous ont dit que tout service fourni par le psychologue du personnel, autre que les évaluations des recrues et des membres en vue d’une sélection pour les équipes spécialisées, était secondaire par rapport à ses fonctions principales. À leur avis, le psychologue était en mesure de s’acquitter des exigences officielles de son poste. Ils ont fait savoir qu’ils n’avaient alors aucune intention de renforcer les effectifs des services psychologiques internes de l’OPP.
440 En dépit de ces perceptions apparemment divergentes et, que de telles interventions aient fait partie ou non de sa description d’emploi, le psychologue du personnel voyait régulièrement des policiers après des situations de crise et quand ils lui demandaient son aide. En pratique, apparemment, des ressources internes sous une forme ou une autre sont nécessaires, au moins pour conseiller les policiers et les membres de leurs familles et les orienter vers des services psychologiques dans leur communauté. Ce rôle devrait être formalisé et les policiers et leurs familles devraient être informés de l’existence de cette ressource.
441 En mai 2012, nous avons été avisés que l’OPP travaillait à des Procédures opérationnelles standard pour intégrer la participation des équipes de pairs et du psychologue du personnel « en tant que mécanisme d’éducation et de communication pour l’organisation ». Le descriptif de poste modifié que nous avons examiné en juillet 2012 pour le « chef de la Section des services psychologiques » faisait référence à la participation du titulaire de ce poste à « l’élaboration et l’instauration d’une stratégie organisationnelle de santé mentale conçue pour déterminer et appuyer les besoins psychologiques des membres », ainsi qu’à « la consultation et la formation du personnel de gestion et de direction, de même [qu’à sa présence] lors d’incidents critiques et traumatiques graves et lors de débreffages ». Le rôle joué par le psychologue du personnel dans le soutien aux membres et dans les services d’orientation devrait aussi être reconnu officiellement. L’OPP devrait procéder à un examen plus approfondi des activités réelles du psychologue du personnel, déceler toute autre lacune dans le descriptif actuel de son poste et modifier ce descriptif pour refléter la portée véritable du poste.
442 Étant donné l’envergure de l’OPP et celle des demandes faites à son psychologue du personnel, cette organisation ne semble pas disposer de ressources suffisantes pour répondre aux besoins des policiers et de leurs familles, surtout en ce qui concerne les incidents critiques et traumatiques. Il paraît presque incroyable que l’OPP compte sur un seul psychologue pour répondre aux attentes de ses milliers de membres. Elle devrait attribuer des ressources adéquates à cette fonction, par un ajout de professionnels de la santé mentale, ou trouver une autre option pertinente.
Recommandation 10
La Police provinciale de l’Ontario devrait procéder à un examen des activités du psychologue du personnel pour identifier les lacunes dans la description de son poste et réviser cette description pour qu’elle reflète la portée véritable de ses fonctions.
Recommandation 11
La Police provinciale de l’Ontario devrait consacrer des ressources adéquates à la Section des services psychologiques, en y affectant plus de professionnels de la santé mentale, ou trouver une option pertinente pour remplacer le système actuel.
443 Certains policiers ont pu obtenir des services psychologiques directement par le biais de l’OPP, mais la disponibilité d’un tel soutien varie selon les régions.
444 Dans certains cas, des régions de l’OPP ont payé des services psychiatriques ou psychologiques personnels pour certains de leurs membres, mais ce processus n’était pas reconnu par l’OPP. Un commandant régional nous a dit qu’au cours des quelques dernières années, il avait pris en charge les frais de consultation chez un psychologue pour trois ou quatre policiers identifiés par l’équipe de gestion du stress en cas d’incident critique. À son avis, ces policiers avaient besoin de plus de counseling et la question était simplement de savoir qui allait payer :
Pour moi, ce n’était pas une question à examiner; l’employé avait besoin d’un service et il fallait agir. Alors on a payé les factures à l’interne. Je crois qu’il y a eu un suivi auprès de la CSPAAT pour voir si on pouvait récupérer des fonds. Mais au moment même, cette question ne devait tout simplement pas entrer en jeu… Il ne faut pas voir chaque possibilité tout en blanc ou tout en noir en termes de politiques. Parfois, il faut tout simplement passer à l’action et faire le nécessaire.
445 Beaucoup de policiers, dont des gestionnaires, nous ont dit que des services psychologiques supplémentaires étaient requis. Ils ont souligné que les soutiens disponibles pour les blessures de stress opérationnel étaient surtout réactionnels – à savoir qu’ils n’étaient accessibles qu’en cas de problème manifeste et qu’ils restaient limités. Un certain nombre de dirigeants de l’OPP ont suggéré d’élargir les services disponibles. Voici ce qu’un inspecteur a déclaré :
Si on faisait le nécessaire pour mettre en place les ressources au sein de l’organisation [pour] avoir ces effectifs de psychologues… qui comprennent ce que nous faisons, je crois que ce serait mieux – plus facilement accepté – et ça deviendrait quelque chose de naturel.
446 Le psychologue du personnel nous a dit que l’intégration des services psychologiques au Bureau de l’avancement professionnel faisait aussi hésiter les policiers à demander de l’aide, par crainte de nuire à leur carrière. Il a précisé que certaines recherches recommandent que les services psychologiques relèvent directement du commissaire/du chef de police, comme c’est le cas au Service de police de Calgary – et qu’ils soient physiquement séparés des autres services offerts par l’organisme, comme dans le Service de police de Calgary, celui de Montréal et le Michigan State Police Service.
447 La facilité d’accès à un soutien psychologique direct ne devrait pas dépendre de la région où un policier est en exercice, ni de la volonté de celle-ci à contourner les règles. L’OPP devrait suivre une approche bien documentée, organisée et cohérente en matière de financement des services psychologiques, et notamment donner à ses membres un accès direct à de tels services en recourant à des consultants externes ou instaurer une section séparée et renforcée de Services psychologiques.
448 Pour procéder à cet exercice, l’OPP n’a pas besoin de réinventer la roue. Il lui suffirait de consulter les Forces canadiennes et Anciens Combattants Canada, qui ont une solide expérience dans l’identification et le traitement des personnes atteintes de blessures de stress opérationnel, ainsi que d’autres corps de police qui offrent des programmes directs de services psychologiques, comme le Service de police de Calgary, celui de Montréal, le Los Angeles Police Department et le Michigan State Police Service. L’OPP devrait procéder à de vastes consultations et s’efforcer d’établir des partenariats avec d’autres organismes pour concevoir un programme bien adapté à ses membres.
Recommandation 12
En consultation avec les intervenants du milieu policier, les Forces canadiennes, Anciens Combattants Canada et d’autres corps de police, l’OPP devrait offrir à ses membres un accès direct aux services psychologiques, en recourant à des consultants externes, en recherchant des partenariats avec d’autres organismes ou en créant une section renforcée, physiquement séparée, de Services psychologiques.
449 Le programme Safeguard pour les secteurs spécialisés de l’OPP constitue une autre exception à la règle générale qu’a l’OPP de ne pas fournir de services psychologiques directs à ses membres. Safeguard est un modèle d’intervention proactive qui se fonde sur l’éducation ainsi que sur une évaluation psychologique périodique pour passer les membres au crible et pour faciliter leur bien-être dans des secteurs où les activités policières s’avèrent très exigeantes émotionnellement.
450 Beaucoup de policiers que nous avons interviewés et qui avaient souffert de blessures de stress opérationnel nous ont dit qu’ils appuyaient l’élargissement du programme Safeguard, surtout aux secteurs où les policiers sont régulièrement soumis à des incidents critiques. Un certain nombre de hauts dirigeants de l’OPP et un psychologue ontarien qui connaît bien ce programme ont partagé cette opinion.
451 Les policiers chargés des Services d’identification médico-légale et les membres du programme provincial Enquêtes/reconstitution d’accidents de la circulation, en particulier, ont été identifiés comme de bons candidats à ce programme. L’un des policiers qui a contribué à l’élaboration des Procédures opérationnelles standard pour le programme de la Section de l’exploitation sexuelle des enfants a décrit un cas récent où les policiers des Services d’identification médico-légale et des Services techniques avaient dû intervenir lors d’un accident de la route où deux conducteurs avaient perdu la vie, à la suite d’un problème survenu sur un camion. Les policiers étaient sur les lieux quand les restes des victimes avaient dû être transportés dans 23 sacs différents. « Je pense à ce type de travail et je m’inquiète, me demandant ce qu’on fait pour eux », a-t-il dit. « Est-ce qu’ils vont réussir à s’en tirer? »
452 Selon le Dr Peter Collins, psychiatre légiste, on sait que les policiers chargés de la reconstitution des accidents et de l’identification médico-légale ont des problèmes de stress cumulatif. Le chef de la section des Services d’identification médico-légale et services photographiques a confirmé que ces policiers sont appelés à intervenir sur des scènes « horribles ». Il a expliqué que des discussions avaient été entamées en 2011 en vue de commencer un programme Safeguard dans cette section, mais que ceci pourrait être difficile sur le plan logistique car la section compte 13 unités et des dizaines de membres partout dans la province. Toutefois, il a dit qu’une évaluation psychologique obligatoire annuelle ou semestrielle pourrait aider les policiers à surmonter leur réticence à consulter un psychologue. Il a ajouté qu’il y a quelques années, le Ministère avait créé un programme de certification technique régulière pour ses policiers et qu’au départ, « beaucoup avaient rouspété », mais que cette certification était maintenant « un fait acquis ». Selon lui, si le programme Safeguard était instauré, il devrait se passer à peu près la même chose :
On consacre beaucoup de temps et d’argent à chacun de nos policiers… dès qu’ils entrent dans la police, on investit énormément dans ce qu’on leur donne et dans ce qu’on attend d’eux… vraiment [l’élargissement de Safeguard] serait une chose positive.
453 Nous avons été informés plus tôt cette année que l’OPP envisageait d’élargir son programme Safeguard aux policiers qui travaillent à la protection des témoins, et dont les activités peuvent s’avérer extrêmement difficiles et stressantes.
454 De l’avis général, le programme Safeguard de l’OPP pour les unités spécialisées connaît un franc succès. Il serait judicieux de continuer sur cette lancée et d’appliquer le programme aux autres secteurs à hauts risques. Actuellement, deux programmes Safeguard distincts fonctionnent, selon des procédures différentes. Bien sûr, il faut tenir compte des exigences opérationnelles des différents secteurs, mais les programmes devraient tous relever des ordres de la police et être coordonnés et chapeautés par les plus hautes instances de l’OPP.
455 L’OPP devrait aussi procéder à une évaluation fonctionnelle systémique pour identifier les unités où les policiers sont régulièrement exposés de par leur travail à des événements traumatiques, et qui pourraient bénéficier de l’expansion du programme Safeguard. L’OPP devrait élargir le programme Safeguard à ces unités, en consultant l’Association de la Police provinciale de l’Ontario – comme elle l’a fait pour la plus récente version de son programme Safeguard – et d’autres intervenants.
456 L’OPP pourrait continuer à offrir son programme Safeguard en faisant appel à des consultants externes. Toutefois, comme indiqué à la Recommandation 12, elle pourrait aussi envisager de créer une Section des services psychologiques élargie, pour intervenir dans ce domaine.
Recommandation 13
La Police provinciale de l’Ontario devrait créer un programme Safeguard unifié et coordonné, relevant des ordres de la police.
Recommandation 14
La Police provinciale de l’Ontario devrait procéder à une évaluation fonctionnelle systémique pour identifier les unités où les policiers sont régulièrement exposés de par leur travail à des événements traumatiques et, en consultation avec les intervenants du milieu policier, elle devrait élargir le programme Safeguard à ces unités.
457 Plusieurs policiers et gestionnaires de l’OPP ont dit à nos enquêteurs qu’il devrait y avoir certaines mesures de protection « de type Safeguard » ou des évaluations psychologiques périodiques obligatoires pour les policiers, dans toute l’organisation. Les policiers souffrant de blessures de stress opérationnel ainsi que les membres de leurs familles étaient particulièrement en faveur d’une telle initiative.
458 Le psychologue du personnel de l’OPP a dit qu’à son avis, plutôt que d’instaurer des programmes individuels et compartimentés, les mesures « de type Safeguard » devraient être intégrées à l’approche générale des activités policières. Il a fait remarquer que les policiers spécialisés font l’objet d’une telle protection, mais que les policiers de première ligne courent souvent plus de risques d’être la cible d’une balle, d’être attaqués au couteau ou de se faire écraser.
459 Un gestionnaire, qui a dit que le programme Safeguard dans la Section de l’exploitation sexuelle des enfants permettait de réduire la stigmatisation des réactions émotionnelles aux traumatismes et d’améliorer le soutien aux policiers, a suggéré que les évaluations psychologiques et les programmes de soutien soient élargis à tous les policiers de première ligne. Il a rappelé que, durant une réunion budgétaire où le coût de telles évaluations à la Section de l’exploitation sexuelle des enfants avait été discuté, il avait fait cette observation :
C’est tout simple, non? C’est de l’argent bien dépensé, bien investi, pour le bien-être de nos membres… À mon avis, c’est une culture qu’il faut édifier dans l’organisation aussi… Alors si on dépense 400 $ ou 500 $ pour une évaluation, pour s’assurer qu’ils vont bien, qu’ils arrivent à faire face, combien est-ce qu’on paie un employé chaque semaine?
460 L’idée d’adopter un programme Safeguard à l’échelle de toute l’organisation, avec des évaluations psychologiques régulières pour tous les policiers, n’est pas sans susciter la controverse. À l’exception des programmes pour les secteurs spécialisés, l’Association de la Police provinciale de l’Ontario n’appuie pas les évaluations psychologiques obligatoires pour ses membres, considérant qu’ils subissent déjà un examen psychologique lors de leur recrutement. Plutôt que d’appuyer un programme obligatoire, Badge of Life recommande des examens réguliers de « bien-être » pour les policiers, mais précise que ces examens devraient être faits volontairement.
461 Les avis des superviseurs de l’OPP sur le caractère bénéfique des évaluations psychologiques obligatoires étaient partagés. Selon certains, ces évaluations ne seraient pas efficaces sans la participation volontaire des policiers; selon d’autres, l’OPP devrait adopter une stratégie plus préventive en matière de blessures de stress opérationnel, car l’obligation de consulter un psychologue normalise la situation et réduit la stigmatisation.
462 Un cadre supérieur a dit qu’il devait participer à des séances obligatoires avant et après ses missions à l’étranger. Selon lui, les évaluations psychologiques obligatoires pourraient donner de bons résultats si les policiers savaient à quoi s’attendre. Un commandant régional a jugé fantastique l’idée de consultations périodiques chez un psychologue pour les policiers.
463 Un responsable de l’avancement professionnel et de la formation que nous avons interviewé a appuyé l’idée de vérifications périodiques du bien-être chez un psychologue tous les trois à cinq ans. Comme pour le programme Safeguard, a-t-il dit, normaliser les obligations de consultation de santé mentale et appliquer les normes à tous éliminerait la stigmatisation.
464 Le psychologue du personnel de l’OPP a suggéré qu’il serait utile pour les membres de consulter à titre préventif un psychologue de la police chaque année, et que c’était un bon modèle pour les services municipaux, mais il a souligné que ce n’était pas faisable à l’OPP car celle-ci dispose de ressources restreintes par rapport aux nombres de ses policiers et au vaste territoire qu’elle dessert.
465 L’idée d’intégrer des possibilités élargies d’éducation et d’évaluation psychologique à une stratégie complète de bien-être pour tous les policiers de l’OPP est très méritoire. Le programme Safeguard a fait ses preuves dans les secteurs spécialisés pour lutter contre la stigmatisation des réactions émotionnelles aux traumatismes et pour rendre normal le recours à des appuis psychologiques. L’OPP devrait intégrer les composantes élargies d’éducation et d’évaluation psychologique du programme Safeguard à un vaste programme organisationnel, soit dans le cadre du programme existant, soit en tant qu’initiative de sensibilisation et d’examen en matière de bien-être mental.
466 Un programme obligatoire et généralisé d’évaluation serait probablement beaucoup plus controversé que le programme Safeguard actuel, où les policiers sont sélectionnés pour entrer dans des secteurs spécialisés et peuvent être transférés à d’autres secteurs si leur travail spécialisé ne leur convient plus. Il pourrait fort bien faire craindre aux policiers qu’une évaluation négative mette fin à leur carrière. Je comprends bien aussi que les principaux intervenants de la police y seront probablement opposés. Dans ces circonstances, tout programme préventif de cette nature devrait faire l’objet de solides recherches et être conçu en consultation avec les intervenants du milieu policier. Il devrait respecter un équilibre scrupuleux entre les intérêts de l’organisation et ceux de chaque policier. Il devrait aussi protéger la confidentialité des policiers et avoir clairement pour but de leur permettre d’effectuer leur travail avec un minimum de risque pour la santé.
467 Bien que la Section des services psychologiques, dans sa forme actuelle, ne permette pas la mise en œuvre d’un programme d’évaluations obligatoires à l’échelle de l’organisation, l’OPP devrait, en consultation avec les intervenants du milieu policier, intégrer des composantes élargies d’éducation et d’examen du bien-être mental aux services offerts à tous ses membres, soit grâce au modèle Safeguard, soit par d’autres moyens.
Recommandation 15
La Police provinciale de l’Ontario devrait faire des recherches, en consultation avec les intervenants du milieu policier, et instaurer un programme « Safeguard » complet, proactif et préventif ou un programme élargi d’éducation et d’examen du bien-être mental, pour tous ses membres.
468 Un certain nombre de policiers atteints de blessures de stress opérationnel nous ont suggéré que l’OPP conserve des statistiques sur ces blessures pour mieux comprendre l’envergure du problème. Le psychologue du personnel de l’OPP a lui aussi reconnu que cette initiative aiderait l’organisation à concevoir des mesures préventives. Récemment, le projet pilote de test du stress des policiers a permis aux dirigeants de l’OPP, travaillant au programme provincial Enquêtes/reconstitution d’accidents de la circulation, de déterminer les niveaux de stress dans ce secteur particulier. Une enquête similaire, confidentielle et anonyme, sur les blessures de stress opérationnel à l’échelle de toute l’organisation contribuerait à rassembler des données de référence pour les services psychologiques et à planifier les futurs programmes de soutien.
469 Pour concevoir cette enquête, l’OPP devrait consulter des experts en médecine qui connaissent bien les blessures de stress opérationnel, d’autres organismes policiers, ainsi que les Forces canadiennes, qui ont fait une enquête lors de la création de leurs propres programmes de lutte contre les blessures de stress opérationnel.
Recommandation 16
La Police provinciale de l’Ontario devrait effectuer une enquête confidentielle auprès de tous ses policiers à propos des blessures de stress opérationnel, en la concevant en consultation avec des experts en médecine, les Forces canadiennes et d’autres organismes policiers.
470 Actuellement, le processus de demandes d’indemnisation de l’OPP à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail ne reflète pas toute l’ampleur des blessures de stress opérationnel dans ses rangs. Certains policiers font de vives réactions peu après un incident, ce qui donne lieu à une demande immédiate d’indemnisation, mais d’autres subissent les effets du stress opérationnel à retardement, souvent à la suite d’une série d’événements traumatiques cumulés.
471 Il est clairement ressorti de notre enquête que les méthodes suivies par l’OPP pour enregistrer les incidents critiques et traumatiques, en vue de demandes d’indemnisation à la CSPAAT, étaient incomplètes et incohérentes. Les rapports statistiques de l’OPP montrent qu’aucune demande d’indemnisation n’est présentée si un policier ne s’absente pas du travail ou s’il n’a pas besoin de soins médicaux ou d’un poste aménagé à la suite d’un incident. En revanche, un gestionnaire de l’Unité du stress mental traumatique à la CSPAAT nous a fait savoir qu’en cas de demandes « groupées » ou d’incidents touchant de multiples policiers, certains services de police – dont l’OPP – se montrent proactifs et envoient des renseignements, qu’ils aient reçus ou non des données médicales à propos de ces policiers. Dans ces cas, la CSPAAT communique avec les policiers et, même quand ceux-ci ne répondent pas ou ne souhaitent pas donner suite à la demande, les renseignements sont conservés pour pouvoir s’y référer plus tard, le cas échéant.
472 Un clinicien en santé mentale qui travaille dans un service de police municipale nous a expliqué que ce service déposait automatiquement des formulaires de « blessé en service » pour les policiers prenant part à des événements comme les décès de bébés, les suicides et les accidents routiers mortels, même si ces policiers ne souffrent d’aucun problème au moment de tels incidents – et ceci juste au cas où ils voudraient faire une demande d’indemnisation à la CSPAAT par la suite.
473 Nos entrevues avec les dirigeants de l’OPP ont fait ressortir que le processus de demandes à la CSPAAT en cas d’incidents traumatiques variait considérablement au sein de l’organisation. Un commandant de détachement nous a dit que, dans sa région, un protocole standard exigeait que tous les policiers ayant pris part à un incident critique ou traumatique soient emmenés à l’hôpital, même si ceux-ci affirmaient qu’ils allaient bien. Il a ajouté que des formulaires sont systématiquement envoyés à la CSPAAT « parce que je sais fort bien que, si on doit faire appel à la CSPAAT dans trois ou cinq ans pour lui dire ‘‘ce policier a besoin d’aide’’, il faudra avoir quelque chose au dossier ».
474 La coordonnatrice du Programme d’aide aux employés de l’OPP nous a fait savoir qu’elle encourageait les membres à présenter des demandes à la CSPAAT pour documenter les incidents critiques. Nous avons aussi examiné plusieurs dossiers de demandes pour 2009 et 2010 confirmant que des demandes « sans blessure » avaient été transmises à la CSPAAT au nom de policiers et de responsables des communications, à propos d’incidents critiques comme la mort d’un jeune enfant dans un incendie, une capture à haut risque, une fusillade mortelle et le suicide d’un policier. Dans l’un des cas, celui d’un policier tué par arme à feu, 37 demandes ont été présentées à l’équipe du stress mental à la CSPAAT, au nom des policiers et des responsables des communications de l’OPP – dont 35 étaient des dossiers « sans blessure ».
475 Toutefois, le personnel de supervision de certaines régions de l’OPP nous a fait savoir qu’il ne présentait jamais de demandes dans de telles circonstances.
476 L’Association de la Police provinciale de l’Ontario a suggéré à l’OPP de conserver des données sur les incidents traumatiques pour simplifier le processus de suivi quand des policiers font ultérieurement des demandes d’indemnisation pour blessures de stress opérationnel. Cette approche méritoire représenterait une amélioration considérable par rapport à l’incohérence des méthodes actuelles.
477 L’OPP est un employeur de « l’Annexe 2 » et, à ce titre, elle doit complètement prendre en charge financièrement les demandes d’indemnisation de ses policiers. Malheureusement, ceci peut inciter certains policiers à croire que les gestionnaires de l’OPP contestent des demandes pour comprimer les dépenses. Au cours de notre enquête, plusieurs policiers ont dit qu’ils avaient dû « se battre » contre l’OPP au sujet de leurs demandes d’indemnisation pour blessures de stress opérationnel à la CSPAAT. Beaucoup avaient été frustrés et encore plus stressés quand ils avaient tenté d’obtenir droit aux indemnités de la CSPAAT. L’OPP pourrait minimiser les perceptions de conflits et aider les policiers dans leur processus de demande à la CSPAAT, en gardant des dossiers complets et exacts sur ses membres qui prennent part à des incidents critiques ou traumatiques, pour toute référence ultérieure.
478 L’OPP devrait aussi veiller à suivre un processus uniforme et proactif de présentation des demandes à la CSPAAT, en consultation avec cet organisme, pour protéger les intérêts de ses policiers en cas de futures demandes d’indemnisation.
Recommandation 17
La Police provinciale de l’Ontario devrait conserver des données complètes sur les incidents critiques et traumatiques et sur les policiers qui y ont participé, et suivre un processus uniforme et proactif, en consultation avec la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, relativement aux demandes d’indemnisation pour de tels incidents, et ceci même si des blessures ne sont pas apparentes immédiatement.
479 Les professionnels de la santé mentale parlent beaucoup des effets positifs de la participation des pairs, surtout de ceux qui ont eux-mêmes vécu des réactions émotionnelles aux traumatismes, pour apporter un soutien, un encouragement et un espoir aux policiers atteints de blessures de stress opérationnel. Les pairs donnent de la crédibilité aux initiatives de santé mentale et peuvent contribuer à réduire la stigmatisation associée à une demande d’aide en cas de blessures psychologiques. Comme le psychologue du personnel de l’OPP l’a aussi fait remarquer, le soutien par les pairs peut contribuer à accroître la résilience des policiers face aux blessures.
480 Les équipes de pairs de l’OPP sont composées de policiers dévoués qui consacrent une partie de leur temps, en plus de leurs fonctions professionnelles, à aider leurs collègues dans des situations difficiles et intenses. Ces pairs constituent une ressource précieuse, qui devrait être judicieusement mise à contribution. Pourtant, l’approche actuelle de l’OPP dans ce domaine reste limitée à bien des égards.
481 Les membres des équipes de pairs sont censés faire un suivi des policiers qui participent aux séances d’intervention à la suite d’incidents critiques. Mais nous avons appris qu’il n’existait aucun processus spécifique permettant aux membres de ces équipes de rester en communication avec ces policiers. Le psychologue du personnel a aussi reconnu que, si une autre prise de contact avec les policiers touchés était parfois effectuée, les équipes de pairs faisaient face à de si nombreuses demandes qu’elles éprouvaient des difficultés à continuer de communiquer à long terme avec ces policiers.
482 Un policier que nous avons interviewé, et qui avait été gravement blessé par un conducteur en état d’ivresse, nous a raconté qu’un pair bénévole lui avait rendu visite à l’hôpital. Celui-ci lui avait dit qu’il reprendrait contact avec lui à sa sortie, mais il n’en avait rien fait. Quelques mois après l’incident, ce policier avait commencé à souffrir de fatigue, de colère, de cauchemars violents, de sueurs froides et d’irritabilité. Il n’avait finalement réussi à trouver un psychologue qui puisse l’aider avec ses symptômes que par ses propres efforts et avec l’aide de son avocat.
483 Un autre policier nous a raconté qu’il avait souffert de blessures graves à la suite d’un accident à un panneau d’arrêt de la circulation et qu’il avait dû longuement rester en congé de maladie. Il avait pris part à un débreffage initial d’incident critique mais il a déclaré ne plus avoir aucun contact avec un pair par la suite.
484 Ces deux policiers considéraient qu’un appui plus soutenu des pairs bénévoles les aurait aidés dans leur lutte contre les blessures de stress opérationnel.
485 Conformément aux politiques de l’OPP, les gestionnaires sont tenus de garder le contact avec les employés absents en raison de blessures ou de maladies. Mais comme un commandant de détachement l’a franchement reconnu, plus un policier est absent, et moins il y a de contact avec lui. Selon ce commandant, ces policiers semblaient « être oubliés, un peu comme s’ils étaient partis à la retraite ». Il a dit qu’il serait utile d’avoir de meilleures directives sur la question.
486 Beaucoup de policiers qui sont en congé pour se remettre de blessures de stress opérationnel se sentent isolés de l’organisation. Plusieurs d’entre eux qui ont vécu cette situation nous ont parlé du sentiment de solitude qu’ils avaient eu, à mesure qu’ils avaient perdu le contact avec leurs collègues. L’un d’eux s’est décrit comme un « paria ».
487 Actuellement, surtout en raison de l’importance des demandes et de leurs ressources limitées, les équipes internes de pairs cherchent avant tout à apporter un soutien aux policiers immédiatement après un incident critique ou traumatique. Certes, des contacts sont parfois maintenus par la suite, mais l’importance de rester régulièrement en communication avec les policiers qui sont atteints de blessures de stress opérationnel, ou qui risquent d’en souffrir, n’est pas assez soulignée. C’est là une faille importante du programme actuel de soutien par les pairs.
Recommandation 18
La Police provinciale de l’Ontario devrait prendre des mesures pour que ses équipes internes de pairs fassent un suivi plus cohérent des policiers après des incidents critiques et traumatiques, et pour encourager les pairs à garder le contact avec les policiers qui sont absents du travail en raison de blessures de stress opérationnel.
488 L’International Association of Chiefs of Police recommande que les services de police offrent un counseling, un soutien en cas de fusillade et un débreffage pour les familles[87]. Occasionnellement, des familles de policiers ont communiqué avec les équipes de pairs de l’OPP ou avec le psychologue du personnel pour demander de l’aide, mais il n’existe aucun programme organisé de soutien par les pairs pour les familles des policiers.
489 Dans un courriel daté du 5 mars 1999, l’ancien coordonnateur du Programme d’aide aux employés de l’OPP a demandé si l’organisation faisait suffisamment pour les familles des policiers et a suggéré la création d’un programme de soutien aux familles par des pairs bénévoles. Plus d’une décennie après, l’OPP n’a toujours pas créé de programme spécial de soutien par les pairs à l’intention des familles des policiers.
490 Un commandant de détachement que nous avons interviewé nous a fait remarquer que les services offerts aux familles des policiers de l’OPP restaient limités comparés à ceux des Forces canadiennes. Voici ce qu’il nous a dit :
À mon avis, l’armée commence à porter plus d’attention… à l’aspect familial. Je crois que nous avons une équipe de traumatologie qui rencontre les policiers et bien sûr… quand un policier est tué, on passe beaucoup de temps avec sa famille. Mais à part ça, si un policier vit un incident traumatique, on n’envoie pas de trousse d’information à son épouse pour dire : « Voici ce que votre époux ou l’être que vous aimez a vécu et voici les réactions auxquelles vous devez vous attendre. » … Je crois qu’un des domaines dans lesquels nous sommes un peu faibles est celui des familles; nous ne faisons pas savoir aux familles, pas même génériquement, à quoi elles doivent s’attendre. Même quand les policiers commencent à exercer, il faudrait envoyer une trousse aux familles disant : « Voilà ce à quoi vous devez vous attendre maintenant que votre épouse, votre époux ou votre partenaire est dans la police. Voici les situations qu’ils vont vivre, voici certains des facteurs de stress au travail, voici ce qui risque de se produire et voici les signes de problèmes. »
491 Les programmes internes de soutien par les pairs de l’OPP devraient comprendre une composante de liaison régulière avec les familles. En raison de la demande en ressources de soutien par les pairs, l’OPP devrait organiser un réseau de soutien aux familles, semblable à celui du programme de soutien bénévole par les pairs aux familles des Forces canadiennes. Apparemment, le nouveau coordonnateur du soutien social pour blessures opérationnelles, dont le poste est proposé, aura entre autres pour rôle de créer des réseaux de soutien par les pairs à l’intention des familles partout dans la province, ainsi que d’organiser divers groupes d’appui. Toutefois, il y a plus d’un an que l’analyse de rentabilité qui appuyait cette initiative a été présentée et presque rien de concret n’a été fait depuis. L’OPP devrait poursuivre cette initiative au plus vite.
Recommandation 19
La Police provinciale de l’Ontario devrait développer le programme proposé de soutien par les pairs à l’intention des familles, et notamment recruter des pairs pour appuyer les familles, au plus vite.
492 Nous avons été informés que, quand un policier retraité appelle le psychologue du personnel de l’OPP ou un pair, celui-ci essaie de lui venir en aide. Mais le service n’a toujours pas de programme de soutien par les pairs pour les policiers retraités, alors que les recherches montrent que ceux-ci continuent de courir des risques de blessures de stress opérationnel après leur départ à la retraite, en raison des effets cumulés de leurs expériences de policier.
493 L’un des chefs de l’Équipe de gestion du stress en cas d’incident critique que nous avons interviewé nous a dit que l’OPP devrait faire davantage pour les retraités. Voici ce qu’il nous a déclaré : « Les bagages émotionnels du passé ne disparaissent pas quand vous partez à la retraite. » Il a ajouté qu’il serait prêt, personnellement, à jouer un rôle de ressource pour les policiers retraités. Il a aussi dit qu’il serait utile d’intégrer des retraités aux équipes de soutien par les pairs.
494 L’OPP devrait prendre l’initiative de créer des soutiens par les pairs pour les policiers retraités. Elle devrait aussi capitaliser sur l’expérience et sur la crédibilité des policiers retraités pour compléter ses ressources de soutien par les pairs. Les policiers retraités qui comptent des années d’expérience dans la police et qui ont eux-mêmes souffert de blessures de stress opérationnel pourraient apporter une contribution précieuse et crédible aux équipes de soutien par les pairs de l’OPP. Dans le cadre du programme de soutien par les pairs des Forces canadiennes, des bénévoles retraités donnent de leur temps pour contribuer au soutien apporté aux membres en exercice ou à la retraite. Les retraités ont aussi été mis à contribution d’autres manières novatrices, par exemple pour faire partie des effectifs d’une ligne d’assistance aux policiers, ouverte 24 heures sur 24, à la New Jersey State Police.
Recommandation 20
La Police provinciale de l’Ontario devrait établir un programme de soutien par les pairs pour les policiers retraités et recruter des retraités bénévoles pour ses programmes de soutien par les pairs destinés aux policiers en exercice ou à la retraite.
495 Les pairs constituent un élément clé de la réussite de tout programme de soutien dans le domaine des blessures de stress opérationnel. Malheureusement, la demande dépasse de loin l’offre en ce qui concerne les ressources de l’OPP en termes de pairs.
496 Les pairs bénévoles de l’OPP ont surtout pour rôle d’appuyer les policiers immédiatement après les incidents critiques et traumatiques. Ils sont en disponibilité 24 heures sur 24 et sont censés arriver sur le lieu d’un incident dans les 48 à 72 heures. Mais les policiers qui participent à ce programme de soutien doivent également continuer d’assumer leurs fonctions régulières.
497 L’un des inconvénients de ce modèle est qu’il exige des ressources considérables. La coordonnatrice du Programme d’aide aux employés de l’OPP nous a fait savoir qu’il était difficile d’attirer suffisamment de policiers dans les équipes internes de pairs pour intervenir rapidement en cas d’incident partout dans la province.
498 Un surintendant de l’OPP nous a dit que le nombre restreint de bénévoles dans les équipes de pairs de sa région était pour lui une préoccupation. Il nous a expliqué qu’à la suite du suicide d’un policier, il avait été difficile de déployer suffisamment de pairs pour une intervention.
499 Certains membres de l’OPP nous ont dit que le programme d’intervention en cas de crise donnait de bons résultats, mais des membres des équipes de pairs ont exprimé des doutes sur le soutien de l’organisation à ce programme, vu qu’il repose sur le bénévolat. La capacité des policiers à s’acquitter de leurs obligations de soutien, en tant que pairs, est parfois en conflit avec leurs activités régulières. Nous avons entendu parler d’un cadre supérieur qui, quand il évalue le rendement des policiers sous ses ordres, tient ouvertement compte de leur rôle de soutien en tant que pairs. En revanche, nous avons aussi appris que, dans certains cas, les supérieurs refusaient aux policiers la permission de se consacrer à leurs responsabilités de pairs.
500 Un membre d’une équipe de soutien s’est inquiété pour la pérennité de ce programme de bénévolat. Il a suggéré la création d’un poste à plein temps dans chaque région, qui serait peut-être concilié avec d’autres responsabilités compatibles. Il a évoqué franchement les difficultés de faire partie de l’équipe :
À un moment donné, soit par fatigue, soit par attrition, ou pour toute autre raison, on va finir par manquer de gens… J’en suis à une étape de ma carrière où, à cause des responsabilités de mon poste, il m’est vraiment difficile d’être disponible [pour l’équipe] tout en gérant ma propre charge de travail.
501 Plusieurs témoins de l’OPP nous ont dit qu’il serait bon d’avoir un chef d’équipe à plein temps dans chaque région. Un dirigeant de l’OPP à qui nous avons parlé a lui aussi appuyé l’idée de créer des postes permanents pour les équipes de soutien par les pairs.
502 Maintenant que l’OPP a fait du poste de coordonnateur du PAE un poste à plein temps, celui-ci disposera peut-être de plus de temps pour recruter et former des pairs. Toutefois, avec seulement 50 pairs bénévoles environ pour 6 152 policiers en uniforme, le soutien par les pairs à l’OPP reste nettement moins important que dans d’autres corps de police. Ainsi, le Service de police de Toronto compte 80 pairs dans son personnel d’intervention en cas d’incident critique, pour environ 5 600 membres en uniforme, tandis que le Service de police de Calgary compte environ 70 pairs pour à peu près 1 900 membres. Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels (responsable de l’OPP) a mis en place des équipes de gestion du stress en cas d’incidents critiques pour les agents des services correctionnels – équipes qui sont dirigées par des psychologues, des travailleurs sociaux, des infirmières et d’autres bénévoles du Ministère. Ce programme fait appel à 82 pairs bénévoles, dispersés un peu partout dans la province, pour appuyer quelque 3 795 agents et cadres des services correctionnels.
503 En raison de la hausse continue du nombre d’incidents critiques et traumatiques, la capacité d’intervention des pairs dans des délais pertinents pourrait se trouver compromise, de même que leurs possibilités de garder le contact ultérieurement avec les policiers.
504 Il serait peut-être utile d’intégrer aux équipes des bénévoles retraités et des membres des familles des policiers, mais la situation exige probablement une réorientation plus fondamentale du modèle de soutien par les pairs.
505 Notre enquête a aussi fait clairement ressortir que le système d’appel des équipes internes de pairs et leurs méthodes de débreffage manquaient de cohérence. Nous avons entendu dire que certains superviseurs de l’OPP hésitaient à faire intervenir les équipes, à moins que les policiers touchés par l’incident ne le souhaitent, et ceci peut-être par crainte de la stigmatisation des réactions aux traumatismes. Dans une région, un responsable de l’avancement et de la formation du personnel a reconnu que, dans certains cas, le superviseur demande simplement aux policiers sur le lieu d’un incident critique s’ils veulent l’intervention d’une équipe de soutien. Un commandant de détachement nous a dit qu’en général, un appel est lancé à une équipe d’intervention selon la rétroaction du personnel. Un autre commandant de détachement a fait cette remarque : « Dans notre travail, on vit des choses traumatiques au quotidien. On ne peut donc pas appeler l’équipe d’aide en cas de traumatisme tous les jours… Il faut sélectionner, choisir. »
506 Les policiers que nous avons interviewés avaient aussi des avis partagés sur la question du caractère obligatoire ou volontaire, comme c’est le cas actuellement, des débreffages en cas d’incidents traumatiques. Certains considéraient que les débreffages devraient être obligatoires, surtout dans les cas d’incidents particulièrement terribles ou quand des enfants étaient en cause, car le processus serait ainsi normalisé et déstigmatisé. D’autres pensaient que les débreffages devraient rester volontaires et qu’une participation forcée serait contre-productive. Les opinions variaient aussi chez les commandants de détachement – l’un d’eux avait même l’impression que les débreffages étaient déjà obligatoires.
507 Le psychologue du personnel de l’OPP a souligné que le but des débreffages était d’offrir des services d’éducation et de soutien. De plus, les débreffages sont faits pour resserrer les liens entre les membres du groupe, leur permettant de parler de l’événement, de découvrir qu’ils ont des réactions similaires et de réduire la stigmatisation. Il a expliqué que les débreffages n’étaient pas obligatoires à l’OPP car les recherches montraient qu’ils étaient moins efficaces, et peut-être néfastes, quand ils étaient imposés.
508 Parlant de son expérience à l’OPP juste avant son départ du service, le psychologue du personnel nous a dit que le fait que l’organisation s’appuie sur le modèle de débreffage en cas de stress dû à un incident critique était devenu problématique. Selon lui, du fait de ses ressources limitées, l’OPP allait probablement continuer d’avoir des difficultés à répondre aux demandes d’intervention en temps de crise, dans les délais pertinents. La solution pour l’institution serait peut-être plutôt de créer un programme complet de bien-être.
509 Certes, il est sans doute utile que des pairs bénévoles appuient les policiers qui vivent des incidents critiques ou traumatiques et les renseignent sur les réactions au stress, les moyens d’y faire face, le programme d’aide aux employés et les ressources communautaires. Mais l’OPP devrait peut-être réévaluer et remplacer son modèle traditionnel d’intervention en cas de crise.
510 D’après la documentation médicale existante, l’OPP ne doit pas seulement faire face aux pressions exercées sur les pairs et sur le psychologue du personnel, mais aussi à une question plus vaste à propos de l’utilité de son modèle de débreffage psychologique en cas d’incident critique. En effet, les experts lancent actuellement cette mise en garde : le processus pourrait traumatiser de nouveau les policiers et précipiter l’apparition de blessures de stress opérationnel.
511 L’OPP devrait consulter des experts à ce sujet et modifier ses stratégies pour mieux refléter les pratiques exemplaires actuelles.
512 Pour offrir des soutiens structurés et cohérents aux policiers, aux retraités et à leurs familles, au-delà de l’aide apportée en cas d’incidents critiques et traumatiques, l’OPP devrait aussi envisager de compléter ses effectifs de pairs bénévoles en créant des postes permanents de pairs. Formaliser ainsi le programme de soutien par les pairs augmenterait la crédibilité organisationnelle et faciliterait le recrutement des bénévoles, tout en renforçant la stabilité et la durabilité du programme.
Recommandation 21
La Police provinciale de l’Ontario devrait consulter des experts sur les blessures de stress opérationnel et elle devrait revoir et modifier ses stratégies d’intervention en cas d’incidents critiques et traumatiques pour mieux refléter les pratiques exemplaires actuelles.
Recommandation 22
La Police provinciale de l’Ontario devrait envisager de créer des postes permanents de pairs, pour ses équipes internes de soutien par les pairs.
513 Il se peut fort bien qu’en recentrant ses ressources de soutien par les pairs, l’OPP puisse élaborer un programme de soutien psychologique plus efficace et mieux équilibré. Actuellement, l’OPP mise beaucoup sur les équipes d’intervention en cas de crise et de traumatisme pour trouver des solutions rapides afin d’éviter les blessures de stress opérationnel. Un commandant régional a qualifié ces solutions de « crans de sécurité ». Mais on sait qu’il y a souvent un écart de temps considérable entre des événements traumatiques et l’apparition de blessures de stress opérationnel. Faire intervenir des pairs lors d’un incident critique, pour gérer des réactions aiguës éventuelles, ne permet aucunement de répondre aux besoins des policiers dont les blessures apparaîtront par la suite ou résulteront d’expositions multiples à des traumatismes.
514 Dans son courriel du 5 mars 1999, la coordonnatrice alors en poste du Programme d’aide aux employés de l’OPP a évoqué les effets des traumatismes cumulés et a souligné l’absence de programmes pour les traiter :
C’est un secteur où nous n’avons pas fait et ne faisons toujours pas grand-chose à ma connaissance. Il faut donner des renseignements continus… pour que les employés reconnaissent les effets du stress cumulé résultant d’incidents critiques qui peuvent se produire au travail plusieurs fois par année (accidents de la route, prises d’otages, blessures, etc.). […]
Plus nous serons proactifs, plus nous mettrons en place des mesures préventives, plus nous pourrons offrir une aide et un suivi – et moins il y aura de cas qui poseront des problèmes complexes d’aménagement des fonctions.
515 Malheureusement, très peu de changements ont été apportés depuis toutes ces années.
516 Beaucoup de policiers de l’OPP que nous avons interviewés, dont quatre commandants de détachement, nous ont parlé des effets considérables du stress cumulé. Certains connaissaient personnellement des policiers qui avaient souffert de stress opérationnel, non pas à cause d’un incident spécifique, mais en raison de l’accumulation graduelle d’expositions au stress.
517 Un lien émotionnel à un événement peut souvent faire basculer l’équilibre. Certains policiers atteints de blessures de stress opérationnel nous ont dit qu’ils avaient réussi à bien gérer les effets cumulés de leurs traumatismes, jusqu’au moment où ils ont établi un lien personnel avec un incident. Dans le cas d’un policier, le déclenchement s’est fait quand il a vu sa petite fille vêtue d’un pyjama avec des agneaux – semblable au pyjama d’une petite victime dont il avait dû porter le corps hors d’un fossé après un accident mortel de voiture, une semaine plus tôt. Les flash-backs ont alors commencé à se produire.
518 En omettant actuellement de se pencher sur la question des effets cumulés des blessures de stress opérationnel, l’OPP suit une approche incomplète et inadéquate.
519 Le lieutenant-colonel Stéphane Grenier, des Forces canadiennes, a fait remarquer que les organismes policiers peuvent avoir une impression de fausse sécurité quand ils mettent en place une équipe de gestion du stress en cas d’incident critique, sans considérer toute la gamme des problèmes de santé mentale. Dans son entrevue avec nous, il a précisé que les interventions en cas de crise ne tiennent pas compte des policiers qui n’ont pas été la cible des balles – de ceux qui, peut-être, « souffrent en silence ».
520 Le directeur général de la santé et de la sécurité au travail, à la GRC, a décrit l’effet cumulé du stress comme « le supplice de la goutte d’eau… qui tombe sans cesser sur votre tête et qui finit par perturber certains ». Il nous a dit que, même si les équipes de gestion du stress en cas d’incident critique sont importantes, « c’est la dure routine quotidienne qui fait s’écrouler la majorité des gens ».
521 La coordonnatrice du PAE de l’OPP nous a fait savoir qu’elle procédait à une analyse du programme de l’armée, qui est plus proactif que réactif, dans le but d’améliorer le soutien de l’OPP à ses membres atteints de blessures de stress opérationnel.
522 L’OPP doit explorer diverses options pour répondre aux besoins de ses membres atteints de blessures de stress opérationnel. Il serait utile pour elle d’améliorer l’accès aux services psychologiques directs en élargissant le programme Safeguard ou en créant un programme similaire pour les policiers de première ligne, en faisant appel à des consultants supplémentaires ou en se donnant des capacités internes d’action grâce à une expansion de sa Section des services psychologiques. L’OPP devrait aussi envisager des méthodes novatrices, comme la création de ressources interactives en ligne et de lignes téléphoniques d’assistance 24 heures sur 24, avec des bénévoles en exercice et à la retraite. Elle devrait également faire des recherches sur des programmes complets de bien-être général qui ont été instaurés dans d’autres services de police, comme celui de Toronto.
Recommandation 23
La Police provinciale de l’Ontario devrait faire des recherches et adopter des méthodes novatrices pour répondre à toute la gamme des besoins de ses membres atteints de blessures de stress opérationnel, notamment avec des ressources interactives en ligne, des lignes téléphoniques d’assistance et des programmes complets de bien-être.
523 L’un des éléments qui brille actuellement par son absence dans les efforts de l’OPP est un programme officiel de prévention des suicides. Les recherches ont montré qu’il y avait un lien entre les blessures de stress opérationnel et le suicide. Ainsi, les personnes atteintes de SSPT courent un risque statistiquement plus élevé de se suicider. Certes, tous les policiers qui se suicident ne souffrent pas de blessures de stress opérationnel. Mais le suicide d’un policier peut à lui seul constituer un événement critique qui précipite une réaction émotionnelle. Les suicides peuvent déclencher des réactions intenses parmi les collègues, entre autres des sentiments de colère, de culpabilité et de désespoir.
524 Le psychologue du personnel de l’OPP nous a dit que, au cours des quelques dernières années, il avait reçu un nombre grandissant d’appels pour aider des policiers suicidaires. En octobre 2009, en deux jours, il était intervenu dans trois cas de policiers qui étaient suicidaires. Deux d’entre eux faisaient l’objet d’enquêtes internes à propos de leur conduite. Dans les trois cas, le psychologue avait demandé aux gestionnaires le retrait des armes de service des policiers. Bien que le taux global de suicides à l’OPP soit faible comparé à celui de la population générale, le psychologue a dit que l’OPP devrait chercher à en réduire le nombre. Il a précisé qu’il avait donné une formation sur l’intervention en cas de suicide aux équipes internes de pairs, mais que celles-ci n’étaient pas formées à la prévention.
525 Certains dirigeants de l’OPP, dont un commandant de détachement, nous ont fait remarquer que le taux de suicide à l’OPP était « inférieur à la moyenne dans le milieu policier ». En revanche, le psychologue du personnel a qualifié les statistiques « d’alarmantes ». Très franchement, je suis d’accord avec lui. Le suicide d’un seul policier de l’OPP, c’est un suicide de trop. Les 23 décès qui sont survenus depuis 1989 ne sont rien de moins qu’une tragédie. Le fait que six se soient produits en tout juste un peu plus de deux ans est extrêmement troublant.
526 Le psychologue du personnel nous a dit qu’il avait rencontré les psychologues du Programme de prévention du suicide, au Service de police de Montréal, et que ces derniers étaient disposés à aider l’OPP à concevoir sa propre stratégie de prévention. Il a ajouté qu’il avait encouragé l’OPP à créer un programme similaire de sensibilisation au suicide. Malheureusement, l’adoption d’une stratégie de prévention du suicide n’a pas été une priorité pour cet organisme.
527 D’après le psychologue du personnel de l’OPP, la formation à la prévention du suicide devrait commencer au sommet de la hiérarchie, en partant du commissaire qui devrait faire savoir aux policiers qu’ils ne perdront pas leur emploi et ne se verront pas refuser un avancement s’ils doivent être hospitalisés en raison d’idées suicidaires, puis en s’étendant à toute l’organisation qui devrait parler ouvertement du suicide. Le psychologue a fait remarquer qu’un des plus grands obstacles était la réticence des policiers à reconnaître que le suicide est une réalité dans leur milieu et à en parler.
528 En raison du manque d’éducation, de formation et de soutien formel en matière de suicide, les gestionnaires de l’OPP doivent agir de leur propre chef quand ils soupçonnent que des policiers travaillant sous leurs ordres éprouvent des difficultés. Le psychologue du personnel nous a dit que les commandants de détachement ne savaient pas quoi faire face aux policiers suicidaires et qu’il n’y avait pas d’approche commune au sein de l’organisme. Dans une présentation qu’il avait préparée sur le suicide chez les policiers, il avait fait cette observation : « Chaque année, nous recevons des appels concernant des policiers potentiellement suicidaires, mais personne ne sait vraiment quoi faire. »
529 Le psychologue du personnel a dit qu’il était important d’éradiquer certains préjugés et de dissiper les mythes liés au suicide. Le suicide n’est pas forcément un acte égoïste, a-t-il souligné, citant l’exemple d’un policier qui s’était tué et avait laissé derrière lui sa jeune famille. De l’avis du psychologue, ce policier en était arrivé à croire sincèrement qu’il serait préférable, pour sa famille, qu’il disparaisse.
530 Un gestionnaire de l’OPP nous a dit qu’il avait dû organiser à plusieurs reprises une intervention par des pairs et un retrait des armes à feu chez certains policiers. Il a dit regretter que la stigmatisation des problèmes de santé mentale – et par extension, du suicide – renforce le problème; le suicide est un sujet dont le milieu policier « ne parle pas », sur lequel il « n’écrit pas ». Selon lui, le suicide de deux de ses collègues n’avait été marqué par aucune commémoration à l’OPP :
Pour moi, ces policiers, ce sont des tragédies du métier dans la police, tout comme le policier tué par une balle lors d’un incident. Mais le nom de ces policiers n’est inscrit sur aucun mur commémoratif. Et c’est à cause de toute cette stigmatisation du suicide… À mon avis, il est tragique que ces policiers succombés ainsi ne soient toujours pas reconnus. C’est dur.
531 Selon lui, l’OPP n’est pas encore arrivée au point de reconnaître l’impact complet des blessures de stress opérationnel :
Le jour où nous aurons [un suicide], et je prie Dieu de ne pas en avoir un autre, mais le jour où nous en aurons un… et où les gens comprendront ce qui s’est passé, verront que c’était une maladie, et quand nous mettrons le nom de ce policier sur le mur commémoratif [au quartier général], alors on y sera. Mais on n’en est pas encore là.
532 À cause de la réticence à parler ouvertement aux policiers qui ont des comportements troublants, les signes de blessures de stress opérationnel graves peuvent passer inaperçus. L’un des superviseurs de l’OPP que nous avons interviewés a évoqué franchement les circonstances tragiques qui l’avaient amené à changer ses méthodes de gestion et à parler de problèmes personnels avec les policiers :
J’ai vu des gens se suicider au travail – en particulier [un policier] que j’avais engueulé un vendredi, lui [et un collègue], au travail. Depuis quelque temps, il maigrissait, il avait des changements d’humeur et bien d’autres choses. Mais je n’ai pas vu les signes. Il a quitté le travail un vendredi matin, alors que je les avais pris en train de faire quelque chose qu’ils n’auraient pas dû faire, et il s’est tiré une balle cette fin de semaine là… J’en ai tiré des leçons. Je me suis dit, tu sais, il faut regarder les choses en face, parce que tu peux te regarder dans un miroir et te blâmer autant que tu veux. Est-ce qu’on a manqué de voir les signes et tous les indices qui étaient là? Absolument…
J’ai dû regarder vers l’avenir et je me suis promis alors que je n’hésiterais plus jamais, par crainte d’embarras ou pour toute autre raison, à parler ouvertement avec quelqu’un chez qui je perçois des problèmes dans cette organisation, et je suis très direct. Je demande aux gens : « Tu vas te tuer? » J’ai posé cette question plusieurs fois depuis, sans avoir honte, sans être embarrassé, sans m’inquiéter le moins du monde de la poser…
533 La possibilité que des accusations soient portées contre eux, pour acte criminel ou en vertu de la Loi sur les services policiers, constitue un facteur considérable de stress pour les policiers. C’est pourquoi, quand le Bureau des normes professionnelles de l’OPP enquête sur un policier et s’apprête à porter des accusations, l’OPP fait intervenir des équipes de soutien par les pairs dans certaines régions. Mais cette approche n’est pas suivie uniformément dans toute l’organisation. Un programme préventif permettrait de garantir des soutiens supplémentaires aux policiers confrontés à des situations connues pour accentuer le stress personnel.
534 En outre, à cause de la propension qu’ont les policiers à se tuer avec leurs armes de service, et à la suite des recommandations des comités d’examen des décès visant à interdire l’accès aux armes de service aux policiers souffrant de stress, l’OPP devrait adopter des politiques préventives du suicide. Par exemple, les policiers souffrant de réactions émotionnelles pourraient être autorisés à remettre leurs armes à leurs superviseurs, temporairement et confidentiellement, sans aucune sanction disciplinaire. Les circonstances dans lesquelles les armes leur seraient rendues après leur retour d’un congé de maladie pour cause de stress pourraient être clairement définies. Tragiquement, la famille du sergent Marshall continue de se demander si son arme lui a été rendue trop tôt.
535 Durant notre enquête, nous avons appris qu’en 2010, l’OPP avait étudié certaines des circonstances du suicide d’une policière, dont les problèmes psychiatriques avaient été révélés après sa mort. Mais en général, l’OPP n’effectue pas « d’autopsies psychologiques » après le suicide de policiers. Elle ne conserve même pas de statistiques « officielles » sur le nombre de suicides dans ses rangs. Les renseignements que nous avons obtenus auprès du psychologue du personnel de l’OPP avaient été recueillis de manière informelle et comportaient de nombreuses lacunes. Comme le psychologue nous l’a expliqué, le recueil de données sur les suicides des policiers pourrait aider la haute direction à élaborer des politiques et des programmes, et à mettre en évidence la gravité du problème.
536 Le psychologue du personnel de l’OPP nous a avisés qu’il avait fait savoir à ses supérieurs que la GRC procédait à des examens psychologiques à la suite des suicides. Mais l’OPP n’a pris aucune mesure pour imposer une enquête médico-légale à la suite d’un suicide parmi ses policiers. Après le décès du sergent Marshall, le psychologue du personnel avait suggéré une autopsie psychologique, mais alors que nous rédigions ce rapport, aucune évaluation formelle de ce suicide n’avait été faite, pas plus que pour un autre cas de suicide survenu en mai 2012.
537 Comme l’a fait remarquer le Dr Peter Collins, psychiatre légiste, il est utile d’examiner tous les suicides dans l’optique des leçons à en tirer. En omettant d’analyser scrupuleusement les circonstances des suicides parmi ses policiers, l’OPP manque une occasion de mettre au jour les racines du problème et de concevoir des stratégies de prévention du suicide.
538 L’OPP devrait prendre pour habitude d’effectuer des autopsies psychologiques complètes à la suite de suicides chez ses policiers, en retenant au besoin les services de consultants externes. De plus, elle devrait faire des recherches sur les facteurs de stress communs des suicides et adopter des pratiques exemplaires pour les contrer. Elle devrait notamment envisager d’apporter un soutien par les pairs aux policiers qui font l’objet d’accusations criminelles et concevoir des politiques sur les armes à feu qui respectent les policiers susceptibles de mettre leur vie en danger.
539 Des organismes comme le Service de police de Montréal ont remporté un franc succès avec leurs programmes de prévention du suicide et les psychologues du programme de Montréal se sont dits prêts à aider l’OPP à concevoir son propre programme. Il appartient à l’OPP d’élaborer et d’instaurer une stratégie complète de prévention du suicide. Cette initiative devrait être érigée et soutenue en tant que priorité au plus haut niveau de son organisation.
Recommandation 24
En tant que priorité, la Police provinciale de l’Ontario devrait consulter des intervenants du milieu policier, des experts et d’autres organismes qui ont mis en place des programmes de prévention du suicide, faire des recherches sur les pratiques exemplaires, et concevoir et instaurer un programme complet de prévention du suicide comprenant les points suivants :
- étude des facteurs de stress dans le milieu policier;
- adoption de politiques sur la remise, le retrait et le retour des armes à feu de service;
- recueil de statistiques sur les suicides de policiers en exercice ou à la retraite;
- autopsies psychologiques à la suite des suicides de policiers.
540 À l’OPP, il existe un manuel sur les funérailles des policiers et il y a des instructions à suivre quand un policier meurt de cause naturelle ou dans l’exercice de ses fonctions. Mais les ordres, les protocoles et les directives de l’OPP gardent le silence sur les suicides des policiers. Les familles des policiers tués en service reçoivent une trousse d’information sur le deuil. En général, pour l’anniversaire du décès d’un policier mort en service, des cadres supérieurs de l’OPP contactent la famille du défunt. Mais pour les familles plongées dans le deuil à la suite d’un suicide, il n’existe aucune directive, aucun rituel, aucune cérémonie.
541 Le psychologue John M. Violanti soutient que les personnes qui restent à la suite du suicide d’un policier – les membres de la famille, les collègues, les amis – risquent peut-être plus la détresse et les traumatismes psychologiques que leurs homologues civils. Il recommande que les organismes policiers adoptent un protocole sur le suicide aussi détaillé que pour tout autre décès d’un policier en exercice, avec avis à la famille, aux collègues et aux médias et avec l’appui de porte-parole officiels chargés de veiller au respect des sentiments de la famille et de gérer publiquement les retombées émotionnelles. Il préconise aussi que des questions controversées soient abordées, comme celles d’une garde d’honneur, de policiers en uniforme ou d’un défilé de voitures de patrouille[88].
542 Jusqu’à tout récemment, l’OPP n’envoyait pas d’avis sur les circonstances des suicides, ni sur les arrangements funéraires. Actuellement, même quand des avis sont émis, ils omettent généralement le mot « suicide ». En juin 2011, le décès d’un policier a été mentionné, sur deux lignes, dans un communiqué de presse à propos des tragédies d’une longue fin de semaine, mais ce communiqué ne faisait aucune mention des circonstances de la mort – précisant encore moins qu’il s’agissait d’un suicide – et ne disait rien des funérailles. Le psychologue du personnel de l’OPP a eu ces mots :
Il y a un tel tabou ici à propos du suicide, personne n’en parle… La prochaine fois, j’espère que le commissaire dira « nous avons perdu un membre en raison d’une tragédie : il s’est suicidé ». Nous devons pouvoir le dire… Nous devons passer au 21e siècle et pouvoir utiliser le mot « suicide » et reconnaître que de telles choses arrivent.
543 Certes, les équipes internes de soutien par les pairs sont déployées pour aider les membres en cas de suicide de policiers, et éventuellement pour apporter un soutien aux membres de la famille qui restent, mais l’OPP devrait envisager de formaliser les soutiens offerts aux familles dans de telles situations et veiller à la mise en place de directives claires pour les gestionnaires de l’OPP et pour les pairs.
544 L’OPP devrait concevoir, en consultation avec les intervenants du milieu policier, un protocole détaillé sur le suicide chez les policiers, qui soit respectueux des besoins émotionnels des collègues et des familles. Ce protocole devrait tenir compte de questions comme le soutien par les pairs, les communications au sein de l’organisme, avec les membres des familles et avec les médias, les arrangements funéraires et les commémorations. Étant donné qu’un nombre significatif de policiers retraités se suicident, ce protocole devrait aussi considérer les besoins des retraités et de leurs familles.
Recommandation 25
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir un protocole sur le suicide de ses membres en exercice ou à la retraite, qui soit respectueux des collègues et des membres des familles, tout en leur apportant un soutien.
545 Le travail des policiers exige souvent beaucoup d’eux, physiquement et mentalement. Il est courant, pour les policiers qui reviennent au travail après une absence en raison de blessures physiques ou mentales, de ne pas pouvoir reprendre immédiatement leurs fonctions de première ligne. L’OPP a mis en place des politiques et des processus d’aménagements pour ses policiers, y compris pour ceux qui souffrent de blessures de stress opérationnel. Mais beaucoup de policiers à qui nous avons parlé nous ont dit que les tâches modifiées qui leur étaient données n’étaient ni gratifiantes, ni intéressantes.
546 De nombreux gestionnaires que nous avons interviewés nous ont expliqué que les aménagements pouvaient s’avérer difficiles, tant pour les cas de blessures physiques que pour les cas de blessures mentales. Ceci est tout particulièrement vrai dans les petits détachements. Au dernier trimestre de 2010, l’OPP comptait 397 membres en service modifié.
547 Nous avons aussi appris que les policiers valides éprouvaient souvent du ressentiment envers leurs collègues affectés aux Unités d’intervention adaptée (UIA) et que travailler dans ces unités fait l’objet d’une forte stigmatisation. Les policiers affectés à ces unités sont fréquemment considérés comme des paresseux et des simulateurs. Nous avons entendu dire que les UIA sont communément appelées, de façon péjorative, « unité des idiots et des retardés », « unité des maux de dos », « unité des blessés qui traînent la patte », « banc des punitions », « parc des jouets cassés » et « club des ailes brisées ». Décrivant la perception qu’ont des UIA les membres de l’OPP, le psychologue du personnel a eu ces mots : « Lève le pied et regarde les saletés sur ta semelle. » Toutefois, il a concédé que la stigmatisation des UIA n’était plus aussi grave qu’autrefois.
548 Un certain nombre de hauts dirigeants de l’OPP ont souligné que les UIA faisaient un travail précieux en permettant d’économiser le temps et les ressources des effectifs de première ligne. En dépit de la mauvaise réputation des UIA, certains hauts dirigeants ont dit que l’OPP devait mieux communiquer l’importance de leur rôle. Un commandant régional a suggéré de changer le nom de ces unités, tandis qu’un autre nous a dit qu’il a fait de la lutte contre la stigmatisation des UIA une priorité dans sa région.
549 Certains policiers qui avaient besoin d’un travail modifié ont été affectés à des postes non policiers dans la Fonction publique de l’Ontario. Mais nous avons appris que, dans certains cas, les policiers hésitaient à renoncer au prestige de leur métier et préféraient ne pas être placés à de tels postes.
550 Les policiers nous ont aussi dit qu’ils trouvaient le processus de reprise du travail particulièrement stressant. Ils ont suggéré que l’OPP mette en place une forme de processus d’appel ou crée un groupe de consultation pour gérer les problèmes de retour au travail. La stigmatisation des blessures de stress opérationnel rend ce retour au travail particulièrement redoutable pour les policiers. Pour faciliter une transition plus en douceur vers la reprise du service actif, il serait bon d’engager un conseiller médical chargé de communiquer directement et confidentiellement avec les fournisseurs de soins de santé des policiers, pour garantir un échange ouvert des renseignements et une personnalisation adéquate des aménagements de fonctions.
551 Par conséquent, l’OPP devrait examiner ses pratiques d’aménagement et procéder à des recherches pour mettre en œuvre des pratiques exemplaires permettant d’améliorer le processus de retour au travail.
Recommandation 26
La Police provinciale de l’Ontario devrait examiner ses pratiques d’aménagement du travail pour tenir compte des besoins des policiers atteints de blessures de stress opérationnel, procéder à des recherches pour mettre en œuvre des pratiques exemplaires visant à réduire la stigmatisation liée à l’aménagement des tâches, et améliorer la transition de retour vers un service actif.
552 Le commissaire Lewis a bien accueilli mon enquête. Dans son « Communiqué du commissaire » à l’été de 2011, il a écrit que, même s’il considère que l’OPP a fait « d’importants progrès, s’il y a d’autres choses à améliorer, nous y veillerons ». L’attitude positive du commissaire envers mon enquête m’encourage. Certes, l’attitude de l’OPP a beaucoup évolué par rapport à ce qu’elle était il y a une trentaine d’années en ce qui concerne les blessures de stress opérationnel, mais elle reste encore loin de ce qu’elle devrait être en 2012. De toute évidence, l’OPP peut et doit prendre d’autres mesures pour renforcer son soutien à ses membres. Le changement de culture dont le commissaire a parlé doit devenir une réalité, et pas simplement un objectif. Pour que cet organisme progresse et règle le problème de la stigmatisation débilitante des blessures de stress opérationnel, les changements fondamentaux doivent venir de la haute direction puis être menés par elle.
553 L’approbation de la création d’un poste à plein temps de coordonnateur du soutien social pour blessures opérationnelles est un commencement (même si ce poste reste vacant alors que nous rédigeons notre rapport). Mais son rôle n’est pas suffisamment défini, pas suffisamment global, compte tenu de l’ampleur des changements requis. L’OPP a besoin d’un programme complet, proactif et préventif de bien-être incluant des composantes renforcées d’éducation, de formation et de soutien en matière de blessures de stress opérationnel et de suicide. Il ne fait aucun doute que certains aspects de ce programme constitueront des défis. Certains seront probablement controversés, et il y aura inévitablement des résistances aux changements. Pour être véritablement dynamique, cette initiative doit être promue par un haut responsable, doté du statut, de la crédibilité et de l’expérience voulus pour la mener au succès. Ce responsable devra clairement avoir l’autorité et les compétences nécessaires pour engager et consulter des experts, établir des relations à de hauts niveaux de gouvernement, avec l’armée et avec d’autres corps de police, former des comités consultatifs d’intervenants et créer des partenariats à mesure que les occasions se présentent.
Recommandation 27
La Police provinciale de l’Ontario devrait sélectionner un haut responsable pour mener les recherches, la conception et la mise en œuvre d’un programme préventif et proactif complet de bien-être, comprenant des composantes renforcées d’éducation, de formation et de soutien en matière de blessures de stress opérationnel et de suicide.
Recommandation 28
La Police provinciale de l’Ontario devrait faire rapport à mon Bureau de ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations, chaque trimestre, jusqu’à ce que j’estime que des mesures adéquates ont été prises en ce sens.
554 L’OPP n’est que l’un des nombreux services de police en Ontario. Elle n’est pas la seule à devoir veiller à la mise en place de soutiens et de programmes adéquats pour venir en aide aux policiers souffrant de blessures de stress opérationnel. Dans la province, il y a environ 30 000 policiers et 58 services de police. Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels a donc un vaste mandat relativement aux services de police.
555 En vertu de la Loi sur les services policiers, le Ministère est chargé de concevoir et de promouvoir des programmes pour améliorer les pratiques, les normes et la formation dans le secteur policier; d’élaborer, de conserver et de gérer des programmes et des archives statistiques; et d’effectuer des études de recherche.
556 Le Ministère est aussi responsable de donner des renseignements et des conseils sur la gestion et le fonctionnement des forces de police, ainsi que sur les techniques à utiliser en cas de problèmes particuliers, aux commissions des services policiers, aux conseils consultatifs des services de police communautaire et aux chefs des services de police municipale. De plus, il doit émettre des directives et des orientations en matière de politiques. Le Ministère gère aussi le Collège de police de l’Ontario.
557 La Loi sur les services policiers et ses règlements définissent des normes pour les services de police. La Section des normes policières du Ministère a conçu des directives sur les pratiques exemplaires à suivre pour aider les services de police à s’acquitter de leurs obligations en vertu de la loi. Le Manuel des normes policières (publié en 2000) définit la position du Ministère sur diverses questions de politiques et donne des renseignements et des conseils sur la gestion et le fonctionnement des services de police. Ce manuel est de nature consultative; en fin de compte, il appartient aux chefs des services de police locale, aux commissions des services policiers et aux municipalités de déterminer comment respecter ces normes. L’Unité d’assurance de la qualité de la police au Ministère est responsable de vérifier et d’inspecter les services de police pour veiller au respect de la Loi et de ses règlements.
558 Le Ministère préside aussi un comité consultatif des services policiers, qui comprend des représentants des associations de police et qui se réunit trois à quatre fois par an. Ce comité discute des modifications proposées aux directives.
559 Alors que la prévalence des blessures de stress opérationnel dans la police et leurs effets potentiellement dévastateurs sur les policiers retiennent de plus en plus l’attention du public, le Ministère n’a fait aucune recherche et ne s’est aucunement penché directement sur la question de telles blessures chez les policiers. Malgré le large éventail des responsabilités ministérielles, qui sont définies dans la Loi sur les services policiers, les dirigeants du Ministère que nous avons interviewés nous ont dit que des questions comme la formation et la prévention en matière de blessures de stress opérationnel relevaient des relations de travail quotidien et qu’il valait mieux les laisser à chacun des services de police. Bien que certains secteurs policiers spécialisés, comme celui concernant l’exploitation sexuelle des enfants, exposent tout particulièrement les policiers à de grands risques de blessures de stress opérationnel, il n’y a pas de normes provinciales sur les évaluations psychologiques ou les mesures de soutien pour les policiers qui travaillent dans ces secteurs.
560 Dans un article de recherche universitaire datant de 2010, un membre de la Police régionale de York a écrit que la Stratégie provinciale de protection des enfants contre l’exploitation et les agressions sexuelles sur Internet n’alloue aucune ressource au bien-être psychologique et au soutien des enquêteurs qui travaillent à sa mise en œuvre. Cette policière a aussi fait remarquer qu’il n’y a aucune disposition obligatoire de protection dans les Provincial Adequacy Standards ou dans le règlement sur le caractère convenable des services policiers (Règlement de l’Ontario 3/99)[89].
561 Au Canada, aucun gouvernement provincial n’a donné de directive précise aux services de police sur les soutiens à mettre en place en ce qui concerne les blessures de stress opérationnel. Toutefois, en Alberta, une norme provinciale enjoint aux services de police d’instaurer un programme d’aide aux employés comprenant au moins des politiques pour traiter efficacement le stress causé par des incidents critiques, la gestion de la colère, les toxicomanies, ainsi que les problèmes de bien-être physique et mental. La Colombie-Britannique a elle aussi émis une norme stipulant que les services de police doivent avoir, par écrit, une politique établissant et décrivant un programme d’aide aux employés et un programme de counseling en cas de stress causé par des incidents critiques.
562 Actuellement, il est courant pour les services de police d’avoir, sous une forme ou une autre, un programme d’intervention en cas d’incident critique ou un programme général d’aide aux employés. Mais on ignore dans quelle mesure ces programmes sont cohérents, fondés sur des pratiques exemplaires et axés sur les besoins propres au milieu policier. Le Ministère ne s’est pas penché sur la question.
563 Le 14 avril 2011, le Ministère a répondu aux recommandations faites par le Comité d’examen des décès dus à la violence familiale à propos du meurtre-suicide de policiers à London en Ontario. Le Ministère a considéré en grande partie que ces recommandations ne relevaient pas de son rôle, ou qu’une réponse y avait déjà été donnée d’autres façons. Par exemple, à propos de la recommandation préconisant que les services de police mettent en place des initiatives progressistes axées sur le traumatisme indirect et la gestion du stress, et les gèrent proactivement, le Ministère a souligné que l’intention de cette recommandation était déjà exprimée dans la Loi sur les services policiers. Il a déclaré que les chefs de police étaient responsables de gérer les services de police conformément aux objectifs, aux priorités et aux politiques déterminés par leurs commissions des services policiers et qu’ils devaient prévoir des aménagements pour les invalidités physiques et mentales. Le Ministère a aussi attiré l’attention sur la séance de 90 minutes consacrée à la gestion du stress en général et en cas d’incident critique, que suivent toutes les recrues dans le cadre de la formation de base des agents de police au Collège de police de l’Ontario.
564 Quant à la recommandation faite par le comité pour que les policiers aient mieux accès aux services de santé mentale, le Ministère a déclaré que ceci relevait principalement de la responsabilité individuelle de chacun des chefs de police.
565 Le Ministère a communiqué les recommandations à tous les chefs de police de la province, mais il n’a fait aucun suivi.
566 Parmi les initiatives que le Ministère a citées dans sa réponse au comité, il y avait le partenariat entre la Gestion des urgences Ontario et le Tema Conter Memorial Trust, dont le but est d’aider les intervenants en cas d’urgence et les militaires souffrant de traumatismes émotionnels liés au travail[90]. Le Ministère a fait savoir que ces organismes accueilleraient un comité d’intervenants chargé de faire une enquête pour déterminer quels programmes existaient sur la gestion des incidents critiques en Ontario. Depuis, la Gestion des urgences Ontario et le Tema Conter Memorial Trust ont effectué des enquêtes auprès des intervenants de première ligne en cas d’urgence (services médicaux d’urgence, police et pompiers) en 2010 puis en 2012 pour tenter de dresser un répertoire complet de ces programmes dans la province. Malheureusement, le taux de réponse a été faible et la participation est principalement venue des services de pompiers. Seuls 23 des 58 services de police de l’Ontario ont participé à l’enquête de 2012. Parmi les services de police qui ont répondu, au moins quatre n’avaient pas de programme de gestion du stress en cas d’incident critique. Et parmi ceux qui ont dit avoir un tel programme, dans l’enquête de 2010, la moitié environ ne faisaient ni formation ni certification des animateurs[91].
567 Le rapport du Tema Conter Memorial Trust a reconnu la controverse qui entoure le bien-fondé des interventions à la suite d’incidents critiques. Le directeur général du Trust a souligné que tout bon programme de gestion du stress en cas d’incident critique doit comprendre de multiples composantes, dont une formation préalable aux signes et aux symptômes du SSPT. D’après les résultats de l’enquête, il a dit que les intervenants de première ligne en cas d’urgence ne semblaient pas tous partager la même idée de la définition de la gestion du stress en cas d’incident critique et que beaucoup de programmes manquaient d’éléments importants, comme la formation préalable aux incidents. Selon lui, le problème semble provenir du fait que la plupart de ces intervenants ont simplement créé des programmes à titre de « liste de contrôle », pour montrer qu’ils offrent une certaine forme d’intervention. Il a dit que le Trust espérait élaborer des pratiques exemplaires sur la gestion du stress en cas d’incident critique.
568 En réaction à un appel lancé par la Police Association of Ontario en 2009 pour une loi présomptive sur le SSPT, l’Ontario Association of Chiefs of Police a demandé en juin 2010 à la province de créer un groupe de travail officiel composé d’intervenants de la police pour étudier en détail toute modification législative proposée, travailler avec les responsables gouvernementaux et le secteur médical afin de créer un outil de diagnostic pertinent, spécialement adapté aux policiers atteints de SSPT, et faire une campagne de sensibilisation à ce sujet.
569 En 2011, le Ministère a facilité la création d’un groupe de travail composé de représentants de l’Association de la Police provinciale de l’Ontario, de la Commissioned Officers Association, de la Toronto Police Association, de l’Ontario Association of Police Service Boards, de l’Ontario Association of Chiefs of Police, de la Police Association of Ontario, de la CSPAAT et du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Nous avons été informés que ce groupe de travail avait tenu deux réunions (la plus récente datant de février 2012) et comptait se réunir à nouveau cette année, son objectif étant l’éducation et la sensibilisation en matière de SSPT dans le milieu policier. Bien que cette initiative soit positive, ses progrès restent lents.
570 Bien que notre enquête soit axée sur la réaction de l’OPP aux blessures de stress opérationnel, nous avons aussi considéré les cas de membres des services de police municipale. Nous avons recueilli les témoignages de 28 policiers municipaux et de leurs familles, à propos de leurs expériences des blessures de stress opérationnel. La plupart de ces policiers étaient encore en exercice. Ils étaient représentatifs de services de police de partout dans la province.
571 Il va sans dire que les policiers des services municipaux vivent des traumatismes similaires à ceux des membres de l’OPP et y réagissent de manière similaire, en termes de stress opérationnel.
572 Dans Crack in the Armor[92], Jimmy Bremner, ancien chef d’équipe du groupe d’intervention d’urgence du Service de police de Toronto, qui est un groupe d’élite, a donné un aperçu captivant du milieu policier, évoquant les traumatismes qu’il avait vécus au travail et son syndrome de stress post-traumatique qui l’avaient mené à des tentatives de suicide et à une infraction de conduite avec facultés affaiblies, et enfin son rétablissement après un traitement commencé en 2005. Ses descriptions de la stigmatisation qui entoure les maladies mentales et de la peur de montrer ses faiblesses dans le milieu policier restent d’actualité :
Durant les années où j’ai travaillé dans la police, j’ai été le témoin de scènes horribles de violence et de brutalité – des gens morts ou mourants, de tous les âges, et des homicides et des suicides de toutes sortes. Les pires interventions étaient les incidents sanglants et les suicides. Le public ne sait pas tout ce qui se passe dans la nuit – les rapports familiaux qui tournent mal, les prises d’otages, les suicides. Mais je gardais mes sentiments pour moi, bien déterminé à ne montrer aucune faiblesse. On se cache, en pensant « ça fait partie du travail », comme si cette attitude rendait en quelque sorte la brutalité acceptable[93].
573 Les policiers municipaux qui nous ont parlé de leurs luttes personnelles contre les blessures de stress opérationnel ont fait écho à ces observations. Nous avons aussi recueilli le témoignage de familles qui avaient été les témoins directs des répercussions dévastatrices du stress des activités policières sur leurs êtres aimés.
574 Nous avons parlé à la veuve de l’agent Henry, un sergent de la police municipale qui comptait de longues années de service et qui s’est suicidé en 2009, après une longue et douloureuse lutte contre diverses blessures, dont le SSPT. L’agent Henry avait écrit un journal intime intitulé « Over the Blue Wall », sur son ordinateur à la maison. Dans ce journal, il avait évoqué les effets cumulés des incidents vécus durant sa carrière de policier, dont un cas particulièrement perturbant de suicide et la tentative de meurtre d’un jeune enfant, dont les images continuaient de le hanter :
J’ai tout vu et tout fait : j’ai ramassé des morceaux de corps humain sur des voies du métro, des cadavres d’enfants en pièces sous des voitures, vérifié le corps de personnes décédées et de suicidés pour déterminer leur identité ou recueillir des preuves… et comme tout bon policier, j’ai mis mes sentiments personnels à l’écart, je les ai rangés sur l’étagère des émotions, là où je devais, pensant que je m’en occuperais plus tard, beaucoup plus tard… quand exactement? Personne ne le savait, pas même moi…
575 L’agent Henry a cherché à obtenir de l’aide professionnelle et a commencé un traitement contre le SSPT. En 2005, alors qu’il était en congé de maladie et recevait des indemnités de la CSPAAT, il a été choqué et anéanti d’apprendre que son employeur contestait sa demande d’indemnisation. Sur les recommandations de son médecin, et après être longtemps resté confiné dans sa chambre, l’agent Henry a commencé à faire des activités communautaires. Ceci avait poussé un commandant d’unité à écrire à la CSPAAT, recommandant que les prestations de l’agent Henry soient annulées et que son cas soit réexaminé pour fraude. La lettre de ce commandant se terminait sur une observation troublante sur la légitimité des blessures de stress opérationnel :
Nous signalons aussi respectueusement que ce cas illustre une fois de plus le besoin urgent de revoir le droit aux prestations pour stress mental post-traumatique, et montre que la CSPAAT doit cesser de gaspiller ainsi l’argent des contribuables.
576 La veuve de l’agent Henry nous a dit que son mari avait réussi à surmonter le choc lié aux agissements de son employeur. Mais les effets cumulés de ses expériences avaient fini par peser trop lourd et il avait finalement échappé à ses souffrances en mettant fin à sa vie.
577 L’agent Ian est dans la police depuis plus de 20 ans et il a maintes fois vécu des événements traumatiques. Il a reçu plusieurs citations pour bravoure et, durant toute sa carrière, il a été considéré comme un policier exemplaire. Il y a quelques années, il a commencé à souffrir d’insomnie, de perte de poids, de flash-backs, d’anxiété et de pensées suicidaires. Il a fini par partir en congé, avec des indemnités de la CSPAAT, pour blessures de stress opérationnel.
578 Malheureusement, sa tentative de retour au travail a échoué. Quand il a repris ses activités, il s’est senti rejeté par certains de ses collègues. Il craignait que ceux-ci doutent de la légitimité de son problème, ce qui aggravait encore ses pensées suicidaires. Très vite, il n’a plus pu faire face et il a dû se remettre en congé de maladie. Quand il nous a parlé, il n’avait toujours pas repris son service.
579 L’agent Ian nous a dit qu’à son avis, il serait bon de rendre obligatoire une formation renforcée sur les blessures de stress opérationnel pour les policiers en exercice, qu’ils suivraient régulièrement à des intervalles de quelques années. Il a aussi suggéré de rendre obligatoires des évaluations psychologiques périodiques pour les policiers des unités spécialisées qui sont confrontés à des incidents particulièrement traumatiques (par exemple, des agressions sexuelles et des cas de pornographie juvénile) – et de limiter les périodes de service dans ces unités.
580 L’agent Jay avait toujours rêvé d’être policier. Mais après trois ans de service, il a commencé à souffrir de crises de panique, d’insomnies et de cauchemars. Il a gardé secrets ses symptômes, craignant de montrer sa faiblesse. La consommation sociale d’alcool faisait partie de la culture dans son milieu de travail alors, rapidement, il s’est tourné vers l’alcool et vers les médicaments sur ordonnance pour échapper aux cauchemars.
581 Bien qu’ayant été exposé à des événements traumatiques alors qu’il était en exercice, l’agent Jay n’a jamais pris part à un débreffage sur le stress à la suite d’un incident critique. Progressivement, son rendement a chuté. Puis des accusations d’inconduite ont été portées contre lui. Sur l’insistance de son superviseur, l’agent Jay a communiqué avec un fournisseur externe d’aide aux employés et il a participé à une séance de counseling qui s’est avérée peu réussie. Par la suite, il a commencé un traitement spécialisé contre le SSPT.
582 L’agent Jay a trouvé frustrant le processus de retour au travail, car il a été cantonné dans un emploi de bureau. À son avis, les superviseurs de la police devraient être formés à reconnaître les symptômes des blessures de stress opérationnel et les policiers devraient subir des évaluations psychologiques obligatoires, en cas de besoin. D’après lui, ces évaluations contribueraient à éliminer la stigmatisation des blessures de stress opérationnel et aideraient les policiers qui ne savent pas toujours qu’ils souffrent de ces symptômes.
583 Le Ministère a choisi de ne pas s’occuper directement des problèmes de blessures de stress opérationnel dans les services de police. Toutefois, dans le cadre des responsabilités que lui confère la loi, il peut fort bien recueillir des renseignements statistiques à ce sujet, faire des recherches sur les pratiques exemplaires et élaborer des normes provinciales sur les activités d’éducation, de formation, de soutien et de prévention du suicide. Il est peu probable que tous les services de police disposent des ressources requises pour pleinement participer à de telles activités, même à titre de participants à des réseaux d’intervenants. De plus, les blessures de stress opérationnel ne sont pas un problème propre à chacun des services de police pris séparément. C’est un problème systémique, qui exige une approche systémique et une solution systémique. Le Ministère doit porter un autre regard sur la question et élargir la vision de son rôle dans ce domaine.
584 Étant donné la vaste portée de son mandat et de son champ de surveillance, le Ministère est bien placé pour faciliter la compilation de données cruciales sur les blessures de stress opérationnel dans les services de police en Ontario. S’inspirant de l’exemple des Forces canadiennes, le Ministère devrait concevoir et faire une enquête confidentielle à l’échelle de toute la province et recourir à d’autres moyens pour contribuer à déterminer combien de policiers ont souffert de blessures de stress opérationnel en Ontario. Le Ministère devrait travailler avec des intervenants du milieu policier, dont la Police provinciale de l’Ontario – à laquelle j’ai recommandé de faire sa propre enquête auprès de ses membres.
Recommandation 29
De concert avec des intervenants de la police, le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait concevoir et faire une enquête confidentielle à l’échelle de toute la province et recourir à d’autres moyens pour contribuer à déterminer combien de policiers, en exercice ou à la retraite, souffrent ou ont souffert de blessures de stress opérationnel en Ontario.
585 De plus, le Ministère devrait s’efforcer de recueillir des statistiques sur le nombre de suicidés dans la police et travailler en collaboration avec le Bureau du coroner en chef pour conserver à l’avenir des données sur le nombre de suicides chez les policiers.
Recommandation 30
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’efforcer de recueillir des données historiques sur le nombre de suicides chez les policiers en Ontario et travailler en collaboration avec le Bureau du coroner en chef pour trouver des moyens de recueillir des renseignements sur les suicides de policiers en exercice ou à la retraite.
586 Les données provinciales sur les blessures de stress opérationnel et sur les suicides chez les policiers pourraient servir à établir des normes provinciales pour les programmes d’éducation, de formation et de prévention, et à évaluer l’efficacité de tels programmes.
587 Le Ministère devrait s’adresser aux services de police de toute la province pour obtenir des renseignements complets sur leurs programmes d’éducation, de formation, de services et de soutien en matière de blessures de stress opérationnel et de prévention du suicide. Jusqu’à présent, les tentatives faites pour recueillir des données sur la gestion du stress en cas d’incident critique se sont avérées inefficaces car, généralement, les services de police n’ont pas mis en place de processus à cet effet. Le Ministère est en droit d’exiger la coopération et la participation de la police à cette initiative.
Recommandation 31
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait demander à tous les services de police de l’Ontario de lui fournir des renseignements sur les programmes d’éducation, de formation, de soutien et de services ainsi que sur les autres mesures auxquelles ils ont recours pour gérer les blessures de stress opérationnel et la prévention du suicide.
588 Une leçon de 90 minutes donnée aux recrues durant leur formation au Collège de police de l’Ontario est complètement insuffisante pour traiter des blessures de stress opérationnel. Des programmes réguliers de formation, d’éducation et de soutien s’imposent. Le Ministère devrait faire des recherches sur les pratiques exemplaires en matière d’éducation, de formation, de soutien et de services relativement aux blessures de stress opérationnel et à la prévention du suicide, et concevoir et publier des normes provinciales à l’intention des services policiers, en consultation avec des intervenants de la police. Il devrait consulter des organismes policiers et militaires au Canada et ailleurs, s’entretenir avec des experts médicaux et examiner les recherches médicales existantes. Le Ministère voudra peut-être coordonner ses efforts avec ceux de la Police provinciale de l’Ontario, à laquelle j’ai recommandé d’entreprendre des recherches similaires.
Recommandation 32
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire des recherches sur les pratiques exemplaires en matière d’éducation, de formation, de soutien et de services relativement aux blessures de stress opérationnel et à la prévention du suicide et concevoir des normes provinciales à l’intention des services policiers à partir de telles pratiques, en consultation avec des intervenants de la police. Pour faire ces recherches et concevoir ces normes, le Ministère devrait :
- consulter des organismes policiers et militaires au Canada et dans d’autres instances, où il existe des programmes en place relativement aux blessures de stress opérationnel et à la prévention du suicide;
- s’entretenir avec des experts médicaux dans ce domaine et étudier les recherches médicales sur ce sujet.
589 De plus, le Ministère devrait chercher des moyens créatifs de remédier à ces problèmes, notamment en explorant la possibilité de regrouper ses ressources avec celles des Forces armées canadiennes et d’autres organismes policiers comme la GRC.
Recommandation 33
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait explorer la possibilité de partager et regrouper ses connaissances et ses ressources, en partenariat avec les Forces canadiennes et d’autres organismes policiers, et il devrait chercher des moyens créatifs de soutien à la gestion des blessures de stress opérationnel et aux stratégies proactives de prévention du suicide.
Recommandation 34
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire rapport à mon Bureau de ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations, chaque trimestre, jusqu’à ce que j’estime que des mesures adéquates ont été prises en ce sens.
590 Bien que la Police provinciale de l’Ontario, en tant qu’organisation, ait pris certaines mesures en matière d’éducation, de formation, de soutien et de services axés sur les blessures de stress opérationnel, je suis d’avis que son manquement à offrir des programmes complets, uniformes et coordonnés de lutte contre les blessures de stress opérationnel et de prévention du suicide, fondés sur les recherches actuelles et les pratiques exemplaires, est déraisonnable et erroné, en vertu des al. 21 (1) b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.
591 Les hommes et les femmes de l’OPP qui mettent en danger leur vie et leur santé pour protéger les citoyens de l’Ontario méritent ce qu’il y a de mieux pour atténuer les répercussions des blessures de stress opérationnel et pour réduire les risques de suicide chez les policiers.
592 Au plus haut niveau de la direction, l’OPP doit reconnaître ce besoin, promouvoir avec vigueur un changement culturel pour lutter contre la stigmatisation des blessures de stress opérationnel et mener la mise en œuvre de politiques, de pratiques et de programmes complets pour le traitement de telles blessures et la prévention du suicide.
593 Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels ne peut plus rester sans rien faire, en prétendant que les programmes d’éducation, de formation, de soutien et de services pour la gestion des blessures de stress opérationnel et la prévention du suicide ne relèvent pas de son mandat. Je suis d’avis que le manquement du Ministère à prendre l’initiative et à élaborer et instaurer des normes pour les forces de police à ce sujet est déraisonnable et erroné, en vertu des al. 21 (1) b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.
594 Le Ministère, fort de son autorité, devrait mener des recherches et guider les services de police de l’Ontario dans la mise en œuvre de programmes complets d’éducation, de formation, de soutien et de prévention pour les blessures de stress opérationnel et le suicide chez les policiers.
595 Il appartient au Ministère d’entreprendre ces efforts pour protéger les policiers de la province qui mettent en danger leur bien-être psychologique dans l’exercice de leur métier.
Par conséquent, je fais les recommandations suivantes :
Recommandation 1
La Police provinciale de l’Ontario devrait prendre des mesures supplémentaires pour réduire la stigmatisation associée aux blessures de stress opérationnel au sein de son organisation, et notamment :
- procéder à un examen complet de ses programmes d’éducation, de formation, de soutien par les pairs, d’aide aux employés et autres programmes se rapportant à de telles blessures;
- consulter des spécialistes, des intervenants de la police, les Forces canadiennes, Anciens Combattants Canada et d’autres corps de police;
- effectuer des recherches sur les pratiques exemplaires de gestion des blessures de stress opérationnel dans la police;
- concevoir et instaurer un programme complet et coordonné de lutte contre les blessures de stress opérationnel.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 2
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir et instaurer un programme complet, cohérent et coordonné d’éducation et de formation sur les blessures de stress opérationnel, à l’intention de ses membres – programme qui permettrait notamment de faire un suivi de toutes les présentations, de tous les cours et de toutes les autres initiatives d’éducation et de formation.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 3
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir et instaurer des programmes d’éducation, de formation et de sensibilisation sur les blessures de stress opérationnel, pour les familles des policiers.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 4
La Police provinciale de l’Ontario devrait renforcer la participation des pairs, en tant qu’intervenants, dans ses efforts d’éducation et de formation sur les blessures de stress opérationnel.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 5
La Police provinciale de l’Ontario devrait travailler avec le fournisseur externe de son Programme d’aide aux employés, en consultation avec les intervenants du milieu policier, pour mettre en place un moyen confidentiel de faire un suivi statistique des contacts clients de l’OPP concernant les blessures de stress opérationnel.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 6
La Police provinciale de l’Ontario devrait consulter des intervenants de la police ainsi que des organismes qui offrent des services spécialisés aux personnes souffrant de blessures de stress opérationnel, dans le but de créer un système permettant d’orienter immédiatement les policiers et leurs familles vers des professionnels qui ont des connaissances spécialisées dans le traitement des blessures de stress opérationnel.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 7
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir un plan, en consultation avec des intervenants de la police, pour permettre aux policiers d’avoir accès à un soutien spécialisé de plus longue durée pour les blessures de stress opérationnel, sans les restrictions du programme existant d’aide aux employés.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 8
La Police provinciale de l’Ontario devrait consulter le fournisseur du Programme d’aide aux employés, des professionnels de la santé mentale et d’autres organismes de police afin de dresser une liste de ressources communautaires en santé mentale.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 9
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir un plan, en consultation avec des intervenants du milieu policier, pour donner aux policiers retraités un accès continu à des services de soutiens spécialisés dans le domaine des blessures de stress opérationnel.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 10
La Police provinciale de l’Ontario devrait procéder à un examen des activités du psychologue du personnel pour identifier les lacunes dans la description de son poste et réviser cette description pour qu’elle reflète la portée véritable de ses fonctions.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 11
La Police provinciale de l’Ontario devrait consacrer des ressources adéquates à la Section des services psychologiques, en y affectant plus de professionnels de la santé mentale, ou trouver une option pertinente pour remplacer le système actuel.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 12
En consultation avec les intervenants du milieu policier, les Forces canadiennes, Anciens Combattants Canada et d’autres corps de police, l’OPP devrait offrir à ses membres un accès direct aux services psychologiques, en recourant à des consultants externes, en recherchant des partenariats avec d’autres organismes ou en créant une section renforcée, physiquement séparée, de Services psychologiques.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 13
La Police provinciale de l’Ontario devrait créer un programme Safeguard unifié et coordonné, relevant des ordres de la police.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 14
La Police provinciale de l’Ontario devrait procéder à une évaluation fonctionnelle systémique pour identifier les unités où les policiers sont régulièrement exposés de par leur travail à des événements traumatiques et, en consultation avec les intervenants du milieu policier, elle devrait élargir le programme Safeguard à ces unités.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 15
La Police provinciale de l’Ontario devrait faire des recherches, en consultation avec les intervenants du milieu policier, et instaurer un programme « Safeguard » complet, proactif et préventif ou un programme élargi d’éducation et d’examen du bien-être mental, pour tous ses membres.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 16
La Police provinciale de l’Ontario devrait effectuer une enquête confidentielle auprès de tous ses policiers à propos des blessures de stress opérationnel, en la concevant en consultation avec des experts en médecine, les Forces canadiennes et d’autres organismes policiers.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 17
La Police provinciale de l’Ontario devrait conserver des données complètes sur les incidents critiques et traumatiques et sur les policiers qui y ont participé, et suivre un processus uniforme et proactif, en consultation avec la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, relativement aux demandes d’indemnisation pour de tels incidents, et ceci même si des blessures ne sont pas apparentes immédiatement.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 18
La Police provinciale de l’Ontario devrait prendre des mesures pour que ses équipes internes de pairs fassent un suivi plus cohérent des policiers après des incidents critiques et traumatiques, et pour encourager les pairs à garder le contact avec les policiers qui sont absents du travail en raison de blessures de stress opérationnel.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 19
La Police provinciale de l’Ontario devrait développer le programme proposé de soutien par les pairs à l’intention des familles, et notamment recruter des pairs pour appuyer les familles, au plus vite.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 20
La Police provinciale de l’Ontario devrait établir un programme de soutien par les pairs pour les policiers retraités et recruter des retraités bénévoles pour ses programmes de soutien par les pairs destinés aux policiers en exercice ou à la retraite.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 21
La Police provinciale de l’Ontario devrait consulter des experts sur les blessures de stress opérationnel et elle devrait revoir et modifier ses stratégies d’intervention en cas d’incidents critiques et traumatiques pour mieux refléter les pratiques exemplaires actuelles.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 22
La Police provinciale de l’Ontario devrait envisager de créer des postes permanents de pairs, pour ses équipes internes de soutien par les pairs.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 23
La Police provinciale de l’Ontario devrait faire des recherches et adopter des méthodes novatrices pour répondre à toute la gamme des besoins de ses membres atteints de blessures de stress opérationnel, notamment avec des ressources interactives en ligne, des lignes téléphoniques d’assistance et des programmes complets de bien-être.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 24
En tant que priorité, la Police provinciale de l’Ontario devrait consulter des intervenants du milieu policier, des experts et d’autres organismes qui ont mis en place des programmes de prévention du suicide, faire des recherches sur les pratiques exemplaires, et concevoir et instaurer un programme complet de prévention du suicide comprenant les points suivants :
- étude des facteurs de stress dans le milieu policier;
- adoption de politiques sur la remise, le retrait et le retour des armes à feu de service;
- recueil de statistiques sur les suicides de policiers en exercice ou à la retraite;
- autopsies psychologiques à la suite des suicides de policiers.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 25
La Police provinciale de l’Ontario devrait concevoir un protocole sur le suicide de ses membres en exercice ou à la retraite, qui soit respectueux des collègues et des membres des familles, tout en leur apportant un soutien.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 26
La Police provinciale de l’Ontario devrait examiner ses pratiques d’aménagement du travail pour tenir compte des besoins des policiers atteints de blessures de stress opérationnel, procéder à des recherches pour mettre en œuvre des pratiques exemplaires visant à réduire la stigmatisation liée à l’aménagement des tâches, et améliorer la transition de retour vers un service actif.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 27
La Police provinciale de l’Ontario devrait sélectionner un haut responsable pour mener les recherches, la conception et la mise en œuvre d’un programme préventif et proactif complet de bien-être, comprenant des composantes renforcées d’éducation, de formation et de soutien en matière de blessures de stress opérationnel et de suicide.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 28
La Police provinciale de l’Ontario devrait faire rapport à mon Bureau de ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations, chaque trimestre, jusqu’à ce que j’estime que des mesures adéquates ont été prises en ce sens.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 29
De concert avec des intervenants de la police, le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait concevoir et faire une enquête confidentielle à l’échelle de toute la province et recourir à d’autres moyens pour contribuer à déterminer combien de policiers, en exercice ou à la retraite, souffrent ou ont souffert de blessures de stress opérationnel en Ontario.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 30
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’efforcer de recueillir des données historiques sur le nombre de suicides chez les policiers en Ontario et travailler en collaboration avec le Bureau du coroner en chef pour trouver des moyens de recueillir des renseignements sur les suicides de policiers en exercice ou à la retraite.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 31
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait demander à tous les services de police de l’Ontario de lui fournir des renseignements sur les programmes d’éducation, de formation, de soutien et de services ainsi que sur les autres mesures auxquelles ils ont recours pour gérer les blessures de stress opérationnel et la prévention du suicide.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 32
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire des recherches sur les pratiques exemplaires en matière d’éducation, de formation, de soutien et de services relativement aux blessures de stress opérationnel et à la prévention du suicide et concevoir des normes provinciales à l’intention des services policiers à partir de telles pratiques, en consultation avec des intervenants de la police. Pour faire ces recherches et concevoir ces normes, le Ministère devrait :
- consulter des organismes policiers et militaires au Canada et dans d’autres instances, où il existe des programmes en place relativement aux blessures de stress opérationnel et à la prévention du suicide;
- s’entretenir avec des experts médicaux dans ce domaine et étudier les recherches médicales sur ce sujet.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 33
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait explorer la possibilité de partager et regrouper ses connaissances et ses ressources, en partenariat avec les Forces canadiennes et d’autres organismes policiers, et il devrait chercher des moyens créatifs de soutien à la gestion des blessures de stress opérationnel et aux stratégies proactives de prévention du suicide.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
Recommandation 34
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire rapport à mon Bureau de ses progrès dans la mise en œuvre de mes recommandations, chaque trimestre, jusqu’à ce que j’estime que des mesures adéquates ont été prises en ce sens.
Alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman
596 Nous avons offert à la Police provinciale de l’Ontario l’occasion d’examiner mes constatations, ma conclusion et mes recommandations préliminaires. Le 28 septembre 2012, nous avons reçu la réponse du commissaire. Nous avons pris en considération les renseignements qu’il nous a donnés pour préparer notre rapport final.
597 Dans sa réponse, le commissaire a exprimé sa fierté à l’égard du travail déjà entrepris par l’OPP afin de faire face aux répercussions des blessures de stress opérationnel, mais il n’a pris aucun engagement concret pour mettre en œuvre la moindre de mes recommandations spécifiques. Il a déclaré que beaucoup de mes recommandations étaient déjà à l’étude ou en place et il a fait ce commentaire : « Je suis déterminé à continuer de rehausser la barre pour renforcer les programmes existants et à examiner de nouvelles idées afin de mieux appuyer nos membres. » Mais il n’a donné aucune assurance ferme sur la mise en place de la moindre des améliorations que j’ai suggérées, ni sur le fait qu’il tiendrait mon Bureau informé des progrès accomplis par l’OPP. À vrai dire, je suis extrêmement déçu de constater que le commissaire a décidé de ne répondre directement à aucune de mes 28 recommandations.
598 Dans une grande mesure, le commissaire s’est borné dans sa réponse à passer en revue les programmes existants de l’OPP et à en faire l’éloge. Point positif, il a déclaré que des processus étaient en cours pour recruter 34 bénévoles en uniforme et 12 officiers, pour des postes de soutien par les pairs. En revanche, j’ai été surpris de sa déclaration disant que les chefs de programmes à l’OPP veillent déjà à « communiquer constamment » avec d’autres organismes à propos des programmes de gestion des blessures de stress opérationnel. Ceci n’est vraiment pas ressorti de notre enquête. Pour appuyer ce commentaire, le commissaire a donné l’exemple d’une réunion sur les pratiques exemplaires qui a eu lieu entre la GRC et la coordonnatrice du PAE provincial de l’OPP en mai 2012, alors que j’achevais l’ébauche préliminaire de ce rapport.
599 Le commissaire a aussi insisté sur les ressources psychologiques actuellement disponibles pour les membres de l’OPP. Il a indiqué qu’en plus d’un psychologue du personnel à plein temps, l’OPP emploie un psychologue et un psychiatre contractuels et fait appel à d’autres psychologues et conseillers selon ses besoins pour les interventions en cas d’incidents critiques et traumatiques. Enfin, il a précisé que tous les membres de l’OPP ont accès aux services de psychologues au sein de leur communauté, par le biais du Programme d’aide aux employés.
600 J’ai trouvé fort troublants les commentaires du commissaire sur les ressources psychologiques. Comme le montre mon rapport, les demandes de services adressées au psychologue du personnel dépassent de loin ses capacités à y répondre. En outre, le psychologue du personnel ne participe ni au diagnostic, ni au traitement des blessures de stress opérationnel chez les membres de l’OPP. De son côté, le psychologue contractuel employé par l’OPP se voue uniquement à la gestion du programme Safeguard pour les opérations secrètes et pour la Section de l’exploitation sexuelle des enfants. Quant au psychiatre contractuel de l’OPP, nos enquêteurs ont appris qu’il fournissait des services à la Section des sciences du comportement – et non pas aux membres de l’OPP qui ont besoin d’aide en raison de blessures de stress opérationnel. Mon rapport explique longuement les faiblesses actuelles des pratiques de l’OPP en matière d’interventions en cas d’incidents critiques et traumatiques. Comme beaucoup de policiers et leurs familles en ont témoigné, les services psychologiques disponibles au sein de la communauté par le biais du Programme d’aide aux employés présentent de considérables limites.
601 Dans ces circonstances, ces remarques de conclusion du commissaire sonnent plutôt creux :
Merci d’avoir porté à l’attention du public certains des enjeux auxquels les hommes et les femmes de la Police provinciale de l’Ontario se trouvent confrontés chaque jour et d’avoir souligné le travail remarquable que nous faisons pour appuyer nos membres. Je partage votre engagement à veiller à ce que chacun de nos membres obtienne le soutien requis pour mener une vie saine et se réaliser pleinement dans une carrière productive.
602 Certes, je fais écho aux intérêts du commissaire pour la santé des membres de l’OPP, mais je crois qu’il n’a pas saisi l’essentiel – à savoir les nombreuses failles révélées dans mon rapport et le besoin de mettre en place les améliorations que j’ai recommandées. Je reconnais que l’OPP a fait des progrès considérables depuis quelque 30 ans ou plus, puisqu’il n’existait alors aucun soutien ni aucun service pour ses membres. Mais à mon avis, cet organisme est encore bien loin de répondre aux besoins qu’ont actuellement ses membres, ses anciens membres et leurs familles pour gérer les problèmes de blessures de stress opérationnel et de prévention du suicide. J’ai aussi remarqué que les récentes initiatives entreprises ou proposées par l’OPP semblent de nature réactive et ont apparemment été déclenchées par mon enquête.
603 La lecture de la missive du commissaire m’a laissé l’impression très nette que mon rapport a été poliment rejeté et relégué aux oubliettes. Je m’inquiète fortement du manque de tout engagement concret de la part de l’OPP à considérer sérieusement mes recommandations et à apporter les réformes nécessaires.
604 Nous avons aussi offert l’occasion d’examiner mes constatations, ma conclusion et mes recommandations préliminaires au ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Le Ministère a répondu le 10 septembre 2012. Je lui avais présenté six recommandations. Il m’a remercié d’avoir eu cette possibilité de passer en revue cette information, mais il n’a donné aucune réponse de fond à la moindre de mes recommandations.
605 En fait, le Ministère s’est abstenu de prendre la moindre mesure ou le moindre engagement et de montrer le moindre intérêt quant à l’exécution de recherches ou à l’instauration de normes ou d’autres réformes relativement aux blessures de stress opérationnel et à la prévention du suicide chez les policiers.
606 Si la réponse du Ministère montre une fois de plus que guider les services policiers dans la gestion des blessures de stress opérationnel ne l’a jamais intéressé, son indifférence apparente est à mon avis déshonorante et rend bien mauvais service aux intervenants du milieu policier.
607 D’après moi, les réponses de l’OPP et du Ministère à mon rapport et à ses recommandations découlent d’une volonté d’éluder la question. Malheureusement, ce sont les hommes et les femmes qui risquent leur vie dans l’exercice de leurs fonctions de policiers qui souffriront en l’absence de solutions aux graves problèmes révélés par mon enquête.
__________________
André Marin
Ombudsman of Ontario
- Michael G. Aamodt, « Reducing Misconceptions and False Beliefs in Police and Criminal Psychology » (2008) 35:10 Criminal Justice and Behavior 1231.
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[1] Mark Bonokoski, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletOfficer Down: The dark demons of policing », The Toronto Sun (11 avril 2010) pp. 4‑5; Mark Bonokoski, « Death on the frontlines », The Toronto Sun (11 avril 2010) pp. 4-5; Mark Bonokoski, « Inside post-traumatic stress disorder », The Toronto Sun (11 avril 2010) p. 5; Mark Bonokoski, « A tragic ending opens doors »,The Toronto Sun (13 avril 2010) pp. 8-9; Mark Bonokoski, « Breaking the code of silence », The Toronto Sun (14 avril 2010) pp. 8-9; Mark Bonokoski, « Law and disorder: Ontario Ombudsman probing retired OPP inspector’s claim that PTSD is being swept under the rug », The Toronto Sun (2 mai 2010) p. 4. Le premier article et les liens aux autres articles se trouvent en ligne.
[2] Voir Annexe 1, pour une bibliographie.
[3] « Safety in Our Hands: Helping Our Helpers Stay Healthy » (conférence de l’Association of Traumatic Stress Specialists, 30 septembre – 2 octobre 2010), Toronto; « Au point de rupture : Blessures psychologiques professionnelles des policiers : Pourquoi se taire n’est pas une solution » (conférence de l’Association canadienne des chefs de police, 26-27 septembre 2011), Ottawa.
[4] Canada, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletRapport spécial : Traitement systémique des membres des FC atteints du SSPT (Ottawa : Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, février 2002), en ligne.
[5] American Psychiatric Association, DSM-IV - Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4e édition).Washington, DC: American Psychiatric Association, 2000.
[6] Le Bureau de l’Ombudsman du MDN/FC a fait un rapport sur sa seconde enquête de suivi en décembre 2008, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletUn long chemin vers la guérison : Le combat contre le traumatisme lié au stress opérationnel. Le 17 septembre 2012, l’Ombudsman du MDN/FC a fait paraître un rapport sur sa troisième enquête de suivi à ce sujet. Ténacité dans l’adversité : Évaluation de la prestation des soins offerts aux membres des Forces canadiennes souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel, soins dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit. Le ministre de la Défense nationale a récemment annoncé quelque 11 millions $ de financement d’urgence pour renforcer les services de santé mentale.
[7] Daniel Sagalyn, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletArmy General Calls for Changing Name of PTSD », PBS Newshour (4 novembre 2011), en ligne.
[8] Les exceptions sont l’inspecteur-détective Bruce Kruger, maintenant retraité, et le défunt sergent Douglas Marshall, dont les médias ont beaucoup parlé.
[9] Le poste de coordonnateur du Programme d’aide aux employés est devenu un poste à plein temps au cours de notre enquête, le 7 novembre 2011.
[10] Supra note 1.
[11] Brian L. Mishara et Normand Martin, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletEffects of a Comprehensive Police Suicide Prevention Program » (2012) 33:3 Crisis 162, en ligne : PsyCONTENT.
[12] John M. Violanti, Lettre au rédacteur, 161:4 Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletThe American Journal of Psychiatry 766 (1er avril 2004), en ligne, en réponse à une étude de Peter M. Marzuk et coll., « Suicide Among New York City Police Officers, 1977-1996 », qui a conclu que le taux de suicide parmi les policiers de la Ville de New York était équivalent ou inférieur au taux de suicide parmi les résidents de cette ville.
[13] Hans Toch, Stress in Policing (Washington, D.C.: American Psychological Association, 2002), cité dans : Police provinciale de l’Ontario, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletThe Impact of Stress on Officers and the OPP Response (Orillia : Bureau des ressources humaines de l’OPP, 2006) à 1; en ligne : ministère du Procureur général.
[14] Andrew F. O’Hara et John M. Violanti, « Police Suicide – A Web Surveillance of National Data », (2009) 11:1 International Journal of Emergency Medical Health 17.
[15] Bruce A. Arrigo et Stacy L. Shipley, Introduction to Forensic Psychology: Issues and controversies in crime and justice (St. Louis, MO: Academic Press, 2004) cité dans Police Suicide, ibid. à 21.
[16] USA, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletNew Jersey Police Suicide Task Force Report, (Trenton, NJ: Governor’s Task Force on Police Suicide, 2009), en ligne : État du New Jersey.
[17] Ibid. à 5.
[18] John M. Violanti, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletQuand le travail tue – Le stress et la santé en milieu policier », La gazette de la GRC 72:1 (avril 2010) 20, en ligne.
[19] Jeff Morley, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletEmployés résilients, organismes résilients » (Présentation à Au point de rupture : Blessures psychologiques professionnelles des policiers : Pourquoi se taire n’est pas une solution – conférence de l’Association canadienne des chefs de police, septembre 2011) à 14, en ligne.
[20] Université de Buffalo, communiqué de presse, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletPolice Officer Stress Creates Significant Health Risks Compared to General Population, Study Finds » (9 juillet 2012), en ligne. D’après le communiqué de presse, des renseignements sur cette étude devaient paraître dans un numéro spécial de l’International Journal of Emergency Mental Health. Le chercheur principal de cette étude était John Violanti, Ph.D., professeur de médecine sociale et préventive à l’Université de Buffalo (UB), École de santé publique et des professions de la santé.
[21] « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletBadge of Life », Police Mental Health Monthly Newsletter (avril 2012). p. 1, en ligne : Enforcement Peer Support Network.
[22] Stephen Curran, « Separating Fact From Fiction About Police Stress », (janvier-février 2003), 23:1 Behavioral Health Management 38.
[23] Michael G. Aamodt, « Reducing Misconceptions and False Beliefs in Police and Criminal Psychology », (2008) 35:10 Criminal Justice and Behavior 1231.
[24] Audrey Honig, « Facts refute long-standing myths about law enforcement officers », (2007) 16:5 The National Psychologist 23. Voir aussi Audrey L. Honig et Steven E. Sultan, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletReactions and Resilience under Fire: What an Officer Can Expect », The Police Chief 71:12 (décembre 2004), en ligne.
[25] Alexis Artwohl, « The Impact of Danger and Critical Incidents », The Tactical Edge (National Tactical Officers Association) (printemps 2009) 66.
[26] Michael G. Aamodt et Nicole A. Stalnaker, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletPolice Officer Suicide: Frequency and officer profiles », dans Donald C. Sheehan et Janet I. Warren, réd. Suicide and Law Enforcement: A compilation of papers submitted to the Suicide and Law Enforcement Conference, FBI Academy (Quantico, VA: U.S. Dept. of Justice – FBI, 2001), en ligne.
[27] Supra note 12 à 162.
[28] Jennifer R.L. Parsons, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletOccupational Health and Safety Issues of Police Officers in Canada, The United States and Europe: A Review Essay », (article, juin 2004) à 27, en ligne : SafetyNet – Centre for Occupational Health and Safety Research.
[29] « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletStress disorder on rise in RCMP », CBC News (27 octobre 2009), en ligne; Colin Freeze, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletHike in stress-disorder claims by Mounties raises questions for policy makers », The Globe and Mail (8 août 2011), en ligne. Selon ce dernier article, près de 300 policiers de la GRC ont reçu un diagnostic de SSPT l’an dernier.
[30] Les renseignements sur le Service de police de Toronto (SPT) ont été recueillis lors d’entrevues avec un chef adjoint et le directeur des ressources humaines, ainsi que dans des documents fournis par le SPT et dans un article de Dan Ransom, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletPour le bien-être à Toronto », Gazette de la GRC, 72:1 (avril 2010) 16, en ligne.
[31] L. Duxbury et C. Higgins, The Etiology and Reduction of Role Overload in the Investigative Services Group of the Ottawa Police Service (Ottawa : Service de police d’Ottawa, 2012) à 46, 103 et 155. Pour cette étude, 94 employés, dont 11 civils, ont participé à des groupes de discussion, 233 ont répondu à un sondage et 60 se sont portés volontaires pour des entrevues approfondies, en 2010. Le rapport complet n’a pas été rendu public, mais il a fait l’objet d’un article dans un journal local : Kelly Roche, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletCulture at cop shop eating at morale: Study », The Ottawa Sun (29 février 2012) en ligne.
[32] Ibid. à 65 et 106.
[33] À la rédaction de ce rapport, le projet de loi n’était pas plus avancé.
[34] Ontario, Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletStress mental traumatique, Document no 15-03-02 (12 octobre 2004), en ligne.
[35] La CSPAAT ne conserve pas d’archives sur la profession des requérants dont la demande a été rejetée.
[36] Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, Police Officers and Post-Traumatic Stress Disorder, de J. Angeles (Toronto : Direction des politiques et de la recherche sur les maladies professionnelles, août 2010) à 5 [Police Officers and PTSD] à 2. Elle indique aussi qu’environ un tiers des personnes atteintes de SSPT ne s’en rétablissent pas.
[37] Nnamdi Pole, « Predictors of PTSD symptoms in police officers: From childhood to retirement », dans Douglas L. Delahanty, réd., The Psychobiology of Trauma and Resilience Across the Lifespan (Lanham, Md: Jason Aronson, 2008) cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36 à 6.
[38] Evelyn Bromet, Amanda Sonnega et Ronald C. Kessler, « Risk factors for DSM-III-R posttraumatic stress disorder: Findings from the National Comorbidity Survey » (1998) 147:4 American Journal of Epidemiology 353, cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36 à 7.
[39] J.L. Gradus et coll., « Posttraumatic stress disorder and completed suicide » (2010) 171:6 American Journal of Epidemiology 721 et Jitender Sareen et coll., « Anxiety disorders associated with suicidal ideation and suicide attempts in the National Comorbidity Survey » (2005) 193:7 The Journal of Nervous and Mental Disease 450,cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36 à 7.
[40] Jitender Sareen et coll., « Anxiety Disorders and Risk for Suicidal Ideation and Suicide Attempts: A Population Based Longitudinal Study of Adults » (2005) 62:11 Archives of General Psychiatry 1249 et Maria Panagioti, Patricia Gooding et Nicholas Tarrier, « Post-traumatic stress disorder and suicidal behavior: A narrative review » (2009) 29:6 Clinical Psychology Review 471, cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36à 8.
[41] Ben Green « Post-traumatic stress disorder in UK police officers » (2004) 20:1 Current Medical Research and Opinion 101, cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36 à 9.
[42] Supra note 36 à 9.
[43] Diane Whitney, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletL’état de stress post-traumatique » (document de travail préparé pour le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, février 2010) à 10, en ligne.
[44] Supra note 20.
[45] Ibid.
[46] International Association of Chiefs of Police, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletOfficer-Involved Shooting Guidelines, ratifié par la Section des services psychologiques de la police de l’IACP (Denver: IACP, 2009), en ligne.
[47] Ontario, Bureau du coroner en chef, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletSeptième rapport annuel du Comité d’examen des décès dus à la violence familiale, 2009, en ligne.
[48] Antoon A. Leenaars, Peter Collins et Deborah Sinclair, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletReport to the Police Service and London Community on the Deaths of David Lucio and Kelly Johnson (préparé pour le chef Murray Faulkner, Service de police de London) (London, ON : mai 2008), en ligne : CAPB.
[49] Sabra S. Inslicht et coll., « Family psychiatric history, peritraumatic reactivity, and posttraumatic stress symptoms: a prospective study of police » (2010) 44:1 Journal of Psychiatric Research 22, cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36 à 15.
[50] Laurence Miller, « Stress and Resilience in law enforcement training and practice » (2008) 10:2 International Journal of Emergency Health 109, cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36 à15.
[51] Meredith Krause, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletSafeguarding Undercover Employees: A Strategy for Success » 77:8 FBI Law Enforcement Bulletin 1 (Washington, DC: Federal Bureau of Investigation, août 2008), en ligne.
[52] Rapport du Comité d’examen des décès dus à la violence familiale, supra note 47 à 27.
[53] Supra note 46.
[54] Commission de la santé mentale du Canada, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletProjet des pairs », en ligne.
[55] Recherche et développement pour la défense Canada, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletAttitudes and attitude change: Implications for the OSISS Speakers Bureau Programme par Meghan M. Thompson et Donald R. McCreary (Toronto : ministère de la Défense nationale, 2003) à iv, en ligne.
[56] Shira Maguen et coll., « Routine work environment stress and PTSD symptoms in police officers » (2009) 197:10 The Journal of Nervous and Mental Disease 754, cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36 à 16.
[57] Frank G. Dowling, Bill Genet et Gene Moynihan, « A confidential peer-based assistance program for police officers » (2005) 56:7 Psychiatric Services 870, cité dans Police Officers and PTSD, supra note 36 à 16.
[58] Supra note 13 à 7.
[59] International Association of Chiefs of Police, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletPeer Support Guidelines, ratifié par la Section des services psychologiques de la police de l’IACP (Chicago: IACP, 2011) en ligne.
[60] Jeffrey Mitchell et George Everly, Critical Incident Stress Debriefing (Ellicott City, MD: Chevron, 1996), cité dans Stress on Officers and the OPP Response, supra note 13 à 8.
[61] Michael Federico, « Critical Incident Response: Panel Discussion » (présentation faite à la 19e Police Association of Ontario Labour Conference, février-mars 2011 : Mississauga, ON) [texte non publié].
[62] Supra note 22. Voir aussi infra note 63.
[63] Suzanna C. Rose et coll. « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletPsychological debriefing for preventing post-traumatic stress disorder » (2009) 1 The Cochrane Library, en ligne. C’est la troisième mise à jour d’une étude sur les séances uniques de « débreffage » psychologique, faite pour la première fois en 1997. Cette étude a été réimprimée en 2009.
[64] Neil P. Roberts et coll. « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletEarly psychological interventions to treat acute stress symptoms », (2010) 3, The Cochrane Library, en ligne.
[65] Supra note 43 à 9.
[66] U.S., Department of Justice, National Institute of Justice, Developing a Law Enforcement Stress Program for Officers and Their Families, de P. Finn et J. Tomz (Washington, DC: National Institute of Justice, décembre 1996) à 48-50, en ligne.
[67] Ibid. à 74.
[68] Ibid. à 75.
[69] Ibid.
[70] Rapport au Service de police de London, supra note 48.
[71] Dell P. Hackett et John M. Violanti, Police Suicide: Tactics for Prevention (Springfield, IL: Charles C. Thomas, 2003), cité dans Effects of a Comprehensive Police Suicide Prevention Program, supra note 11 à 162-163.
[72] Rapport au Service de police de London, supra note 48.
[73] Rapport du Comité d’examen des décès dus à la violence familiale, supra note 47 à 27.
[74] Effects of a Comprehensive Police Suicide Prevention Program, supra note 11 à 166.
[75] Ibid. à 167.
[76] Ontario, Police provinciale de l’Ontario, Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletRapport annuel 2010 (Orillia, Ontario : Bureau des initiatives stratégiques de l’OPP, 2011) à 72, en ligne.
[77] Selon le Rapport annuel 2010 de l’OPP, le nombre des policiers en uniforme était de 6 152, tandis que selon le rapport statistique annuel 2011 du SPT, le total était de 5 629. (Voir Service de police de Toronto, Ce lien s’ouvre dans un nouvel onglet2011 Annual Statistical Report (Toronto, ON: Toronto Police Service, 2011) à 6, en ligne).
[78] Supra note 75 à 7.
[79] Stress on Officers and the OPP Response, supra note 14 à 4. La citation à la fin de ce passage est tirée de Charity Plaxton-Hennings, « Law Enforcement Organizational Behavior and the Occurrence of Post-Traumatic Stress Symptomology in Law Enforcement Personnel Following a Critical Incident » (2004) 19:2 Journal of Police and Criminal Psychology 53.
[80] Voir la Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletbiographie de Bill Stephens, A/Director, Collège de police de l’Ontario (dernier accès : 7 août 2012), en ligne : Canadian Police Knowledge Network.
[81] Kevin M. Gilmartin, Emotional Survival for Law Enforcement: A Guide for Officers and Their Families (Tucson, AZ: E-S Press, 2002).
[82] Supra note 78, cité dans Stress on Officers and the OPP Response, supra note 13 à 8.
[83] Supra note 13 à 7.
[84] Nicole Million, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletSeeking help no cause for shame, says OPP boss », Simcoe.com (4 mai 2012), en ligne.
[85] Alexandra Heber et coll., « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletCombining Clinical Treatment and Peer Support: A Unique Approach to Overcoming Stigma and Delivering Care », dans Human Dimensions in Military Operations – Military Leaders’ Strategies for Addressing Stress and Psychological Support (document préparé pour l’OTAN, Research and Technology Organization Human Factors and Medicine Panel Symposium, avril 2006) (Neuilly-sur-Seine, France : RTO) à 23-1, en ligne.
[86] International Association of Chiefs of Police, « Police Work and Family Life », IACP Training Key, Vol. 15, No. 339 (Alexandria, VA: IACP, 1987) cité dans Developing a Law Enforcement Stress Program, supra note 66, à 138.
[87] Supra note 46.
[88] John M. Violanti, « Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletPolice Suicide: In Harm’s Way II » (présentation PowerPoint, 2005), en ligne : Police Suicide: The Enemy Within.
[89] Beth Milliard, Project S.A.F.E.T.Y. A Leadership Strategy for Promoting the Psychological Well-Being of Police Officers, (Thèse de maîtrise (Leadership), Université de Guelph, 2010) [document non publié].
[90] Le Trust offre un appui personnel aux intervenants de première ligne en cas d’urgence qui s’adressent à lui et oriente ceux qui veulent une aide vers des psychologues ou des travailleurs sociaux.
[91] Jonathan Birinyi et Jelena Ivanova, A Preliminary Inventory of Critical Incident Trauma Intervention Capabilities within the Province of Ontario (Toronto : Université York, 2011), modifié par Suzanne Brown et Ayesha Syed (2012).
[92] Jimmy Bremner avec Connie Adair, Crack in the Armor: A Police Officer’s Guide to Surviving Post Traumatic Stress Disorder (Toronto : Bremner Associates Inc., 2010).
[93] Ibid. à 9.