Canton de Leeds et les Mille-Îles - « Objet : Le sujet épineux »

Canton de Leeds et les Mille-Îles - « Objet : Le sujet épineux »

juin 5, 2015

5 juin 2015

L’Ombudsman a conclu que les discussions tenues en personne et par courriel par les conseillers élus du Canton de Leeds et les Mille-Îles avant leur assermentation ne constituaient pas des réunions illégales en vertu de la Loi car, techniquement, il n’y avait pas eu quorum du Conseil. Toutefois, ces discussions ont fait un travail préparatoire à de futures décisions du Conseil, et elles ont donc violé l’esprit des règles sur les réunions publiques.

Enquête visant à déterminer si le Conseil du Canton de Leeds et les Mille-Îles a tenu des réunions illégales du 30 octobre au 1er décembre 2014
 
« Objet : Le sujet épineux »
 
André Marin
Ombudsman de l’Ontario

mai 2015

 

Plainte

1       Le 26 janvier 2015, mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une présumée séance à huis clos qu’aurait tenue le Conseil du Canton de Leeds et les Mille-Îles.
 
2       Selon le plaignant, au cours d’une discussion sur la rémunération de l’adjoint au maire lors d’une séance publique du Conseil le 12 janvier, une conseillère a déclaré que le Conseil avait déjà examiné la question en privé. D'après cette déclaration, le plaignant pensait que le Conseil s’était réuni à huis clos pour discuter de la rémunération de l’adjoint au maire, et pour en décider, ce qui constituait une infraction aux dispositions des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités (la Loi).
 
 

Compétence de l’Ombudsman

3       En vertu de la Loi, toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local, et d’un comité de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.
 
4       Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s’est dûment retirée à huis clos. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l’Ombudsman de l’Ontario. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut dans les municipalités qui n’ont pas désigné leur propre enquêteur.
 
5       Mon Bureau est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos dans le Canton de Leeds et les Mille-Îles.
 
6       Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le Règlement municipal de procédure ont été respectées.
 
 

Plaintes précédentes

7       Précédemment, mon Bureau a reçu six plaintes à propos de réunions à huis clos du Canton de Leeds et les Mille-Îles et a examiné trois d'entre elles.
 
      En avril 2012, nous avons conclu que le Canton avait tenu illégalement une réunion à huis clos le 23 janvier 2012. Lors de cette réunion, les membres du Conseil avaient apparemment voté dans le but de s’accorder une hausse de salaire de 60 %.
 
9       En novembre 2013, nous avons conclu que les conseillers avaient tenu illégalement une réunion à huis clos un an plus tôt pour discuter du salaire du personnel de direction, alors qu'ils décoraient un char pour un défilé. Nous avons aussi conclu que le Conseil s’était réuni illégalement en février 2013, après avoir omis d’aviser le public de cette séance à huis clos.
 
10    D’après mes examens de ces plaintes, j’ai fait les recommandations suivantes au Conseil :

  • examiner soigneusement les sujets de discussion avant de se retirer à huis clos;

  • divulguer le plus de détails possible sur les sujets examinés à huis clos;

  • adopter une politique ou des directives écrites exigeant que tous les membres du Conseil et des comités soient informés des exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités;

  • éviter de discuter des affaires du Canton à huis clos lors de rencontres conviviales;

  • respecter avec vigilance la Loi et le Règlement du Canton;

  • faire des enregistrements de toutes les réunions à huis clos.


11    Le 25 novembre 2013, à la suite de la parution de mon rapport, le Conseil alors en place dans le Canton de Leeds et les Mille-Îles a voté pour confier les enquêtes sur ses réunions à huis clos aux Local Authority Services, pour une période d’une année commençant le 1er décembre 2013. Le 12 janvier 2015, les nouveaux membres du Conseil – élus durant les élections municipales d’octobre 2014 – ont désigné de nouveau mon Bureau à titre d’enquêteur sur ses réunions à huis clos.
 
 

Processus d’enquête

12    Le 2 février 2015, après avoir achevé un examen préliminaire, mon Bureau a avisé le Conseil que nous enquêterions sur cette plainte.
 
13    L’Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques (OMLET) de mon Bureau a étudié les extraits pertinents du Règlement de procédure du Canton et de la Loi, ainsi que les ordres du jour et les procès-verbaux des réunions. Elle a parlé au maire, à tous les membres du Conseil, à la secrétaire et à l’administratrice en chef.
 
 

Contexte

Élections municipales de 2014

14    Des élections municipales ont eu lieu le 27 octobre 2014. Seul un membre du précédent Conseil a été réélu. Le nouveau Conseil a été assermenté le 1er décembre 2014.
 
15    Dans ce rapport, les références faites au Conseil et aux conseillers ont trait aux nouveaux membres du Conseil et au nouveau maire, actuellement en fonction. Du 27 octobre au 1er décembre 2014, les références aux conseillers portent sur les conseillers élus.
 
 

Décision sur la rémunération de l’adjoint au maire

16    La secrétaire du Canton a préparé une ébauche du Règlement 15-001, « Règlement pour assurer la rémunération du maire et des conseillers », ainsi qu’un rapport du personnel intitulé « Rémunération du Conseil », en vue d’un examen lors de la réunion ordinaire du Conseil le 12 janvier 2015.
 
17    Le Règlement ne prévoyait aucun supplément de rémunération pour l’adjoint au maire. Durant notre enquête, nous avons appris que les fonctions de l’adjoint au maire avaient été réduites, car celui-ci n’aurait plus à assister à un certain nombre de réunions de comté. Le Rapport d’administration précise ceci :

Le poste d’adjoint au maire pour le Canton est fondamentalement et [sic] un poste de « maire suppléant ». L’adjoint au maire remplace le maire en son absence et préside des réunions, assiste à des événements, etc. À la suite de la réduction des responsabilités supplémentaires de l’adjoint au maire, le règlement de rémunération proposé ne prévoit pas de supplément de rémunération pour ce poste.

 
18    La réunion du 12 janvier était une réunion ordinaire du Conseil, qui a commencé à 19 h. Tous les membres du Conseil étaient présents, de même que l’AC, la secrétaire, la secrétaire adjointe, un membre du personnel des ressources humaines et le directeur des travaux publics.
 
19    Selon l’ordre du jour, les sujets de discussion seraient le rapport du personnel sur la rémunération du Conseil, la nomination de l’adjoint au maire et le nouveau règlement de rémunération.
 
20    Nous avons été informés que, lors de cette réunion, les membres du Conseil avaient examiné le rapport du personnel sur la rémunération et avaient discuté du poste d’adjoint au maire. Ils s’étaient mis d’accord pour que ce poste soit assuré par roulement et ils ont désigné le conseiller Jeff Lackie au poste d'adjoint au maire. Le conseiller Lackie s’est alors retiré des discussions sur la rémunération.
 
21    Le conseiller John Paul Jackson a proposé de faire examiner le sujet de la rémunération par un comité composé de quatre conseillers, qui feraient savoir si le poste d'adjoint au maire comportait une charge de travail supplémentaire qui justifiait une rétribution complémentaire.
 
22    La conseillère Gerry Last a répondu que le Conseil avait déjà examiné la question en privé. Le conseiller Jackson a rétorqué qu’il n’avait pas fait partie de cette discussion.
 
23    Nous avons été avisés que le Conseil avait voté pour prendre acte du rapport du personnel, adopter une résolution désignant le conseiller Lackie au poste d’adjoint au maire et adopter le règlement de rémunération qui ne prévoyait pas de supplément de rétribution pour le poste d’adjoint au maire.

 

Procédure du Conseil

24    Conformément au Règlement de procédure du Canton (13-022), la réunion d’inauguration du Conseil nouvellement élu doit avoir lieu le premier lundi après une élection. Les réunions ordinaires du Conseil ont lieu les deuxième et quatrième lundis de chaque mois, sauf en cas de congés et vacances ou d'événements majeurs.
 
25    Bien que la Loi ne précise pas la forme que doivent prendre les avis de réunion communiqués au public, elle stipule que toutes les municipalités doivent adopter un règlement de procédure indiquant qu’elles sont tenues d’aviser le public de leurs réunions. Le Règlement du Canton de Leeds et les Mille-Îles stipule que des avis et des ordres du jour des réunions doivent être affichés sur le site Web du Canton.
 
26    Le Règlement de procédure du Canton prévoit aussi que des réunions peuvent se tenir à huis clos si le sujet à examiner a trait à l’une des exceptions énoncées au paragraphe 239 (2) de la Loi.
 
27    Conformément au Règlement, le Conseil doit adopter une résolution avant de se retirer à huis clos, indiquant qu’il va se retirer à huis clos et donnant la nature générale des questions à examiner.
 
 

Rencontres du 11 et du 17 novembre 2014

Rencontre du 11 novembre 2014

28    Le 3 novembre 2014, le maire élu a écrit aux cinq conseillers nouvellement élus et à un conseiller réélu, déclarant ceci :

« Nous n’avons pas encore été assermentés officiellement, si bien que toute réunion que nous tiendrons ne sera pas considérée comme une réunion du Conseil. C’est pourquoi j’aimerais proposer que nous coordonnions quelques séances en soirée pour former notre équipe, tenir des discussions, et prendre un bon départ. »


29    Le 11 novembre 2014, le nouveau maire et les nouveaux conseillers se sont réunis pour un dîner chez le conseiller nouvellement élu Jeff Lackie, de 18 h à 20 h environ. Étaient présents le maire élu Joe Baptista et cinq conseillers élus, John Paul Jackson, Gerry Last, Liz Huff, Vicki Leakey et Jeff Lackie. La famille du conseiller élu Lackie était aussi au domicile durant ce repas. Le conseiller réélu Harold Emmons n’a pas participé à la rencontre, car il avait d’autres projets pour la soirée.
 
30    Divers conseillers s’étaient fait une idée différente de l’objectif de cette rencontre. Certains croyaient que c’était simplement une rencontre conviviale, alors que d’autres avaient pensé profiter de l’occasion pour soulever certaines questions qu’ils souhaitaient voir abordées par le Conseil durant son prochain mandat.
 
31    Le conseiller Jackson a dit à notre Bureau que les réunions du Conseil sont restrictives et formelles, et il espérait donc que les conseillers élus pourraient discuter de certains sujets avant d’entrer en fonction et « arriver à un consensus » pour aller de l'avant.
 
32    Les conseillers nous ont dit qu’ils se souvenaient d'avoir discuté de plusieurs sujets : rétablissement de l’Ombudsman à titre d’enquêteur pour les réunions à huis clos, enregistrement vidéo des réunions, réparation du système audio, séance de formation prévue, et détails de la cérémonie d’assermentation.
 
33    La conseillère élue Huff a soulevé la question de la rémunération de l’adjoint au maire, qui a été discutée brièvement. Le conseiller Lackie s’est souvenu que d’autres l’avaient interrogé sur ses antécédents au Conseil, voulant savoir par exemple si le poste d’adjoint au maire comprenait des activités supplémentaires qui justifieraient un supplément de rémunération.
 
34    Le maire a dit à notre Bureau qu’il s’agissait d’une discussion de haut niveau, qui découlait de la récente réduction des responsabilités de l’adjoint au maire. Il a ajouté que quelqu’un avait proposé que le poste soit assuré à tour de rôle par des conseillers, et que quelqu’un d'autre avait suggéré d'éliminer le supplément de rémunération.
 
35    La conseillère Huff nous a dit que la conversation avait été courte et que le maire élu et les conseillers élus Lackie, Last et Leakey avaient généralement été d’accord pour éliminer le supplément de rémunération de l’adjoint au maire. Elle a précisé que le conseiller élu Jackson s’était fortement opposé à ce changement.
 
36    Les conseillers Jackson et Leakey nous ont dit qu’ils ne se souvenaient pas d’avoir discuté de la rémunération de l’adjoint au maire. Mais la conseillère Last nous a dit qu’elle se souvenait de la conversation, qui « n’avait pas eu grande importance » pour elle alors, n'y ayant « pas vraiment fait attention ».
 
37    Il n’y avait eu ni vote formel ni vote à main levée lors de cette rencontre. Personne n’a pris de notes.
 
38    En partant de la maison, les conseillers élus se sont entendus pour se rencontrer de nouveau le 17 novembre 2014. La conseillère Leakey s’est souvenue que la conversation avait porté sur le fait qu’ils ne seraient plus libres de parler sans être surveillés de près après l'assermentation du Conseil, si bien qu’ils voulaient se réunir pour s’assurer d’être prêts à agir collectivement et à prendre des décisions.
 
 

Rencontre du 17 novembre 2014

39    Le 17 novembre 2014, plusieurs conseillers élus se sont rencontrés au bureau du Canton, approximativement de 17 h 30 à 19 h. Étaient présents le maire élu et les conseillères élues Huff, Leakey et Last. Nous avons obtenu des renseignements contradictoires au sujet de l’éventuelle présence du conseiller élu Lackie et de celle du conseiller Emmons, mais la plupart des témoignages indiquaient qu’ils étaient présents. Le conseiller élu Jackson n’a pas participé à cette rencontre, car il était contrarié de l’absence de progrès lors de la discussion du 11 novembre.
 
40    D’après le maire et les conseillères Huff et Leakey, il n’a pas été question de la rémunération de l’adjoint au maire durant cette rencontre.
 
41    Il n’y a eu ni vote formel ni vote à main levée lors de la rencontre. Personne n’a pris de notes.
 
 

Analyse

42    La Loi de 2001 sur les municipalités définit ainsi une « réunion » : « réunion ordinaire, extraordinaire ou autre d’un conseil municipal, d’un conseil local ou d’un comité de l’un ou de l’autre »[1]. Cette définition est circulaire et ne s’avère pas particulièrement utile pour déterminer si une réunion a vraiment eu lieu.
 
43    Dans un rapport de 2008[2], à la lumière des objectifs sous-jacents des textes de loi sur les réunions publiques et de la jurisprudence pertinente, j’ai élaboré une définition de travail pour « réunion », afin de faciliter l’interprétation de la définition donnée par la Loi :

Les membres du conseil (ou d’un comité) doivent se rassembler dans le but d’exercer le pouvoir ou l’autorité du conseil (ou d’un comité), ou dans le but de faire le travail préparatoire à l’exercice de ce pouvoir ou de cette autorité[3].


44    Cette définition concorde avec les principales interprétations des textes de loi sur les réunions publiques et renforce le droit qu’a le public d’observer le processus de travail du gouvernement municipal[4].
 
45    Les rencontres qui ont eu lieu dans le Canton de Leeds et les Mille-Îles rappellent le cas de la Ville de Kearney[5], où le maire et les conseillers nouvellement élus s’étaient rencontrés de manière informelle à deux reprises pour discuter des activités du Conseil. Les discussions avaient notamment porté sur l’établissement des priorités pour le prochain mandat du Conseil, les nominations à des comités, de possibles modifications du Règlement de procédure et des changements à la procédure de vote de la municipalité. Comme seules deux des personnes présentes étaient des conseillers déjà en fonction, je n’ai pas pu conclure que ces rencontres constituaient une infraction aux exigences des réunions publiques. En revanche, les discussions avaient contribué à faire un travail préparatoire en vue de futures prises de décision. Par conséquent, bien que n’étant pas une violation de la Loi au sens strict, ces rencontres semblaient incompatibles avec les principes de la transparence, de la responsabilisation et de l’ouverture qui sous-tendent les exigences des réunions publiques.
 
46    Comme à Kearney, il n’y a pas eu quorum du Conseil lors de ces deux rencontres du Conseil de Leeds et les Mille-Îles, car les conseillers n’avaient pas encore été assermentés. En revanche, les conseillers élus de Leeds et les Mille-Îles ont discuté de questions précises qu’ils avaient l’intention de continuer à traiter durant le prochain mandat du Conseil. Certes, aucune décision n’a été prise lors de ces deux rencontres, mais les conseillers élus ont fait un travail préparatoire à de futures prises de décision du Conseil en déterminant des questions à suivre et en tentant d'arriver à un consensus sur ce point.
 
47    Certes, les exigences des réunions publiques n’interdisent aucunement aux conseillers d’avoir des rencontres conviviales ou de tenir des discussions informelles mais, dans ce cas, les discussions n’ont pas été purement conviviales, car elles avaient pour objectif d’échanger et de parvenir à un consensus quant aux affaires de la municipalité.
 
 

Discussions par courriel du 27 octobre au 1er décembre 2014

48    Après l’élection du 27 octobre 2014, mais avant d’entrer en fonction le 1er décembre 2014, les conseillers élus du Canton de Leeds et les Mille-Îles ont commencé à échanger des courriels sur leur vision et leurs priorités pour leur futur mandat. Certains ont alors inclus des « listes de souhaits » pour des questions qu’ils souhaitaient voir examinées par le Conseil.
 
49    La « liste de souhaits » d’un conseiller élu comprenait un point sur le supplément de rémunération de l’adjoint au maire et disait ceci : « Fonctions de l’adjoint au maire – attentes, éliminer le “supplément” de paie?, roulement ». Un autre conseiller élu a répondu par courriel disant qu’il n’était pas en faveur de l’élimination du supplément de rémunération pour le poste d’adjoint au maire.
 
50    Le 27 novembre, le conseiller élu Jackson a envoyé un courriel aux autres conseillers élus, à l’AC et aux autres membres du personnel proposant de discuter du règlement sur la rémunération du maire et des conseillers, qui devait arriver à expiration à la fin de 2014. Ce courriel portait ce titre : « Objet : Le sujet épineux ». Le conseiller élu Jackson a écrit qu’ils devraient examiner la question avant leur assermentation, pour pouvoir en parler de manière informelle. Il a suggéré de former un comité chargé d'examiner les niveaux de rémunération dans des municipalités similaires des environs et il a ajouté qu’il espérait que le Conseil n’opterait pas pour une augmentation supérieure à l'indemnité de vie chère (IVC).
 
51    La conseillère élue Leakey a répondu qu’à son avis, la rémunération devrait rester inchangée et être examinée à la fin du mandat du Conseil, mais elle a précisé que les augmentations d’IVC et le remboursement des frais de déplacement étaient chose normale. Le conseiller élu Jackson a répondu que le Conseil devrait régler cette question sans tarder, car le règlement sur la rémunération allait prendre fin.
 
52    Le conseiller élu Lackie a écrit, disant qu’à son avis, le personnel était au courant du problème et proposerait des options au Conseil. Le conseiller élu Jackson a répondu que le personnel donnerait uniquement des renseignements, et qu’il appartenait au Conseil de décider comment orienter le personnel, qui apporterait les changements voulus au règlement. Il a précisé que l’objectif de son courriel était « d’offrir informellement notre contribution au personnel ».
 
53    La secrétaire a répondu que le Conseil pourrait adopter une résolution enjoignant au personnel de payer le Conseil conformément à l’ancien règlement, puis pourrait demander au personnel de préparer un nouveau règlement sur la rémunération, pour « le maire et les conseillers, sans allocation distincte pour le poste d’adjoint au maire », en vue d’un examen futur lors d’une réunion du Conseil.
 
54    La conseillère élue Huff a écrit qu’à son avis, le Conseil devrait confirmer qu’il souhaitait que le trésorier fasse une augmentation d’IVC durant chacune des quatre prochaines années, et qu’il ne devrait pas y avoir d’autres discussions ou consultations. Voici ce qu’elle a écrit :

Je suis aussi d’accord pour éliminer le supplément du poste d’adjoint au maire, car je crois que nous devrions assurer ce rôle par roulement et car il n’y a pas de supplément de coûts majeurs liés à ce poste qui ne sont pas couverts par la politique actuelle…

 
55    Le 1er décembre 2014, le Conseil a été assermenté durant une cérémonie qui s’est déroulée de 11 h à 13 h.
 
56    Après la cérémonie d’assermentation, l’AC a écrit aux conseillers pour leur dire que la question de la rémunération serait inscrite à l’ordre du jour de la réunion du Conseil le 8 décembre, et que les membres du Conseil décideraient alors de la rémunération pour le rôle de l’adjoint au maire. Elle a dit que le Conseil devrait adopter une résolution indiquant les changements qu’il souhaitait apporter. Le personnel apporterait alors ces changements au règlement et soumettrait le règlement modifié au Conseil le 12 janvier, en vue d’une approbation. Elle a souligné que les directives du Conseil devraient être données par une résolution officielle adoptée durant une réunion du Conseil.
 
57    La conseillère Leakey a répondu en offrant son opinion sur la rémunération et a recommandé que le Conseil fasse un examen complet de la question durant sa première réunion.
 
58    L’AC a répondu ceci :

« Vous êtes d’accord pour les augmentations d’IVC et pour que les changements à la rémunération de l’adjoint au maire traduisent une réduction semblable à celle du reste des conseillers [sic]… Par conséquent, la résolution du 8 demandera au personnel de payer le Conseil le 1er janvier en fonction de la rémunération existante et enjoindra au Conseil de demander au personnel de modifier la rémunération de l'AM. »


 

Analyse

59    Une réunion du Conseil n’est pas forcément une rencontre physique de ses membres. En fait, une réunion peut se produire chaque fois que le Conseil exerce son autorité, notamment par courriel.
 
60    Lors d’une enquête d’avril 2008, j’ai voulu déterminer si des appels téléphoniques individuels et séquentiels entre le maire et des conseillers du Canton de Nipissing pouvaient être considérés comme une « réunion » aux fins des exigences des réunions publiques[6]. Dans ce cas, le maire avait convoqué une réunion extraordinaire du Conseil et avait téléphoné à chacun des conseillers, l’un après l’autre. Il n’y avait jamais eu quorum du Conseil dans une même pièce, ni au téléphone, durant ces conversations. Par contre, grâce à ces appels, le Conseil était parvenu à un consensus collectivement pour approuver un supplément de fonds relativement à l’achat d’un véhicule de lutte contre les incendies.
 
61    Durant cet examen, j’ai fait cette observation :

Ce n’est pas forcément la forme d’une réunion, mais sa teneur qui devrait être déterminante. D’après moi, une réunion de conseil municipal n’est pas strictement un rassemblement physique de ses membres. Une suite d’appels téléphoniques passés auprès des membres du conseil pour exercer le pouvoir ou l’autorité du conseil, ou pour faire le travail préparatoire afin d’exercer ce pouvoir ou cette autorité, peut constituer une réunion…[7]

 
62    De même, une série de courriels échangés entre les membres du Conseil pour exercer son pouvoir ou son autorité, ou pour faire le travail préparatoire nécessaire à l’exercice de ce pouvoir ou de cette autorité, peut aussi constituer une réunion aux fins des exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi.
 
63    La Loi n’interdit aucunement aux membres du Conseil de se rencontrer officieusement en dehors de la salle du Conseil, soit en personne, soit par courriel. Toutefois, quand un groupe composé de membres du Conseil se réunit de manière informelle, le risque s’accroît qu’intentionnellement ou non, ceux-ci obtiennent des renseignements ou entament des discussions permettant de faire un travail préparatoire à l’exercice de leur pouvoir et de leur autorité.
 
64    Les conseillers élus ont fait un travail préparatoire à une prise de décision concernant la rémunération de l’adjoint au maire lors de leurs échanges de courriels, avant d'entamer leur mandat. Le courriel de l’AC daté du 1er décembre indique qu’avant la cérémonie d’assermentation, les conseillers élus se sont entendus pour réduire la rémunération de l’adjoint au maire, à égalité avec celle des autres conseillers. Ce changement a été instauré par le règlement sur la rémunération adopté par le Conseil le 12 janvier 2015.
 
65    Lors des échanges de courriels, le maire et cinq des six conseillers participants n’avaient pas encore été assermentés. Par conséquent, comme dans le cas de Kearney, je ne peux pas conclure à une infraction de la Loi au sens strict.
 
66    En revanche, ces discussions n’étaient pas simplement conviviales, de toute évidence. Si le Conseil avait déjà été assermenté, les discussions sur la rémunération du poste d’adjoint au maire et la décision de la modifier auraient dû se tenir en public, en vertu de l’article 239 de la Loi sur les municipalités.
 
67    Les discussions séquentielles qui ont eu lieu par des échanges de courriels sur la rémunération de l’adjoint au maire portaient sur un sujet dont tous les conseillers savaient qu’il serait examiné lors de l’une de leurs premières réunions du Conseil. Les conseillers ont aussi reconnu et savaient bien évidemment que ce type de discussions ne pourrait plus avoir lieu par courriel après leur assermentation. Ils ont décidé de tirer parti de la situation pour discuter sans plus tarder de la question. Bien que ceci ne constitue pas une infraction à la Loi au sens strict, les discussions étaient incompatibles avec ses principes sous-jacents d’ouverture et de transparence.
 
 

Opinion

68    Durant les discussions tenues en personne lors des rencontres du 11 novembre et du 17 novembre 2014, les conseillers élus ont parlé de questions particulières relevant des travaux du Conseil qu’ils souhaitaient examiner après leur assermentation.
 
69    Les discussions par des échanges de courriels sont allées plus loin. Les conseillers élus ont parlé d’éliminer le supplément de rémunération du poste d’adjoint au maire, si bien que l’AC du Canton croyait même qu’ils s’étaient entendus pour apporter ce changement avant leur entrée en fonction.
 
70    Ces rencontres et ces courriels ne constituaient pas des réunions illégales, car la majorité des membres du Conseil n’avaient pas encore été assermentés, et il n’y avait donc pas techniquement quorum du Conseil. En revanche, les discussions ont permis de faire un travail préparatoire à des décisions futures du Conseil. Par conséquent, elles étaient contraires à l’esprit des dispositions sur les réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités.
 
 

Recommandations

71    Je fais les recommandations suivantes pour aider le Conseil du Canton de Leeds et les Mille-Îles à améliorer ses pratiques de réunions publiques :
 

Recommandation 1

Tous les membres du Conseil du Canton de Leeds et les Mille-Îles devraient s’acquitter avec vigilance de leurs obligations individuelles et collectives pour garantir que le Conseil respecte ses engagements conformément à la Loi de 2001 sur les municipalités, de même que son propre Règlement de procédure.

 
Recommandation 2

Les membres du Conseil du Canton de Leeds et les Mille-Îles devraient éviter de faire tout travail préparatoire à l’exercice de leur pouvoir ou de leur autorité, par échanges de courriels ou lors de discussions informelles.



 

Rapport

72    Le personnel d’OMLET a parlé avec la secrétaire et le maire le 7 mai 2015, pour leur donner un aperçu de ces conclusions et leur offrir la possibilité de les commenter. Les commentaires du Canton ont été pris en considération dans la préparation de ce rapport.
 
73    Le maire et la secrétaire ont dit à mon Bureau qu’ils n’étaient pas d’accord quant à mes conclusions sur les échanges concernant le changement de rémunération du poste d’adjoint au maire, avant l’assermentation du Conseil. Le maire pense que les conseillers élus n’étaient pas parvenus à un consensus sur la question, et estime que le courriel de l’AC indique simplement que celle-ci comptait faire un rapport sur la question. Toutefois, mon examen des preuves, dont le courriel de l’AC tout particulièrement, mène à conclure que les conseillers élus étaient parvenus à un consensus sur la question, avant leur assermentation.
 
74    Le maire n’a pas été d’accord non plus avec mes conclusions indiquant que les conseillers élus avaient agi à l’encontre de l’esprit des règles des réunions publiques. Comme mentionné ci-dessus, la seule raison pour laquelle je n’ai pas conclu que le Conseil avait enfreint la Loi dans ce cas découlait d’un point de forme, à savoir que les membres du Conseil n’avaient pas encore été assermentés et qu’ils n'agissaient donc pas encore dans leur rôle officiel. En revanche, les actes du Conseil étaient clairement contraires à l’esprit et à l’intention des exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi.
 
75    Les recommandations présentées dans ce rapport ont pour but d’aider le Canton à améliorer ses pratiques de réunion et de garantir le respect des lois sur les réunions publiques, à l’avenir.
 
76    Mon rapport devrait être communiqué au Conseil et mis à la disposition du public au plus vite, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.
 

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André Marin
Ombudsman de l’Ontario

 

[1] Loi de 2001 sur les municipalités, L.O. 2001, chap. 25, par. 238 (1).
[2] Ombudsman de l’Ontario, Porte ouverte sur le scandale des billets du concert d’Elton John (25 avril 2008), en ligne.
[3] Ibid, par. 54-60.
[4] Cité de London Appelante c. RSJ Holdings Inc., [2007] 2 S.C.R. 588, 2007 CSC 29, par. 32; Southam Inc. v. Ottawa (City) (1991), 5 O.R. (3d) 726 (Ont. Div. Ct.), par. 12-18; Southam Inc. v. Hamilton- Wentworth Economic Development Committee (1988), 66 O.R. (2d) 213 (Ont. C.A.), par. 9-12.
[5] Enquête de l’Ombudsman, Ville de Kearney, 17 janvier 2011, en ligne.
[6] Ombudsman Ontario, Enquête sur la réunion spéciale du Conseil du Canton de Nipissing, en ligne.
[7] Ibid, par. 29-30.